2 avril 2022

Le Coin des tendances – Afrique – pétrole – cybercriminalité

Pétrole, gaz, un grand chamboulement géopolitique en vue ?

La Russie dépend de la rente pétrolière au même titre que les pays du Moyen-Orient. L’énergie et les matières premières sont au cœur du système économique russe. Ces vingt dernières années, elles ont fourni plus de 4 000 milliards de dollars de recettes d’exportation. Cette rente finance le train de vie de nombreux oligarques et les prestations sociales dont bénéficient une grande partie de la population.

Les sanctions et les menaces d’embargos frappent en premier lieu l’Europe qui, à défaut de trouver de nouveaux fournisseurs, pourrait subir des pénuries inédites d’énergie d’ici l’automne prochain. Les dernières datent de 1973 quand l’OPEP avait décidé de fermer les robinets de pétrole aux États qui soutenaient Israël. Dans les prochains mois, le marché du pétrole et du gaz sera tendu. L’endommagement en Asie centrale d’un oléoduc par une tempête et l’attaque par des rebelles houthis soutenus par l’Iran de plusieurs installations énergétiques saoudiennes ont provoqué une hausse de plus de 10 % des cours à la fin du mois de mars. Tous les gouvernements cherchent du pétrole et du gaz et en oublient les impératifs de la transition énergétique. Les Occidentaux font pression sur Saudi Aramco, la plus grande compagnie pétrolière du monde afin qu’elle augmente sa production. Elle est censée à cet effet d’accroître ses investissements à 40-50 milliards de dollars par an. L’administration Biden a même tenté d’amadouer Nicolás Maduro, le Président vénézuélien, pour que le pays de ce dernier réinvestisse le marché du pétrole. Le Venezuela qui détiendrait les plus grandes réserves de pétrole non exploitées était, en 2005, à l’origine de près de 5 % des exportations mondiales de pétrole avant d’être soumis à des embargos

Dans le schéma actuel, l’Union européenne espère être indépendante de la Russie d’ici 2030, ce qui suppose le doublement de la production des énergies renouvelables ainsi qu’un recours à de nouvelles sources de gaz et de pétrole. Le nucléaire qui après Fukushima avait été banni retrouve quelques intérêts tant comme moyen de décarbonation de la production d’énergie qu’au nom de l’indépendance économique. La France prévoit de construire six nouvelles centrales. Le 21 mars dernier, la Grande-Bretagne a annoncé qu’elle construirait une nouvelle génération de réacteurs.

Les rapports de force géopolitiques pourraient donc accélérer la transition énergétique. Celle-ci pourrait néanmoins entrainer de nouvelles dépendances. Au niveau mondial, dix Etats assurent plus de 75 % des exportations des métaux verts tels que le cuivre et le lithium indispensables pour les énergies renouvelables.

Du fait de l’épuisement de certains gisements de pétrole ou de gaz en Occident et de l’arrêt de l’investissement des entreprises européennes ou américaines dans ce secteur, la part de marché de l’OPEP et de la Russie passera de 45 % à 57 % d’ici 2040. Les États africains producteurs de pétrole qui dépendent des investissements occidentaux pour leurs infrastructures pourraient enregistrer de fortes baisses de production avec des risques politiques et sociaux à la clef. A contrario, des États dotés de fortes ressources en métaux verts devraient bénéficier d’une nouvelle rente. D’ici 2040, ce marché pourrait s’accroître de 1 000 milliards de dollars. Pour le Congo, la Guinée ou la Mongolie, l’afflux pourrait modifier en profondeur leur économie. Ces pays devraient créer des fonds souverains pour gérer leur nouvelle rente. Un code international pourrait être institué afin de garantir des relations équilibrées entre producteurs et consommateurs. Quoi qu’il en soit, l’augmentation des prix devrait conduire à d’importants investissements et à une prospection assidue au sein de nouveaux pays. Au Pakistan, une entreprise canadienne, Barrick, a décidé d’investir 10 milliards de dollars dans une mine de cuivre au Pakistan. Tesla, qui utilise de nombreux minéraux pour fabriquer des voitures électriques, développe de nouveaux modèles de batteries. Cette société a conclu un accord d’approvisionnement avec la Nouvelle-Calédonie qui possède un dixième des réserves mondiales de nickel. Pour réduire la dépendance au gaz et au pétrole, des innovations sont prévisibles De nouveaux types de petits réacteurs nucléaires sont ainsi prévus. La filière hydrogène devrait également bénéficier d’investissements supplémentaires.

La difficile naissance de la zone de libre-échange africaine.

Les États africains dépendent de leurs exportations de matières premières et d’énergie vers les pays occidentaux. Ces dernières représentent plus de 70 % des exportations africaines. Le commerce intra-africain reste faible par rapport au commerce extérieur du continent. Seulement 18 % des exportations des pays africains sont destinés à d’autres pays du continent, une part inférieure aux chiffres respectifs de l’Asie et de l’Europe (58 et 68 %).

Les responsables africains sont conscients que le développement de leur pays passe par les échanges internes au continent. La zone de libre-échange continentale africaine est censée y contribuer. Ce pacte, ratifié par 41 des 55 pays africains vise à faciliter le commerce et à favoriser la production industrielle, les revenus et la croissance. La Banque mondiale estime que sa mise en œuvre permettrait, d’ici 2035, à 30 millions de personnes supplémentaires d’échapper à l’extrême pauvreté grâce à une augmentation des salaires de 10 %. Les exportations intra-africaines pourraient progresser de plus de 80 %. Cette zone de libre-échange est en théorie opérationnelle depuis le début de cette année mais, dans la pratique, aucun échange n’a eu lieu selon les termes du traité en raison de conflits politiques entre plusieurs États membres.

La zone de libre-échange prévoit une baisse des tarifs douaniers et un démantèlement progressif des barrières commerciales non tarifaires. Aujourd’hui, les exportations d’un État à l’autre de produits agricoles sont compliquées. Les formalités administratives aux passages frontaliers et la corruption renchérissent le coût des échanges rendus difficiles par l’absence d’infrastructures appropriées. Le transport de marchandises en Afrique peut être trois à quatre fois plus coûteux que dans d’autres parties du monde. En 2017, il fallait en moyenne 251 heures pour s’assurer que les documents étaient en règle lors de l’importation de marchandises en Afrique subsaharienne, contre neuf heures dans les pays riches de l’OCDE.

Pour tirer profit de la zone de libre-échange, les États africains doivent réaliser d’importants investissements dans les infrastructures et mener des actions de simplification au niveau des passages de douanes. Le problème numéro un sera de convaincre les dirigeants africains qui sont nombreux à être protectionnistes. L’Égypte, le Kenya, le Nigeria et l’Afrique du Sud qui ont tout à gagner de l’ouverture des frontières y sont pour autant les plus opposés.

L’accord de libre-échange africain est par ailleurs concurrencé par les traités commerciaux que les États africains ont signé avec l’Europe, les États-Unis ou la Chine. Les exportateurs africains privilégient les échanges avec les pays riches au détriment de ceux intracontinentaux. Une harmonisation des règles commerciales serait souhaitable afin d’encourager les relations entre États africains. La crise ukrainienne qui conduit les pays occidentaux à rechercher de nouveaux fournisseurs de matières premières et d’énergie ne devrait pas faciliter la mise en place de relations équilibrées. Cette crise pose par ailleurs le problème d’approvisionnement en énergie et en produits agricoles des pays africains importateurs et qui se retrouvent en situation d’importante vulnérabilité.

Les Français face à la cybercriminalité

Si le nombre de braquages en pleine rue diminuent, la cybercriminalité se développe en lien avec la montée en puissance de l’usage du numérique dans la vie quotidienne. Des entreprises, des hôpitaux, des collectivités locales font l’objet de « cyber rackets ». Les ménages doivent faire face à des escroqueries en ligne à la nature multiple. Le recensement de tous les délits est un exercice délicat d’autant que les ménages ne portent pas fréquemment plainte.

D’après l’enquête « Cadre de vie et sécurité (CVS du Credoc, 1,2 million de personnes âgées de 14 ans ou plus et résidant en France métropolitaine déclarent, en 2018, avoir subi, en 2018, une « anarque » dont 864 000 victimes d’escroquerie en ligne ou par téléphone. En rapportant ce nombre de victimes à la population métropolitaine, plus d’un habitant métropolitain sur cent a été victime de ce type d’escroqueries en 2018. 257 400 personnes ont perdu de l’argent à la suite de débits frauduleux, soit 0.5 % de la population. Dans 51 % des cas, la victime a été trompée sur Internet, via un site en ligne ou à suite de la réception d’un mail frauduleux. Dans 21 % des cas, l’auteur de l’escroquerie est entré en contact avec sa victime par téléphone ou SMS. Sur Internet, les escroqueries (hors débit frauduleux) couronnées de succès portent trois fois sur quatre, sur l’achat d’un bien ou d’un service qui peut être non conforme, plus cher qu’initialement prévu ou tout simplement non délivré. Dans 53 % des cas, le préjudice est inférieur à 100 euros, mais il peut atteindre (dans 11 % des cas) un montant supérieur à 1 000 euros.

Selon l’enquête CVS du ministère de l’Intérieur, en 2010, 500 000 ménages déclaraient avoir été victimes d’un débit frauduleux (sur et en dehors d’Internet) ; en 2018, ce nombre a atteint 1,3 million. L’augmentation n’est pas seulement visible en volume mais également en proportion de ménages puisque c’est 4,4 % des ménages qui ont été victimes de débits frauduleux en 2019 contre 1,8 % en 2010.

En 2018, seulement 7 % des victimes d’escroquerie sur Internet ont porté plainte et 2 % ont déposé une main courante. Ce taux de dépôt de plainte est très bas. À titre de comparaison, en moyenne entre 2011 et 2018, 92 % des personnes victimes d’un vol de voiture ont porté plainte. Pour les délits sur Internet, plus la somme d’argent dérobée est importante, plus la propension à porter plainte augmente. 22 % des victimes de chantage ou de piège sur Internet déposent plainte soit 15 points de plus que la moyenne. Le montant moyen des préjudices subis pour ces délits s’élève à 500 euros ou plus dans 26 % des cas. Depuis 2009, les titulaires de carte bancaire dont les données ont été frauduleusement utilisées ne sont plus contraints de porter plainte afin d’être remboursés par leur banque du montant détourné. Il en est de même, depuis 2011, pour les personnes atteintes par le biais de l’hameçonnage. Toute banque en France est tenue de rembourser son client si ses données bancaires sont utilisées à son insu par un tiers. Les banques sont rares pourtant à pratiquer le remboursement des sommes dérobées. Elles continuent à exiger des dépôts de plainte ce qui leur permet de trier les clients les plus déterminés à se faire rembourser.

En 2017 et en 2018, 94 % des victimes d’escroquerie sur Internet n’ont jamais rencontré physiquement l’auteur, 20 % ne savent pas dans quel pays il se situe et 38 % pensent qu’il provient d’un pays étranger. 82 % des Français métropolitains âgés de 15 ans ou plus n’étaient pas informés de l’existence dans leur pays, d’un site Internet, d’une adresse électronique, d’une plateforme en ligne ou d’un numéro de téléphone auquel ils pouvaient rapporter l’existence d’un cybercrime.

47 % des Français ont reçu au moins une fois un e-mail ou un appel frauduleux entre 2016 et 2019 leur demandant des informations personnelles (mot de passe de l’ordinateur, identifiants, informations bancaires, etc.). La même proportion déclare avoir découvert un logiciel malveillant sur son appareil et 20 % affirment s’être fait pirater son réseau social ou son adresse électronique.

Les Français se déclarent plus souvent victimes d’escroquerie en ligne ou à la téléphonie que la moyenne des Européens. L’écart est particulièrement sensible s’agissant des emails ou appels frauduleux destinés à accéder aux données personnelles des victimes (47 % en France, soit 11 points de plus que la moyenne européenne) ou à la découverte d’un logiciel malveillant sur un appareil (47 %, +19 points). Le piratage d’une boite mail ou d’un compte de réseau social serait deux fois plus souvent fréquent en France (20 %) que dans l’Europe en moyenne (11 %).

L’usurpation de l’identité en ligne constitue la principale source d’inquiétude des Français (77 %, +11 points par rapport à la moyenne européenne). Suit la fraude bancaire qui est également plus signalée en France et qui a pour conséquence un moindre recours au e-commerce.

La France se caractérise par un haut niveau de défiance en matière de protection et d’’utilisation de leurs données personnelles. Trois quarts des Français n’ont pas confiance dans la capacité des sites Internet à protéger leurs donnée. 49 % d’entre eux craignent qu’un tiers récupère ses données et les utilise à de mauvaises fins. 43 % sont inquiets à l’idée de réaliser un paiement en ligne sur un site non-sécurisé . 80 % sont convaincus que des logiciels installés sur leur téléphone mobile peuvent transmettre leurs informations personnelles sans les avertir. Cette défiance s’exprime en particulier dans la faible utilisation de l’appli Anti-covid par crainte d’une utilisation des données par l’État.

29 % des Français renoncent à réaliser des achats en ligne par crainte d’un problème de sécurité des moyens de paiement. Le taux d’escroquerie au paiement à distance est dix-neuf fois plus élevé en volume que le taux de fraude des paiements de proximité et sur automate. En 2019, 82 % des Français pensent que le risque d’être victime d’un cybercrime, dont l’escroquerie en ligne et à la téléphonie, augmente, contre 79 % des Européens.  

La crise sanitaire a obligé un nombre important de Français à surmonter leurs peurs. Les achats en ligne ont progressé de 11 % en 2020. Les paiements à distance ont progressé de 13,5 % en valeur par rapport à 2019. Dans le même temps les escroqueries au paiement à distance (opéré par téléphone, courrier ou sur Internet) ont augmenté de 16,4 % par rapport à 2019. Son taux est néanmoins resté stable passant de 0,0170 % à 0,0174 %. En revanche, la fraude au virement a progressé de manière significative en 2020 (+65 % en valeur et +125 % en volume par rapport à 2019). La fraude au virement a toutefois davantage touché les administrations publiques et les entreprises privées que les ménages même si des escrocs ont profité des circonstances pour demander des paiements rapides par téléphone. Durant la crise sanitaire, les attaques au phishing et aux logiciels malveillants se sont multipliées pour récupérer les données bancaires des victimes.