Le Coin de la Conjoncture du 8 octobre 2016 – Prévisions du FMI – jeunes – PME
Le FMI entre doutes et espoirs
Dans le cadre de ses « Perspectives de l’économie mondiale » du mois d’octobre, le FMI a révisé ses prévisions à la baisse. Le taux de croissance de l’économie mondiale ne devrait être que de 3,1 % en 2016 et de 3,4 % en 2017 en baisse de 0,1 point par rapport aux prévisions du mois d’avril. Pour revoir ses projections, l’organisation internationale a pris en compte le fait que, sur le premier semestre, en rythme annuel, le taux de croissance n’a pas réussi à franchir la barre des 3 % (2,9 %). Le FMI justifie également sa correction par la dégradation des perspectives de croissance des pays avancés du fait notamment du vote du 23 juin sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne et par une croissance plus faible des États-Unis. Il s’inquiète du fait que la croissance notamment des pays avancés s’étiole et manque cruellement de ressort. La crainte majeure des économistes du FMI est une diffusion du protectionnisme et des politiques non coopératives à l’échelle internationale. Le Brexit est pris au sérieux et constitue un des marqueurs de cette tendance de repli qui se fait jour.
Croissance en demi-teinte, toujours au menu des pays avancés
Le FMI sans considérer que la reprise soit remise en cause a révisé à la baisse le taux de croissance pour 2016, des pays avancés, à 1,6 %. Pour 2017, elle table sur un taux de croissance de 1,7 %. Pour les États-Unis, la correction est assez forte, -0,8 point en 2016 et -0,3 point en 2017 par rapport aux prévisions du mois d’avril. Le taux de croissance serait respectivement de 1,6 % et de 1,8 % soit en nette décrue par rapport à la tendance de ces dernières années.
En ce qui concerne la zone euro, le FMI dégrade la France et l’Italie (par rapport aux prévisions de juillet) mais revoit à la hausse l’Allemagne. In fine, la croissance de la zone euro pourrait atteindre 1,7 % en 2016 et 1,5 % en 2007 (soit un gain de 0,2 point en 2016 et une perte de 0,1 point en 2017 par rapport aux prévisions de croissance du mois d’avril 2016). Pour la France, le FMI a réduit ses prévisions de 0,2 point en 2016 ramenant le taux de croissance à 1,3 % en-deçà du taux prévu par le Gouvernement (1,5 %). Pour 2017, il a, en revanche, réévalué le taux de 0,1 point à 1,3 %. Néanmoins, avec un tel taux de croissance, il sera difficile d’obtenir une véritable amélioration du taux de chômage.
Pour le Royaume-Uni, le FMI estime que la croissance sera de 1,8 % en 2016 et de 1,1 % en 2017 soit un retrait de respectivement de 0,1 et 1,1 point par rapport aux prévisions du mois d’avril. L’organisation internationale est assez inquiète sur les effets à terme de la sortie de l’Union Européenne.
Le Japon devrait continuer à stagner avec une croissance de 0,5 % en 2016 et de 0,6 % en 2017.
Sur le plan monétaire et financier, le FMI parie sur le maintien, pour les pays avancés, des taux d’intérêt bas durant une longue période compte tenu de l’ampleur des incertitudes. Il considère que le processus long de sortie du Royaume-Uni conduira à peser sur les taux. Le FMI s’inquiète de l’enkystement de la croissance des pays avancés. La faiblesse des gains de productivité s’accompagnant d’une faible inflation et d’un vieillissement incontournable de la population réduit la croissance potentielle. Le FMI mentionne que la période de faible inflation pourrait conduire à des changements d’anticipation pouvant provoquer à terme des hausses sensibles des taux d’intérêt.
Léger mieux pour les pays émergents
Pour les pays émergents et les pays en développement, la croissance devrait atteindre, en 2016, 4,2 % marquant une reprise après cinq années consécutives de ralentissement. Elle devrait représenter plus de trois quarts de la croissance mondiale prévue cette année. En 2017, la croissance pourrait s’élever à 4,6 %. Le FMI a réévalué la croissance de 0,1 point en 2016 ; pour 2017, il n’a opéré aucun changement.
Le FMI considère que la Chine devrait cesser de connaître une dégradation de sa situation économique grâce aux mesures de relance adoptées par les autorités. Le taux de croissance de la Chine serait de 6,6 % en 2016 et de 6,2 % en 2017. Le FMI considère néanmoins que la transition économique de la Chine pourrait être plus longue et plus difficile que prévu. Cela pourrait toucher assez durement les marchés des produits de base et de machines. Les plans d’achat des entreprises installées en Chine devraient être revus à la baisse. Le soutien monétaire de la croissance par la Chine s’accompagnant d’une ouverture accrue du crédit pourrait déboucher sur un ajustement assez important compte tenu de l’augmentation des risques liés à l’endettement.
Le FMI considère que la croissance devrait être vigoureuse en Inde et dans un grand nombre de pays d’Asie ; en revanche, elle devrait s’étioler en Afrique Subsaharienne. Pour l’Inde, la croissance devrait être de 7,6 % en 2016 tant qu’en 2017. L’Afrique subsaharienne qui a connu une croissance de 3,4 % en 2015 n’enregistrerait plus qu’un taux de 1,4 % cette année. Un rebond à 2,9 % est attendu l’année prochaine avec l’amélioration des cours des matières premières. Néanmoins, le FMI a fortement ajusté à la baisse les taux de croissance des pays africains.
La Russie après avoir connu un recul de son PIB de 3,8 % en 2015 devrait, encore cette année, subir les affres de la récession (contraction du PIB de 0,8 %). En 2017, le PIB devrait renouer avec la croissance avec une augmentation de 1,1 point. Le Brésil devrait suivre le même chemin. En 2016, la contraction serait encore violente (-3,3 %) mais en 2017, le taux de croissance pourrait être de 0,5 point.
De nombreux pays émergents et en développement rencontrent des problèmes en raison de la persistance de prix bas pour les matières premières ce qui réduit fortement leurs recettes d’exportation. Les prix des matières premières, hors combustibles, baisseraient de plus de 2,7 % cette année avant de connaître une hausse de près de 1 % en 2017. Pour le pétrole, la baisse serait de plus de 15 % en 2016 suivie d’une hausse de près de 18 % en 2017.
Quelques nuages noirs sur l’économie mondiale
Le FMI tire la sonnette d’alarme sur la multiplication des tentations protectionnistes. L’organisation internationale s’inquiète de l’affaiblissement du consensus autour des bienfaits de l’intégration économique internationale. Les craintes concernant l’impact de la concurrence étrangère sur les emplois et les salaires sur fond de faible croissance ont renforcé l’attrait des politiques protectionnistes. L’OCDE avait souligné, il y a quelques jours, l’augmentation rapide des mesures défavorables au commerce international prises par un grand nombre d’États depuis la Grande Récession de 2008/2009.
Le FMI note également que la vie politique de nombreux États est de plus en plus heurtée. Le Brésil, les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, l’Italie, voire à un degré moindre, l’Allemagne, sont confrontés à la montée en puissance de courants populistes. L’adoption de politiques de repli sur soi, préconisées par un nombre croissant de responsables, pourrait conduire à des mesures non coopératives et à des tensions internationales.
La diminution des gains de productivité aboutit à une exaspération croissante des populations face à une montée des inégalités. L’incertitude entourant l’évolution de ces tendances pourrait pousser les entreprises à remettre à plus tard leurs décisions d’investissement et d’embauche.
Parmi les dangers auxquels est confrontée l’économie mondiale, le FMI cible la dette élevée des entreprises des pays émergents avec une baisse notable de leur rentabilité et la fragilité des bilans bancaires.
Des réformes, de l’investissement et de la relance pour conjurer le mauvais sort
Pour 2017, le FMI veut croire à certains facteurs positifs comme l’augmentation possible des cours des produits de base, le relèvement des salaires aux États-Unis et la prise de conscience, de plus en plus partagée, par les dirigeants de la nécessité de combiner relance des dépenses d’équipements publics avec l’engagement de réformes structurelles.
À cette fin, le FMI demande aux pays avancés de mieux combiner politiques monétaires non conventionnelles et politiques budgétaires. Ces dernières devraient viser à mieux protéger les populations exposées aux mutations économiques. Le FMI, néanmoins, n’est pas pour le relâchement de la discipline budgétaire. Il insiste sur le fait que dans les pays qui sont confrontés à une hausse de la dette publique et des dépenses sociales, d’engager un assainissement afin de « créer un espace supplémentaire pour soutenir l’activité à court terme ». Il met l’accent sur la nécessité de privilégier les dépenses qui soutiennent le plus vigoureusement la demande et la croissance potentielle à long terme. L’organisation internationale demande une amélioration du taux d’activité et un accroissement de l’investissement dans la recherche.
Les pays en développement à faible revenu doivent reconstituer leurs amortisseurs budgétaires tout en maintenant les dépenses essentielles (biens d’équipement et dépenses sociales), renforcer leur gestion de la dette et mettre en œuvre des réformes structurelles, notamment dans l’éducation, qui favorisent la diversification de l’économie et un accroissement de la productivité.
L’Europe et la France battent les États-Unis en matière de PME
Dans le cadre d’un récent rapport sur « le panorama de l’entrepreneuriat », l’OCDE souligne que la croissance de l’économie mondiale dépend de plus en plus de la vitalité des PME. Par leurs capacités à intégrer rapidement les mutations technologiques, elles sont à même de favoriser une diffusion rapide du progrès technique. En revanche, leur manque de fonds propres, de réseaux et de points d’appui à l’international entrave leur développement. Contrairement à quelques idées reçues, l’OCDE démontre que l’Europe n’est pas un désert pour les start-up et qu’elles n’ont pas à rougir des résultats de leurs consœurs américaines.
L’Enquête sur l’avenir des entreprises qui couvre les petites entreprises ayant des comptes Facebook actifs dans 22 pays du monde entier, montre que dans presque tous les pays, la proportion de jeunes entreprises – créées dans les trois dernières années – a des taux de croissance plus élevés et des perspectives d’embauche plus importantes que la proportion correspondante d’entreprises bien établies – c’est-à-dire en place depuis plus de 10 ans.
L’OCDE confirme que la plupart des pays affichent encore des disparités entre hommes et femmes pour des facteurs clés de l’entrepreneuriat. 5,1 % des hommes âgés de 15 à 24 ans sont à leur compte, contre 3,6 % des femmes ; et chez les 55 ans et plus, ces proportions s’établissent à 29,2 % pour les hommes, contre 15,9 % pour les femmes.
Les taux tendanciels de création d’entreprise demeurent en dessous des niveaux antérieurs à la crise dans la plupart des économies de la zone OCDE. Néanmoins, la France affiche avec le Canada, la Norvège, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède, un taux de création supérieur à celui qui était en vigueur avant crise. En revanche, en 2015, le taux de faillite était inférieur à celui d’avant la crise en Afrique du Sud, en Allemagne, au Brésil, au Canada, aux États-Unis et au Japon.
Désormais, la croissance du nombre de PME dans la zone euro a dépassé celle observée aux États-Unis, mais l’inverse est vrai pour les grandes entreprises. Cette force a un inconvénient. En effet, comme les PME affichent le plus souvent une moindre productivité de la main-d’œuvre, cette différence est peut-être à l’origine de l’écart de croissance entre les deux zones économiques.
En général, les petites entreprises n’exportent que vers les marchés limitrophes. Les petites et microentreprises européennes, par exemple, représentent presque 20 % des échanges avec les pays voisins, mais à peine plus de 5 % des exportations vers la Chine ou les États-Unis. L’internationalisation des PME européennes est plus lente qu’aux États-Unis, peut être du fait que le marché européen est plus difficile à conquérir et qu’il exige une mobilisation importante de ressources (problème des langues et des réglementations malgré le marché unique).
Dans les secteurs à forte intensité de biens corporels, les PME sont très peu nombreuses à exporter. Ce constat est encore plus vrai dans les activités reposant sur le capital cognitif, comme le marketing et le design, ou dans d’autres créneaux spécialisés, pour lesquels le capital immatériel joue un plus grand rôle. Les politiques qui accompagnent les PME dans les secteurs et créneaux fondés sur la connaissance peuvent favoriser des réussites à l’exportation. Avec une orientation de plus en plus forte de l’économie vers les services, l’Europe se doit de mettre l’accent sur une plus grande mobilité des prestations intellectuelles.
Les jeunes en souffrance économique
40 millions de jeunes de 15 à 29 ans sortis du système éducatif sont, au sein de l’OCDE, sans emploi, soit 15 % de l’ensemble de ce groupe d’âge – et deux-tiers d’entre eux ne cherchent pas de travail. Jusqu’à 40 % des jeunes connaissent un épisode d’inactivité ou de chômage sur une période de quatre ans, mais pour la moitié d’entre eux, cet épisode dure au moins un an et peut entraîner découragement et exclusion. Par rapport aux générations précédentes, les jeunes de 30 ans ont une ou deux années de moins de cotisation à la retraite. Si ce retard peut être dû à l’allongement de la durée des études, il est également la conséquence de la difficulté à stabiliser leur situation professionnelle. Ce problème d’insertion dans le monde du travail est fortement pénalisant pour la croissance. S’il est admis que la progression de la productivité du facteur travail s’accroît entre 25 et 35 ans, tout retard sur l’entrée du marché du travail a un impact négatif sur l’activité. Par ailleurs, cette incapacité à intégrer les jeunes dans la vie professionnelle témoigne d’une mauvaise utilisation des ressources publiques pour les former. Cette inefficience est assimilable à un gaspillage. Le nombre élevé de jeunes déscolarisés et sans emploi représente donc un coût économique majeur évalué entre 360 et 605 milliards de dollars, soit de 0.9 % à 1.5 % du PIB de la zone OCDE.
Les jeunes qui arrêtent l’école à 16 ans avant d’avoir obtenu leur diplôme de fin du secondaire représentent plus de 30 % des jeunes déscolarisés et sans emploi. En outre, ceux qui sont nés à l’étranger ont en moyenne 1,5 fois plus de risque de tomber dans cette catégorie que les jeunes nés sur place – et 2 à 2,25 fois plus de risque en Allemagne, en Autriche, aux Pays-Bas et en Norvège.
Les jeunes femmes sont en moyenne 1,4 fois plus susceptibles que les jeunes hommes d’être déscolarisées et sans emploi. Nombre d’entre elles se retrouvent dans cette situation car elles doivent s’occuper de leurs jeunes enfants en raison de coûts de garde trop élevés pour occuper un emploi : aux États-Unis, en Irlande, au Royaume-Uni et en Nouvelle-Zélande, les frais de garde pour un parent isolé représentent entre un tiers et la moitié du revenu net.
Les jeunes sont également fortement touchés par les aléas de la conjoncture.Près d’un emploi sur dix occupé par un salarié de moins de 30 ans a été détruit pendant la crise. En Espagne, en Grèce et en Irlande, le nombre de jeunes salariés a été divisé par deux entre 2007 et 2014. Dans la zone OCDE, malgré la reprise, le taux d’emploi des jeunes stagne depuis 2010 et reste encore aujourd’hui inférieur à son niveau d’avant la crise.
L’OCDE juge indispensable de lutter contre l’abandon prématuré de la scolarité. Les gouvernements doivent s’assurer que les jeunes obtiennent au moins un diplôme de fin d’études secondaires afin d’avoir la possibilité de poursuivre des études ou d’acquérir des qualifications professionnelles. Malgré certains progrès, plus de 12 % des 25 à 34 ans vivant, en 2015, au sein des pays de l’OCDE n’ont pas terminé le deuxième cycle du secondaire.