24 juin 2023

Le Coin de l’Economie épargne – décarbonation – chômage

Pourquoi le taux de chômage est-il plus faible en Allemagne qu’en France ?

Depuis quinze ans, le taux de chômage est structurellement plus faible en Allemagne qu’en France. Au mois d’avril 2023, le taux de chômage était de 2,9 % en Allemagne et de 7 % en France soit un écart de quatre points. Il a été dans le passé proche encore plus important. Quelles sont les raisons de cet écart qui explique une grande partie des déficits publics français ? A-t-il vocation à se réduire dans les prochaines années ?

À l’exception de la période de 2003/2007, le taux de chômage observé est plus élevé en France qu’en Allemagne. L’écart maximum est atteint en 2015, près de 6 points (5,7). Après la crise financière de 2008, le taux de chômage, en France, a longtemps avoisiné les 10 % ne baissant réellement qu’après 2017 quand l’Allemagne a renoué avec le plein emploi dès 2017.

Une démographie plus favorable en Allemagne qu’en France en termes de chômage

L’Allemagne est entrée avant la France dans un processus de vieillissement démographique. La population active française a fortement augmenté jusque dans les années 2000 (plus de 120 000 par an). En Allemagne, pour faire face à la population active, le recours de l’immigration est devenu indispensable dans les années 2010. La population active française devrait se stabiliser voire décliner si le taux d’activité ne s’améliore pas.

Un recours moindre à l’apprentissage en France

Une des spécificités du marché de l’emploi allemand reposait sur l’importance de l’apprentissage. En 2003, 1,7 million d’apprentis étaient dénombrés en Allemagne, contre 300 000 en France. Depuis 2018, le nombre d’apprentis a fortement augmenté en France pour atteindre un million en 2022. Un mouvement inverse a été constaté en Allemagne, le nombre d’apprentis s’élevant, en 2022, à 1,2 million.

Le temps partiel fortement développé en Allemagne

  • Le moindre chômage, en Allemagne, s’explique également par une proportion plus importante d’emplois à temps partiel qu’en France, respectivement 28 % et 16 % de l’emploi total en 2022. En 1998, le poids de l’emploi partiel était équivalent en France et en Allemagne. Il représentait alors 17 % du total des emplois.

Un système de formation performant en Allemagne

La France souffre d’un problème d’adéquation en offre et demande de travail. La baisse du niveau de l’enseignement et le faible niveau de formation des actifs sont un handicap pour la France. Depuis 2003, l’Allemagne a réussi à relever le niveau de l’enseignement dans le secondaire. Elle peut s’appuyer sur un puissance système de formation professionnelle.

Une attractivité français en cours d’amélioration

Le poids des prélèvements pesant sur les revenus du capital ainsi que ceux sur la production ont dissuadé dans les années 2000 des entreprises étrangères de s’implanter en France. L’imposition des revenus du capital s’élevait à 45 % en France entre 2012 et 2018 quand elle ne dépassait 26 % en Allemagne. Les prélèvements ont, par ailleurs, encouragé les entreprises françaises à délocaliser d’autant plus qu’à la différence de l’Allemagne, leur positionnement était « gamme moyenne ».

Concurrencées directement par les pays émergents ou les pays d’Europe du Sud ou de l’est, les entreprises industrielles françaises ont été contraintes de fermer de nombreuses usines. La désindustrialisation a été forte en France. En vingt ans, le poids de l’industrie est passé de 14 % à 9 % de la valeur ajoutée quand il est resté relativement constant en Allemagne, autour de 20 %. L’incapacité à se positionner sur le haut de gamme, en particulier, dans l’automobile est due à un sous-investissement et à une qualification insuffisante du personnel.

Les réformes fiscales engagées 2018 ont réduit le montant des prélèvements sur les revenus du capital (introduction du prélèvement forfaitaire unique). Il y a une corrélation entre la baisse fiscale ainsi réalisée et la reprise de l’investissement. D’autres facteurs ont contribué à cette dernière comme les faibles taux d’intérêt entre 2016 et 2021.

Depuis 2018, hors période covid, l’emploi progresse plus vite en France qu’en Allemagne. L’emploi a progressé ces deux dernières années de 8 % en France, contre 2 % en Allemagne. Désormais sur ces vingt-cinq dernières années, l’emploi s’est accru de 30 % en France, contre 20 % en Allemagne. Pour autant, le chômage reste en France, plus élevé qu’en Allemagne avec un taux d’activité moindre. Les problèmes de formation et la faiblesse de l’emploi partiel expliquent en grande partie, le surcroît de chômage en France.

Un supplément d’épargne pourquoi faire ?

Depuis la crise covid, les ménages en Allemagne, en France, en Espagne ou en Italie épargnent plus qu’auparavant. Ce haut niveau d’épargne est imputable au caractère anxiogène de la situation économique et financière ainsi qu’au vieillissement démographique. Ce surcroît d’épargne finance-il l’investissement ou alimente-t-il la valorisation des éléments constitutifs du patrimoine (immobilier, actions, etc.) ?

Au premier trimestre 2023, le taux d’épargne des ménages s’élevait à 20 % du revenu disponible brut en Allemagne et à 18 % en France, trois points au-dessus de son niveau d’avant crise. En Espagne, le taux d’épargne était toujours au premier trimestre 2023 de 7,5 % contre 6 % avant crise. Les taux respectifs pour l’Italie était de 10 et 9,5 %. Dans ces deux derniers pays, les ménages ont, avec l’inflation fortement, réduit leur effort d’épargne qui avait atteint plus de 18 % entre 2020 et 2021. Ce phénomène n’est pas constaté en France et en Allemagne.

Ce supplément d’épargne peut être réinjecté directement dans l’économie via une augmentation de l’investissement des entreprises ou par la construction des logements. Il peut servir à financer l’acquisition de titres ou de biens immobiliers sur le marché secondaire. Il peut également être affecté à l’acquisition d’actifs à l’étranger. En fonction de ses usages, l’épargne peut être ainsi plus ou moins productive.

En France comme en Allemagne, l’investissement des ménages dans les logements tend à baisser depuis 2021. Il représente 6 % du PIB en 2022. Pour la France, ce taux est inférieur à celui des années 2004/2007. En Espagne ou en Italie, le taux d’investissement dans les logements est assez étale également atour de 6 %. A l’inverse, l’investissement brut des entreprises est en nette hausse en France comme en Allemagne. Le taux d’investissement est, de 2019 à 2022 passé de respectivement de 13 à 14 % du PIB et de 11 à 12 %. En Italie, le taux d’investissement est également orienté à la hausse passant sur cette même période 10 à 12 % quand il baisse de 13 à 12 %  en Espagne.

Jusqu’en 2022, le supplément d’épargne a, en France comme en Allemagne, alimenté la hausse des prix de l’immobilier sur le marché secondaire. En France, les prix ont progressé de 150 % en vingt ans avec une accélération à partir de 2016. En Allemagne, la progression a été de 100 % de 2002 à 2022 avec également une accélération entre 2027 et 2022. En Espagne, les prix sont étales depuis 2012 avec juste une petite augmentation à compter de 2017, ce pays ayant connu un krach immobilier entre 2008 et 2012 avec une baisse de plus de 40 % des prix. En Italie, les prix de l’immobilier sont relativement stables depuis une dizaine d’années.

Les cours boursiers augmentent fortement en Allemagne comme en France depuis 2016. La progression atteint 50 %. En Italie et en Espagne, en revanche, les indices boursiers sont étales. En Italie, l’indice actions était, fin 2022, de 20 % en-dessous de son niveau de 2002.

Une partie du supplément de l’épargne est affectée à l’acquisition de biens sur le marché secondaire et n’a donc pas d’effets réels sur la demande intérieure. Elle alimente la hausse des cours que ce soit dans l’immobilier ou sur le marché des actions. L’augmentation des taux d’intérêt a interrompu celle des prix des logements mais la correction est faible au regard de la hausse enregistrée ces dernières années. L’abondance de l’épargne et la pénurie de logements peuvent expliquer la résistance des prix. L’épargne est donc, en France, comme en Allemagne, insuffisamment engagée dans l’économie réelle, sous forme d’augmentation des fonds propres ou sous forme de prêts aux entreprises.

La bataille de la décarbonation est engagée

Les États-Unis, la zone euro et la Chine tout comme l’Inde se sont engagées dans un processus de décarbonation de leur économie. Celle-ci est désormais mise en avant comme un élément d’attractivité. Les différentes zones économiques multiplient les subventions pour attirer les investisseurs et mettent en avant leur exemplarité. La transition énergétique dont le coût financier est important pourrait être, à terme, un vecteur de création de richesses pour les États en pointe.

La décarbonation de l’industrie européenne apparaît plus rapide que celle de ses principaux concurrents. Les émissions de gaz à effet de serre sont, depuis 2018 (hors période covid)  en baisse dans l’Union européenne quand elles augmentent encore pour la Chine et l’Inde. Les États-Unis ont simplement réussi à stabiliser les leurs.

La part du nucléaire et des énergies renouvelables représente 30 % de la consommation totale au sein de l’Union européenne, contre 19 % aux États-Unis, 17 % en Chine et 10 % en Inde.

Cercle de l’Épargne – données AEI

L’Europe dispose d’un atout indéniable avec une production plus importante qu’ailleurs d’énergies propres. Cet atout peut favoriser l’installation d’usines dans les États membres de l’Union européenne. Les entreprises face à la pression de leurs actionnaires, des Organisations Non Gouvernementales, optent de plus en plus pour des plans de décarbonation.

Si l’Europe possède des atouts, les États-Unis ont réagi en subventionnant des projets industriels en lien avec la transition énergétique (Inflation Reduction Act). Avec le plan « Next Generation », la Commission de Bruxelles a également décidé de favoriser ce type d’investissement à l’échelle européenne et les États membres font de même, sur leur territoire, comme le prouvent les différents projets de construction d’usines de batteries.

L’Europe peut espérer décarboner plus rapidement que la Chine ou les États-Unis son économie et en faire une source d’attractivité pour les investissements d’origine étrangère. Depuis deux ans, ces derniers sont en hausse au sein de l’Union européenne. Les investissements industriels sont également en progrès ce qui devrait permettre dans les prochaines années une augmentation de la production industrielle. Celle-ci était déjà supérieure, fin 2022, de 5 % à son niveau de 2019. Elle a dépassé son niveau de 2007, niveau qu’elle n’avait pas dépassé depuis. L’emploi industriel dans l’Union, en baisse constante de 2007 à 2020, s’était alors contracté de  plus de 10 % sur l’intervalle. Il est en hausse de 2 % ces deux dernières années. il est à noter que la progression de l’emploi industriel avait commencé dès 2016 avant la crise sanitaire. La baisse des taux d’intérêt et la diminution des impôts de production en Europe avaient conduit à des créations d’emploi dans le secteur industriel.