17 juin 2022

Le Coin de l’Economie – gains de productivité – récession, France les dénis – inflation

Des gains de productivité, pour quoi faire ?

Les gains de productivité sont la clef de voûte de l’économie contemporaine. Ils sont la conséquence de l’amélioration de l’efficience des chaînes de production. Ces gains permettent d’améliorer le niveau des salaires, de diminuer le temps de travail, d’accroître les investissements, de baisser les prix de vente ou de mieux rémunérer les actionnaires. Face à une augmentation du prix des intrants (énergie, matières premières), les entreprises peuvent limiter sa répercussion sur les prix de vente de ses biens ou services finaux en réalisant des gains de productivité. L’importance et l’utilisation des gains de productivité diffèrent sensiblement au sein des pays occidentaux. Les États-Unis demeurent le pays le plus productif quand la France, l’Allemagne et le Japon sont, ces trente dernières années, en fin de peloton. Au niveau de la répartition, dans certains pays, les salariés ont bénéficié de la plus grande partie des gains de productivité soit sous forme d’augmentation de salaire, soit sous forme de réduction de temps de travail quand dans d’autres pays ce sont les actionnaires.

Les gains de productivité ont, en trente ans, progressé de 82 % aux États-Unis, de 45 % au Royaume-Uni et de 35 % en Allemagne, en France ou au Japon. La France se caractérise par le taux d’emploi le plus faible parmi les grands pays de l’OCDE entre 60 et 64 ans (34 % contre 52 % aux États-Unis, 60 % en Allemagne et 70 % au Japon). La durée annuelle du temps de travail est la plus faible en Allemagne et en France (moins de 1450 heures par an). Elle est la plus élevée aux États-Unis (1800 heures) suivis par le Royaume-Uni (1700) et le Japon (1600).

En France, le salaire réel a augmenté plus vite que la productivité lors de ces trente dernières années quand en Allemagne, le premier a progressé de 26 % et la seconde de 34 %. Au Japon, la productivité a augmenté de 22 % et le salaire réel de 8 %. Aux États-Unis, les chiffres respectifs sont 82 et 28 %. Au Royaume-Uni, salaire réel et productivité ont augmenté de concert (+48  %).

Les consommateurs ont bénéficié d’une partie de gains de productivité à travers une moindre augmentation des prix en Europe. Le marché aux États-Unis est moins concurrentiel qu’au sein des États membres de l’Union européenne conduisant à des comportements de rente de la part des entreprises.

Au niveau de l’affectation des gains de productivité, les Aux États-Unis ont, de 1990 2021, donné la priorité à la profitabilité des entreprises, les salaires n’ayant augmenté que de 30 % sur la période. Au Royaume-Uni, les gains de productivité ont permis la réduction de la durée annuelle du travail et l’augmentation du salaire réel (+50 %). Il en est de même en Allemagne. En France, ils ont permis le maintien d’un faible taux d’emploi pour les plus de 60 ans et une réduction du temps annuel de travail. Ils ont également contribué à l’augmentation du salaire réel. Au Japon, les gains ont été affectés à la profitabilité et à la réduction du temps annuel de travail.

Contrairement à certaines allégations, la répartition de la valeur ajoutée ne s’est pas réalisée ces dernières décennies, en France, au détriment des salariés.

Une partie des gains de productivité peut être issue d’externalités procurées par les investissements publics. Un tel lien pourrait justifier l’accroissement des dépenses publiques et des prélèvements. Il s’agirait alors pour les pouvoirs publics de compenser la faiblesse d’investissement du secteur privé et de générer des gains de productivité qui pourront être redistribués. Cela suppose que les choix d’investissement des pouvoirs publics répondent à des objectifs d’efficience.

Dans les faits, la corrélation entre dépenses publiques et productivité est difficile à établir. Les États-Unis qui sont le pays le plus productif se caractérisent par le faible poids des dépenses publiques. La France qui a le poids le plus élevé de dépenses publiques se situe dans la moyenne de l’OCDE pour la progression de la productivité. Il n’y a donc pas lien entre les dépenses publiques et productivité. Les dépenses publiques d’investissement élevées en Suède ou aux États-Unis s’accompagnent de forts de gains de productivité. L’Allemagne cumule gains de productivité médiocres et faibles dépenses publiques d’investissement. D’autres pays comme le Japon, le Canada ou la Grèce ont de fort taux d’investissements publics et de faibles gains de productivité. Le lien de causalité n’est pas évident à établir entre dépenses publiques d’investissement et productivité.

La lutte contre l’inflation, l’amélioration du pouvoir d’achat des ménages, le financement des dépenses publiques passent par la progression des gains de productivité de la part des entreprises, l’autre moyen étant l’augmentation du taux d’emploi ou du temps de travail. Ces dernières années, les gains de productivité ont décliné, en particulier en Europe et au Japon. La tertiarisation des activités peut expliquer en partie ce déclin mais aux États-Unis où un vaste mouvement de désindustrialisation a également eu lieu, ce phénomène n’a pas été constaté. Le développement du digital et une meilleure gestion des intrants pourraient amener de réels gains de productivité qui devront alors être répartis équitablement entre les différents acteurs économiques.

La France face à ses dénis économiques

Les dernières grandes politiques économiques structurantes datent, en France, d’une quarantaine d’années, avec notamment l’application de la politique de désinflation compétitive en 1983. Depuis deux décennies, les gouvernements ont privilégié une gestion au fil de l’eau. Le raccourcissement du mandat présidentiel de 7 à 5 ans et la dictature de l’immédiat imposée par les réseaux sociaux peuvent expliquer la difficulté de mettre en œuvre des réformes de structure. La fragmentation du pays est une autre explication même si celle-ci est plutôt une caractéristique au long cours de la France. De la Fronde en 1648 aux Gilets jaunes de 2018 en passant par la segmentation du pays entre pro et anti-communistes après la Seconde Guerre mondiale, la France a toujours été un pays divisé. L’absence de consensus fait de la réalisation de réformes de structure un exercice périlleux. L’abandon du projet de loi visant à instituer un régime universel par points en est une des expressions. Si l’idée de ce régime avait été accueillie positivement en 2017, la discussion du projet de loi a provoqué une cristallisation des oppositions. En 1995, face aux grèves dans les transports, le Premier Ministre, Alain Juppé, avait dû déjà abandonner son projet de grande sécurité sociale. Les sujets de l’éducation et de la fiscalité sont hautement inflammables avec comme conséquence une priorité donnée au statu quo. Depuis vingt ans, les chantiers remis à plus tard sont légion, de la dépendance à la santé en passant par le logement. Le choix par défaut qui s’est imposé a été d’augmenter les dépenses publiques avec, ironie du sort, l’impression pour les Français que les gouvernements leur impose une rigueur dantesque. En vingt ans, les dépenses publiques ont augmenté de 80 % sans pour autant contribuer à résoudre les problèmes structurels auxquels est confronté le pays : désindustrialisation, crise du logement, faible niveau de formation, inégalités avant redistribution.

Une politique de l’emploi anti-économique ?

La France a, ces quarante dernières années, été confronté à un chômage de masse important s’accompagnant d’une diminution des emplois dans l’industrie. Les pouvoirs publics ont mis l’accent non pas sur l’emploi industriel mais sur les emplois non qualifiés à travers un système d’exonération de charges sociales ciblées sur les bas salaires. L’objectif était de favoriser l’emploi sous-qualifié afin de réduire le chômage. Cette politique a généré un coût élevé pour les finances publiques, près de 40 milliards d’euros chaque année pour un résultat décevant. Le taux de chômage a mis plus de temps en France à diminuer que chez ses partenaires. Les emplois créés sont, fort logiquement, à faible valeur ajoutée et donc mal rémunérés. La France comptait en 2019 deux fois plus d’emplois sous-qualifiés que l’Allemagne. L’industrie emploie aujourd’hui moins de 10 % de la population active, contre 40 % en 1972. Depuis 1995, l’emploi industriel a reculé de 28 % quand celui des services domestiques (distribution, hébergement, hôtellerie, transports et services à la personne) ont augmenté de 32 %. La France s’est spécialisée dans l’emploi sous-qualifié nécessitant une socialisation croissante des revenus. Les pouvoirs publics sont appelés à soutenir le niveau de vie des personnes occupant ces emplois. Ce soutien est d’autant plus nécessaire que la France est un pays « cher » en particulier en ce qui concerne le logement qui peut absorber jusqu’à 40 % du budget des ménages les plus modestes (hors logement social).

Les exonérations de charges sociales ont été contreproductives. Elles ont profité essentiellement aux entreprises du secteur tertiaire moins soumis à la concurrence que celles de l’industrie. La Poste, la grande distribution ou les transports ont été les premiers bénéficiaires de ces exonérations. En lieu et place des exonérations de cotisations sociales centrées sur les bas salaires, il aurait mieux valu appliquer un abattement à la base sur 500 ou 1 000 premiers euros.

La France a longtemps fait le choix, par défaut, d’un faible taux d’emploi. L’abaissement de l’âge de départ à la retraite de 65 à 60 ans en 1982, le développement des préretraites dans les années 1980 et la réduction du temps de travail visaient à un meilleure « partage de l’emploi » en réduisant de fait la taille de la population active. Cette politique n’a pas amené les résultats attendus par ses auteurs. Le taux d’emploi était, en 2021, en France de 67 % contre 72 % aux États-Unis, 77 % en Allemagne et de 78 % au Japon. Le faible taux d’emploi induit qu’un nombre réduit d’actifs doit financer un volume important de dépenses publiques. La prédominance des emplois sous-qualifiés tout comme le sous-emploi amène une inégalité élevée avant redistribution. Le PIB par habitant de la France est en retrait par rapport à celui de l’Allemagne. L’écart était de 2 points en 2002, il est désormais de 16 points. Si en 1999, le poids des dettes publiques était comparable en France et en Allemagne, l’écart atteint plus de 40 points de PIB (113 % contre 70 % en 2021). Les dépenses de protection sociale pour compenser notamment la faiblesse des rémunérations sont passées de 24 à plus de 32 % de 1981 à 2021. Les crédits affectés à la réduction des inégalités n’ont pas pu bénéficier à l’éducation, la formation ou la recherche.

Au sein de l’OCDE, les pays à fort taux d’emploi sont ceux dont le niveau de compétences mesuré par l’enquête PIAAC de l’OCDE est élevé (Japon, Pays-Bas, Finlande, Suède, Nouvelle Zélande, Danemark). La France figure dans le bas du classement du taux d’emploi et des compétences tout comme l’Italie, la Grèce et l’Espagne.

L’« assistance» avant la production ?

La France a fait le choix implicite de fortes inégalités avant redistribution corrigées par la mise en œuvre d’un important volant de redistribution. La France est au sein de l’OCDE et de l’Union européenne le pays qui a concomitamment le taux d’inégalités avant redistribution le plus élevé et le taux d’inégalités après redistribution le plus faible (mesuré par l’indice de Gini).

Pour pallier ce défaut, l’accent aurait dû être mis ces vingt dernières années sur la formation et sur l’acquisition des connaissances. Or, la France a continué de décliner en la matière même si les crédits affectés à l’éducation nationale et à la formation figurent parmi les plus élevés d’Europe. La question n’est pas le quantitatif mais le qualitatif.

Un système administratif peu efficient avec une dette publique de plus en plus menaçante

Le système administratif est peu productif en France. Cette situation permet le maintien d’effectifs élevés ce qui conduit à la hausse la pression fiscale. L’efficacité de l’État par le montant d’argent public (hors salaires) géré par fonctionnaire. En France, ce ratio est de 0,19 contre 0,23 % au sein de la zone euro (hors France ) et 0,32 en Allemagne. La France fait partie des pays de l’Union européenne, avec les États d’Europe du Nord, ayant le plus grand nombre de fonctionnaires par habitant, 89 fonctionnaires pour 1000 habitants en 2019, contre 59 en Allemagne (source ministère de la Fonction Publique Eurostat). La masse salariale des administrations publiques représente 12,5 % du PIB en France, contre 10 % aux États-Unis et 8 % en Allemagne.

La pression fiscale est en France la plus élevée des pays de l’OCDE du fait de l’importance des dépenses sociales. Les prélèvements obligatoires s’élevaient à la fin de l’année dernière à 45 % du PIB, contre 40 % au sien de la zone euro (hors France) et 31 % du PIB au sein de l’OCDE (hors France).

La dette publique qui était en France de 55 % en 1995 a atteint, en 2021, 113 % du PIB. L’augmentation des taux d’intérêt provoque celle du service de la dette d’autant plus que les rachats des obligations d’État par la BCE sont amenés à s’arrêter. Un point de taux en plus équivaut sur trois ans à un surcoût de 10 milliards d’euros. Depuis le 1er janvier, le taux de l’OAT à 10 ans est passé de 0,5 à 2,3 % (15 juin 2022).

La crise persistante du logement

Depuis 1995, les prix de l’immobilier ont été multipliés par trois. Cette progression s’explique par la faiblesse des taux d’intérêt durant cette période, par les besoins de logement de la population qui a continué d’augmenter et de se concentrer au sein des grandes agglomérations et surtout par le manque de constructions. Les mises en chantier sont inférieures, ces dernières années à 400 000 quand il faudrait atteindre au minimum le seuil des 500 000. Les gouvernements, pour compenser la hausse des prix de l’immobilier et des loyers, ont accru le volume des aides publiques. Les dépenses en faveur du logement représentent 0,9 % du PIB en France, contre 0,4 % en Allemagne et 0,2 % au sein de la zone euro (hors France). De nombreux rapports ont souligné que les aides favorisaient la hausse des prix. Dans un pays à faible densité démographique, les pouvoirs publics ont privilégié une politique malthusienne de raréfaction du foncier disponible. L’augmentation des coûts de construction pénalise également l’accession à la propriété. Le secteur du bâtiment, constitué essentiellement de PME, rencontre, par ailleurs, des problèmes de recrutement importants.

Éducation, des dépenses mais un niveau décevant

Les dépenses publiques d’éducation sont supérieures en France à celle de l’Allemagne et pourtant l’efficacité du système éducatif est devenue bien meilleure en Allemagne. La première consacre 5,5 % de son PIB à l’éducation, contre 4,6 % du PIB pour la seconde. Depuis 2000, le rang de la France à l’enquête PISA de l’OCDE est en baisse constante (score passé de 507 à 494 de 2000 à 2018) quand l’Allemagne augmente le sien (score passé de 487 à 500). Le déclin de la France est encore plus marqué en matière de mathématiques. La France se classe au 23e rang de l’enquête TIMMS de 2019 loin derrière Singapour (1er), les États-Unis (12e) ou le Royaume-Uni (13e).

La France se caractérise par un nombre important de jeunes déscolarisés et sans emploi. 16 % des jeunes âgés 15 à 29 ans sont concernés, contre 9 % en Allemagne ou 13 % au Royaume-Uni.

Le taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans, même s’il est baisse depuis cinq ans, reste supérieur en France à celui de la majorité des autres pays de l’OCDE. Il était, en 2021, de 16 %, contre 5 % en Allemagne. Les filières techniques ont été dépréciées ces dernières années conduisant à la formation d’un nombre insuffisant d’ingénieurs et de techniciens. La disparition des mathématiques en tant que matière obligatoire au lycée, faute de professeurs et au nom de l’égalitarisme, a semblé traduire le désintérêt des pouvoirs publics pour les filières scientifiques. Cette faible appétence aux métiers techniques a favorisé la diminution de l’industrie dans le pays. Son poids au sein de la valeur ajoutée est passé de 12 % en 1995 à 9 % en 2021.

La dépendance, en parler mais attendre

Le livre-enquête du journaliste Victor Castanet, « Les Fossoyeurs » a souligné les problèmes rencontrés par les patients dans les EHPAD. Depuis 15 ans, les gouvernements annoncent un grand texte sur la dépendance avant d’y renoncer. Lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, une cinquième branche a été créée pour l’autonomie.

Avec la montée en âge des baby-boomers, le nombre de personnes dépendantes devrait doubler d’ici 2040 pour atteindre 4 millions. Cette évolution inévitable suppose un effort important au niveau de la santé et de l’hébergement ainsi qu’auprès des familles concernées.  

La réforme des retraites demain peut-être !

Depuis 1993, la France a réformé ses régimes de retraite avec comme résultat une réduction des dépenses de 6 points de PIB à l’horizon 2040. Sans modification des règles, le poids des retraites aurait pu atteindre 20 % du PIB, contre 14 % actuellement. Après l’échec du projet d’Alain Juppé en 1995 de Grande Sécurité sociale qui devait aboutir à la suppression des régimes spéciaux, les gouvernements ont, en matière de retraite, préféré avancer par étape en engageant des réformes partielles et au fil de l’eau. L’instauration d’un système universel voulue par Emmanuel Macron a été abandonnée tant du fait de la cristallisation des oppositions que de la survenue de la crise sanitaire. La France demeure ainsi un des rares pays à maintenir 42 régimes de base et une centaine de régimes complémentaires. Si la convergence de ces régimes est toujours d’actualité, le recours à un régime unique par points ne le serait plus. Avec la nécessité d’améliorer les petites pensions et les départs massifs à la retraite, la question de l’équilibre des régimes de retraite sera au cœur de l’actualité des prochains mois.

L’attractivité relative de la France

Le gouvernement se plait à souligner le fait que la France attire des investissements étrangers. Si un regain est incontestable, il demeure limité. Le repli des investissements directs étrangers dans les années 2000 et 2010 avait été net. Certaines années étaient marquées par un désinvestissement net. Depuis 2019, le solde est redevenu positif mais il reste faible. Ces investissements n’ont pas permis à la France de résoudre ses problèmes de commerce extérieur. Le déficit de la balance commerciale n’en finit pas de s’aggraver. Il a atteint au premier trimestre 2022, en rythme annuel, plus de 100 milliards d’euros, ce qui constitue un nouveau record. L’Allemagne dégage de son côté entre 250 et 300 milliards d’euros d’excédents commerciaux.

En reportant d’année en année, certaines décisions, en optant pour les solutions de facilité, la France s’expose à de sérieux problèmes avec un risque d’ajustements brutaux. Dans un Monde où le principe de rareté s’impose de nouveau, où les taux d’intérêt sont en hausse, où les autres pays ont choisi des trajectoires différentes, les solutions d’évitement et de facilité  ne seront plus tenables. Les priorités devraient donc être à l’élévation des compétences, l’augmentation du taux d’emploi, l’assainissement des comptes publics, la relance de la construction, le traitement des dossiers de la dépendance et de la retraite.

La France échappera-t-elle à la récession ?

Au premier trimestre, le PIB de la France a reculé de 0,2 point. Si elle rééditait cette contreperformance au deuxième trimestre, elle serait alors en situation de récession. Compte tenu des premières données économiques du deuxième trimestre, la France devrait y échapper. Selon l’enquête mensuelle de conjoncture de la Banque de France, l’activité économique ferait preuve de résilience. Elle aurait progressé, au mois de mai, dans l’industrie, les services marchands et le bâtiment. L’économie française est toujours confrontée à des difficultés d’approvisionnement. Elles concernent 61 % des entreprises dans l’industrie (après 64 % avril), 55 % des entreprises du bâtiment (après 54 %). Les difficultés de recrutement progressent en mai, à 55 %, notamment dans l’industrie et les services.

Une production en hausse mais toujours en retrait pour certains secteurs d’activité

La production serait en hausse en mai dans l’industrie pharmaceutique et l’aéronautique. Pour cette dernière, le niveau reste inférieur à celui d’avant-crise sanitaire. L’industrie automobile, qui, après plusieurs mois de très forte baisse, se redresse en mai tout en restant nettement en-deçà de son niveau de production de 2019. En lien avec les problèmes d’approvisionnement, l’agro-alimentaire et l’habillement-textile-chaussures ressortent en légère baisse, alors que les chefs d’entreprise anticipaient le mois dernier une progression en mai pour ces deux secteurs.

Dans l’ensemble de l’industrie, le taux d’utilisation des capacités de production s’élèverait à 79 % en mai en hausse d’un point par rapport au mois d’avril. Il progresse légèrement dans la plupart des secteurs, et surtout dans l’automobile (+6 points, à 69 %). Dans les services marchands, l’activité s’améliore de nouveau en mai. La progression concerne à la fois les services aux particuliers, notamment la restauration et l’hébergement – avec le retour de la clientèle étrangère – et la location de matériels et d’automobiles, et, dans une moindre mesure, les services aux entreprises. Le secteur du bâtiment progresse, tant dans le gros œuvre que le second œuvre.

Pour le mois de juin selon les anticipations des entreprises, l’activité progresserait modérément dans les services, évoluerait peu dans l’industrie et serait en léger repli dans le bâtiment.

Inflation, moins de transmission sur les prix en mai

La proportion de chefs d’entreprise indiquant augmenter leurs prix de vente reste élevée mais se replie ce mois-ci, en lien avec une augmentation moins forte des prix des matières premières. 42 % des chefs d’entreprise dans l’industrie déclarent avoir augmenté leur prix de vente en mai, en ligne avec ce qui avait été prévu le mois dernier (41 %). La proportion de chefs d’entreprise indiquant des hausses de prix importantes est, comme les mois précédents, élevée dans la chimie, la fabrication d’équipements électriques et l’industrie du bois, papier et imprimerie. Cette proportion est de 58 % pour les entreprises du bâtiment et 25 % pour les services marchands.

Les perspectives pour juin suggèrent une nouvelle érosion de la proportion de hausses de prix dans le bâtiment (53 % des chefs d’entreprise pensent augmenter leurs prix de vente le mois prochain), les services (24 %) et surtout l’industrie (35 %).

Des difficultés de recrutement persistantes

55 % des chefs d’entreprises déclarent avoir rencontré des problèmes de recrutement (+3 points en un mois). Ces difficultés augmentent tout à la fois pour les entreprises des tertiaires (+3 points) que pour celles de l’industrie (+3 points en mai et +10 points depuis décembre).

Le retour de la croissance au deuxième trimestre

La Banque de France parie sur une augmentation du PIB de 0,25 point au deuxième trimestre par rapport au trimestre précédent permettant à la France de ne pas s’engager dans la récession. Pour la saison estivale, la crainte d’une pénurie de main d’œuvre est réelle et pourrait peser sur l’activité. En revanche, le retour des touristes internationaux est confirmé.

L’inflation, l’épargne et la compétitivité

Si, en Europe et en particulier en France, à court terme, la récession apparaît évitée, qu’en sera-t-il dans les prochains mois ? Le pouvoir d’achat des ménages diminue depuis le début de l’année sous l’effet de la montée des prix. Les Européens maintiennent pour le moment un fort taux d’épargne notamment de précaution. Sans aides publiques, une contraction de la demande est inévitable. L’indexation des salaires constituerait une solution de court terme qui pourrait se retourner contre les salariés dans un second temps en alimentant une spirale inflationniste et une stagflation.

La forte hausse des prix des matières premières et de l’énergie provoque un transfert au profit des pays producteur. Le doublement du prix du baril équivaut, à l’échelle mondiale, à un transfert équivalent au PIB de la France. Il entraîne, par inflation, l’érosion du pouvoir d’achat des ménages. Depuis le début de l’année, il a baissé de plus de 2,5 points en France. Au sein de l’OCDE, le taux d’inflation est passé de 0,2 à 8 % du début de l’année 2021 à plus de 8 % en avril 2022. Cette montée brutale conduit à une diminution de la demande des ménages. Si l’inflation s’installait, elle se traduirait par un recul de l’investissement des entreprises.

Les ménages peuvent compenser la baisse de leur pouvoir d’achat en épargnant moins ou en puisant dans leur stock d’épargne. Aux États-Unis, les ménages ont réduit leur effort d’épargne afin de maintenir leur consommation tout comme au Royaume-Uni. En France et en Allemagne, ils conservent un taux d’épargne élevé malgré la hausse des prix. Dans ces deux derniers pays, la priorité est donnée à l’épargne de précaution. En France, au premier trimestre 2022, le taux d’épargne était de 16,7 % du revenu disponible brut, au-dessus de son niveau d’avant crise sanitaire (15  %). Les Japonais suivent le comportement des Français et des Allemands. En Espagne et en Italie, la diminution du taux d’épargne reste modérée.

En France, comme dans un grand nombre d’États de la zone euro, le soutien à la demande s’effectue grâce à un fort volant d’aides publiques, le contribuable prenant à sa charge une partie des conséquences de l’inflation. Du fait d’un financement par emprunt, indirectement, l’épargnant finance la consommation.

Un recours aux augmentations de salaires pour compenser l’inflation aurait comme conséquences une réduction des marges bénéficiaires des entreprises. Ce phénomène est constaté en Italie, aux États-Unis et au Royaume-Uni. Il pourrait conduire à un recul de l’investissement. Une indexation des salaires génèrerait des tensions sociales entre ceux qui en profiterait et les autres. La perte de compétitivité induite pourrait nuire à la croissance et favoriser l’installation de la stagflation.