14 mars 2020

Le Coin des Tendances

La situation contrastée des pays de l’OCDE

Comme l’indiquent les études sur le moral des ménages dont nous rendons régulièrement compte dans la Lettre Eco, l’idée d’une dégradation des conditions de vie en particulier pour les classes moyennes est assez communément partagée. Un écart croissant est constaté entre le ressenti et les données statistiques. Dans une récente étude, l’OCDE souligne que la situation économique et sociale s’est améliorée depuis la crise de 2008/2009, y compris pour les pays occidentaux.

Selon l’OCDE, le revenu disponible des ménages par personne a augmenté dans plus de la moitié des pays de l’OCDE de 2010 à 2019. Les taux d’emploi des personnes âgées de 25 à 64 ans ont gagné près de 5 points de pourcentage en moyenne (aujourd’hui, presque huit adultes sur dix occupent un emploi rémunéré).

Une réelle amélioration des conditions de vie

Les conditions sanitaires sont en progrès avec, à la clef, pour la quasi-totalité des pays une augmentation de l’espérance de vie. Le surpeuplement au sein des logements est en baisse dans la très grande majorité des pays de l’OCDE. Les taux d’homicides ont reculé d’un quart depuis 2010, et les personnes se sentent généralement plus en sécurité dans la rue. Les enquêtes récentes laissent également penser que les habitants de plus d’un tiers des pays de l’OCDE sont plus satisfaits de leur existence qu’ils ne l’étaient en 2013.Bien que deux tiers de la population des pays de l’OCDE restent exposés à des niveaux dangereux de pollution, la qualité de l’air s’améliore.

Une montée des inégalités sociales

L’OCDE note la progression des inégalités en particulier au niveau des revenus. Les personnes appartenant au quintile supérieur de la distribution des revenus ont toujours une rémunération plus de cinq fois plus élevée que celle des individus du quintile inférieur. Plus d’un tiers des ménages sont en situation de précarité financière dans la zone OCDE, ce qui signifie qu’ils risqueraient de basculer dans la pauvreté s’ils devaient renoncer à trois mois de leurs revenus. Le patrimoine médian des ménages a diminué en moyenne au sein des États membres. Dans près des deux tiers des pays de l’OCDE, la dette des ménages est supérieure à leur revenu disponible annuel, et elle a augmenté dans un tiers des pays membres de l’Organisation depuis 2010. Cette situation génère des risques de précarité accrus pour les ménages concernés.

L’accès au logement devient de plus en plus difficile pour les jeunes générations en raison de l’augmentation du prix de l’immobilier.

Une baisse du niveau scolaire

Les résultats des élèves aux épreuves de sciences du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) se sont dégradés dans de très nombreux pays depuis une dizaine d’années. La baisse du niveau scolaire des jeunes garçons commence à se faire ressentir sur leur capacité d’intégration au sein du marché du travail.

Des inégalités persistantes entre les hommes et les femmes

Bien que les écarts de rémunération entre hommes et femmes se soient légèrement réduits dans un certain nombre de pays, les femmes ont encore des revenus d’activité inférieurs de près de 13 % en moyenne à ceux des hommes, et leur temps de travail quotidien est supérieur de près d’une demi‑heure à celui des hommes en prenant en compte à la fois le travail rémunéré et non rémunéré (comme les tâches ménagères et la prise en charge de proches). Les femmes sont encore peu présentes au sein des instances publiques. Elles n’occupent qu’un tiers de l’ensemble des sièges des parlements de la zone OCDE. Par ailleurs, les hommes consacrent en moyenne 40 minutes de moins par semaine que les femmes aux interactions sociales, et sont plus susceptibles de faire état d’un manque de soutien social. En raison de moins de liens sociaux, les risques d’isolement sont plus élevés chez les hommes.

L’augmentation de la solitude

Le temps consacré par les individus aux interactions avec leurs amis et les membres de leur famille a diminué de 7 % depuis 2010. Une personne sur onze indique n’avoir ni proche ni ami sur qui compter dans les moments difficiles. Par ailleurs, même si la confiance dans les pouvoirs publics s’est améliorée en moyenne depuis 2010, moins de la moitié des habitants des pays de l’OCDE ont confiance dans leurs institutions.

Une remise en cause des valeurs démocratiques

Pour l’OCDE, la baisse de la participation électorale est un signe inquiétant avec une remise en cause des valeurs démocratiques et de la capacité à dégager du consensus. Au sein des jeunes générations, les régimes autoritaires trouvent de plus en plus de soutien.

Une insatisfaction en hausse

Le rapport de l’OCDE révèle que 7 % des habitants des pays de l’OCDE déclarent être très peu satisfaits de leur existence, et qu’une personne sur huit ressent davantage d’émotions négatives que positives au cours d’une journée normale.

Les morts dues au suicide, à une consommation excessive d’alcool et de drogue sont plus nombreuses parmi les hommes que les femmes, mais les taux de mortalité correspondant à ces causes sont en hausse chez les femmes dans plus d’un tiers des pays de l’OCDE. Globalement, ces « morts par désespoir », même si elles ne représentent qu’une faible part de l’ensemble des décès, sont trois fois plus nombreuses que les morts sur la route, et six fois plus que les décès par homicides.

Le bonheur est au Nord

Les pays nordiques, les Pays-Bas, la Nouvelle-Zélande et la Suisse affichent tous des niveaux moyens de bien‑être relativement élevés et des inégalités relativement modestes. Les niveaux moyens de bien‑être plus bas sont enregistrés dans les pays d’Europe de l’Est et d’Amérique latine, ainsi qu’en Turquie et en Grèce, dont les sociétés se caractérisent par des inégalités plus marquées. Si le niveau d’insatisfaction est élevé dans les pays d’Europe de l’Est, une amélioration est en cours en relation avec la progression des revenus et le plein emploi. Malgré tout, l’écart entre les pays heureux et les pays malheureux tend à s’accroître depuis quelques années.

Taux de fécondité, des différences géographiques et sociologiques

La fécondité se maintient à un niveau plus élevé dans les États d’Europe du Nord que dans ceux du Sud. Cette différence est à l’œuvre depuis plus de trente ans. La France qui se situe entre les deux zones se caractérise néanmoins par un taux de fécondité qui demeure un des plus élevés d’Europe, bien qu’en diminution ces dernières années. 

En France métropolitaine, le taux de fécondité est en effet passé de 2,02 enfants en 2010 à 1,84 en 2018. Cette baisse a interrompu un processus de hausse qui est intervenu entre le milieu des années 90 et le milieu de la première décennie des années 2000. Un point bas avait été constaté en 1993 à 1,66 enfant par femme.

Au sein des pays occidentaux, le taux de fécondité évolue au gré de la conjoncture économique mais aussi en fonction des politiques sociales. Ainsi, la baisse de la fécondité de 1993 en France est à mettre en parallèle avec la récession que le pays avait alors connu.

Plus d’enfants dans le Nord de l’Europe que dans le Sud

Selon l’INED, les pays d’Europe de l’Est ont connu une forte baisse de leur taux de fécondité après la chute des régimes communistes. Le taux de fécondité de la Tchéquie est ainsi passé de 1,87 à 1,15 de 1989 à 2000, celui de la Hongrie de 1,82 à 1,31 et celui de la Roumanie de 2,22 à 1,31. Cette baisse est expliquée par l’abandon des politiques familiales après la chute du Mur de Berlin et par une soif accrue de liberté. Les jeunes femmes ont reporté de plusieurs années l’arrivée des enfants. Dans le début des années 2000, l’indicateur de fécondité avait commencé à remonter dans les pays d’Europe de l’Est, mais la crise financière de 2008 a interrompu ce processus qui a repris à partir de 2012. Ainsi, en Tchéquie et en Roumanie, le taux de fécondité a atteint respectivement 1,71 et 1,76 enfant par femme en 2018.

Pour les pays du Nord de l’Europe, la fécondité est restée relativement élevée depuis 30 ans tout en connaissant des fluctuations. Elle a connu une phase de hausse au début des années 2000, la tendance s’inversant après 2008. Comme dans une grande majorité d’États occidentaux, l’âge de la première maternité a reculé dans les années 80 et 90 entraînant un report des naissances. Ce processus s’est désormais ralenti. Avec la crise, une partie des couples ont revu leur projet de fécondité en attendant des jours meilleurs.

En Europe du Sud, le taux de fécondité se maintient à un niveau très faible : 1,29 en Italie,1,26 en Espagne et 1,23 à Malte. Ces pays ont été particulièrement touchés par la crise de 2008/2009 amenant à une baisse de leur taux de fécondité qui était déjà faible auparavant sauf pour Malte. La Grèce a connu une légère hausse de son taux de fécondité malgré les difficultés rencontrées. Il est passé de 1,25 à 1,35 % de 2000 à 2010.

Les États-Unis et le Royaume-Uni en proie à une forte baisse de leur fécondité

La baisse du taux de fécondité en France est assez faible. Elle est de 8 % entre 2007 et 2018 contre 23 % aux États-Unis. Durant cette période, le taux de fécondité outre-Atlantique est passé, 2,12 à 1,73. Au Royaume-Uni, le taux de fécondité était de 1,68 en 2018 contre 1,96 en 2008, soit une baisse de 17 %. La crise économique puis une précarité accrue dans ces pays peuvent expliquer cette contraction quand, en France le système d’État providence joue un rôle d’amortisseur important.

La féminisation des fonctions d’encadrement

Dans l’Union européenne à 27, plus de 6,7 millions de personnes occupaient des   postes d’encadrement dont 4,3 millions d’hommes (63 % du total) et 2,5 millions de femmes (37 %). Un peu moins d’un cinquième des cadres supérieurs (18 %) sont des femmes. Elles représentent en revanche un peu plus d’un quart (28 %) des membres de conseils d’administration des sociétés cotées en bourse de l’Union.

La plus grande proportion de femmes occupant des postes d’encadrement est enregistrée en Lettonie, seul État membre où les femmes sont majoritaires (53 %) à ce niveau de responsabilité. Viennent ensuite la Bulgarie (49 %), la Pologne (48 %) et l’Estonie (46 %). À l’opposé, les femmes constituent moins d’un tiers des cadres à Chypre (19 %), suivi du Luxembourg (23 %) et du Danemark (27 %).

Parmi les États membres de l’Union, les femmes représentent environ un tiers des cadres supérieurs des plus grandes entreprises cotées en bourse en Roumanie (34 %), en Estonie (33 %), en Lituanie (30 %) et en Lettonie (29 %). Les plus faibles pourcentages en la matière sont enregistrés au Luxembourg (6 %) et en Autriche (8 %), suivie de la Tchéquie (11 %), la Croatie et l’Italie (12 % chacun). De 2012 à 2018, la proportion de femmes cadres supérieures est passée de 10 à 18 %.

La France affiche la plus forte proportion de femmes membres de conseils d’administration avec un taux de féminisation de 45 %. Viennent ensuite la Suède (38 %), la Belgique, l’Allemagne et l’Italie (chacun 36 %), ainsi que les Pays-Bas et la Finlande (chacun 34 %). En revanche, ce taux est le plus faible en Estonie et à Chypre (9 % chacun), en Grèce et à Malte (10 % chacun). Le rééquilibrage de la composition des conseils d’administration se réalise assez rapidement. Depuis 2012, la part des femmes a augmenté de 13 points de pourcentage par rapport à 15 %.

Municipales 2020 : des enjeux locaux, mais pas seulement

Les 15 et 22 mars 2020, les Français seront appelés à voter pour élire 498 164 conseillers municipaux qui éliront les 34 970 maires et, comme c’est le cas depuis 2014, 66 963 conseillers communautaires chargés de gérer les intercommunalités. En règle générale, le taux de participation aux élections municipales est élevé. La crise du coronavirus risque évidemment de peser sur la participation. Au-delà des enjeux locaux, ces élections municipales revêtent une importance particulière dans la vie démocratique du pays, à la mesure du rôle que les communes et leurs groupements jouent en matière économique et sociale.

Le bloc communal, un acteur économique incontournable

Les communes et les intercommunalités à fiscalité propres (communautés de communes, communautés d’agglomération, communautés urbaines, métropoles) représentent le premier pôle de dépenses au sein des collectivités locales avec 130 milliards d’euros. Elles emploient 1,45 million d’agents sur un total de 1,9 million dans les collectivités locales. Le bloc communal effectue plus des deux-tiers de l’investissement des administrations publiques locales (APUL), soit 62% pour les communes et 9% pour les syndicats intercommunaux à fiscalité propre.

Le baromètre sur l’évolution de la commande publique établi par l’Assemblée des communautés de France et la banque des Territoires qui vient de publier ses chiffres pour 2019, confirme que les communes assurent près de 70% de la commande publique. En 2019, la hausse a atteint 11% l’an dernier (87,5 milliards d’euros), soit son plus haut niveau depuis 2013 (92,2 milliards d’euros), avec une augmentation particulièrement marquée pour les bâtiments publics (+20 %), l’environnement (+14 %) et les transports-voirie (+12,9 %). Cette augmentation est liée au cycle de dépenses des collectivités locales, cycle liée aux élections. Les maires ont accéléré les travaux en 2019 afin qu’ils soient achevés avant les élections. Une note de l’INSEE publiée en décembre 2019 a montré l’impact des élections municipales sur l’investissement public, l’emploi et la production avec un rythme de croissance annuel de l’investissement nominal des APUL l’année précédant une élection en moyenne 4 points plus élevé que celui des années précédentes, avant de ralentir par contrecoup l’année du scrutin et la suivante.

Des dépenses de plus en plus contraintes

Durant la dernière mandature, les communes et les intercommunalités ont dû contribuer à la maîtrise des dépenses publiques qui s’est traduite par une moindre progression voire une diminution des dotations de l’État. La décision du Président de la République de supprimer la taxe d’habitation modifie la donne fiscale. Cet impôt qui liait les électeurs (du moins 57 % d’entre eux, les autres étant déjà exonérés) à leurs collectivités locales était jugé archaïque en raison de l’absence de réévaluation des bases locatives et de son caractère peu progressif. Son remplacement par la taxe foncière pour les communes n’est pas sans poser des problèmes et des risques pour les contribuables propriétaires. Les maires sont, par ailleurs, inquiets de l’éventuelle suppression de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ou de la cotisation foncière des entreprises (CFE), ces deux impôts étant issus de feu la taxe professionnelle.  François BAROIN, Président de l’Association des Maires de France avec les Présidents des autres associations d’élus, a interrogé officiellement le Gouvernement sur ses intentions en matière de fiscalité locale.

Un paysage qui a changé depuis 2014

Depuis les dernières élections municipales, la France est passée sous la barre des 35 000 communes. Ce nombre est en baisse constante depuis 2012, soit 1730 communes de moins en huit ans. Par ailleurs, l’intercommunalité s’est imposée avec des structures de coopération intercommunale à fiscalité propre moins nombreuses (1258 aujourd’hui contre 2133 en 2014) mais couvrant, comme le législateur le souhaitait, des populations et des territoires de plus en plus importants (leur taille moyenne est de 29 communes et de 54 187 habitants). Même si les communes ont conservé une compétence générale sur leur territoire, le champ des compétences transférées aux intercommunalités s’est accru de manière significative, notamment dans les domaines de l’économie, de l’aménagement de l’espace, des mobilités et de l’environnement.

La dernière décennie a été également marquée par l’affirmation du poids des 22 métropoles qui structurent des territoires de plus en plus peuplés. Les élections au sein des métropoles sont importantes du fait du rôle croissant de ces dernières et des enjeux environnementaux, de sécurité, de transports et de logements sont au cœur des défis qu’elles doivent relever. Cas unique en France, la métropole de Lyon est une collectivité territoriale à statut particulier, fruit de la fusion de la Communauté urbaine et d’une part importante du département du Rhône dont elle a endossé les compétences. Pour la première fois, les électeurs de la métropole de Lyon sont appelés à voter pour les conseillers municipaux et les conseillers métropolitains.   

Dans ce contexte compliqué et mouvant partout en France, si plus des deux tiers des maires sortants ont finalement choisi de se représenter, la constitution de listes, en particulier dans les petites communes, devient difficile. Pour le premier tour du scrutin municipal 2020, 102 communes de moins de 1000 habitants n’ont pas de liste, ni de candidat tête de liste (41 de plus qu’en 2014), ainsi que 4 communes de plus de 1 000 habitants. Cette situation est également liée au poids croissant des responsabilités juridiques qui pèsent sur les élus. Par ailleurs, la vie d’une commune est chronophage. De moins en moins de jeunes veulent s’engager sur la durée dans des fonctions politiques locales.