6 mai 2016

Le coin de la conjoncture du 7 mai 2016 : de la Grèce, nouveaux temps, nouveaux impôts, l’Allemagne, roi du CO²

La Grèce, le retour…

La réunion de l’Eurogroupe à laquelle participent les ministres des finances de la zone euro du 9 mai est consacrée à l’évaluation du programme d’ajustement économique de la Grèce. Les participants devront décider la poursuite ou non des versements des prêts internationaux. La réunion initialement prévue le 28 avril a été reportée du fait des divergences entre le FMI, les représentants de la zone euro et la Grèce. Le FMI exige des mesures d’économies supplémentaires. Athènes demande la levée de toutes les hypothèques sur les versements afin de pouvoir mettre en place son plan de redressement. Une fois de plus le calendrier s’accélère car au mois de juillet, la Grèce devra rembourser 5 milliards d’euros essentiellement au FMI et à la BCE. Il s’agit de la plus importante échéance de l’année concernant des prêteurs internationaux.

Les représentants du FMI jugent, en l’état, impossible qu’en 2018 la Grèce puisse obtenir un excédent primaire budgétaire (avant paiement des intérêts de la dette) de 3,5 % du PIB. Ils réclament l’adoption d’un nouveau paquet de réformes structurelles que rejette le Gouvernement d’Alexis Tsipras. Ce dernier a proposé un mécanisme automatique de coupes de dépenses en cas de dérapage des finances publiques.

Pour montrer sa bonne volonté, le Parlement grec a prévu d’adopter durant le week-end du 7/8 mai une série de mesures d’économie et d’augmentation des prélèvements. Les dépenses de retraite qui représentent 17 % du PIB (14 % du PIB en France) seraient diminuées. Pour certains retraités, les pensions pourraient diminuer de 30 %.

Par ailleurs, l’imposition des moyens et des hauts revenus serait relevée. A partir de 3 300 euros de revenus mensuels, le taux d’imposition marginal passerait de 38 à 50 %. En outre, le taux de TVA pour l’hôtellerie serait relevé à 23 % contre 13 % actuellement. Face à ce plan, les syndicats ont appelé vendredi 6 et samedi 7 à la grève générale, la 4ème depuis l’arrivée au pouvoir de Syriza.

La Grèce devrait connaître en 2016 une nouvelle année de contraction de son PIB,   -0,3 % selon la Commission de Bruxelles mais un début d’amélioration se ferait jour. En 2017, un rebond est attendu avec un taux de croissance de 2,7 %. Le taux de chômage commencerait une très légère décrue en passant de 24,9 à 24,7 % en 2016. Le déficit public qui était de 7,2 % en 2015 ne serait plus que de 3,1 % du PIB cette année avant de revenir si tout se passe comme prévu à 1,7 % du PIB en 2017.

Nouvelle économie rime-t-elle avec nouveaux impôts ?

Les impôts ne sont que le reflet du niveau de développement économique et des activités humaines. Ainsi, afin de remplir les caisses de l’État, les responsables publics ont longtemps taxé le sel, indispensable à la conservation des aliments avant que ne soit inventé le réfrigérateur. A À défaut d’avoir des outils de contrôle suffisants, les pouvoirs publics, pour mesurer l’état de richesse des contribuables et donc mesurer leurs facultés contributives ont retenu des valeurs en relation avec les logements ou les terres détenus. C’est ainsi qu’est né l’impôt sur les portes et fenêtres. Il était supposé qu’un contribuable ayant de nombreuses portes et fenêtre disposait d’une grande maison et était donc, de ce fait, riche. Il en a résulté, dans les régions peuplées de contribuables portés à l’avarice, une réduction drastique du nombre de fenêtres et de portes.

Le développement du salariat s’accompagnant d’un salaire fixe, versé pour une durée déterminée de travail, a facilité la généralisation de l’impôt sur le revenu. La Sécurité sociale a également eu recours à cette assiette facile et en expansion que représente la masse salariale. La montée en puissance de la consommation a incité les pouvoirs publics à abandonner les vieilles taxes en cascade sur le chiffre d’affaires au profit de la TVA. Les consommateurs sont ainsi devenus des contribuables de première importance. En allant faire leurs courses le samedi dans les super et hypermarchés, ils font preuve de solidarité publique.

Le système de prélèvements actuels a prouvé son efficacité en arrivant sans coup férir à récupérer plus de 43 % du PIB. Néanmoins, il montre des signes évidents de faiblesse.

La mondialisation et le développement du digital sapent les assiettes des grands impôts et celles des prélèvements sociaux. La mondialisation des activités économiques facilite l’optimisation fiscale des grands groupes quand les plateformes collaboratives créent une zone grise au sein des Etats.

Uber, Airbnb, Abritel, Blabacar, ebay, leboncoin.fr multiplient les espaces de création de revenus pour les ménages. L’économie collaborative représentait, en 2014, 15 milliards de dollars et pourrait atteindre en 2025 plus de 355 milliards de dollars. En France, plus de 276 plateformes sont actives dont 80 % ont été créées depuis 2008. 75 % d’entre elles sont contrôlées par des investisseurs français. Ces plateformes opèrent sur 17 activités : la vente, la location, les échanges, le financement, les dons, le covoiturage, l’auto-partage, le partage de biens et de services, l’emploi, les achats groupés… Le chiffre d’affaires a été évalué à 2,5 milliards d’euros pour 2015. 13 000 emplois dépendraient de ce secteur. 5 % des Français tireraient 50 % de leurs revenus grâce à l’économie collaborative.

Ces plateformes posent plusieurs problèmes majeurs. Par leur effet disruptif, elles remettent en cause l’équilibre de secteurs d’activités traditionnels comme l’hôtellerie, le secteur des transports (taxis, trains), la location de voiture… La perte de chiffre d’affaires de ces secteurs provoque une baisse des recettes fiscales et des licenciements synonymes de surcoûts sociaux.

Ces plateformes si elles génèrent des bénéfices importants sont rarement imposées dans le pays de réalisation du chiffre d’affaire. Par ailleurs, les particuliers ayant recours à ce type de plateforme omettent fréquemment de déclarer les revenus issus des prestations réalisées. Le manque de moyens de la part de l’administration fiscale pour débusquer les revenus non déclarés et la faible remontée d’information en provenance des plateformes ont permis le développement d’une zone de non-droit.

Le principe de base en matière de fiscalité est que tout revenu doit être taxé. Une licence est admise pour les biens revendus d’occasion sous condition que cette activité ne soit pas professionnelle.

Le rapport du Conseil national du numérique a dans le cadre d’un rapport rendu public au mois de juin 2015 proposait que les prestations de service entre pairs provenant de plateformes collaboratives soient taxées au 1er euro. Cela concernerait par exemple les locations sur Airbnb

La vente d’usage, comme un trajet via Blablacar, serait fiscalisée si le prix de vente dépasse le coût d’usage. Ainsi, si pour le covoiturage, le prix de vente est supérieur aux coûts kilométriques, la différence serait imposable.

La vente de biens entre pairs serait imposable à partir du moment où le vendeur dégagerait un chiffre d’affaire supérieur à 2000 euros sur trois mois.

L’instauration d’un taux forfaitaire pour l’imposition des revenus issus des plateformes a été envisagée. Cette piste a été abandonnée au nom de l’égalité de traitement.

Le recours à des seuils est problématique car il risque de favoriser le développement de pratiques de dissimulation. Par ailleurs, l’imposition suppose une traçabilité complète des opérations ce qui est loin d’être le cas actuellement.

L’autre moyen serait d’obliger les plateformes opérant sur le territoire national d’y localiser leurs activités, d’y payer les impôts liés à leurs activités nationales et de déclarer les revenus de leurs adhérents. Elles pourraient être amenées à acquitter les impôts de leurs adhérents-clients ce qui sera d’autant plus logique que devrait s’e généraliser en 2018 la retenue à la source pour l’impôt sur le revenu.

Au cours de la discussion au Sénat du projet de loi numérique, des amendements sur la fiscalisation des revenus tirés des plateformes collaboratives ont été adoptés. Les sénateurs ont ainsi prévu d’autoriser les communes de plus de 200 000 habitants de rendre obligatoire l’enregistrement de locations ponctuelles réalisées par l’intermédiaire de sites Internet. Ils ont également adopté un amendement qui instaure une franchise de 5 000 euros sur les revenus réalisés par les particuliers du fait de leurs activités sur les plateformes collaboratives. Les revenus supérieurs à cette franchise seraient soumis au barème de l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux. Par ailleurs, les sociétés en charge des plateformes devront transmettre à l’administration fiscale toutes les données concernant leurs clients. Ces dernières devront aussi vérifier, pour celles qui interviennent dans le domaine des locations, que les utilisateurs ne louent pas plus de 120 jours par an leur résidence principale. Le Gouvernement a émis un avis défavorable à certains de ces amendements jugés anti-plateformes. Une commission mixte paritaire doit prochainement se réunir afin d’établir un texte commun à l’Assemblée nationale et au Sénat avant qu’il ne soit adopté de manière définitive.

Le développement des plateformes pose un problème de protection sociale. En effet, les activités concernées sont peu ou pas soumis aux cotisations sociales et n’ouvrent pas droit en tant que telles à une protection sociale. Certes, certains acteurs des plateformes collaboratives se déclarent comme autoentrepreneurs mais les droits de ces derniers restent assez limités surtout en ce qui concerne la retraite.

 L’Allemagne, le pays roi de l’énergie renouvelable et des émissions de CO²

Premier pays pour le nombre d’habitants, première puissance industrielle de l’Union, l’Allemagne est fort logiquement le premier émetteur de CO² mais son volume d’émission dépasse de loin son poids relatif au sein de l’Union. Le recours au charbon et au fioul pour la production de l’énergie électrique impacte fortement son bilan carbone. L’Allemagne est, en effet, responsable de 23 % des émissions de CO² provenant de la consommation d’énergie de l’Union européenne quand son poids démographique est de 16 % et son poids économique de 23 % (mesuré en fonction du PIB). De son côté, la France n’est responsable que de 9,9 % des émissions de CO² (pour 13 % de la population et 14 % du PIB de l’Union européenne). Chaque Allemand émet plus de 9 tonnes de CO² chaque année quand un Français en émet moins de 5 tonnes.

En Allemagne au niveau de la consommation d’énergie primaire, la part du renouvelable a été, en 2015, de 12,6 % soit un peu plus que le lignite (11,9 %). Le pétrole reste la première source d’énergie primaire (33,8 % de la consommation) précédant le gaz (21 %) et le charbon (12,7 %). L’énergie nucléaire continue de reculer mais fournit néanmoins, en 2015, 7,5 % de l’énergie primaire consommée (contre 8,1 % en 2014).

Le développement des énergies renouvelables se fait ressentir fortement pour la production d’électricité. 30 % de l’électricité sont issues des énergies renouvelables en 2015 (l’éolien a produit 13,3 % de l’électricité, la biomasse 6,8 %, le photovoltaïque 5,9 %, l’hydraulique 3,0 % et les déchets 0,9 %). En 2015, la production éolienne a connu une croissance de 50 % du fait de l’entrée en fonction de nouvelles installations et de conditions météorologiques favorables. L’objectif du Gouvernement est d’atteindre un taux de 35 % pour la part de l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables.

La montée en puissance rapide des énergies renouvelables n’est pas sans poser des problèmes aux gestionnaires des réseaux électriques en Allemagne. Ainsi, il y a des risques de saturation à certaine période de la journée et de l’année. La production électrique est de plus en plus duale en Allemagne. La part carbonée reste très importante et a tendance à augmenter avec la fermeture progressive des centrales nucléaires. Elle est de 56 %. Le charbon et le lignite sont à l’origine de 42 % de la production électrique quand le poids du nucléaire est de 14,1 %.

L’Allemagne est devenue une exportatrice d’énergie électrique importante. Dans les faits, elle consomme de l’énergie électrique propre et exporte son électricité produite à partir des combustibles fossiles. Le solde des échanges électriques a été positif de 61 Tétra Watt/heure en 2015 (en hausse de 20 % par rapport à 2014). Les trois principaux acheteurs sont l’Autriche, les Pays-Bas et la France.

La facture d’électricité des ménages et des entreprises industrielles non-exemptées du soutien aux énergies renouvelables est une des plus élevées d’Europe. Les prix de l’électricité sont, en moyenne, deux fois plus élevés qu’en France. Le coût du soutien au développement des énergies renouvelables a été multiplié par trois de 2010 à 2014. Ce coût devrait encore augmenter dans les prochaines années du fait des investissements à réaliser sur le réseau de transport et sur la nécessité de maintenir en réserve des unités de production.