27 janvier 2018

Le Coin de la Conjoncture

L’Europe à la recherche de la solution pour le digital

La révolution digitale est dominée par de grands groupes d’origine américaine, chinoise voire japonaise. L’Europe est en retrait sur les marchés des nouvelles techniques de l’information et de la communication. Cette sous-représentation serait imputable, en partie, à l’absence d’un marché domestique de taille suffisante. Cette situation pose la question de la poursuite de l’intégration européenne.

Actuellement, l’économie mondiale est dominée par quatre ensembles, la zone d’influence chinoise, la zone américaine, le Japon et l’Union européenne. Les trois premières régions sont dominées par un pays qui en constitue le cœur, la Chine avec 1,37 milliard d’habitants, les États-Unis avec 327 millions d’habitants et le Japon fort de 127 millions d’habitants. L’Union européenne à 27 (sans le Royaume-Uni) compte 443 millions d’habitants mais dont le marché unique reste imparfait malgré le travail effectué par Jacques Delors dans les années 80. Mesuré en parité de pouvoir d’achat, le poids économique en termes de PIB des États-Unis, de la Chine et de l’Union européenne est assez proche (respectivement 18 600, 21 500 et 17 500 milliards de dollars selon le FMI).

Dans plusieurs secteurs de pointe, l’Europe n’est pas présente. Pour les entreprises intervenant sur Internet, l’Union européenne ne classe aucune société parmi les 10 premières mondiales. Les cinq premières places sont occupées par des firmes américaines quand les suivantes reviennent à des Chinoises.

Pour la production de cellules solaires, dans les 10 premières sociétés, 6 sont chinoises. Les États-Unis, la Corée, Taïwan et le Brésil arrivent à en placer une. L’Asie accapare le classement des producteurs de batteries électriques (3 sociétés japonaises, 2 coréennes et 5 chinoises). Au niveau de l’automobile électrique, seul Renault se hisse parmi les premières sociétés mondiales mais loin derrière Tesla (26 000 voitures contre 57 000). L’Union européenne est mieux représentée dans le secteur des producteurs d’équipement éolien avec 4 représentants dans les 10 premiers (une firme danoise, deux firmes allemandes et une firme espagnole).

L’aéronautique figure comme une exception avec la présence d’Airbus qui fait jeu égal, depuis 15 ans, avec Boeing. En la matière, Airbus est une décision politique de coopération européenne et demeure pour le moment unique.

L’Europe dispose, hors technologies, de positions de force dans plusieurs secteurs : l’assurance, la banque, le bâtiment et le verre, l’énergie,…. De même dans les secteurs de la pharmacie et de la chimie, plusieurs groupes européens figurent dans les premiers mondiaux. Enfin, l’Europe reste bien représentée dans le luxe. L’Europe est mieux placée dans les anciens secteurs économiques que dans les nouveaux qui exigent au départ des capitaux. Les coûts marginaux décroissants nécessitent au préalable un vaste marché intérieur servant de base pour le déploiement à l’international.

À la différence de la Chine ou des États-Unis, l’Europe est pénalisée par l’absence de langue commune, voire d’une culture commune, ce qui freine l’essor de grandes compagnies digitales. En Europe continentale, le financement étant essentiellement bancaire il pénalise le développement des start-ups. Les banques sont plutôt réticentes à prêter à des jeunes entreprises en forte croissance compte tenu du niveau de risque. Le financement par le marché qui est la règle aux États-Unis serait plus en phase avec l’économie digitale. Néanmoins, le Royaume-Uni dont le financement des entreprises est assuré majoritairement par le marché et qui n’a pas le problème de la langue n’a pas été à l’origine de firmes à dimension internationale opérant sur le secteur digital. Au-delà des questions de fonds propres, le dimensionnement du marché domestique constitue un des facteurs expliquant le retard de l’Europe. La fragmentation du marché constitue un handicap majeur pour l’émergence de nouveaux acteurs. La capacité à être présent dans plusieurs États en même temps pour bénéficier d’un effet de masse est plus faible en Europe. Une firme chinoise ou américaine peut s’appuyer sur l’expérience acquise sur un marché de plusieurs centaines de millions de consommateurs avant de se lancer à la conquête de clients en-dehors des frontières nationales.

Le recours au régime juridique de société européenne devrait être facilité. Par ailleurs, les échanges entre grands centres d’enseignement supérieur européens devraient être renforcés pour faciliter l’émergence d’équipes multinationales. De même, la mise en place d’un marché de capitaux unifié, au moment même où celui-ci a une tendance à se segmenter est une autre priorité.

 

Le FMI révise à la hausse, Christine Lagarde défend les jeunes !

Le Fonds Monétaire International (FMI) reste positif en ce qui concerne ses prévisions de croissance. L’institution les a même révisées, une nouvelle fois à la hausse dans le cadre de son rapport de conjoncture du mois de janvier. Ainsi, selon ces dernières estimations, la production mondiale a progressé de 3,7 % en 2017, soit 0,1 point de plus que prévu à l’automne dernier et ½ point de plus qu’en 2016.

Les prévisions de croissance pour 2018 et 2019 ont été revues à la hausse de 0,2 point, à 3,9 %, en raison notamment d’une dynamique plus forte et des effets attendus des modifications de la politique fiscale américaine. Pour 120 États comptant pour les trois quarts du PIB mondial, la croissance était en progrès en 2017, soit le rebond le plus largement répandu dans le monde depuis 2010. L’affermissement de l’activité proviendra donc essentiellement des pays avancés dont la croissance est attendue à plus de 2 % en 2018 et en 2019.

La révision à la hausse des prévisions de croissance s’appuie sur le maintien de politiques monétaires accommodantes. Mais l’organisation internationale souligne les risques financiers que ces dernières génèrent avec une possible correction brutale des marchés financiers. Celle-ci pourrait provenir d’une augmentation plus rapide que prévu dans les pays avancés de l’inflation, ainsi que des taux d’intérêt, due à l’accélération de la demande. Le FMI met également en avant l’existence de risques géopolitiques et de tentations protectionnistes qui pourraient remettre en cause l’embellie actuelle.

Le FMI souligne la nécessité pour les États de poursuivre les réformes structurelles en veillant à réduire les inégalités et à favoriser une augmentation de la production potentielle. L’organisation internationale constate que de nombreuses capacités restent peu ou prou mal employées. Dans ces conditions, elle considère que les politiques monétaires doivent rester accommodantes. Concernant les politiques budgétaires, elle préconise qu’elles soient réorientées en faveur du moyen terme en privilégiant les dépenses structurantes.

Les États-Unis gagnants avant d’être perdants

Selon le FMI, la baisse des impôts sur les sociétés devrait avoir aux États-Unis des effets positifs jusqu’en 2020 avec un gain de croissance évalué à 1,2 point de PIB. Une demande intérieure plus vigoureuse est attendue avec, à la clef, une augmentation des importations et un déficit des transactions extérieures courantes plus important. La prévision de croissance a été rehaussée de 2,3 % à 2,7 % pour 2018 et de 1,9 % à 2,5 % pour 2019. Étant donné l’augmentation du déficit budgétaire, qui exigera un ajustement à terme, et la nature temporaire de certaines dispositions de la réforme, la croissance s’affaiblira après 2022, ce qui annulera en partie la progression enregistrée d’ici-là. La réaction de l’inflation à une augmentation de la demande intérieure serait modérée étant donné que les prix hors alimentation et énergie ont été, ces dernières années, peu sensibles aux variations des capacités inemployées. Par ailleurs, le rythme de relèvement des taux directeurs par la Banque centrale américaine serait un peu plus rapide que prévu permettant le cas échéant freiner l’inflation.

La zone euro reprend des couleurs

Les taux de croissance pour beaucoup de pays de la zone euro ont été révisés à la hausse, en particulier pour l’Allemagne, l’Italie et les Pays-Bas, en raison de l’amélioration de la demande intérieure et extérieure. En Espagne, la croissance, qui a été largement supérieure à son potentiel, a été révisée légèrement à la baisse, pour 2018, compte tenu des effets de la montée de l’incertitude politique sur la confiance et la demande.

Le reste de l’Europe et la Russie sont en progrès

Dans les pays émergents et en développement d’Europe, où la croissance en 2017 a dépassé 5 % selon les estimations actuelles, l’activité en 2018 et en 2019 devrait rester plus vigoureuse que prévu, portée par une croissance plus élevée en Pologne et en particulier en Turquie. Dans la Communauté des États indépendants, la croissance devrait rester supérieure à 2 % cette année et l’année prochaine, bénéficiant d’une légère révision à la hausse des perspectives de croissance pour la Russie en 2018.

L’Asie confirme son rang

La prévision de croissance pour 2018 et 2019 a été révisée à la hausse aussi pour d’autres pays avancés, en raison en particulier de l’accélération de la croissance dans les pays avancés d’Asie qui sont particulièrement sensibles aux perspectives du commerce et de l’investissement mondiaux. La prévision de croissance pour le Japon a été révisée à la hausse pour 2018 et 2019, du fait d’une révision à la hausse de la demande extérieure, de la loi de finances supplémentaire pour 2018 et du report d’une activité récente plus vigoureuse que prévu. La prévision globale de croissance pour les pays émergents et les pays en développement est inchangée pour 2018 et 2019, avec des différences marquées selon les régions. Les pays émergents et en développement d’Asie enregistreront une croissance voisine de 6,5 % sur la période 2018–19, soit un rythme plus ou moins identique à celui de 2017. La région continuera de représenter plus de la moitié de la croissance mondiale.

L’amélioration confirmée de l’Amérique latine

En Amérique latine, la reprise devrait s’affermir, avec une croissance de 1,9 % en 2018 (comme prévu à l’automne dernier) et de 2,6 % en 2019 (soit une révision à la hausse de 0,2 point). Cette évolution s’explique principalement par une amélioration des perspectives pour le Mexique, qui profite d’une augmentation de la demande américaine, une reprise plus ferme au Brésil et les effets favorables de la hausse des prix des produits de base et de l’assouplissement des conditions de financement sur certains pays exportateurs de produits de base. Ces révisions à la hausse font plus que compenser de nouvelles révisions à la baisse pour le Venezuela.

Dans la région du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord, de l’Afghanistan et du Pakistan, la croissance devrait aussi s’accélérer en 2018 et en 2019, mais elle reste modérée, aux alentours de 3,5 %. Si la hausse des prix du pétrole contribue à une reprise de la demande intérieure dans les pays exportateurs, notamment en Arabie Saoudite, l’ajustement budgétaire qui demeure nécessaire devrait peser sur les perspectives de croissance.

En Afrique subsaharienne, l’accélération de la croissance passera de 2,7 % en 2017 à 3,3 % 2018. Pour 2019, un taux de 3,5 % est attendu. Une amélioration est attendue au Nigéria avec le rebond des prix du pétrole. En revanche, du fait de l’accumulation des problèmes politiques en Afrique du Sud, la croissance de ce pays devrait s’éroder.

Les risques financiers toujours présents

Le FMI attire l’attention sur les conséquences d’un durcissement de la politique monétaire américaine qui pourrait aboutir à une appréciation rapide du dollar et des modifications substantielles des flux de capitaux. Les pays dont les besoins bruts de refinancement de la dette et les engagements en dollars non couverts sont élevés seraient particulièrement exposés à des difficultés financières. Une hausse des taux d’intérêt pourrait conduire à un recul de l’investissement aux États-Unis et pénaliser les pays fournisseurs de biens d’équipement. Par ailleurs, elle pourrait provoquer un mouvement de correction assez violent sur le cours des actions qui pourrait se propager à l’économie réelle. Le FMI s’inquiète de l’endettement croissant des entreprises non financières en particulier au sein des pays émergents. Il demande à ce que des mesures soient prises pour contenir cette dette qui peut être une source de fragilité financière en cas de retournement des taux. L’organisation mondiale indique que « les risques de crédit sur ces engagements peuvent être cachés tandis que la dynamique de croissance mondiale à moyen terme se maintient et que les besoins de financement restent faibles. L’absence de signaux d’alerte à court terme pourrait à son tour renforcer un comportement de recherche de rente et amplifier l’accumulation de la vulnérabilité financière à moyen terme ». Parmi les risques à suivre, le FMI mentionne, par ailleurs, les tentations protectionnistes qui ne pourraient que s’attiser avec l’augmentation des déséquilibres commerciaux.

Les jeunes, les grandes victimes de la crise de 2008

A Davos, Christine Lagarde a tenu à mettre l’accent sur la montée des inégalités et notamment celles dont sont victimes les jeunes générations. Ces dernières ont été les plus touchées par la crise de 2008 avec une forte progression du chômage et une régression de leurs revenus. Le ratio dette/actifs des jeunes est le plus élevé de toutes les classes d’âge. A ce sujet, la Présidente du FMI a déclaré « Les revenus des 18-24 ans ont baissé après 2007. Pourquoi ? Essentiellement à cause du chômage. Ils se sont globalement améliorés maintenant. Les revenus des personnes âgées de 65 ans et plus ont progressé depuis la crise. Pourquoi ? Parce que les retraites étaient mieux protégées. La jeunesse en Europe a amassé la plus importante dette par rapport à ses actifs de tous les groupes d’âge. Cela veut dire que de nombreux jeunes seront vulnérables aux prochains chocs financiers et reportent les investissements dans leur avenir ».

Pour Christine Lagarde, le chômage n’est pas le seul responsable de cette situation. La montée de l’économie « à la tâche » et l’augmentation des contrats de courte durée pèsent sur les revenus des jeunes. La multiplication des emplois à faible qualification, à temps partiel, ont conduit de nombreux jeunes à se situer au-dessus du seuil de pauvreté. Un certain nombre d’entre eux n’arrivent plus à accéder à des dispositifs suffisants de protection sociale. Le FMI souligne que plusieurs pays ont mené des politiques visant à faciliter l’intégration des jeunes. En Allemagne, les programmes d’apprentissage et de formation ont aidé les jeunes à rester sur le marché du travail. La réglementation flexible en matière d’emploi a permis aux jeunes de conserver leur emploi durant et après la crise. Les jeunes Allemands connaissent aujourd’hui le taux de chômage le plus faible de tous les pays de l’Union européenne. Au Portugal, les premiers emplois sont exonérés de cotisations de sécurité sociale pendant trois ans. Le FMI préconise une réduction des cotisations sociales et des impôts sur les bas salaires. L’inconvénient de cette politique est d’entraver la montée en compétences des bénéficiaires des allègements de charges sociales. Pratiquée de longue date en France, elle n’a guère donné de résultats. Le FMI conseille les États à investir dans l’éducation et la formation. Il souhaite également que les couvertures sociales s’adaptent afin de prendre en compte les difficultés auxquelles sont confrontés les jeunes. Le FMI réclame même un accroissement de l’imposition du patrimoine et notamment des droits de succession pour financer des programmes sociaux en faveur des jeunes qui font cruellement défaut.

 

Le climat économique en France, pas de réels nuages en vue

Même si les indicateurs relatifs au climat des affaires et à la confiance des consommateurs sont en léger repli, leur niveau reste élevé. Les baisses de janvier après un très bon mois de décembre ne semblent pas révéler un changement de tendance.

Début d’année un peu difficile pour les consommateurs

Au mois de janvier, selon l’INSEE, la confiance des ménages dans la situation économique diminue d’un point et atteint 104, soit un niveau supérieur à sa moyenne de long terme (100). Est-ce le mois de janvier pluvieux et peu ensoleillé ou les changements fiscaux du début de l’année avec l’augmentation de la CSG qui ont mis à mal le moral des Français ? En effet, en janvier, l’opinion des ménages sur leur situation financière future se dégrade légèrement avec une baisse de deux points de l’indice la mesurant. Cet indice reste au-dessous de sa moyenne de longue période. L’opinion des ménages sur leur situation financière passée est quant à elle quasi stable (+1 point). Le solde correspondant se maintient au-dessus de sa moyenne de long terme.

Effort d’épargne accru et peur du retour de l’inflation

La part des ménages estimant qu’il est opportun d’épargner augmente de 4 points quand bien même les ménages sont plus nombreux à considérer, en janvier, que leur capacité future d’épargne diminuera. Cette volonté d’accroître l’effort d’épargne peut s’expliquer par une crainte accrue en matière d’inflation. En janvier, les ménages sont, en effet, largement plus nombreux qu’en décembre à estimer que les prix vont augmenter au cours des douze prochains mois. Le solde correspondant gagne 16 points, et atteint son plus haut niveau depuis janvier 2014. Il se situe désormais nettement au-dessus de sa moyenne de long terme. Les ménages sont également plus nombreux qu’en décembre à estimer que les prix ont augmenté au cours des douze derniers mois. Le solde correspondant gagne 4 points, tout en demeurant nettement inférieur à sa moyenne de longue période.

Des chefs d’entreprise, toujours confiants dans l’avenir

Toujours pour le mois de janvier, selon l’INSEE, le climat des affaires fléchit un peu, après avoir atteint en décembre son plus haut depuis 10 ans. Calculé à partir des réponses des chefs d’entreprise des principaux secteurs d’activité marchande, l’indicateur qui le synthétise recule de deux points. À 110, il demeure néanmoins bien au-dessus de sa moyenne de longue période (100). Le climat des affaires perd cinq points dans le commerce de gros, deux points dans les services et un point dans le bâtiment. Il est stable dans le commerce de détail et gagne un point dans l’industrie. Il demeure nettement au-dessus de sa moyenne de longue période dans chaque secteur.

Pour l’emploi, le climat de l’emploi est stable. L’indicateur qui le synthétise se situe à 109 bien au-dessus de sa moyenne (100) et au plus haut depuis août 2011. La hausse des soldes sur les effectifs passés dans le commerce de détail et sur les effectifs prévus dans les services d’intérim est compensée par des baisses dans d’autres secteurs.

Par ailleurs, l’indicateur de retournement pour l’ensemble de l’économie demeure dans la zone indiquant un climat conjoncturel favorable, où il se situe depuis avril 2017.