5 octobre 2019

Le Coin des tendances

Les migrations vers et au sein des pays de l’OCDE, défi du XXIe siècle ?

Les migrations vers les pays de l’OCDE prennent des formes multiples. Les entrées sur le territoire d’un État peuvent être temporaires, dans le cadre par exemple d’un travail détaché, ou permanentes. Elles peuvent être liées à des raisons politiques (demande d’asile) à la formation (étudiants étrangers) ou à la recherche d’un emploi. Elles peuvent également intervenir dans le cadre du regroupement familial. Elles peuvent concerner des personnes revenant dans leur pays d’origine après une expatriation. Elles peuvent s’effectuer entre États d’une même région économique ou être d’origine plus lointaine.

Les migrations ont été importantes entre 2010 et 2016 avant de baisser tout en restant à un niveau élevé. Ainsi, Après une baisse de 4 % entre 2016 et 2017, le nombre d’entrées permanentes dans les pays de l’OCDE a recommencé à augmenter en 2018 (+1 %) pour s’établir environ à 5,3 millions de nouveaux immigrés permanents. L’OCDE accueillerait un quart des migrants mondiaux.

Les entrées dans les pays de l’OCDE, un apport important de population

La population née à l’étranger et vivant dans les pays de l’OCDE a atteint 129 millions de personnes en 2018, soit une hausse de 2 % par rapport à 2017. Entre 2000 et 2018, l’augmentation de la population née à l’étranger a été à l’origine de près des trois quarts de la croissance démographique totale des pays européens de l’OCDE, et de près de 40 % de celle des États-Unis. Les migrants internationaux seraient au nombre de plus de 240 millions. L’OCDE et l’Asie sont les deux principales zones d’accueil.

Depuis 2000, la croissance positive de la population immigrée est constatée dans l’ensemble des pays de l’OCDE, à l’exception de quelques pays où la population immigrée est vieillissante (Estonie, Israël, Lettonie, Lituanie et Pologne). Entre 2017 et 2018, la plus forte croissance de la population immigrée a eu lieu dans les pays de l’Europe (+17 % en Islande, +5 % en Suède, +4 % en Finlande et +3 % en Norvège). En dehors des pays nordiques, quelques pays de l’Union européenne ont également connu une croissance de la population née à l’étranger supérieure à la moyenne (+5 % en Slovénie, +4 % au Luxembourg, +4 % aux Pays-Bas, +3 % en Allemagne et +3 % en Espagne).

La part moyenne de la population née à l’étranger dans les pays de l’OCDE est quant à elle passée de 9,5 % en 2000 à 13 % en 2018. Comme les années précédentes, ce taux est le plus élevé au Luxembourg (48 % de la population totale), en Suisse (29 %), en Australie (28 %) et en Nouvelle-Zélande (23 %). En France, la proportion d’immigrés est de 9,1 %. Les comparaisons internationales sont délicates à manier en raison des régimes différents de naturalisation.

Les migrations permanentes

Les migrations permanentes vers les pays de l’OCDE ont concerné en 2017, soit 5,2 millions de nouveaux immigrés. Elles ont enregistré une baisse de 6 % due à la forte baisse des migrations humanitaires (-28 %) et, dans une moindre mesure, à la baisse des flux migratoires à l’intérieur des zones de libre circulation comme l’Union européenne. (-5 %).

Les migrations permanentes vers les trois principaux pays de destination au sein de l’OCDE (Etats-Unis, Allemagne et Royaume-Uni) sont en baisse. En 2017 les États-Unis ont accueilli 1,1 million de personnes immigrés. Le nombre de bénéficiaires du statut de résident permanent a, dans ce pays, diminué ainsi de -5 %, notamment en raison de la diminution des chiffres de migrants familiaux. En Allemagne, le nombre d’entrées a baissé de 18 %, avec 860 000 nouveaux immigrés permanents, en raison du recul du nombre de nouveaux titres de séjour octroyés aux migrants humanitaires. Au Royaume-Uni, les entrées étaient légèrement supérieures à 340 000, soit un recul de 3 % entièrement lié à la baisse des entrées en provenance d’autres pays de l’Union Européenne. Après une augmentation de +8 %, l’Espagne est devenue en 2017 le quatrième pays de destination dans la zone OCDE, avec 324 000 nouveaux immigrés. En France, depuis 2013, l’immigration évolue au sein d’une fourchette relativement limitée allant de 250 000 à 260 000 entrées par an. En 2017, les entrées ont dépassé les 200 000 personnes dans deux autres pays : l’Australie (218 000, -4 %) et l’Italie (217 000, +2 %). En Suisse, la diminution globale de 5 % des migrations permanentes était avant tout due à la baisse des entrées en provenance des pays de l’Union. Dans la majorité des pays de l’OCDE, les entrées retrouvent leur niveau d’avant crise. après des années de forte progression.

Les migrations liées au travail

Les migrations de travail vers les pays de l’OCDE sont en augmentation depuis 2015. En 2017, une hausse de 6 % a été enregistrée. Le Canada (+16 %), l’Allemagne (+22 %) et le Japon (+8 %) y ont largement contribué. Les migrations permanentes de travail ont également sensiblement augmenté au Royaume-Uni, en Suède, aux Pays-Bas, en France et au Portugal, tandis que la plus forte baisse a eu lieu au Mexique. En 2017, plus de la moitié de tous les nouveaux immigrés permanents au Japon étaient des migrants de travail, et plus d’un sur quatre au Canada, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Dans l’ensemble, la part des migrations de travail dans les migrations permanentes totales a augmenté de 11 % en 2017, contre 9 % en 2016.

Plus de 4,9 millions de travailleurs immigrés sont entrés dans les pays de l’OCDE dans le cadre de programmes de migrations temporaires en 2017, soit 11 % de plus qu’en 2016. Pour la deuxième année consécutive, la Pologne était la première destination des migrants temporaires de travail dans l’OCDE, avec 1,1 million de nouvelles autorisations délivrées à des travailleurs non ressortissants de l’Union et 21 000 à des travailleurs détachés au sein de l’Union. Les États-Unis restent la deuxième destination la plus attractive, avec 691 000 nouveaux travailleurs temporaires en 2017.

Le détachement de travailleurs au sein de l’Union européenne est la principale voie de recrutement de travailleurs temporaires, avec presque 2,7 millions de travailleurs. Avec quelque 800 000 nouvelles autorisations octroyées en 2017 (+16 % par rapport à 2016), les programmes saisonniers sont la deuxième voie d’immigration temporaire de travail.

Plus de 4,9 millions de travailleurs immigrés sont entrés dans les pays de l’OCDE dans le cadre de programmes de migrations temporaires de travail en 2017, soit 11 % de plus qu’en 2016. Ces travailleurs sont habituellement concentrés aux deux extrémités du spectre des compétences. Il s’agit, d’un côté, des travailleurs peu ou moyennement qualifiés qui sont notamment employés dans le secteur agricole, la construction, le secteur manufacturier et le transport de marchandises, et, de l’autre, des travailleurs immigrés hautement qualifiés qui sont recrutés pour des emplois très qualifiés dans l’informatique ou dans le secteur de la santé, ou qui sont envoyés à l’étranger par des multinationales dans le cadre de transferts internes.

Pour la deuxième année consécutive, la Pologne a été le premier pays de de destination des migrants temporaires de travail en 2017. En 2006, avec une croissance économique soutenue et une pénurie de main-d’œuvre en hausse, les autorités polonaises ont simplifié les procédures de recrutement temporaire des ressortissants des pays voisins. En 2017, plus de 90 % des 1 121 000 nouveaux migrants temporaires de travail accueillis en Pologne venaient d’Ukraine, essentiellement pour occuper des postes vacants dans l’agriculture, la construction et le secteur industriel. Ce chiffre représentait une hausse de 32 % par rapport à 2016. Le nombre d’entrées de migrants temporaires de travail au Canada et aux Pays-Bas a également augmenté en 2017, de plus de 20 %.

En 2017, près de 800 000 travailleurs étrangers ont été recrutés avec un permis de travail saisonnier dans les pays de l’OCDE. La Pologne et les États-Unis restent les deux premières destinations, avec une hausse des entrées dans chaque pays d’environ 20 %. Les travailleurs saisonniers ne représentaient que 16 % des entrées temporaires de travailleurs dans l’OCDE en 2017, mais ces proportions étaient largement supérieures en Pologne (47 %) et aux États-Unis (23 %). À elle seule, la Pologne a recruté les deux tiers des travailleurs au sein de la zone OCDE dans cette catégorie. En Espagne, le nombre d’entrées de travailleurs saisonniers a doublé en 2017, les femmes marocaines constituant la majorité (84 %). Le nombre de travailleurs saisonniers n’a diminué qu’au Mexique et en Suède.

Les migrations familiales

En 2017, environ deux millions de nouveaux immigrés permanents dans les pays de l’OCDE étaient des migrants familiaux, ce qui signifie qu’ils se sont vu octroyer un titre de séjour dans le cadre d’un regroupement familial, d’une formation de famille ou en tant que familles accompagnantes des travailleurs. Les migrations familiales, qui représentaient plus de 40 % de toutes les entrées dans les pays de l’OCDE, demeurent donc la catégorie la plus importante.

Au sein des pays de l’OCDE, moins de 20 % des immigrés mariés vivent séparés de leur conjoint. Ce pourcentage est inférieur à 10 % dans environ deux tiers des cas. Les pourcentages les plus faibles sont observés en Irlande et au Royaume-Uni (inférieurs à 4 %). Deux groupes de pays de l’OCDE se caractérisent en général par des pourcentages non négligeables d’immigrés mariés dont le conjoint est absent. Il s’agit de pays d’Europe centrale et orientale (notamment la Lettonie, la Lituanie, la Pologne et la Slovénie) et de pays d’Europe du Nord (le Danemark, la Finlande et la Suède). En Finlande et en Suède, ce pourcentage élevé pourrait être lié au nombre relativement important de réfugiés arrivés récemment des pays du Moyen Orient.

Dans l’ensemble des pays de l’OCDE, environ la moitié (54 %) des immigrés mariés sont arrivés dans le pays d’accueil la même année que leur conjoint. Ce pourcentage présente un écart considérable entre les États-Unis (67 %) et les pays européens de l’OCDE (44 %). Les immigrés mariés qui sont arrivés plus tôt que leur conjoint dans les pays de l’OCDE passent, en moyenne, quatre de leurs dix premières années dans le pays d’accueil sans leur conjoint. Ce délai moyen est un peu plus court aux États-Unis (3,3 ans) que dans les pays européens de l’OCDE (4,0 ans) et il va de 3 ans en Irlande à 5,5 ans en Grèce.

Les pays européens de l’OCDE et les États-Unis affichent des pourcentages très similaires d’immigrés mariés vivant avec leurs enfants. Plus de la moitié des immigrés mariés vivent avec leurs enfants. Ce taux augmente régulièrement avec la durée du séjour. Au-delà de 15 ans de présence sur le territoire, ce taux dépasse 75 %.

Les migrations humanitaires et les demandes d’asile

En 2017, les migrations humanitaires ont concerné au sein de l’OCDE, 700 000 personnes. Les entrées pour cette catégorie de migrants ont baissé de 28 %. Les raisons humanitaires sont le deuxième motif d’immigration en Autriche, en Allemagne, en Suède et aux États-Unis, avec 14 % du total des entrées dans la zone OCDE après le regroupement familial. Malgré un recul de 40 % en 2017, l’Allemagne reste le premier pays en termes de nombre de titres de séjour octroyés à des migrants humanitaires, et ce principalement en raison du retard accumulé dans le traitement des demandes d’asile déposées en 2015/16. Elle est suivie des États-Unis, avec presque 150 000 titres de séjour octroyés à des migrants humanitaires en 2017, soit 7 % de moins qu’en 2016. À eux deux, ces pays représentent 60 % de l’ensemble des migrations humanitaires vers les pays de l’OCDE. D’autres pays de l’OCDE arrivent loin derrière : le Canada, avec 6 % du total, ainsi que la Suède, la France et l’Italie (5 % chacun). En revanche, la France a accru son accueil de réfugiés en 2017 avec 40 % de demandes en plus acceptées.

Le nombre de demandes d’asile dans les pays de l’OCDE a continué de diminuer en 2018, avec 1,07 million de demandes contre 1,26 million en 2017 et un nombre record de demandes en 2015 et en 2016 (1,65 million chaque année).

Les pays européens et les pays non européens de l’OCDE ont enregistré un recul du nombre de demandes d’asile en 2018 : respectivement -10 % et -17 %. Pour la deuxième année consécutive, les États-Unis sont la principale destination des demandeurs d’asile dans l’OCDE, avec 254 000 nouvelles demandes, suivis de l’Allemagne (162 000) et de la Turquie (83 000). Le nombre de ressortissants syriens en Turquie (dont la plupart obtiennent une protection temporaire sans devoir déposer une demande d’asile) a augmenté d’environ 156 000 (pour passer de 3,47 millions en janvier 2018 à 3,62 millions en décembre 2018).

Les trois premiers pays d’origine des demandeurs d’asile ne représentent que 20 % de toutes les demandes, contre 25 % en 2017 et 43 % en 2016. L’Afghanistan et la Syrie restent les deux premiers pays d’origine, suivis du Venezuela, qui a remplacé l’Irak dans le top 3.

Les étudiants internationaux

En 2016, le nombre d’étudiants en mobilité internationale inscrits dans l’enseignement supérieur dans la zone OCDE est passé de 3,3 millions à 3,5 millions, soit une augmentation de 7 %. En 2016, les étudiants en mobilité internationale représentaient en moyenne 9 % des étudiants inscrits dans l’enseignement supérieur dans l’OCDE, mais, en valeur totale, 15 % des effectifs de master et 24 % des doctorants.

Les flux migratoires internes

En 2017, les flux migratoires à l’intérieur des zones de libre circulation représentaient 28 % du total et restaient la deuxième catégorie de migrations vers les pays de l’OCDE. Les migrations au sein de l’UE représentaient plus de la moitié des entrées totales en Autriche, en Belgique, au Danemark, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, voire plus des deux tiers en Irlande, au Luxembourg et en Suisse. Toutefois, les flux migratoires au sein des zones de libre circulation ont reculé pour la première fois depuis 2009 (-4 %), et ce en raison de l’évolution en Allemagne et au Royaume-Uni, où les entrées de ressortissants d’un autre pays de l’UE ont respectivement diminué de 10 % et 15 % et, dans une moindre mesure, de la baisse des entrées en France (-9 %) et en Suisse (-7 %). Les migrations intra-UE n’ont sensiblement augmenté qu’en Espagne (+19 %) et aux Pays-Bas (+11 %).

Les politiques mises en œuvre en matière de migrations

Les pays continuent d’adapter les critères régissant les programmes de travailleurs immigrés afin d’améliorer la sélection de ces derniers selon les compétences dont ils ont besoin. À cet effet, plusieurs pays ont modifié la grille des critères requis pour entrer sur le territoire. Plusieurs pays ont durci les procédures de regroupement familial en intégrant des critères plus stricts ou des conditions supplémentaires. Les modifications apportées aux politiques d’asile ont eu comme objectifs la simplification et l’accélération des examens des demandes. Les mesures prises consistent notamment à mieux utiliser les centres et structures d’accueil, à faire usage des nouvelles technologies pour faciliter l’identification et combler d’éventuelles lacunes dans la législation, et à mettre en place de nouvelles procédures.

Le réchauffement climatique une source de dérèglement politique des États

Le réchauffement de la planète a des incidences sur la stabilité de certains territoires. La trajectoire d’accroissement des températures à l’horizon est, selon les dernières études publiées, d’au minimum de 3°C quand l’objectif des Accords de Paris était de 2°C voire de 1,5°C. La destruction des sols, la multiplication des sécheresses et la réduction de la biodiversité contribuent à l’exacerbation des tensions au sein et entre pays, en particulier, sur le continent africain. Le dérèglement climatique joue un rôle de catalyseur dans les conflits politiques, économiques et sociaux préexistants.

Au Nigeria, les tueries entre éleveurs et cultivateurs tendent à se répéter. Plus de 2000 personnes ont été tuées dans ce pays pour des problèmes d’accès à l’eau. Les éleveurs du Nord du pays, faute d’eau, se déplacent vers le sud et occupent des terres cultivées. À l’automne 2018, des colonnes de population en provenance du Honduras ou du Salvador sont remontées vers les États-Unis. Ces migrations puisaient leurs origines dans les problèmes de gouvernance des États concernés et dans les sécheresses à répétition.

Depuis 40 ans, 33 % des terres arables ont été fortement dégradées en raison de l’érosion ou de l’utilisation massive de produits chimiques. Selon les études du GIEC, d’ici 2050, le rendement des cultures devrait diminuer de 10 % en moyenne avec des pointes à plus de 50 % dans certaines régions. Cette diminution de rendement pourrait amener à d’importantes migrations concernant, selon les évaluations, entre 50 et 700 millions de personnes. Les mouvements migratoires seront importants en Afrique dont la population est amenée à doubler durant le XXIe siècle. La pression sur l’Europe sera forte avec, en outre, un déplacement marqué vers le Nord. Le bassin méditerranéen devrait en effet connaître une forte augmentation de températures. L’économie de cette région reposant sur le tourisme devrait pâtir du réchauffement. En 2019, la région Provence-Côte d’Azur et la Corse ont connu une baisse de leur fréquentation du fait, en partie, de la canicule.

D’ici 2100, 74 % de la population pourraient être confrontés à des températures mortelles durant plus de 20 jours par an. D’ici 2050, 800 millions de personnes et 570 villes seront menacées par la montée des eaux.

Face aux contraintes climatiques, les États, en particulier avancés, modifient leurs stratégies de défense et de protection civile. Ils anticipent des conflits liés à des mouvements de population. La possibilité d’endiguer des flots de réfugiés est étudiée. Par ailleurs, les catastrophes naturelles liées aux fortes chaleurs sont intégrées dans les scénarii des forces de défenses intérieures (police, pompier, protection civile).

La Chine et la France entendent prendre des initiatives pour garantir la stabilité internationale face aux conséquences du réchauffement climatique. Ces deux pays devraient présenter plusieurs projets lors de la COP25 sur le climat qui se tiendra au Chili et à la COP15 sur la biodiversité qui se tiendra à Pékin.

Les GAFA, la fin de l’adolescence

La volonté de Mark Zuckerberg, PDG de Facebook, de créer une cryptomonnaie, le libra, symbolise la force et l’envie de pouvoir des entreprises des technologies de l’information et de la communication. Le libra pourrait être potentiellement partagé par 2,7 milliards de personnes adhérentes à Facebook et aux sites qui se sont associés au projet de Mark Zuckerberg. À la différence des autres cryptomonnaies, le libra repose sur un panier de monnaies existantes (dollar, euro, livre sterling, etc.). Il est doté d’une gouvernance transparente. Cette initiative a provoqué de la part des banques centrales et des gouvernements une sourde hostilité. La mise en place d’un éventuel pouvoir de création monétaire privé, mondialisé et concurrent des banques centrales inquiète. Dans son rapport annuel, il y a quelques années, la CIA avait analysé le risque d’avènement d’un système monétaire pris en main par les réseaux sociaux. La conclusion était alors sans appel ; les pouvoirs publics devaient bloquer une telle initiative.

Les plus fortes capitalisations boursières sont, au niveau mondial, Facebook, Amazon, Google et Apple. Ces quatre entreprises pèsent plus de 3 000 milliards de dollars. Elles ont, en moins de vingt-cinq ans, modifié les rapports de force économique. Durant des années, les entreprises du digital ont été considérées comme des catalyseurs de progrès, de croissance. Elles véhiculaient une image positive. Les start-up rajeunissaient le capitalisme. Elles étaient les symboles de la réussite de jeunes entrepreneurs. Aujourd’hui, elles sont craintes. Elles sont accusées d’être des prédatrices, de se comporter en rentières et de détruire des pans entiers d’activité. En s’appuyant sur leur puissance mondiale, elles sont critiquées par leur capacité à se jouer des règles fiscales des pays dans lesquels elles opèrent. Il est également reproché au GAFA, à Facebook et à Twitter, en particulier, de peser directement ou indirectement sur le cours des élections. L’exploitation des données collectées est à l’origine, par ailleurs, de plusieurs scandales (scandale Cambridge Analyta). Que ce soit aux États-Unis, au Royaume-Uni, en France, en Birmanie, en Nouvelle Zélande, les réseaux sociaux font l’objet de polémiques sur leur utilisation non transparente, tant pour des raisons commerciales que politiques.

Après avoir laisser-faire pendant plus de vingt ans, des autorités internationales comme l’OCDE ou l’ONU ainsi que les régulateurs nationaux de la concurrence tentent désormais d’imposer des règles aux GAFA. Après l’échec de l’application des lois antitrust à Microsoft dans les années 90, les pouvoirs publics avaient abandonné l’idée de lutter contre les situations de monopoles. Or, aujourd’hui, Google capte bien souvent plus de 75 % des recherches sur Internet dans les pays occidentaux. Facebook a séduit près de 95 % des moins de 45 ans et Amazon réalise près de 50 % des ventes en ligne aux États-Unis. Google et Facebook maîtrisent 66 % de la publicité sur Internet qui elle-même représente la moitié du budget publicitaire mondial. Google et Apple équipent plus de 90 % des smartphones.

L’image des GAFA se détériore depuis près de quatre ans. L’élection de Donald Trump a contribué à modifier la donne aux États-Unis. Les relations entre le Président des États-Unis et les responsables de ces entreprises étant mauvaises. Ces derniers ne bénéficient plus de la mansuétude du pouvoir. Au début de l’année 2019, les régulateurs de la concurrence américaine ont décidé de mener des investigations spécifiques sur les entreprises du digital. Le ministère de la justice et la Federal Trade Commission se sont réparti les tâches afin de pouvoir engager des procédures anti-trust. De manière unanime, le Congrès, soutient la démarche. Les Démocrates qui jusqu’à maintenant étaient favorables au GAFA, ont changé de position tant au nom de la lutte contre la fraude fiscale qu’en raison du rôle que certaines plateformes ont joué lors de la précédente campagne présidentielle. Les pratiques des GAFA sont contestées par leurs propres salariés. Ainsi, ceux de Google ont obtenu le rejet du contrat avec l’armée américaine qui aurait permis à cette dernière d’accéder à des informations ainsi que le rejet du moteur de recherche spécifique à la Chine doté d’un logiciel de censure.

Des pouvoirs publics à la manœuvre

L’Union européenne et les États membre privilégient la taxation des entreprises du digital. Ces dernières en logeant leurs résultats dans des pays à faible fiscalité entraîneraient un manque à gagner pour les États. En réaction, la France a décidé de mettre en place une taxe spécifique. L’Espagne, l’Italie et le Royaume-Uni sont ou s’apprêtent à instituer des taxes sur le chiffre d’affaires. Plusieurs États européens sont, en revanche, opposés à cette taxation (Irlande, Suède, Danemark). De peur de souffrir de mesures de rétorsions de la part des États-Unis, l’Allemagne reste discrète sur le sujet. Face à la menace américaine de sanctionner les vins français, le Président de la République, Emmanuel Macron, a indiqué que la taxe anti-GAFA serait temporaire le temps qu’au niveau international des règles soient instituées.

La Commission européenne a, par ailleurs, infligé, en 2019, pour la troisième année consécutive des amendes à Google pour non-respect de la libre concurrence.

Pour lutter contre les techniques d’optimisation fiscale et pour empêcher la constitution de rente, le recours à l’échelon international apparait incontournable. L’OCDE qui, récemment, a adopté des règles en matière de lutte contre la fraude, est appelée à jouer un rôle de régulation. Cela suppose néanmoins l’accord de toutes les parties prenantes.