7 novembre 2015

Le Coin de la Conjoncture du 7 novembre 2015

Et si nous étions à la veille d’un rebond de croissance

A force d’enregistrer des taux de croissance autour de zéro, nous avons perdus l’espoir en une reprise franche et massive. Les tenants de la diminution de la croissance potentielle considèrent que compte tenu de nos structures économiques, de la baisse des gains de productivité, il n’est pas possible, en l’état, de rapidement dépassé 2 %. Ce pessimisme ambiant est-il exagéré ? En effet, il y a plusieurs facteurs qui pourraient contribuer à une croissance forte d’ici la fin de l’année 2016.

Premièrement, l’investissement devrait connaître une progression dans les prochains mois or son effet multiplicateur est bien connu. Cette progression sera d’autant plus importante que le retard en matière d’investissement est élevé. L’âge moyen du capital et des équipements est de 33 trimestres au sein de la zone euro contre 29 trimestres avant la crise de 2008.

Deuxièmement, la consommation qui a été depuis plusieurs années comprimée devrait poursuivre sa progression grâce aux gains de pouvoir d’achat générés par la baisse du cours du pétrole. La diminution du chômage devrait également contribuer à l’augmentation des dépenses des ménages.

Troisièmement, la reprise dans les pays périphériques de la zone euro est plus forte que prévu, ce qui devrait dynamiser les échanges entre Etats membres.

Quatrièmement, les afflux d’immigrés devraient favoriser la croissance économique avec une augmentation des dépenses de consommation mais aussi d’équipement et de logement. L’immigration nette est passée de 0,1 % de la population totale de la zone euro en 2010 à 0,8 % en 2015. En Allemagne, cette immigration est une bouffée d’air ; en cette fin d’année 600 000 emplois étaient vacants contre 200 000 en 2005.

Cinquièmement, les entreprises européennes ont redressé leurs résultats. Les profits des entreprises de la zone euro sont au plus haut depuis 10 ans.

Dernièrement, la Banque Centrale Européenne entend maintenir voire renforcer sa politique monétaire accommodante dans les prochains mois.

La faiblesse des gains de productivité, les incertitudes pesant sur la Chine, l’Ukraine, le Moyen-Orient et sur les taux américains pourraient peser sur l’activité de la zone euro dans les prochains mois et contrecarrer les effets positifs des facteurs mentionnés ci-dessus.

Est-il urgent de remonter les taux ?

D’ici la fin de l’année, la Banque centrale américaine devrait remonter ses taux directeurs. Ce sera a priori ensuite au tour de la Banque centrale d’Angleterre. Mais, est-il urgent de remonter les taux et faut-il arrêter d’agir pour empêcher la remontée des taux longs ?

Aujourd’hui, rien ne pousse sur un plan macro-économique, les banques centrales à relever leurs taux. La croissance demeure faible et le sous-emploi demeure important au sein de nombreux Etats. Si le taux de chômage est au plus bas, avec un taux de 5 %, le taux d’activité de la population active reste relativement faible.

Le risque d’inflation au sein des pays avancés n’existe pas et bien au contraire la menace déflationniste est encore présente. Le retour de l’inflation dans la zone des 2 % n’est pas d’actualité en 2015. Les salaires progressent faiblement aux Etats-Unis et stagnent encore dans de nombreux pays européens. La faible progression des coûts salariaux unitaires provient de la perte de pouvoir de négociation des salariés.

De même, la menace d’un surendettement des acteurs est peu probable. La progression des crédits reste maîtrisée même insuffisante au vu des attentes des pouvoirs publics.

La création de bulles spéculatives sans être improbable n’est pas d’actualité. Logiquement, des taux faibles sont propices à la création de bulles sur les prix actifs or, même si les cours des actions ont fortement progressé depuis le début d’année, ils restent à des niveaux en phase avec les bénéfices et les perspectives de croissance. L’immobilier a baissé dans de nombreux pays et aucune tension n’est actuellement constatée.

Néanmoins, plusieurs raisons et pas des moindres poussent les banques centrales à relever leurs taux

Actuellement, en cas de survenue d’une nouvelle récession, les banques centrales sont nues ; elles ne pourraient pas utiliser l’arme des taux pour l’endiguer. La situation actuelle accroît la volatilité des prix des actifs du fait de l’excès de liquidité et de l’importance des flux de capitaux.

Par ailleurs, les faibles taux génèrent des distorsions entre le niveau des taux d’intérêt à long terme et le niveau de la rentabilité du capital, d’où des risques de suraccumulation de capital, de choix d’un levier d’endettement excessif, de distorsions dans les choix d’épargne. Aux Etats-Unis, les entreprises utilisent l’endettement pour racheter leurs actions. Par ailleurs, cette distorsion pourrait inciter les investisseurs  à se reporter vers les actifs risqués. Mais, au regard des niveaux d’endettement des Etats, toute action sur les taux dans un contexte de faibles inflation et de faible croissance est difficile à mettre en œuvre. Une augmentation du taux de l’OAT à 10 ans d’un point coûterait 10 milliards d’euros à l’Etat français.

Néanmoins, le maintien des taux bas semble s’imposer. Certes, la Banque Centrale Européenne qui est en charge de la régulation du système financier européen ne peut pas ignorer les effets de sa politique sur la situation des banques et des compagnies d’assurances. Des taux bas sur très longue période posent évidemment des problèmes à la fois de rémunération de l’épargne longue mais aussi sur les produits reposant sur des garanties de capital et exigeant des contreparties en fonds propres. Plus le plateau de taux bas sera important, plus la gestion de leur relèvement sera complexe à conduire.

Actuellement, les banques centrales ont avant tout comme priorités des objectifs macro-économiques. Elles se détournent des indicateurs micro-économiques qu’elles suivaient (inflation, endettement, prix des actifs). A un moment où un autre, elles seront obligées de revenir à leurs fondamentaux.