21 décembre 2019

Le Coin des tendances

La monnaie digitale, l’enfant du 15 août 1971 ?

Deux inventions majeures ont contribué à l’essor économiques des derniers siècles, la monnaie fiduciaire et le crédit. L’une et l’autre reposent sur la confiance et sur la solidité des acteurs. Elles ont permis de s’affranchir du troc puis du stock d’or ou d’argent qui était à la base de toute monnaie. En décorrélant la monnaie de sa base, l’économie a bénéficié de moyens de financement suffisants. Le commerce, les investissements, etc., ont pu se développer sans être limités par un stock d’or ou d’argent. La décision du 15 août 1971 de Richard Nixon de supprimer la convertibilité du dollar en or a détaché la monnaie d’une base physique unique et clairement identifiable. La valeur de la monnaie repose sur la confiance qu’elle inspire. Celle-ci dépend de la sagesse des autorités monétaire et de l’adéquation entre la richesse produite et la masse monétaire en circulation. La confiance est également liée à la force économique, militaire ou géopolitique du pays émetteur. Le rôle du dollar est attaché à celui de superpuissance des États-Unis. La crédibilité de la banque centrale (transparence, prévisibilité) contribue également à la valeur de la monnaie.

Avant l’essor des monnaies fiduciaires, les crises étaient fréquemment provoquées par un manque ou un excès d’or. L’Espagne avec la découverte des Amériques a ainsi connu des phases d’expansion et de récession en phase avec l’arrivée massive d’or. Avec le recours aux monnaies fiduciaire et au crédit et après l’abandon du lien avec l’or, la création monétaire est potentiellement illimitée. L’usage abusif de ce pouvoir monétaire a abouti à d’importantes crises. La faillite de la banque créée par John Law durant la régence après la mort de Louis XIV était due à une émission massive de billets de banques gagés sur le développement économique des colonies. La crise des assignats entre 1791 et 1796 s’est nourrie d’une émission trop forte de billets gagés sur les biens confisqués au clergé et aux nobles durant la Révolution. La confiance suppose que la création de la monnaie soit mesurée, réaliste et comprise, qu’elle repose sur des fondements tangibles. Dans ce processus, deux acteurs jouent un rôle d’intermédiation clef, les banques et les assureurs. Les premières assurent une fonction d’intermédiation entre offre et demande d’argent. Les seconds remplissent une fonction d’intermédiation entre offre et demande de protection contre les risques. Ces intermédiations offrent l’avantage de gérer dans le temps l’offre et la demande d’argent et de mutualiser les risques. Pour ces deux fonctions d’intermédiation, la confiance est cruciale tant pour les acteurs qui en ont la charge et que pour la monnaie qui en est le support. Quand les banques et les compagnies d’assurance ont connu un essor au cours du XIXe siècle et au début du XXe, elles ont construit des sièges sociaux imposants, monumentaux censés montrer à leurs clients leur solidité. Cela n’empêcha pas la survenue de crises. La crise de 1929 a été en partie occasionnée par la spéculation à crédit sur le marché « actions » à New York. Les banques n’avaient pas hésité à jouer en bourse les dépôts de leurs clients. Devant la chute des cours, les clients avaient alors réclamé leur argent aux guichets entraînant des faillites en chaîne. La disparition de la confiance avait eu raison du système bancaire des années 20. Des mesures ont été alors prises afin de protéger les dépôts des clients et d’encadrer les activités financières. Les règles mises en œuvre après la crise de 1929 sont, en partie, toujours en vigueur même si, dans les années 80, la mutation des marchés financiers a profondément modifié leur organisation et leur fonctionnement.

Les années 70 ont été marquées par une forte inflation provoquée par la hausse des salaires et des prix des matières premières dont le pétrole mais aussi par la création monétaire. La fin de la convertibilité du dollar a entrainé une multiplication par près de 40 des dollars en circulation entre 1971 et 2007. Le dollar a perdu les deux tiers de sa valeur en une trentaine d’années. Si la confiance était ébréchée, elle n’a pas disparu car les acteurs économiques avaient alors la conviction que les autorités sauveraient quoi qu’il arrive le système financier et les établissements qui le constituent. Les faillites bancaires intervenues lors du premier choc pétrolier tout comme la faillite d’un fonds spéculatif en 1998 (LTCM) ou celles liées à l’éclatement de la bulle Internet en 2000 n’ont pas porté à conséquences.

La financiarisation de l’économie s’est accrue dans les années 80 avec la forte croissance des besoins en crédits des États et la nécessité de recycler les pétrodollars. Le ralentissement de la croissance et la montée du chômage ont provoqué une forte augmentation des déficits publics. La hausse du prix du pétrole, en 1973 et en 1979/80 a amené les pays producteurs à accumuler des excédents commerciaux importants qu’ils devaient recycler. Par ailleurs, le Japon et l’Allemagne ont également dégagé au niveau de leur commerce extérieur des soldes positifs quand d’autres États comme les États-Unis enregistraient de forts déficits. L’arrivée de Margaret Thatcher et de Donald Reagan au pouvoir au Royaume-Uni et aux États-Unis a remis au goût du jour les idées libérales. Il s’en est suivi une mutation des marchés financiers avec une double caractéristique : déréglementation et informatisation. Jusque dans les années 80, le nombre des courtiers en bourse était limité, une cinquantaine par exemple, à Paris, limitant d’autant le nombre et le volume des opérations. Les opérations se dénouaient autour de la corbeille durant des séances d’une durée réduite à quelques heures. La fin des monopoles, l’informatisation des opérations, l’allongement des séances, la cotation continue ont révolutionné les métiers de la finance. Avec le développement des relations commerciales et financières à l’échelle mondiale, la nécessité de coordonner les réglementations nationales s’est imposée. Dans le cadre de la Banque des Règlements Internationaux (BRI), les banques centrales ont développé un ensemble de règles prudentielles (accords de Bâle, nom de la ville du lieu de la réunion). En parallèle à ces évolutions, de nouvelles techniques de couverture de risques ont connu un important essor. Ces techniques ont permis un partage des risques et par ricochet un accroissement des financements. Leur usage abusif dans les années 2000 a conduit à la crise des subprimes en 2007/2009. La dilution du risque ne signifie pas la disparition de ce dernier. L’incapacité d’un nombre important de ménages modestes surendettés de faire face à leurs échéances de remboursement en raison de la hausse des taux a occasionné une série de faillites en chaîne amenant la crise la plus sévère depuis les années 30. Son impact a été renforcé par la disparition de la confiance. La crise s’est amorcée avec l’annonce par BNP Paribas, le 9 août 2007, de suspendre le remboursement plusieurs SICAV monétaires comprenant des petites doses de subprimes. Cette annonce a créé un choc de grande ampleur mais au départ circonscrit à l’espace financier. La banque centrale américaine a été conduite, à la demande des autres banques centrales, à fournir des lignes de financement aux banques non américaines. Ces interventions n’ont pas empêché la propagation de l’onde choc. En août 2007, la banque de crédit immobilier Countrywide est en difficulté. Au mois de septembre, c’est au tour de la banque de crédit hypothécaire britannique Northern Rock de rencontrer des problèmes de liquidité. Au mois de mars 2008, la banque JP Morgan achète la banque Bear Sterns pour lui éviter la faillite. L’idée que les banques centrales et les grands établissements financiers étaient devenus les garants du système s’était imposée. Le 13 septembre 2008, Lehman Brothers, une des grandes banques américaines, demande l’appui d’urgence de la FED qui refuse de lui apporter se contentant d’épauler la compagnie d’assurances AIG. La faillite qui en résulte de Lehman Brothers brise nette la confiance au sein de la sphère financière et au-delà. En refusant de la secourir, la FED veut en faire un exemple et appeler les banques à être plus responsables. Cette décision est perçue aussi comme l’impossibilité pour la banque centrale de secourir un des établissements les plus prestigieux de la place. Confrontés à un risque dominos, les banques centrales et les États ont dû tout à la fois assurer la liquidité du système économique, reprendre des dettes et nationaliser des établissements financiers. Le G20 réunissant les vingt principales puissances économiques mondiales a permis une coordination des politiques nationales et à instituer le Conseil de stabilité financière. Aux États-Unis, un regroupement des banques d’investissement a été opéré avec en tête de pont Goldman Sachs et Morgan Stanley. L’activité de marché a été reprise par Citicorp, JP Morgan et Bank of America. En Europe, les restructurations ont été moins importantes. Deux établissements de grande taille ont été néanmoins démantelés, la Royal Bank of Scotland et Fortis.

La restauration de la confiance s’est traduite au niveau réglementaire par le durcissement des ratios prudentiels notamment ceux qui concernent les exigences en fonds propres (règles de liquidité, règles de solvabilité). La traçabilité des fonds a été également renforcée (notamment meilleur enregistrement des produits dérivés dans les chambres de compensation). Le prix de la confiance a été relevé de manière importante limitant d’autant les capacités d’intermédiation. La crise de 2008/2009 a révélé que la sphère financière n’était pas infaillible. Les pays émergents se sont mis à douter de la capacité des occidentaux à gérer, dans l’intérêt de tous, les relations financières mondiales. Des acteurs plus ou moins privés ont mis en place des techniques pour tenter d’échapper aux monnaies nationales et aux institutions financières traditionnelles. Les cryptomonnaies assises sur la blockchain sont ainsi apparues. L’absence de transparence au niveau de leur création, leur caractère très spéculatif ont nui à l’essor de ces monnaies et en particulier au bitcoin. La Chine a également tenté de s’affranchir du monopole du dollar en créant La Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures qui a pour objectif de concurrencer le FMI. Cette volonté de sortir du système dollar est d’autant plus prégnante que les pouvoirs publics américains imposent leurs règles aux acteurs internationaux utilisant leur monnaie. Ainsi, plusieurs entreprises dont BNP Paribas ont été lourdement sanctionnées pour n’avoir pas respecté les embargos décidés par les États-Unis. Les entreprises européennes comme japonaises ont été contraintes de renoncer à leurs échanges avec l’Iran en raison du refus américain de ratifier l’accord avec ce pays. De plus en plus d’États souhaitent limiter la place du dollar dans les échanges. La création d’une monnaie digitale figure parmi les projets qui pourraient modifier les lignes. En 2019, c’est pourtant une entreprise américaine qui a été la plus active sur ce sujet, Facebook avec la création éventuelle du libra.

Le combat des monnaies aura-t-il lieu ?

Le plan de Mark Zuckerberg d’instituer le libra comme monnaie virtuelle a souligné qu’un des piliers majeurs du capitalisme contemporain était à la merci d’un phénomène de disruption majeure.

Pour le moment la digitalisation concerne en premier lieu les paiements scripturaux. Le numéraire est en déclin dans de nombreux pays et de manière significative en Suède et en Chine. Des acteurs non bancaires s’approprient ce marché. Le centre de gravité des paiements se déplace vers des nouveaux acteurs, issus du monde du digital. Ce basculement constitue à la fois un défi pour le modèle économique des banques et un enjeu de souveraineté pour les États, dès lors que les infrastructures, le savoir-faire et la technologie qui les sous-tendent, seraient pour l’essentiel détenus par des entreprises privées. Pour l’Europe, cette question de souveraineté est d’autant plus sensible qu’il s’agit d’acteurs non européens.

Au-delà des opérations de paiement, émergent en parallèle des cryptoactifs qualifiés à tort ou à raison de cryptomonnaies. Si ces dernières années, leur volatilité les a empêchées de jouer un rôle de monnaie, il pourrait en être différemment à l’avenir. Une seconde génération d’actifs, les stablecoins, fondés sur la même technologie blockchain prometteuse mais assortis désormais de mécanismes destinés à stabiliser leur valeur, pourrait se développer. C’est dans ce cadre que le fondateur de Facebook a annoncé son intention de créer sa monnaie, le libra dont la valeur est liée à un panier de devises. Grâce aux effets de réseau, les stablecoins pourraient être des vecteurs d’échanges transfrontaliers. Ils sont susceptibles de concurrencer les anciennes monnaies en cas de doutes sur leur crédibilité.

Les adversaires des cryptomonnaie ont mis en avant les dangers dont elles sont porteuses à travers leur capacité à créer de la monnaie au niveau international. Elles peuvent également servir à blanchir de l’argent sale et financer le terrorisme. D’ici l’été 2020, le Conseil de stabilité financière apportera une réponse au niveau mondial sur les enjeux liés au déploiement éventuel d’une cryptomonnaie via un réseau social.

Pour contrer les cryptomonnaies, les banques centrales entendent améliorer les systèmes de paiement internationaux. Elles étudient également la création d’une nouvelle forme de monnaie de nature digitale pouvant servir pour tous les types de paiement : la Monnaie Digital de Banque Centrale (MDBC). Le gouverneur de la Banque de France estime que cette MDBC pourrait remplir deux missions : le paiement entre acteurs du secteur financier (monnaie dite de « gros ») utilisant la blockchain et toutes ses possibilités, notamment la disponibilité de « smart contracts », le paiement au niveau des particuliers (monnaie dite de « détail »). Les institutions financières disposent d’un niveau de maturité digitale plus élevé que les autres acteurs puisqu’elles accèdent déjà à la monnaie centrale sous forme numérique grâce à leurs comptes à la banque centrale. Certains banquiers centraux estiment que la création d’une MDBC serait la seule façon de lutter contre la prédominance du dollar. Le gouverneur de la Banque de France est favorable à l’idée que cette monnaie dispose d’un statut légal et que les non-résidents puissent y accéder. L’internationalisation d’une MDBC aurait comme conséquence si la greffe prenait de mettre en cause la suprématie du dollar comme monnaie d’échange et de réserve. Les États-Unis pourraient riposter en gérant eux-mêmes une monnaie digitale ou de reconnaître une cryptomonnaie comme le libra. Depuis 1976 avec les Accords de la Jamaïque qui avaient légalisé le régime des changes flottants, le système monétaire international repose sur les mêmes règles ou sur l’absence de règles. Le digital est à même d’amener une révolution systémique pouvant profondément changer la donne en ce qui les moyens de paiements, les échanges et les réserves.

L’ère de l’ultra-mobilité et la montée des isolements

Les grèves en France qui durent depuis le 5 décembre, montrent la dépendance des économies modernes aux transports. L’urbanisation des modes de vie a comme corollaire une mobilité croissante. La métropolisation du territoire accentue cette tendance qui date du début de la révolution industrielle. Dans les années 60, la distance moyenne entre le domicile et le travail ne dépassait pas trois kilomètres quand, en 2018, elle atteint plus de 15 kilomètres pour 50 % des Français. 70 % des actifs prennent leur voiture pour aller travailler quand auparavant la marche à pied, le vélo ou le vélomoteur étaient privilégiés. Les entreprises industrielles ont jusque dans les années 70 logé leurs salariés dans des cités jouxtant l’usine. Le déclin de l’industrie et la concentration des activités essentiellement tertiaires au sein de grands centres urbains ont mis un terme à cette pratique. La démocratisation de la voiture et la multiplication des offres de transports publics ont modifié les stratégies d’habitation des ménages, leur permettant de s’éloigner de leur lieu de travail. L’augmentation du coût des logements a également contribué à cet éloignement. En une cinquantaine d’années, la vie quotidienne des ménages s’est complexifiée surtout pour ceux devant gérer plusieurs emplois ne se situant pas obligatoirement au même endroit ou pour ceux ayant des enfants (déplacements liés aux établissements scolaires et aux activités extra-scolaires). En cas de familles séparées et de gardes alternées, la gestion des déplacements est encore plus complexe. En 2016, le Ministère de l’environnement recensait 956 milliards de voyageurs-kilomètres.

Avec l’éclatement des familles, avec le développement du low-cost, avec le goût croissant pour les voyages, la mobilité touristique a connu une forte progression. 75 % des ménages effectuent au moins une fois par an un voyage touristique. En moyenne, parmi les partants, le nombre de voyages était, en de 5,6 en 2017 contre 4,9 en 2015.

La mobilité est perçue de manière ambivalente. Elle est synonyme de liberté, de découverte, de modernité. Elle est aussi une contrainte surtout quand elle rime avec embouteillage et grèves. Selon le CRÉDOC, « la mobilité joyeuse se mue en obligation de mobilité et en mobilité de contrainte ». La mobilité déstructure les relations. En passant de plus en plus de temps dans les transports, les Français disposent de moins de temps pour leurs relations amicales ou familiales. La mobilité censée rapprocher éloignerait les individus les uns des autres. Selon les études du CRÉDOC, la France se caractérise par rapport à ses voisins immédiats par l’importance donnée par ses habitants aux réseaux de sociabilité. Pour autant, selon une enquête réalisée, en 2019, pour la Fondation de France, les Français rencontrent moins souvent leurs amis en 2019 qu’en 2016. Les baisses les plus sensibles sont constatées chez ceux qui disposent des plus faibles revenus. Par rapport à 2016, la densité des relations avec ses voisins est plutôt en recul. 49 % des Français ont des relations régulières (plusieurs fois par mois, voire par semaine) avec leurs voisins contre 55 % en 2016. Contrairement à certaines idées préconçues, la sociabilité est plus importante dans les grandes villes que dans les petites et en milieu rural. À Paris, 54 % de ses habitants déclarent avec des relations régulières avec leurs voisins.

Moins ancrés dans un territoire, passant plus de temps dans les transports et ayant un plus grand nombre d’activités, les engagements associatifs des Français reculent. En 2019, plus d’une personne sur deux (54 %) ne fait partie, selon le CRÉDOC, d’aucune association (+7 points par rapport à 2016). L’engagement régulier (35 % de la population interrogée en moyenne) est en recul de 4 points, avec une baisse particulièrement forte chez les 40-49 ans (-10 points dans cette tranche d’âge).

Avec le développement du télétravail, avec les 35 heures, avec le travail en écran, les contacts au sein des bureaux et à l’extérieur des bureaux tendent à diminuer d’où l’essor des espaces de « coworking ». La proportion d’actifs en emploi qui voient régulièrement leurs collègues en dehors du travail, a diminué de 34 % à 30 % de 2016 à 2019. La diminution des relations professionnelles est liée également au poids plus important des CDD, du travail à temps partiel et de l’intérim qui rend plus complexe la structuration d’un réseau. Les cadres ont deux fois plus de contacts avec leurs collègues que les ouvriers. En revanche, les femmes dont le taux d’activité se rapproche de celui des hommes ont autant de contacts professionnels que ces derniers.

Avec le travail, la socialisation passe par la famille qui joue en France un rôle important. Les Français estiment que c’est la clef de voûte des liens sociaux. Ainsi, en 2019, selon le CRÉDOC, plus de 3 personnes sur 4 (77 %) accordent une importance élevée à leur propre famille.

En trois ans, les liens avec les membres de sa famille avec qui on ne vit pas au quotidien se sont renforcés. En 2019, plus d’une personne sur deux a des liens réguliers avec les membres de sa famille qui ne vivent pas sous leur toit (+ 6 points).

L’isolement, une conséquence de la non-mobilité

En 2019, en prenant en compte les différents réseaux de socialisation, travail, amis, voisins, famille, associations, près de 7 millions de personnes sont isolées. Ces personnes ne rencontrent et ne passent du temps avec d’autres personnes que très rarement (uniquement quelques fois dans l’année voire jamais). 21 % des Français ont des liens réguliers dans un seul réseau social et 67 % ont des liens nourris dans plusieurs milieux différents. La famille est pour les personnes dites isolées bien souvent le seul réseau d’ancrage au sein de la société. Les personnes à faibles revenus sont les plus susceptibles d’être isolées, 61 % ont un niveau de vie inférieur au niveau de vie médian. 58 % des isolés ont un diplôme inférieur au bac, soit 7 points de plus qu’en population totale. Ils sont plus souvent au chômage que la moyenne de la population, (taux de chômage supérieur à 12 %). Entre 2016 et 2019, le profil des personnes isolées a légèrement évolué. Les 40-49 ans sont plus souvent représentés (29 %, + 8 points), tout comme les habitants des grandes agglomérations de province (27 %, + 5 points). La part des actifs occupés a crû de 3 points : un isolé sur deux est désormais en emploi. Sont particulièrement concernés les personnes travaillant à temps partiel

Le lien entre mobilité et isolement est fort. En effet, l’existence des nouveaux moyens de communication ne permet en tant que tel d’entretenir un réseau. Seuls 20 % de ceux qui ne voient pas les membres de leur famille les contactent régulièrement par un autre biais (contre 74 % en moyenne dans l’ensemble de la population ou 88 % de ceux qui les voient plusieurs fois par semaine). Des rencontres réelles fréquentes permettent la dilution des liens amicaux ou familiaux. Cinq freins à la mobilité peuvent être distingués :

  • Les difficultés financières ;
  • Les difficultés d’accéder à des moyens de transports ;
  • Les problèmes de santé ;
  • Les entraves psychologiques ou les difficultés mentales à organiser un déplacement ;
  • Les contraintes de temps.

La question de la mobilité est également un enjeu environnemental dans le cadre de la transition énergétique. Les transports avec le chauffage constituent la principale source d’émission de gaz à effet de serre. Le passage à des modes de transports à faible émission et la taxation des autres provoquent d’importantes tensions en France comme dans les autres pays. La crise des « gilets jaunes » trouve un de ses fondements majeurs dans l’augmentation des taxes sur l’essence. La fermeture des services publics, des hôpitaux, des maternités, l’accès aux services proximité, aux loisirs renvoient tous à la question de la mobilité. La métropolisation permet la concentration des populations au sein de grande agglomération qui sont de ce fait de plus en plus étendues. L’offre de transports a été moins rapide que cette concentration entraînant des embouteillages et des surcoûts pour les familles. Cette situation est d’autant plus sensible que le prix de l’immobilier contraint un nombre croissant de personnes à se loger en périphérie des grandes villes.