18 juillet 2020

Le Coin des Tendances

62 ans de déclaration de politique générale

Depuis 1959, 27 déclarations de politique générale ont été prononcées par les différents Premiers Ministres. Si au début de la Ve République, cette pratique était plutôt rare, elle s’est imposée au fil des décennies avec la restauration progressive des droits du Parlement.

Un discours de politique générale est pour tout Premier ministre, un exercice obligé ou presque, dont l’écriture est très codifiée. Hors période de cohabitation, le cabinet de la Présidence de la République surveille l’élaboration de ce discours qui est censé servir de chemin de fer à l’action gouvernementale. Cette surveillance s’est accrue au fil des décennies. Emmanuel Macron a, comme ses deux prédécesseurs, pris l’habitude de divulguer avant l’examen de passage devant l’Assemblée du Premier ministre, les grands axes de la politique que celui-ci doit mettre en œuvre.

Pour préparer son discours, le Premier ministre s’appuie sur son cabinet qui demande, en règle générale aux ministres du gouvernement de lui fournir des notes concernant leurs priorités et les possibilités de réforme à mener dans les prochains mois. Avec la médiatisation de la vie politique, les communicants voire les sondeurs interviennent de plus en plus dans la conception de ce discours en coordination avec les conseillers politiques.

Dans son discours, le Premier ministre doit répondre aux besoins et attentes de l’opinion exprimés à travers les résultats électoraux ou à travers les enquêtes. Le discours comporte également des messages destinés à sa majorité et aux partenaires sociaux.

Les marges de manœuvre des Premiers Ministres sont donc très encadrées. Lors de la première déclaration de politique générale sous la Ve République datant du 15 janvier 1959, Michel Debré fit évidemment de longues références au Général de Gaulle. Il cita également Henri IV et Clémenceau. Son discours visait à justifier le bienfondé des nouvelles institutions dont il était en grande partie l’auteur. Il déclara notamment « le premier courage, c’est-à-dire le premier devoir, est de bâtir sur les réalités ! Regardons en nous-mêmes parlementaires, ministres, et concluons comme le peuple a déjà conclu : la présence du général de Gaulle est aujourd’hui la première de nos nécessités nationales. Le bon fonctionnement des institutions nouvelles est notre second impératif. Notre démocratie a désormais pour expression un gouvernement désigné par le chef légitime de la nation, consacré, au départ de son entreprise, par la confiance des élus du peuple, disposant pour sa mission des moyens de l’État, c’est-à-dire capable de mener une politique et de manifester son autorité, placé, enfin, sous le contrôle d’Assemblées dont le fonctionnement et les pouvoirs permettent d’éviter l’arbitraire aussi bien à l’égard de la nation qu’à l’égard des citoyens ». Avec la montée en puissance de la protection sociale, avec la multiplication des crises économiques, les discours des Premiers Ministres abandonnèrent le ton livresque et l’histoire pour des consonances plus bureaucratiques.

Parmi les discours qui ont marqué leur époque figure celui que Jacques Chaban-Delmas a prononcé le 16 septembre 1969. Il avait alors exposé avec dynamisme son concept de « nouvelle société ». En remportant un réel succès avec son discours, Jacques Chaban Delmas déplut au Président Georges Pompidou et à son entourage. Au mois de juin 1974, le nouveau Premier ministre, Jacques Chirac, après avoir rendu un vibrant hommage à Georges Pompidou, épousa dans son discours les thèmes favoris du Président Valéry Giscard d’Estaing : l’Europe, la compétitivité de l’économie française et la modernisation de la société. Raymond Barre, au mois d’octobre 1976, mit l’accent, sans surprise et de manière un peu professorale, sur la lutte contre l’inflation. Il rappela qu’il était placé sous l’autorité du Président de la République. Le 10 juillet 1981, Pierre Mauroy se plaça résolument dans les pas du nouveau Président de la République en rappelant le dépôt de trois roses au Panthéon. Avec beaucoup de lyrisme et tout en voulant rassurer une partie de la population, il a décliné les grandes propositions du Chef de l’Etat. Le discours de Laurent Fabius, en 1984, et celui de Dominique de Villepin, en 2005, furent, contrairement aux espoirs de certains commentateurs, de facture assez classique à dominance technocratique. Celui de Michel Rocard, en 1988, aborda tout à la fois la démocratie de tous les jours avec les nécessaires réparations des cages d’escalier, les conséquences de la médiatisation excessive de la vie publique et la nécessaire modernisation du pays. Michel Rocard qui ne disposait pas de majorité absolue à l’Assemblée nationale réussit, de la sorte, à s’autonomiser du Président de la République. Il tarda à transmettre son discours au cabinet du Président afin d’éviter d’éventuelles corrections.

Pierre Bérégovoy qui devint Premier ministre en 1992, dans un contexte marqué par les affaires et la récession, fit un discours énergique. Après avoir décliné des propositions pour permettre à la France de respecter les critères de Maastricht, il conclut, en montrant une feuille de papier, par ces mots « comme je suis un Premier Ministre nouveau et un homme politique précautionneux, j’ai ici une liste de personnalités dont je pourrais éventuellement vous parler. Je m’en garderai bien ! Je vous précise que je n’aurais, naturellement, cité aucune personne siégeant dans cette assemblée ; je me serais contenté d’évoquer des affaires qui sont du domaine public. Mais comme je vous l’ai dit, je ne le ferai pas ». Cette fameuse liste occulta le reste de la déclaration.

En 1986 comme en 1993, les Premiers Ministres de cohabitation ont bénéficié d’une liberté plus importante que les autres pour la rédaction de leur discours de politique générale. Jacques Chirac en profita pour réaliser le bilan de la précédente législature ; Édouard Balladur décida d’investir le terrain du domaine réservé de la politique extérieure, ce qui mécontenta le Président de la République. En 1997, Lionel Jospin avait décidé de centrer sa déclaration sur les valeurs républicaines, se plaçant de ce fait au niveau du Président qui est le gardien des institutions.

Jean-Pierre Raffarin, en 2002, au-delà de son sens de la formule (notamment, « notre route est droite mais la pente est forte »), fit longuement référence à la nécessaire réforme des retraites. Dans un discours moins chiffré que celui de ces prédécesseurs, il en appela à la défense des valeurs de la France. François Fillon, en 2007, mit également l’accent sur les forces et les faiblesses de la France sans établir un sommaire des mesures à prendre. En 2012, Jean-Marc Ayrault défendit les valeurs républicaines et la nécessaire prise en compte des besoins des jeunes, en écho à la campagne de candidat François Hollande.

Les déclarations de politique générale des deuxièmes Premiers Ministres sont, en règle générale, plus technique, moins lyriques. L’usure du pouvoir et la proximité de l’élection présidentielle expliquent certainement le changement de ton. Avec son discours du 15 juillet dernier, Jean Castex a souhaité démontrer que, malgré et à cause des circonstances, le gouvernement allait réformer le pays. Il a ainsi déclaré que la réforme des retraites instituant un système universel par points serait poursuivie. « En matière de retraites, la crise nous invite plus que jamais à poursuivre nos objectifs vers un système plus juste et plus équitable […] Cela implique clairement la disparition à terme des régimes spéciaux, tout en prenant en compte la situation des bénéficiaires actuelles de ces régimes », a souligné le nouveau chef du gouvernement. Sur ce sujet, il a ajouté « je proposerais que la concertation reprenne afin d’améliorer le contenu et la lisibilité en la distinguant de toutes mesures financières appelées parfois paramétriques ».

Conformément à l’annonce du Président, il a indiqué que « la création du cinquième risque de la sécurité sociale pour la prise en charge de la dépendance liée au grand âge constituera une avancée historique. » Il a précisé qu’il souhaitait que « les travaux engagés puissent se poursuivre selon des modalités arrêtées en lien avec les partenaires sociaux. Cette avancée, si souvent annoncée, si longtemps attendue, devra aboutir avant la fin du quinquennat ». Afin de répondre à la crise sanitaire, il a également promis un plan d’investissement de 6 milliards d’euros dans le système de santé, venant s’ajouter aux 13 milliards d’euros de reprise de la dette hospitalière d’ores-et-déjà prévu. Le Premier ministre a, par ailleurs, développé un plan de relance de l’économie portant sur 100 milliards d’euros, plan qui visera à accélérer la transition énergétique. Il a ainsi souligné que le plan de relance comportera « un plan vélo très ambitieux » et « contractualisé » avec les collectivités, ajoutant que d’ici la fin 2021, tous les territoires devront être dotés de « contrats de développement écologiques ». Il a annoncé que le plan de relance consacrera « plus de 20 milliards d’euros » à la rénovation thermique des bâtiments, à la réduction des émissions et au soutien des « technologies vertes ». Il a indiqué qu’il croyait « en la croissance écologique » mais « pas à la décroissance verte ». 40 milliards d’euros sont prévus en faveur de l’industrie avec notamment l’allègement de certaines taxes liées à la production. Plusieurs mesures en faveur de l’emploi des jeunes ont été également annoncées notamment sous la forme de réduction des charges.

Répondant à la demande de certains maires, il a déclaré que « pour lutter contre l’artificialisation des sols et promouvoir les circuits courts et les petits commerces, nous mettrons en place un moratoire pour l’installation de nouveaux projets de centres commerciaux dans les zones périphériques »,

Le Premier ministre a insisté sur l’indispensable amélioration de la cohésion du territoire. À cet effet, il a promis un « programme petite ville de demain ». Le Premier ministre Jean Castex s’est engagé à rénover 300 quartiers avant la fin 2021. Les créations d’emplois de fonctionnaires d’État ne concerneront que les services déconcentrés de l’État. Il s’est prononcé en faveur d’une nouvelle relance de la décentralisation. Il a rappelé la promesse du Président de la République de recréer un Commissariat général au Plan pour incarner une politique qui se projette dans le long terme. Sur le plan institutionnel, Jean Castex a indiqué que le Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) sera transformé en Conseil de la participation citoyenne. De manière classique, il a achevé son discours en faisant référence aux valeurs de la République, « dans ces temps troublés, nous avons une boussole : la République. La République c’est notre ciment, la République c’est notre espérance. C’est elle qui doit unir les Français, qui doit assurer leur protection, libérer leurs énergies, aiguiser leur sens des responsabilités et leur goût d’entreprendre, incarner les promesses de la justice et du progrès social ».

Il n’y a pas que le CO2 dans la vie

Les températures moyennes mondiales sont environ 1,1°C plus chaudes aujourd’hui qu’à l’époque préindustrielle et le CO2 est considéré comme le principal coupable. Mais il n’est pas le seul gaz à accroître l’effet de serre. Le réchauffement climatique est provoqué par des gaz issus des activités humaines (industriels, construction, agriculture) mais aussi de la composition même de l’atmosphère.

Les deux principaux gaz responsables de l‘effet de serre de la Terre sont la vapeur d’eau et le gaz carbonique. Ils sont émis, en partie naturellement, depuis l’atmosphère avec l’existence de puits qui sont pour le premier la pluie et pour le second la photosynthèse. Dans la nature, d’autres gaz génèrent un effet de serre, le méthane (CH4), le protoxyde d’azote (N2O) ou l’ozone (O3). Si ces gaz sont originellement présents sur la planète, l’Homme a accru dans de fortes proportions les volumes émis à travers ses activités. Depuis le protocole de Kyoto de 1997, ces gaz à l’exception de l’ozone, difficile à mesurer, sont pris en compte dans la lutte contre le réchauffement climatique. À ces gaz présents naturellement, il faut ajouter ceux qui sont de nature industrielle. Figurent sur cette liste les halocarbures (formule générique de type CxHyHalz où Hal). Ces gaz absorbent fortement les infrarouges. Ils ont des durées de vie dans l’atmosphère longue et sont plus énergétiques que le CO2. Une famille particulière d’halocarbures, les CFC, a la double propriété de contribuer à l’augmentation de l’effet de serre, mais aussi de diminuer la concentration de l’ozone stratosphérique. La menace d’une destruction de la couche d’ozone a conduit, en 1987, à leur interdiction au niveau international.

Un autre gaz génère un puissant effet de serre, l’hexafluorure de soufre (SF6) qui est utilisé par exemple pour les applications électriques (transformateurs) et les doubles vitrages. Son pouvoir calorifique est très élevé et il est très difficile à casser.

Le gaz carbonique d’origine humaine est responsable d’un peu moins de 65 % de l’effet de serre additionnel dû à l’homme. Le méthane engendre un peu plus de 15 % de l’effet de serre anthropique, les halocarbures un peu moins de 10 %. L’ozone (O3) engendre enfin environ 10 % de l’effet de serre

Le respect des accords de Paris suppose la réduction de toutes les émissions des gaz à effet de serre. Ce défi signifie une profonde évolution des modes de production tant au niveau industriel qu’agricole. Le combat de la transition énergétique sera long et frustrant. En effet, les émissions de gaz à effet de serre n’entraînent pas une augmentation instantanée des températures mondiales, et leur réduction n’entraîne pas non plus un refroidissement instantané. Au lieu de cela, il faudra des décennies pour que les efforts politiques d’aujourd’hui aboutissent à des impacts mesurables sur la température mondiale. Le coût des infrastructures à réaliser pour décarboner les économies est immédiat quand l’obtention des résultats nécessitent de nombreuses années. La transition énergétique est donc un investissement de très long terme qui provoque une obsolescence accélérée des équipements installés ces dernières années.

Les gaz à effet de serre ont des durées de vie variable. Ils peuvent changer d’état en passant de la vapeur d’eau à pluie ou être transformés par réaction chimique, ou photochimique. Le dioxyde de carbone émis aujourd’hui restera dans l’atmosphère pendant des décennies voire des siècles avant d’être réabsorbé par la végétation et les océans. Pour d’autres gaz à effet de serre, les durées de vie peuvent être plus courtes. Chaque molécule de méthane réchauffe la planète 84 à 87 fois plus, en moyenne sur 20 ans, que le dioxyde de carbone, mais il reste en altitude pendant quelques années au lieu de décennies ou de siècles. De ce fait, pour obtenir des effets plus immédiats, certains experts estiment qu’il conviendrait de privilégier la réduction des émissions des gaz les plus calorifiques et ayant des durées de vie courtes. La diminution des émissions de méthane, est ainsi souhaitable. La lutte contre les fuites dans les infrastructures de gaz naturel et le changement de certaines pratiques agricoles auraient des effets non négligeables. Preuve de la difficulté du combat de la transition énergétique, l’élimination de toutes les sources de pollution au méthane en 2020 n’affecterait pas les tendances au réchauffement avant 2039.

Selon les calculs du Global carbon project  (GCP), publiés dans les revues Environmental Research Letters et Earth System Science Data, les émissions de méthane se sont élevées à près de 600 millions de tonnes en 2017, soit 50 millions de plus que durant la période 2000-2006, au cours de laquelle les concentrations de CH4 étaient stables dans l’atmosphère.

Dans une étude publiée au mois de juillet 2020 dans « Nature Communications », Bjorn Samset et ses collègues du Centre norvégien pour la recherche climatique internationale évaluent les conséquences sur le climat de l’élimination de neuf polluants industriels différents, dont le dioxyde de carbone et le méthane. Le réchauffement climatique pourrait cesser dès 2033 mais cela supposerait la suppression de toute émission de CO2 dès 2020. Il faudrait pour cela supprimer 80 % de la production d’énergie à l’échelle mondiale. Ce scénario n’est pas imaginable. La crise de la Covid-19 devrait permettre une diminution des émissions des gaz à effet de serre de 4 à 7 % mais au prix de la plus grave récession de notre histoire contemporaine. En retenant le principe de 5 % des émissions des gaz à effet de serre par an, l’infléchissement de la courbe du réchauffement interviendrait à compter de 2044. Une réduction de 5 % par an est ambitieux.

La lutte contre les polluants peut avoir des effets nuisibles pour le climat. Ainsi, les pouvoirs publics sont engagés dans la réduction des émissions des oxydes de soufre qui sont un sous-produit de la combustion de certains combustibles fossiles, y compris le charbon et le combustible utilisé par les navires (fuel sal). Dans l’atmosphère, ces oxydes de soufre font rebondir une partie du rayonnement solaire dans l’espace, produisant un effet de refroidissement. Ils sont aujourd’hui dans le collimateur car ils sont ramenés sur Terre par la pluie quelques jours après leur émission sous forme de particules et de traces noires. Leur suppression aurait néanmoins comme inconvénient d’accélérer le réchauffement d’ici la fin de la décennie.

Les gouvernements devront s’armer de patience pour obtenir les premiers résultats en termes de climat et atteindre l’objectif d’un réchauffement limité à 1,5 /2°C. Face aux coûts et contraintes qui seront imposés aux opinions publiques, des efforts de pédagogie devront être menées. Si aujourd’hui, l’attrition est au goût du jour, l’augmentation des efforts de recherche dans la décarbonisation des processus de production constituera certainement l’autre versant de la transition énergétique.

Covid-19, des inégalités et des réalités contrastées

La crise sanitaire est un révélateur des inégalités pouvant exister sur le territoire. Les populations les plus modestes ou confrontées à la précarité sont exposées de manière plus importante à la maladie. Plusieurs études du Ministère de la Santé et des Solidarités ainsi que du Crédoc reviennent sur le poids des inégalités dans la crise sanitaire et économique en cours.

Les hommes plus touchés que les femmes

Si au niveau des cas de contamination, la proportion hommes/femmes est assez équilibrée, il en est tout autrement pour les cas graves. En réanimation, 74 % des patients sont des hommes et 26 % des femmes. Les hommes représentaient 59,1 % des décès. Il est néanmoins admis que les femmes sont plus exposées à la maladie. Une surexposition qui tient au fait que 70 % du personnel soignant sont des femmes dans les pays de l’OCDE.

Les ouvriers et les employés, plus exposés

Le risque de contamination s’est avéré plus élevé dans les emplois exposés au contact avec les malades ou avec le public, dont l’activité dite essentielle a été maintenue en présentiel. L’enquête de la DARES menée du 1er au 10 avril 2020 montrait que 27 % des salariés travaillaient encore sur site au 31 mars, avec une répartition très inégale par secteur. Cela concernait en premier lieu la santé et l’action sociale, mais aussi l’industrie agroalimentaire, le commerce et l’industrie.

Selon une enquête Coconel de l’Ined, parmi les « travailleurs-clés » dans les secteurs-clés dont l’activité a le plus souvent été maintenue pendant le confinement, 96 % des ouvriers et les trois quarts des employés ont été contraints de travailler en dehors de chez eux, contre un tiers des cadres seulement. L’utilisation des transports en commun est plus importante pour les ouvriers et les employés que pour les cadres. Les temps de transport sont également plus élevés.

Des disparités territoriales face au virus en raison de facteurs de comorbidité

Les premières analyses menées par la DREES sur les données médico-administratives et les enquêtes de santé indiquent qu’au-delà du facteur lié à l’âge, des spécificités régionales existent qui s’expliquent avant tout par des considérations d’ordre social.

Dans les Hauts-de-France, la Normandie, le Grand-Est, la Réunion, la Corse et, dans une moindre mesure dans les départements du Centre et du pourtour méditerranéen, la population est plus atteinte par les pathologies susceptibles de conduire à des formes graves de Covid-19. Les cadres, les professions intermédiaires et les agriculteurs y sont moins exposés que les employés et les ouvriers. Les personnes appartenant au cinquième de la population ayant les revenus les plus faibles ont, toutes choses égales par ailleurs, une fois et demie plus de risques d’avoir une de ces comorbidités que les personnes appartenant au cinquième de population ayant les revenus les plus élevés. Ces inégalités sont les plus fortes pour l’obésité, mais elles s’observent aussi pour les autres pathologies facteurs de vulnérabilité face à la Covid-19. À l’image de Mayotte et de la Guyane, le moins bon état de santé dans les DROM où l’obésité, le diabète et les maladies cardio-vasculaires sont des facteurs de risque plus répandus qu’en métropole ; les conditions de vie plus précaires, rendent ces territoires plus vulnérables.

La diffusion en milieu urbain de la Covid-19

La hausse des décès a été plus forte dans les territoires densément peuplés, même si la population y est en moyenne plus jeune. Les populations des quartiers défavorisés présentant des facteurs de risques face au coronavirus, ont plus souvent été concernées par de mauvaises conditions de logement, ainsi que par le maintien d’une activité professionnelle qui suppose d’emprunter les transports en commun. A contrario, dans les campagnes, l’isolement social ou le moins bon accès aux soins ont pu engendrer d’autres difficultés.

Comme le confirment deux enquêtes CoviPrev (SPF) et EpiCov (Inserm-DREES), les conditions de vie et la promiscuité ont accentué le risque de contamination pour les personnes vivant dans des logements collectifs, en établissements fermés et dans des logements surpeuplés. Bien souvent elles n’ont peu ou pas accès aux dispositifs de prévention ni aux soins.

Des risques de santé publique à venir par une sous-consultation

Durant le confinement, la DREES a observé une chute des recours aux urgences pour des pathologies à risque vital (baisse des recours de l’ordre de 40 % pour les cardiopathies ischémiques, et de près de 30 % pour les accidents vasculaires cérébraux), ainsi que les dépistages tardifs des cancers. La prise en charge des pathologies chroniques et pédiatriques en ville a fortement ralenti pendant le confinement.  Une baisse de 40 % de consultations en médecine générale et de 50 % pour les spécialistes selon les statistiques de l’Assurance maladie a été constatée. Les consultations de suivi de maladies chroniques, suivi de grossesse et suivi pédiatrique ont diminué également de 50 % selon le panel des médecins généralistes de la DREES. En revanche, un surcroît de consultations pour santé mentale pendant le confinement a été enregistré.

L’augmentation potentielle des inégalités

Enfin, les conséquences économiques de la crise sanitaire risquent d’accroître les inégalités. D’après l’Ined, pendant le confinement, presque la moitié des ménages les plus modestes ont perdu des revenus, contre environ un quart des ménages aisés. D’après l’enquête Camme de l’Insee, la part des personnes déclarant que leur situation financière s’est dégradée pendant le confinement est moindre, mais les inégalités sont très élevées : cela concerne 30 % des personnes du 1er quintile de niveau contre 11 % de celles appartenant au 5e quintile.

Face à la Covid-19, un ressenti contrasté des Français

Une étude du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC) montre que l’expérience du confinement suscite chez les Français des réactions qui rejoignent pour partie les résultats de la DREES mais les nuancent.

L’inquiétude pour les proches affichée par trois quarts des répondants s’est conjuguée avec le sentiment du manque de contacts sociaux. 80 % indiquent qu’ils ont dû composer avec la présence constante d’autres personnes. 11 % indiquent des tensions avec leurs compagnons de confinement.

Les ménages aux niveaux de vie les plus faibles logeant dans les logements les plus petits ont été plus affectés par les restrictions d’activité et ont trouvé le confinement plus pénible. Un cinquième des personnes interrogées par le Credoc ont disposé de moins de 25 m2 par personne durant le confinement, tandis que le cinquième le mieux loti disposait de plus de 63 m2 par personne.

Au-delà des questions de lien social, les jeunes interrogés ont été touchés de plein fouet par la réduction des embauches, des stages et l’arrêt des petits « jobs » occasionnels. Plus souvent en CDD que leurs aînés, ils ont été plus nombreux (20 %) à ne pas voir renouveler un contrat de travail (8 % en moyenne).

Les 15-24 ans apparaissent plus inquiets que la moyenne de la population. Ils ont été 43 % à déclarer avoir souffert de maux de tête contre 33 % en moyenne, 32 % de nervosité contre 25 % en moyenne.

Paradoxalement, les personnes interrogées par le Credoc semblent avoir plutôt bien vécu cette période. Plus de la moitié considère que le confinement a été l’occasion de découvrir une autre manière de vivre. Si avant le confinement, 56 % des Français avaient le sentiment de devoir renoncer à des dépenses faute d’argent en janvier, ce taux est passé à 35 % pendant le confinement, soit 21 points de moins. La proportion de personnes se considérant « privilégiés », « gens aisés », « classe moyenne supérieure » qui était passée de 40 % en 1999 à 27 % au début 2020, remonte de 3 points. Par ailleurs, la part des personnes qui s’estiment en très bonne santé a grimpé à 25 % pendant le confinement, contre 19 % en 2019.

Du fait de l’omniprésence de l’État, l’importance de la crise économique apparaît encore abstraite pour une majorité de Français. La trêve des vacances constitue un entre-deux qui pourrait se rompre avec la résurgence de l’épidémie. Le maintien d’un fort volant d’épargne de précaution traduit néanmoins le maintien, en profondeur, d’un fort niveau d’anxiété. La réalisation de très nombreuses opérations immobilières entre le mois de mai et la mi-juillet indique clairement que les Français choisissent la pierre comme valeur refuge. Les achats immobiliers concernent essentiellement des biens se situant dans les grandes villes ou au sein de zones à forte attractivité touristique. La période se caractérise également par une forte défiance à l’encontre de la parole publique, ce qui n’empêche pas la population d’appliquer la réglementation sanitaire. À partir des données révélées par le réseau des cartes bancaires ou par Googles Maps, les Français ont été parmi les plus scrupuleux dans l’application du confinement.