30 janvier 2016

Le Coin de la Conjoncture du 30 janvier 2016

Un monde émergents-dépendant

Les places financières chinoises donnent le « la » depuis le milieu de l’été dernier même si leur poids demeure faible au regard des grandes places occidentales. Cette forte sensibilité aux mauvaises nouvelles chinoises témoigne du rôle que joue le pays au sein de l’économie mondiale. Deuxième économie, premier pays industriel, premier exportateur mondial, la Chine fait les prix de nombreuses  matières premières.

Au-delà de la Chine, il faut souligner que les pays émergents représentent désormais plus de 50 % du PIB mondial et qu’ils sont, à l’origine depuis une quinzaine d’années d’une grande partie de la croissance de l’économie mondiale. Le ralentissement de la Chine, les récessions du Brésil et de la Russie, les difficultés des pays producteurs de pétrole et des producteurs de matières premières pèsent lourdement sur la croissance mondiale d’autant plus que ces pays avaient jusqu’à maintenant des besoins en équipements importants.

Le ralentissement des pays émergents n’a pas qu’une seule cause. Certains pays émergents souffrent de goulots d’étranglement (distribution, transports, énergie, qualification des actifs…) et d’un déficit récurrent d’infrastructures publiques. D’autres sont victimes de l’augmentation des coûts salariaux qui pénalisent leur compétitivité, d’autres doivent faire face à la fonte des revenus tirés des matières premières ou de l’énergie…

Les flux de capitaux à destination des pays émergents se raréfient du fait des prévisions de croissance remettant en cause la rentabilité des investissements et des risques de dépréciation des monnaies. Cela vaut en premier lieu pour la Chine mais aussi pour les pays d’Amérique latine. La hausse des taux d’intérêt américains pourrait, à terme, fragiliser la situation des emprunteurs en dollars.

Une telle situation ne peut que conduire qu’à de forts mouvements financiers d’autant plus que le niveau de liquidité est très élevé du fait des politiques des banques centrales. La base monétaire mondiale est passée de 4 000 milliards de dollars à près de 20 000 milliards de 2002 à 2015. Les indices boursiers connaissent des fluctuations de 20 à 30 % depuis janvier 2014. L’indice « Shanghai A » a plus que doublé de janvier 2014 à juillet 2015 avant de perdre plus de la moitié de sa valeur. Les incertitudes sur l’ampleur du ralentissement chinois et sur la politique de ce pays génèrent des tensions évidentes. L’incapacité à anticiper le cours du pétrole à moyen terme constitue également un facteur déstabilisant pour les investisseurs. Enfin, la multiplication des actions des banques centrales sur la valeur des monnaies induit forcément des mouvements rapides de capitaux de la part des investisseurs qui souhaitent se protéger ou tirer profit des variations de change.

Investissements directs étrangers : avantage à l’Europe

Avec le rachat de l’aéroport de Toulouse par une entreprise chinoise, avec les acquisitions diverses et variées du Qatar, avec la vente d’Alstom à General Electric, la tentation est grande d’affirmer que les investisseurs étrangers rachètent des pans entiers de l’économie française ou européenne. Or, aujourd’hui, l’Union européenne possède un stock d’investissements dans le reste du monde bien supérieur à ce que celui-ci possède au sein des pays membres. En effet, l’Union européenne dispose d’un stock d’investissements dans le reste du monde de 5 749 milliards d’euros quand le stock détenu par le reste du monde ne s’élève qu’à 4 583 milliards d’euros. La position nette est donc positive pour l’Europe à hauteur de 1 166 milliards d’euros. Il faut néanmoins souligner que les investissements du reste du monde en Europe progressent plus vite que les investissements réalisés par l’Europe, +9,6 % contre +7,6 % en 2014 (source Eurostat). Les montants en jeu prouvent que les entreprises européennes participent au processus de mondialisation et que l’Europe reste une place attractive pour les investisseurs étrangers. Ces chiffres ne prennent pas en compte les investissements intra-européens qui sont également très importants.

Les Etats-Unis restent de loin le premier partenaire de l’Union européenne. Les investissements européens, dans ce pays, se montent à 1 935 milliards d’euros soit 35 % du stock global. Les investissements américains au sein de l’Union s’élèvent à 1 811 milliards d’euros soit 40 % du stock global. Il est à souligner que le stock d’investissements directs étrangers (IDE) européen est supérieur à celui des Américains. La Suisse arrive en deuxième position (632 milliards d’euros d’investissements détenus par les Européens et 509 milliards d’euros d’investissements suisses en Europe). Le Brésil arrive en troisième position pour les investisseurs européens, la Canada occupant le 4ème rang.

Les investissements européen en Chine atteignent 144 milliards d’euros et représentent 3 % du total du stock d’IDE auxquels il faut ajouter ceux réalisés à Hong Kong (106 milliards d’euros). En sens inverse, la Chine et Hong Kong détiennent un stock de 92 milliards d’euros au sein de l’Union européenne. Une fois de plus, le solde est très favorable à l’Europe.

Les pays arabes du Golfe possèdent un stock de 61 milliards d’euros d’investissements directs en Europe quand celui des pays membre de l’Union est de 52 milliards d’euros.

Recherche inflation désespérément

Les gouvernements, pour diminuer le poids de la dette, les banques centrales pour sortir des politiques monétaires non conventionnelles, les acteurs économiques… espèrent le retour de l’inflation, du moins d’une hausse des prix d’au moins de 2 %. Dire que durant des années, les Etats se battaient afin d’endiguer les tensions inflationnistes.

Aujourd’hui, la disparition de l’inflation est imputable à des facteurs conjoncturels comme la chute des prix du pétrole et des matières premières. Elle résulte également de facteurs plus structurels.

La faible inflation est liée à la faible croissance de l’économie mondiale. L’offre excède la demande. Cela se vérifie au niveau des biens industriels, au niveau de l’énergie et des matières premières et au niveau des travailleurs dans de nombreux pays.

En zone euro, les salaires stagnent voire reculent en raison du fort taux de chômage et des politiques de déflation salariale mises en œuvre pour améliorer la compétitivité des entreprises. Dans les années soixante et soixante-dix, les mouvements sociaux étaient nombreux et aboutissaient à des revalorisations salariales conséquentes. Les syndicats tiraient souvent leur légitimité de la Seconde Guerre Mondiale (résistance en France) et disposaient alors d’une capacité de négociation supérieure à celle d’aujourd’hui. Leur pouvoir se réduit avec le déclin de l’industrie, avec l’externalisation des activités, avec le recours aux prestataires de service. Les salaires qui progressaient en moyenne de 3 % au sein de la zone euro, n’augmentent plus que de 1 % depuis 2012. La baisse ou la très faible croissance du crédit tout comme le désendettement jouent également contre un retour de l’inflation. L’inflation sous-jacente n’est plus que de 1 % au sein de la zone euro en ce début d’année quand elle dépassait 2,5 % en 2002. L’aversion aux risques avec le maintien d’un fort taux d’épargne contribue également à ce climat déflationniste. Le vieillissement de la population mondiale est également un facteur à prendre en compte pour expliquer la modification des comportements et des anticipations.

Pour le moment, la politique de la BCE visant à relever l’inflation semble échouer. Près d’un an après la mise en place du Quantitative Easing, la BCE reporte son espoir d’atteindre la cible des 2 % à fin 2017.

La dépréciation de l’euro devrait conduire à une inflation importée or celle-ci est battue en brèche par la chute des cours du pétrole mais aussi par les pratiques tarifaires des pays émergents qui tentent de maintenir leurs parts de marché.

La hausse de la consommation demeure insuffisante pour générer de la croissance, la baisse rapide du chômage, des augmentations salariales…

Les effets richesses n’ont, en Europe, pas la même importance qu’aux Etats-Unis. Les ménages européens possèdent moins d’actions que leurs homologues américains. De ce fait, ils sont moins sensibles à la valorisation des cours des actions.

La baisse des taux d’intérêt n’a pas généré une forte hausse du crédit. Les incertitudes économiques et le faible taux d’utilisation des capacités de production freinent la reprise de l’investissement. Celui-ci peut être également pénalisé par la forte variabilité des actifs, un handicap pour un investisseur à long terme.

Durant des années il a été affirmé que les politiques monétaires des années 80 étaient venues à bout de l’inflation. Avec le recul, le processus de désinflation reposait peut être sur des fondements plus structurels et que son origine a été à tort imputé aux banques centrales. De fait, l’impuissance actuelle des banques centrales pourrait confirmer les thèses sur l’inefficacité des outils monétaires.