30 décembre 2017

Le Coin de la conjoncture du 30 décembre 2017

Après 2017, aimerons-nous 2018 ?

L’accélération indéniable de l’activité, ces derniers mois, marque-t-elle le début d’un cycle de croissance forte ou durable ou, au contraire, la fin d’une période de faible reprise entamée après la récession de 2008 aux Etats-Unis ? L’économie mondiale est-elle capable de surmonter ces freins que constituent la baisse des gains de productivité ou le surendettement croissant des agents économiques. La forte progression des actions, en particulier, aux Etats-Unis peut-elle provoquer un krach ? Les incertitudes politiques et géopolitiques, en Espagne, en Corée du Nord, au Moyen-Orient peuvent-elles miner le moral au beau fixe des dirigeants d’entreprise et des consommateurs ?

Depuis la crise de 2008, jamais le contexte économique n’avait été aussi favorable. Toutes les grandes zones économiques sont en croissance. La Russie et le Brésil sont sortis de la récession. Les pays émergents et la Chine en premier lieu profitent de la santé retrouvée du commerce internationale. En Europe, la reprise de l’investissement permet d’espérer l’enclenchement d’un cycle d’expansion. Aux Etats-Unis, les investisseurs estiment que, avec l’adoption de la réforme fiscale, l’heure du retournement économique est renvoyée à plus tard.

Si l’optimisme est de mise, en revanche, nul ne s’attend à une accélération de la croissance. Celle-ci buterait sur des problèmes d’ordre structurel. Plusieurs grands Etats doivent faire face à une saturation de leurs capacités de production et au plein emploi.

Si la réforme fiscale aux Etats-Unis est censée favoriser l’activité, elle pourrait déboucher sur une surchauffe se traduisant par une accentuation du déséquilibre de la balance commerciale. Ironie de l’histoire, Donald Trump qui entend encourager la production américaine par des mesures protectionnistes, risque au contraire d’accroître les importations.

En 2018, de nombreuses incertitudes demeurent en matière de politiques monétaires des grandes zones économiques. L’année sera marquée par le changement de direction à la FED. Janet Yellen présidera sa dernière réunion les 30 et 31 janvier. Aucune décision n’est attendue à cette réunion. Son successeur, Jerome Powell, qui doit encore être confirmé par le Sénat, prendra la parole lors de la réunion suivante, les 20 et 21 mars. Sa nomination n’est pas le seul changement. En effet, Donald Trump a également désigné Randal Quarles et l’universitaire Marvin Goodfriend au conseil des gouverneurs qui compte sept sièges. Trois autres nominations sont attendues. Jamais un Président des Etats-Unis n’aura eu la possibilité de modifier la composition de la banque centrale en un laps de temps aussi court.

Lors de sa réunion du 14 décembre dernier, la FED a indiqué qu’elle poursuivra le processus de relèvement de ses taux directeurs. Néanmoins, elle devra prendre en compte les conséquences des diminutions d’impôt. Ces dernières contribueront à augmenter le déficit budgétaire, même si Donald Trump et son équipe sont convaincus qu’elles seront plus que compensées par les recettes issues du surcroît d’activité. Un relèvement trop important des taux serait coûteux pour les finances publiques américaines. En outre, il pèserait sur l’activité. La FED estime que l’accélération de la croissance serait de courte durée. En raison du plein emploi et des faibles augmentations de salaire, un plafonnement de l’activité n’est pas impossible (croissance de 2,5 % en 2018, de 2,1 % en 2019 et de 2,0 % en 2020). De nombreux experts considèrent, par ailleurs, que l’inflation restera modérée et qu’elle n’atteindra pas son objectif de 2 %.

La Banque Centrale Européenne a confirmé son intention de poursuivre ses achats nets d’actifs, à un rythme mensuel de 30 milliards d’euros, jusqu’à fin septembre 2018 ou au-delà, si nécessaire, et, en tout cas, jusqu’à ce qu’elle observe un ajustement durable de l’évolution de l’inflation conforme à son objectif. Elle ne modifiera pas ses taux directeurs durant toute l’année 2018. De ce fait l’écart des taux directeurs des banques centrales entre la zone euro et les Etats-Unis pourrait atteindre 2,25 points, ce qui est important et pourrait conduire à des transferts de capitaux.

Plus la période de taux bas s’allonge, plus la sensibilité du secteur financier à tout relèvement s’accroît. Ce dernier, pour être supportable, se devra d’être progressif et lent. La gestion de l’endettement sera donc au cœur des débats. En Europe et en France, en particulier, les autorités suivront au plus près l’évolution du crédit. Un appel à la vigilance a été lancé par la BCE et par l’INSEE.

Le crédit aux entreprises a augmenté depuis un an de près de 6 %. C’est trois points de plus que la moyenne de la zone euro. En 2016 et 2017, la France est responsable de la moitié de l’accélération du crédit aux entreprises de la zone euro (contre 32 % pour l’Allemagne). Pour les crédits aux ménages, la hausse française représente 47 % de la zone euro. La dette privée progresse deux fois plus vite que le PIB, ce qui à terme est une source évidente de déséquilibre. Selon le Haut Conseil de la Stabilité Financière (HCSF), l’encours total de dette des sociétés non financières s’élevait à environ 1 610 milliards d’euros au deuxième trimestre 2017, dont 1 010 milliards d’euros d’encours de crédit bancaire et 600 milliards d’euros de titres de dette. L’endettement des entreprises françaises non financières représentait ainsi 71,8 % du produit intérieur brut à la fin du deuxième trimestre, contre 69,2 % un an plus tôt, selon des statistiques de la Banque de France. Au sein de l’ensemble de la zone euro, ce ratio est passé de 66,1 % à 63,5 %. Le HCSF réfléchit à l’adoption d’une mesure permettant de limiter les expositions des banques systémiques aux grandes entreprises résidentes les plus endettées à 5 % de leurs fonds propres. Le plan s’appliquerait à environ une dizaine de très grandes entreprises sur un total de 250, selon des responsables. Il nécessiterait l’accord des autorités européennes et des mesures réciproques de la part des autres pays afin de protéger les banques étrangères. La Belgique a déjà pris des dispositions d’une nature semblable.

Le HCSF a également attiré l’attention des banques françaises sur la question de la tarification et de la rentabilité des prêts immobiliers. Il a également appelé à la prudence les investisseurs sur les marchés d’actions « dans un environnement de marché caractérisé par une très faible volatilité, une liquidité abondante et une compression des primes de risque » rendant « les marchés sensibles à un ajustement brutal des prix ».

En France, après une belle fin d’année, une moindre croissance est attendue au 1er trimestre du fait d’une légère augmentation des prélèvements et d’un ralentissement de la croissance du crédit. L’amélioration du pouvoir d’achat devrait se faire ressentir au cours du 2e semestre. La réduction du nombre de demandeurs d’emploi devrait, en revanche, accroître la consommation. La demande extérieure adressée à la France est attendue en hausse du fait de l’amélioration de la conjoncture au sein de tous les pays européens à l’exception du Royaume-Uni.

L’année 2018 sera marquée par la négociation du Brexit et sera donc capitale pour l’avenir économique du Royaume-Uni. Compte tenu des difficultés de l’actuel gouvernement, un passage devant les électeurs de manière anticipée n’est pas impossible. Il faudra également suivre les élections en Italie qui pourraient à défaut d’amener l’extrême gauche au pouvoir être une source d’instabilité. La Catalogne restera également au cœur de l’actualité.

Même si du fait du potentiel des gisements de pétrole de schiste, nul n’imagine des tensions sur le marché pétrolier. Les stocks restent encore élevés ; néanmoins, compte tenu de la faiblesse des investissements, ces dernières années, une augmentation des prix est attendue en fin d’année et pour 2019.

La grande majorité des instituts économiques parie sur le maintien de la croissance mais n’ose pas prédire une accélération. Les plus optimistes mettent en avant qu’elle pourrait s’accroître compte tenu du retard accumulé lors de la dernière décennie et en raison des gains de productivité que sont censés amener, un jour ou l’autre, le digital, le big data et les objets connectés ; rendez-vous en décembre 2018 !