3 avril 2020

Le Coin des Tendances

Le difficile chiffrage des dépenses sociales en faveur des jeunes

Dans une étude publiée en février dernier, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) a évalué les dépenses fiscales et sociales en faveur des enfants au titre de la politique familiale sur la période 2012-2017, qu’elles relèvent d’interventions publiques (Sécurité sociale, État, collectivités locales) ou privées (employeurs, associations, etc.). Destinées à compenser financièrement les charges de famille, à aider les familles vulnérables, et à favoriser la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle, elles s’élèvent au total à environ 5 000 euros annuels par enfant de moins de 21 ans. Représentant entre 2,7 % et 4,7 % du PIB selon le périmètre retenu, ces dépenses sont en légère baisse dans un contexte qui voit la natalité en France marquer le pas.

Une réorientation des dépenses, plutôt qu’une augmentation

Entre 2012 et 2017, le cœur des dépenses liées à l’enfant qui correspond aux prestations qui n’existeraient pas s’il n’y avait pas d’enfant (allocations familiales, prestation d’accueil du jeune enfant, etc.), augmente de 1,2 % par an en moyenne en valeur mais seulement de 0,2 % en volume. Cela représente 63 milliards d’euros de dépenses, soit un effort moyen par enfant de moins de 21 ans de 3 700 euros en 2017. Sur un périmètre étendu à d’autres dispositifs sociaux-fiscaux de la politique familiale (quotient familial pour le calcul de l’impôt sur le revenu, suppléments familiaux de certaines prestations sociales, droits familiaux de retraite, etc.), les dépenses en faveur des enfants représentent 44 milliards d’euros, soit 1 300 euros par an par enfant. Elles augmentent légèrement en valeur (+0,7 % par an en moyenne), et sont quasi stables en volume (-0,1 % par an en moyenne).

Considérant l’augmentation de 0,3 % de la population des enfants de moins de 21 ans, l’effort social par enfant entre 2012 et 2017 a diminué de -0,4 % par an en moyenne en volume (hors droits familiaux de retraite et abattement de la taxe d’habitation pour charges de famille), cette période étant marquée par un ralentissement significatif des dépenses en 2014 et en 2015, suivi d’une stabilité en 2016 et d’une légère accélération en 2017.

Pour expliquer cette évolution, la DREES observe que les aides liées à l’accueil du jeune enfant et à la scolarité ont contribué à accroître les dépenses en faveur des enfants, de même que les suppléments familiaux de certaines prestations sociales (RSA, allocation logement, etc.). A contrario, les réformes de la politique familiale, à partir de 2014, ont contribué à réduire les dépenses au titre des allocations de base et de naissance de la Paje et des allocations familiales, ainsi que du quotient familial (dont le montant a diminué avec les baisses successives du plafond en 2013 et 2014), et des prestations de maintien et de complément de rémunération. Plutôt qu’une augmentation globale des dépenses, les politiques familiales entre 2012 et 2017 et le plan de lutte contre la pauvreté de 2013 ont surtout réorienté les aides vers les familles les plus modestes. Dans un rapport de 2017, la Cour des Comptes a évalué que 136 000 familles (dont 87 % de trois enfants ou plus) ont perdu plus de 5 000 euros par an, tandis que 395 000 familles ont gagné plus de 2 000 euros par an (dont 62 % de familles nombreuses).

La France, 10ème parmi les politiques familiales les plus généreuses

Selon un rapport du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) de 2019 qui se base sur la durée des congés parentaux intégralement rémunérés pour les mères et les pères, la proportion d’enfants de moins de trois ans en crèche et celle des enfants âgés entre 3 ans et l’âge d’entrée à l’école bénéficiant d’un accueil (crèche ou autre structure périscolaire), la politique familiale française serait la dixième plus généreuse parmi les pays de l’OCDE et de l’Union européenne, derrière un trio de tête constitué de la Norvège, de l’Islande et de l’Estonie. Sur 41 pays, la France se classe au 26e rang pour les congés maternité, au 11e rang pour le congé paternité et en 8e position pour la garde d’enfants.

Pour les prestations familiales, selon Eurostat, la France était en 2017 le 8e pays le plus généreux d’Europe avec 817 euros versés en moyenne par habitant, notamment derrière le Luxembourg (3 000 euros par habitant), le Danemark (1 676 euros), la Suède (1 398 euros), l’Allemagne (1 233 euros) et le Royaume-Uni (946 euros).  C’est plus que la moyenne des pays de l’UE (690 euros).

En matière de politique fiscale familiale, selon un rapport de la Cour des Comptes de 2017, la France fait partie des pays consacrant le plus d’aides fiscales par enfant, juste derrière l’Allemagne. A contrario, d’autres pays n’en utilisent pas (Danemark, Suède, Pays-Bas) ou peu l’instrument fiscal (Royaume-Uni, Espagne, Autriche). Avec le Luxembourg, la France est le seul pays à appliquer le mécanisme du quotient familial. La plupart des autres pays pratiquent un abattement sur le revenu imposable (Allemagne, Belgique, Japon), une réduction d’impôt (Autriche, Italie) ou un crédit d’impôt (États-Unis).

Les effets de la baisse de la natalité 

Dans son étude, la DREES estime que la baisse de la natalité au cours de cette période a pu, elle aussi, expliquer la progression moindre des prestations en faveur des jeunes enfants ou des enfants à naître. De fait, pour la période étudiée, la baisse du nombre de naissances a été de 2,4 % en 2015, de 1,9 % en 2016, et de 1,8 % en 2017. L’INSEE observe cependant que cette baisse ralentit ; après -1,4 % en 2018, 753 000 bébés sont nés en France en 2019, soit 6 000 naissances de moins (-0,7 %). Ce recul de la natalité s’explique notamment par la diminution du nombre de femmes âgées de 20 à 40 ans, et par la baisse du taux de fécondité qui s’établit à 1,873 enfant par femme, Cet indice baisse pour la 5e année consécutive, après avoir oscillé autour de 2 enfants par femme entre 2006 et 2014. La France restait en 2017 (dernier comparatif possible) le pays le plus fécond de l’Union européenne (1,90 enfant par femme) devant la Suède (1,78) et l’Irlande (1,77).

Du fait de la diminution des naissances, le taux de couverture (nombre de places pour 100 enfants de moins de 3 ans) continue en apparence de progresser, tous modes d’accueil confondus (établissement d’accueil du jeune enfant, assistant maternel, école maternelle, salariés à domicile). En réalité, pour la première fois depuis 2009, la capacité d’accueil du jeune enfant a baissé de 2 700 places entre 2016 et 2017 du fait des difficultés rencontrées par les assistants maternels pour maintenir leur offre de service et de l’insuffisante création de places en accueil collectif. D’où la nouvelle Convention d’objectifs et de gestion (COG) 2018-2022 signée par l’État avec la CNAF qui fixe un objectif de création nette de 30 000 places de crèche et de 1 000 relais assistants maternels supplémentaires d’ici 2022.

L’évaluation des politiques familiales sur les naissances est toujours délicate. Le Royaume-Uni ou l’Irlande obtiennent des taux de fécondité élevés tout en ayant des niveaux relativement faibles de dépenses en faveur des enfants. Le taux de fécondité serait sensible à l’évolution de la conjoncture et dépendrait de la composition de la population.

De la pauvreté chez les jeunes

La France comptait, en 2018, 8,7 millions de personnes pauvres en France dont 2,76 millions ont moins de 18 ans. À ces chiffres, il faudrait également ajouter ceux des enfants vivant dans la rue, dans les centres d’hébergement d’urgence qui font l’objet de peu d’études. Le taux de pauvreté est en France de 14 %. Il figure parmi les plus faibles de l’OCDE. Ce taux atteint 35 % chez les familles mon-parentales.