8 février 2020

Le Coin des tendances

Les Français aiment l’économie, bien au contraire

Selon une étude TNS Sofres commandée par la Banque de France, l’économie est un sujet majeur pour 54 % des Français. Les hommes (61 %) sont plus intéressés par le sujet que les femmes (48 %). Les Français qui suivent avec intérêt l’actualité économique sont plutôt à la retraite (67 %), cadres supérieurs (67 %), titulaires de revenus élevés – 3 700 euros et plus – (71 %) ou les diplômés de l’enseignement supérieur (61 %). À l’opposé, les Français les moins intéressés se trouvent parmi les moins de 35 ans (60 %), les professions intermédiaires (61 %), les ménages modestes (moins de 1500 euros) (53 %) et ceux qui n’ont pas de diplôme de l’enseignement supérieur (51 %).

Un niveau moyen en économie ?

Une petite majorité des Français estime avoir un niveau moyen en économique. 19 % des hommes et 10 % des femmes déclarent avoir un niveau élevé. Les femmes préfèrent indiquer qu’elles disposent en la matière de connaissances moyennes quand les hommes se classent soit dans la catégorie des compétences faibles, soit dans celle des compétences élevées. Le nombre plus important d’hommes estimant avoir un niveau élevé en économie est également lié à leur surreprésentation parmi les cadres et les professions dites intellectuelles.

Les Français préoccupés par la situation des finances publiques

Les Français inquiets de la situation des finances publiques aimeraient être mieux informés sur ce sujet. L’emploi figure comme deuxième préoccupation. Pour les jeunes de moins de 35 ans, l’emploi est la première préoccupation. Les retraités sont avant tout préoccupés par le fonctionnement et le financement de la protection sociale. Les cadres supérieurs aimeraient davantage d’information sur des sujets comme l’impact de la mondialisation (34 %) et de la robotisation et des innovations technologiques.

La Banque de France note que les Français, en raison peut être de l’amélioration de la situation de l’emploi, sont moins demandeurs d’information concernant l’emploi mais plus friands d’explications sur les innovations technologiques. L’inflation est un thème moins important en 2019 qu’en 2018. Il y a deux ans, la question du pouvoir d’achat, du niveau de vie était au cœur des préoccupations. En matière d’inflation, la Banque de France souligne que les Français ont tendance à toujours la surestimer et à ne pas croire les statistiques officielles. Le passage à l’euro a donné lieu à une polémique pas encore éteinte à ce jour sur l’envolée de certains prix (café, pain, fruits, en particulier). Trois quarts des Français estiment que l’inflation a été supérieure à 2 % quand elle n’est que de 1,3 % en 2019. Les Français sont sensibles aux petites hausses de prix sur les produits et services du quotidien quand ils ne perçoivent pas les fortes baisses sur certains biens comme les produits d’électronique grand public (ordinateurs, smartphones, hi-fi, etc.) ou celles des services très concurrentiels (accès internet, voyages).

La question climatique, un enjeu majeur

L’irruption de la question climatique au sein du débat public a de fortes conséquences au sein de l’opinion publique. Ainsi 62 % des sondés jugent ce sujet majeur. Ce taux est de 68 % chez les moins de 35 ans. Il atteint même 70 % pour les cadres et les professions libérales. Lors de ces deux dernières années, la sensibilité aux problèmes de transition énergétique et de réchauffement climatique a fortement augmenté. En la matière, les Français estiment que les efforts doivent être réalisés en priorité par les pouvoirs publics et donc l’État (41 %). Les moins de 25 ans attendent davantage des entreprises (42 % de cette tranche d’âge, contre 27 % pour l’ensemble des sondés). Pour seulement 19 % des personnes interrogées, les citoyens sont amenés à réaliser des efforts. Les sondés les plus âgés sont plus enclins à penser que la lutte contre le réchauffement climatique est également une question de comportement individuel. Les attentes dirigées vers le secteur financier n’arrivent qu’en quatrième position, à un niveau de 12 %.

La lutte contre les inégalités sociales constitue également pour 51 % des Français un sujet important. La recherche de l’équité, la réduction des inégalités de revenus sont des sujets que les gouvernements se doivent de traiter en priorité. La lutte contre les inégalités entre les hommes et les femmes est également un sujet de préoccupation important (27 % des sondés et 31 % pour les femmes).

Des réformes et des divergences d’appréciation

Selon l’étude de la Banque de France, les Français sont divisés sur les réformes économiques à mener. Les divergences portent sur l’opportunité et le contenu de ces réformes.

58 % des sondés mettent en tête de leurs priorités la réforme du système de santé. Le pourcentage atteint 60 % chez les retraités, les cadres et chez les moins de 25 ans. Si cette volonté de réforme du système de santé transcende les catégories sociales et les générations sur le principe, en revanche, des divergences apparaissent sur le contenu, La demande d’amélioration de la gestion est mise en avant chez les cadres quand les retraités et les Français à revenus modestes demandent une offre de santé accrue et de meilleurs remboursements.

48 % des Français demandent la mise en œuvre d’une réforme des retraites mais les attentes sont également contradictoires. Les catégories supérieures souhaitent un régime universel quand les employés et les ouvriers demandent une augmentation des pensions et un âge précoce de départ à la retraite.

Ils sont 53 % à approuver la réforme de la formation professionnelle. Cette réforme technique est plus consensuelle que celle concernant les retraites.

Un regard plutôt positif sur le progrès technique

Pour 57 % des Français, les progrès de la technologie et le développement de l’économie numérique créeront et détruiront simultanément des emplois. Pour 10 % des personnes interrogées, ces changements créeront davantage des emplois qu’ils n’en supprimeront quand 31 % anticipent plutôt une destruction nette d’emplois. 72 % des cadres supérieurs par exemple, prévoient plutôt des effets équilibrés sur l’emploi, quand 42 % des ouvriers anticipent des effets nets négatifs. Le progrès technologique n’est pas perçu comme une menace pour l’emploi par les actifs qui demandent toutefois à être mieux accompagnés.

Moins d’un quart des actifs se disent menacés par le progrès technique. 82 % des moins de 35 ans n’ont pas d’inquiétude en la matière. En revanche, 41 % des actifs disant être plutôt mal ou très mal accompagnés et formés.

La société de surveillance généralisée

La bataille de l’information et celle du contrôle des opinions ne datent pas d’Internet. Thucydide dans la Grèce Antique fut tout à la fois un analyste renommé de la vie politique et militaire de son temps mais aussi un influenceur. Louis XIV et Colbert créèrent l’Académie française notamment pour remercier les « bons auteurs » et pour pouvoir, le cas échéant, faire pression sur ces derniers afin que les textes publiés soient conformes à leurs intérêts. Bonaparte rédigeait pendant les batailles les comptes rendus qui étaient envoyés aux quotidiens pour être publiés au plus vite. Empereur, il continua à alimenter en contenu le principal journal de l’époque, « Le Moniteur ». La censure a été pratiquée de tout temps. Avec la radio et la télévision, les moyens d’influence et de manipulation ont pris de nouvelles formes. Les pouvoirs publics ont longtemps encadré la création de ces médias et ont pesé de différentes manières sur leurs contenus. Les années 70 et 80 ont été marquées par une libéralisation de ces deux supports. Le contrôle est devenu plus indirect, moins visible, financier et moral. L’émergence d’Internet et des outils numériques a modifié en profondeur l’univers de la communication. Ce nouveau moyen de communication transfrontalier qui autorise en temps réel des échanges de données remettait en cause la verticalité des dictatures. De nombreux États ont mis en place des dispositifs pour empêcher l’accès à certains sites voire à Internet.

Internet, de l’influence à la manipulation ?

Internet donne également de nouveaux moyens de manipuler et influencer. En 2017, plus de la moitié des États se seraient dotés d’officines publiques ou privées afin de diffuser et de faire circuler des informations plus ou moins exactes sur les réseaux sociaux et sur les sites Internet. La plus connue des officines est l’Internet Research Agency d’obédience russe qui a été accusée d’avoir joué un rôle durant la campagne présidentielle américaine de 2016. En Turquie, le pouvoir aurait embauché 6 000 personnes afin de diffuser de l’information en ligne. Les gouvernements utilisent les automates pour surveiller et diffuser de l’information. La moitié du trafic serait dû au travail des automates. Une part non négligeable des 71,1 millions de « suiveurs » de Donald Trump sur Twitter serait des automates. Au Mexique, le Gouvernement disposerait de 75 000 comptes pour délivrer de l’information. En Chine, l’État serait, directement ou indirectement, responsable de la publication de 500 millions d’informations par an. En Thaïlande, 100 000 étudiants en ayant recours à des logiciels dédiés surveillent tous les propos jugés négatifs à l’encontre de la monarchie.

Le taux de pénétration des messages est impressionnant. Ainsi, grâce à des algorithmes pointus et de bonnes portes d’entrée, 126 millions d’Américains auraient lu au moins une fois, en 2016, un des messages émanant des officines russes sur Facebook. Twitter évalue que 1,4 million de tweets issus d’une même source ont été consultés par 288 millions d’Américains. L’industrie de la « fake news » est florissante. Selon une étude du MIT, les informations fausses ont un pouvoir d’influence plus élevé que les vraies. Elles seraient rediffusées 70 % plus souvent donnant raison à Talleyrand « en politique, ce qui est cru est plus important que ce qui est vrai ». Entre l’information et la fiction, les frontières sont poreuses. Le terme de « docufiction » en est la preuve.

Au-delà de l’information, les pouvoirs publics se sont dotés de moyens techniques pour assurer la sécurité intérieure et extérieure des États. L’informatique, l’intelligence artificielle ont abouti à l’élaboration d’outils de récupération et d’analyses de données sans précédent. Utilisées à des fins commerciales, ces dernières peuvent également servir à contrôler les citoyens. Le logiciel américain « Prism », capture toutes les données liées à un numéro de téléphone ou à une adresse électronique (adresse mail, comptes sur les réseaux). Le logiciel établit une cartographie des contacts, des liens, des sujets de discussion en explorant les boites mail, les données sur les réseaux sociaux et les échanges sur les messageries directe. Prism peut suivre des personnes ciblées. Initialement, seules des personnes situées à l’extérieur aux États-Unis pouvaient être visées. Le logiciel « Dishfire » permet au contraire de retrouver une personne dans une masse de données. Plus de 160 millions de SMS seraient analysés chaque jour. « Dishfire » est également capable de suivre les transactions financières et d’agréger des données en provenance des comptes bancaires. Le logiciel « Prefer » est capable de déterminer les passages de frontières en jouant sur les échanges de données générés par les itinérances des téléphones portables.

Avec son système appelé « Mystic », la NSA, service de sécurité américain, a la capacité de capturer 100 % du trafic téléphonique d’un pays, d’une ville ou d’un quartier. L’existence de ce programme fut révélée le 18 mars 2014 par Le Washington Post, sur la base des documents divulgués par Edward Snowden.

Les entreprises du Digital collaborent avec les services de sécurité en garantissant des accès à leurs bases. Ainsi, la NSA a reçu l’accord de Microsoft, de Yahoo, de Google ou de Facebook pour accéder à leurs clients. Les GAFA coopèrent avec la NSA sur les questions de cryptage et de décryptage.

11 septembre 2001, une rupture en matière de traitement des données

La guerre contre le terrorisme à partir de 2001 s’est accompagnée du développement de techniques de surveillance numérique poussées, techniques qui ont été autorisées par les Parlements et les Cours suprêmes des différents pays. Ainsi, en 2008, la Cour Suprême a autorisé la collecte de données privées aux États-Unis. L’autorisation de la Cour a été accordée sous réserve que plus de la moitié des informations collectées concernent des informations internationales pouvant mettre en danger la sécurité de la nation. Les documents révélés par Edward Snowden ont démontré que la NSA avaient collecté les adresses IP de dizaines de millions de personnes et l’ensemble des informations qui y sont attachées. Fin 2016, au Royaume-Uni, une loi permet aux autorités d’intercepter sur tous les supports électroniques des données. En 2015, le Parlement français a permis également à l’exécutif le recueil de données dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et afin de sortir de l’état d’urgence. Durant la Guerre froide avec l’URSS, les pays occidentaux n’avaient pas durci leur arsenal répressif. Aux États-Unis, il y avait eu néanmoins quelques excès avec la chasse aux sorcières en particulier dans le secteur de la communication et du cinéma. La proximité de la Seconde Guerre mondiale et la réputation liberticide du régime soviétique constituaient d’utiles garde-fous. Après le 11 septembre 2001, face à un ennemi plus insaisissable, les gouvernements ont utilisé les nouveaux moyens techniques qu’offre le digital, approuvés en cela par une opinion apeurée. Par rapport aux années 70, la rupture est nette. La constitution de fichiers, les atteintes au droit d’association, l’accès aux documents publics constituaient des sujets majeurs du débat public. Ces sujets ont débouché sur de grandes lois et sur la création de plusieurs autorités administratives indépendantes en France comme dans les autres pays de l’OCDE (par exemple, la CNIL pour les fichiers et la CADA pour les documents administratifs).

Le suivi informatique, les drones permettent des attaques chirurgicales. Les exécutions d’État sont de plus en plus fréquentes et cela sans déclaration de guerre. Ainsi, de 2008 à 2016, les autorités américaines ont procédé à l’assassinat de plus de 3 500 personnes jugées responsables d’actes terroristes à l’encontre des États-Unis et de ses alliés. Les armées des différents pays développent des techniques pour paralyser les communications et les liaisons informatiques afin de bloquer un pays voire de pouvoir pratiquer des dommages de grande ampleur (prise de contrôle de centrales électriques, des établissements financiers, etc.).

Internet, le digital et l’intelligence artificielle ont des conséquences majeures sur les libertés publiques. L’aversion aux risques importante des populations et l’apparition de nouvelles menaces ont conduit les gouvernements à utiliser des techniques de renseignement qui auraient, sans nul doute, été dénoncées il y a trente ou quarante ans. Les réactions de l’opinion face aux différentes utilisations de données privées par les gouvernements, les sociétés du digital, ont certes été réelles mais assez temporaires et n’ont pas donné lieu à une véritable remise en cause des pratiques si l’on excepte l’adoption en Europe de la directive instituant le RGPD. La confirmation que les services américains écoutaient les conversations des Présidents français ou de la Chancelière allemande ne s’est pas traduit par une crise diplomatique majeure. La sensibilité des opinions sur ce sujet est pour le moment assez faible malgré quelques lanceurs d’alerte.  

Le Green Deal sonne-t-il le glas des critères de Maastricht ?

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a proposé un Green Deal – ou Pacte vert – pour l’Union européenne engageant l’Union sur un montant de mille milliards d’euros sur dix ans (2020 – 2030), soit 100 milliards par an. L’objectif est de rendre l’économie de l’Union neutre au niveau des émissions de carbone d’ici 2050. À cet effet, la Présidente souhaite que la Banque européenne d’investissement (BEI) soit transformée en une banque du climat. À charge pour celle-ci d’orienter les sommes faramineuses détenues et investies vers les projets susceptibles d’aider l’Union européenne à atteindre le but qu’elle s’est fixée.

Afin d’éviter que les Etats améliorent leur compétitivité aux dépens des Etats membres, l’Union sera incité à instituer une taxe carbone aux frontières, taxe qui devra recevoir l’accord de l’OMC. En effet, dans un premier temps, la réduction des émissions de CO2 devrait conduire à une augmentation des coûts de production. Les exportateurs des pays non soumis aux règles européennes pourraient être avantagées si une telle taxe n’était pas instituée. En plus, ils pourraient profiter d’énergies carbonées à moindres coûts en raison de la diminution de la consommation des pays de l’Union. L’autre solution serait que tous les pays acceptent un règlement carbone. Mais, compte tenu de l’opposition des États-Unis, de l’Inde, de la Russie et de quelques autres pays, cette voie est actuellement une impasse.

Le montant de 100 milliards d’euros par an devrait être dévolu au Green Deal à l’échelle de l’Union européenne au regard des besoins dans les domaines de la production d’énergie, des transports ou de la construction constitue un obstacle à la réussite du projet.

Le plan de la Commission risque de buter sur les politiques énergétiques qui restent de la compétence des États membres. Il faudrait un important transfert de souveraineté pour peser sur la structuration du mix énergétique. En Pologne, les centrales thermiques au charbon représentent près de 80 % de la production d’électricité. Le Gouvernement polonais s’est publiquement opposé au principe de décarbonisation de l’économie européenne. L’autre moyen d’orientation des dépenses d’équipement ou de consommation dans un sens plus écologique est d’ordre fiscal (systèmes du bonus/malus, du crédit d’impôt ou de la réduction d’impôt). Cependant ces incitations relèvent également des États membres.

Par ailleurs, ce plan est contesté par les représentants des pays producteurs de charbon ou de lignite (Pologne en particulier). Il est également contesté par un certain nombre d’économistes allemands, comme Hans-Werner Sinn, qui s’inquiètent du financement par l’emprunt d’une grande partie de ce Green Deal. La future Banque du climat sera autorisée à emprunter massivement sur les marchés pour financer le Green Deal. La BCE serait incitée à acheter ces Bons du Trésor européen afin d’en faire baisser les taux d’intérêt.

Le plan de la Commission sur la décarbonisation de l’économie de l’Union s’accompagne d’un débat sur le maintien des fameux critères de Maastricht et du Pacte de Stabilité. Le Commissaire européen chargé de l’économie, Paolo Gentiloni, a souligné récemment sur « le besoin urgent de soutenir la croissance et d’investir massivement pour faire face au changement climatique ». Les élus d’Europe du Nord restent pour le moment très opposés à un assouplissement des règles au nom de la transition énergétique. L’eurodéputé conservateur allemand Markus Ferber a ainsi déclaré que « la dette c’est la dette, peu importe la couleur, même si elle est verte. ».