31 décembre 2016

Le Coin de la Conjoncture du 31 décembre 2016

Les politiques monétaires non-conventionnelles sont-elles aussi extraordinaires que cela ?

Avec les crises de 2008 et de 2011, les grandes banques centrales sont devenues des points d’ancrage pour l’économie mondiale. Du fait du surendettement des Etats, elles sont devenues les principaux acteurs du jeu économique. Elles ont été amenées à intervenir pour assurer le bon fonctionnement des marchés interbancaires, à lutter contre la déflation et, même si pour certaines d’entre-elles cela ne figurait pas dans leurs missions, de relancer l’économie en jouant sur les taux d’intérêt et les rachats d’obligations.

Les résultats des politiques monétaires non conventionnelles, qui le sont de moins en moins du fait qu’elles se sont généralisées, restent ambigus surtout en ce qui concerne l’Europe. La reprise économique reste modérée et est, en partie imputable à la baisse du prix du pétrole. Certes, les menaces déflationnistes se sont estompées, le crédit progresse et la crise des dettes souveraines s’est atténuée.

Les politiques non-conventionnelles ont permis de donner du temps aux Etats

Les Etats ont été les principaux gagnants. Les intérêts privés sur la dette publique, pour l’ensemble de la zone euro, sont passés de 3,4 à 2,2 % du PIB de 2002 à 2016. Sur la même période, les intérêts bruts reçus par les ménages sont passés de 3,2 à 1 % du PIB. En prenant en compte les intérêts versés au titre de leur dette, les ménages ne reçoivent plus que 0,5 % de PIB en 2016 d’intérêts contre 1,2 % en 2002.

La baisse des taux a été pratiquée afin d’alléger le poids des dettes et afin de relancer le crédit mais il ne faut pas oublier que toute variation des taux d’intérêt est un jeu à somme nulle entre les emprunteurs et les prêteurs. Les emprunteurs allègent la facture des remboursements quand les prêteurs enregistrent une perte de leurs revenus. Pour avoir alors un effet économique, la baisse des taux doit s’accompagner par une augmentation de la propension à consommer. En Europe et tout particulièrement en France, les ménages ont eu plutôt tendance à épargner davantage, ces dernières années, par effet de précaution et effet d’encaisse (les ménages épargnent plus pour compenser la baisse de rendement de leurs placements).

Une reprise du crédit très modérée

La politique des taux bas n’a pas, surtout en Europe, contribué à une relance du crédit. Sa progression au sein de la zone euro se situe depuis 2015 entre 1 et 2 %. Certes, il a été mis fin à sa contraction. Les emprunteurs ont pu renégocier une partie de leurs crédits ce qui a amélioré leurs marges. En revanche, la relance de l’investissement demeure limitée en Europe.

Le principal levier économique du Quantitative Easing, le taux de change

Le Quantitative Easing avec les rachats d’actifs obligataires par les banques centrales conduit à une diminution du taux de change L’euro, depuis la crise de 2008, a perdu près de 30 % de sa valeur. Cela a amélioré les termes de l’échange et a profité aux pays fortement exportateurs comme l’Allemagne. Cette baisse du taux de change qui s’est accompagnée par une déflation salariale dans certains pays comme l’Espagne a permis un accroissement des exportations. Néanmoins, cette dépréciation du taux de change a eu comme limite la réduction de la demande adressée aux pays avancés. En effet, les pays producteurs d’énergie et de matières premières ont diminué leurs importations. Le ralentissement de l’économie chinoise a également freiné les échanges.

 Quel prix pour le pétrole en 2017 ?

L’année 2016 a été marquée par la fin du mouvement de baisse du cours du pétrole engagée en 2014. Un point bas à 27 dollars a été atteint au mois de février. Depuis, le baril est remonté progressivement au-delà des 50 aidé en cela par l’accord intervenu au mois de septembre au sein de l’OPEP, accord qui a été confirmé au mois de décembre avec à la clef le ralliement de plusieurs pays non OPEP à la réduction de la production.

Evolution du cours du baril en dollars

La baisse à 30 dollars le baril avait contribué à l’affaiblissement de la croissance des pays producteurs de manière plus marquée que prévu. Ces derniers en réduisant leurs flux d’importation ont pesé sur le commerce international et sur la croissance des pays avancés. Au niveau des marchés financiers, la baisse du cours du baril a entraîné celle des actions des entreprises pétrolières et des banques  qui ont investi dans ce secteur. Les bourses ont regagné le terrain perdu durant le premier semestre à partir du moment où les cours du pétrole se sont redressés.

Si, en cette fin d’année 2016, au niveau financier, la hausse du pétrole est plutôt saluée, qu’en sera-t-il en 2017 ?

Une hausse du pétrole diminue le pouvoir d’achat des ménages qui sont contraints soit de réduire leur consommation ou de puiser dans leur épargne. Il devrait donc en résulter une moindre progression de la demande intérieure ce qui pourrait amener un affaiblissement de la croissance. Ce scénario est retenu par les différents instituts de conjoncture qui ont revu à la baisse leurs prévisions de croissance pour les pays européens.

La question centrale est d’apprécier le potentiel de hausse du prix du pétrole. Le marché du pétrole se caractérise par une élasticité-prix très faible de la demande à court terme. Cela signifie que sur une courte période, une augmentation des prix ne se traduit pas un changement de comportement des acheteurs. Un relèvement du prix du baril de 10 % ne provoque qu’une diminution de la demande de 0,3 à 0,5 %. Une régulation de la production si elle est respectée aurait donc des effets réels et rapides sur le prix du baril. Néanmoins, les pays de l’OPEP et la Russie ne peuvent pas trop jouer sur les volumes. En effet, en cas de restrictions de production trop fortes, les prix augmenteraient fortement au point de rendre rentables les producteurs de pétrole offshore, de pétrole bitumineux, pétrole de schiste, etc. ce qu’ils gagneraient en prix, ils pourraient à terme le perdre en parts de marché. Les pays de l’OPEP doivent donc veiller à ce que les prix n’augmentent pas trop vite.

L’accord intervenu au sein de l’OPEP suppose que tous les pays membres aient un comportement responsable et qu’aucun ne joue le rôle de passager clandestin en produisant plus que son quota en pensant que les autres ne le feront pas. Cette situation pourrait se produire surtout en cas de demande faible. Les divisions au sein de l’OPEP ne sont pas à négliger. L’Irak, l’Iran, la Libye voire le Nigéria pourraient être tentés d’écouler du pétrole au-delà de leur quota de production afin de faire face à leurs besoins financiers.

Les ruptures au sein du cartel sont intervenues quand la demande était faible. Aujourd’hui, la demande de pétrole est redevenue forte ; le cartel s’est donc réformé mais l’équilibre demeure précaire. Certes de nombreux gisements américains ont été fermés et de nombreux investissements visant à améliorer la productivité des gisements ont été reportés, certes la demande en énergie continue d’augmenter d’autant plus que le Brésil sort de récession mais plusieurs facteurs pourraient contrecarrer la hausse du prix du baril. La baisse de la croissance des pays consommateurs pourrait se faire ressentir plus vite que prévu. La montée en puissance des énergies renouvelables ainsi que les efforts d’économie d’énergie pourraient peser sur la demande.

Quel serait le bon prix pour l’OPEP ?

Le prix du pétrole ne peut guère excéder 60 dollars le baril car au-delà il rentabilise les pétroles dits chers. A 60 dollars, les producteurs de pétrole de schiste peuvent revenir sur le marché mais pas ceux forant en zones difficiles ou utilisant des techniques complexes. A 90 dollars le baril, l’OPEP court de grands risques de perdre le contrôle du marché et du revenir à la case de départ de 2014 qui avait conduit à la guerre des tarifs.

Le marché, en 2017, aura besoin des producteurs américains pour être équilibré ce qui permet de supposer que le cours devrait donc se situer autour de 60 dollars. La demande augmentant aujourd’hui de plus de 1,2 million de barils/jour chaque année, et la production des autres formes de pétrole étant limitée par le recul de l’investissement en Exploration-Production, ceci rend nécessaire la hausse de la production de pétrole de schiste américain,

Coût marginal de production

 

  Prix du baril en dollars
Pétrole conventionnel 25
Pétrole russe 50
Offshore plateau 41
Offshore profond 52
Pétrole de schiste 60
Brut très lourd 86
Sables / bitumineux 70 à 115
Arctique 120

Source : Agence Internationale de l’Energie