25 février 2023

Le Coin des Tendances – automobiles – inflation

Quand la voiture ne fait plus rêver !

Jusque dans les années 2000, le passage du permis de conduire marquait l’entrée dans la vie adulte. Il était un rite initiatique ouvrant sur l’indépendance en matière de mobilité. Aujourd’hui, de nombreux jeunes en Europe comme aux États-Unis renoncent à passer leur permis de conduire. En France, le nombre de jeunes de 18 à 20 ans ayant leur permis de conduire est passé de 75 à moins de 50 % de 2013 à 2017 (étude OpinionWay pour Point S). À 24 ans, un tiers des Français n’aurait pas leur permis. Aux États-Unis, en 1997, 43 % des jeunes de 16 ans avaient leur permis de conduire. En 2020, cette proportion est tombée à 25 %. Un Américain sur cinq âgé de 20 à 24 ans n’a pas de permis, contre seulement un sur 12 en 1983.

Dans tous les pays occidentaux, la proportion de personnes titulaires d’un permis a diminué pour chaque groupe d’âge inférieur à 40 ans. Au Royaume-Uni, la proportion d’adolescents capables de conduire a presque diminué de moitié, passant de 41 % à 21 %, au cours des 20 dernières années. La baisse des jeunes ayant leur permis de conduire s’explique en partie par le coût croissant d’obtention du permis ainsi que par sa difficulté. D’autres facteurs doivent néanmoins être prises en compte. La concentration des populations au sein des grandes agglomérations disposant de grands réseaux de transports publics, permet de se passer de la voiture. Les messages concernant le rôle de la voiture dans les émissions des gaz à effet de serre ne sont pas sans conséquence sur le comportement des jeunes.

De New York à Paris en passant par Oslo, un nombre croissant de villes mettent en œuvre des politiques visant à limiter le rôle des voitures dans le transport. Les municipalités des grandes villes réduisent en effet des places de stationnement, rendant piétonnes de nombreuses voies et modifiant les règles d’urbanisme pour favoriser les piétons par rapport aux conducteurs. Anne Hidalgo, la maire de Paris, déclare « reconquérir l’espace urbain pour le plus grand profit de ses habitants » De nombreuses associations se sont créées en Europe comme aux États-Unis pour limiter l’accès des villes aux voitures. À New York, des militants écologistes ont lancé un site sur Internet « The War on Cars ». En France, le nombre de kilomètres parcourus par les automobilistes diminue légèrement année après année. Il s’élevait à 10 621 kilomètres en 2021, contre 13 356 en 1990. Aux États-Unis, l’usage de la voiture demeure la règle. Dans ce pays, en-dehors des grandes agglomérations, la voiture est encore un symbole majeur de liberté. En 1977, la Cour suprême avait souligné dans une de ses décisions que la possession d’une voiture était une « nécessité » pour toute personne vivant aux États-Unis.

La distance parcourue en moyenne par chaque automobiliste dépassait de 23 000 kilomètres en 2022. Néanmoins, des changements de comportement sont en cours. Entre 1990 et 2017, la distance parcourue par les conducteurs adolescents aux États-Unis a diminué de 35 % et celle des conducteurs âgés de 20 à 34 ans de 18 %. Les conducteurs plus âgés roulent en revanche plus que dans le passé, en particulier ceux qui sont à la retraite.

En France, si 86 % des ménages disposent d’au moins une voiture, cette proportion tombe à 68 % en région parisienne et à 34 % à Paris. À Paris, le nombre de déplacements effectués par habitant en voiture est inférieur aux niveaux enregistrés dans les années 1970. Anne Hidalgo, la maire de Paris, a fixé un objectif de réduction de 50 % la surface dévolue à la circulation routière sur les Champs Élysées. Elle entend à terme piétoniser le cœur de Paris.

L’introduction de zones de péage urbain au centre de Londres, Milan et Stockholm, ont amené une forte baisse de la circulation. Un système équivalent pourrait être prochainement mis en place à New York afin de réduire de manière substantielle le nombre de voitures dans les rues. Au cours des dernières années, des dizaines de villes américaines, dont Minneapolis en 2018 et Boston en 2021, ont supprimé les règles qui obligent les promoteurs immobiliers à prévoir un certain nombre de places de stationnement gratuites autour de leurs bâtiments. La Californie a supprimé ces règles dans tout l’État, en ce qui concerne les bâtiments relativement proches des transports en commun.

La voiture, un centre de coût

Le développement des achats en ligne et des livraisons à domiciles ainsi que celui des véhicules avec chauffeurs (taxis – VTC) ont également contribué rendre moins nécessaire la possession et l’usage de la voiture pour les particuliers. Le coût de la voiture est rédhibitoire pour un nombre croissant de ménages. Le prix des voitures a eu tendance à augmenter tout comme les carburants et les primes d’assurances. Le coût moyen d’une voiture par an dépasse 6 000 euros en France et 11 000 euros aux États-Unis. Ce coût a progressé de plus de 10 % en trois ans. Les jeunes actifs sont, en outre, confrontés à la progression des prix de l’immobilier, ce qui les conduit à opérer des arbitrages sur le plan de leurs dépenses au détriment de la voiture. Les priorités des jeunes ménages sont, en outre, différentes de celles de leurs aînés. Si pour les baby-boomers, loisirs et voitures étaient intimement associés, ce n’est plus le cas pour les jeunes générations. La voiture a perdu son rôle social et est ravalé au rang d’utilité. Par ailleurs, le développement des transporteurs low-cost (trains, avions, cars) a conduit à une moindre utilisation des véhicules particuliers.

Les pro-voitures ont-ils perdu la partie ?

Dans les grandes agglomérations, la limitation de l’accès des véhicules particuliers provoque des réactions d’hostilité. A Paris, Anne Hidalgo a dû reporter la création de sa zone piétonne au cœur de la ville. À Chicago, une association s’est constituée sur le thème « Chicago depuis 80 ans, c’est les voitures d’abord et les piétons en dernier », À Oxford, en Angleterre, les conducteurs en colère ont mené des actions pour supprimer les barrières interdisant l’accès des voitures. Dans l’agglomération de Londres, des conseillers municipaux engagés dans la lutte contre les véhicules ont reçu des menaces. À Oslo, le plan de suppression des places de stationnement a été dénoncé par un élu d’opposition comme un « mur de Berlin contre les automobilistes ». Toujours dans cette ville, des commerçants ont annoncé le lancement d’une grève pour s’opposer à ce projet. À New York, les élus des villes périphériques dont les électeurs sont plus dépendants de la voiture, entendent résister à l’instauration du péage urbain. À Berlin, les chrétiens-démocrates de centre-droit ont fait campagne aux élections locales sur le thème de la liberté de circuler en voiture. Les socio-démocrates ont enregistré leur plus mauvais résultat de ces vingt dernières années. La réduction de la place accordée aux voitures au cœur des grandes villes accélère leur gentrification. L’augmentation des prix de l’immobilier conduit aux départs des familles en périphérie où elles seront contraintes de disposer d’une voire de plusieurs voitures. Selon une étude, aux États-Unis, le logement dans les quartiers piétonisés est 34 % plus cher que dans ceux à forte concentration de voitures.

Le développement des voitures à moteur électrique ne devrait pas changer la donne. Un effet cliquet semble se produire : le recul des voitures apparaît dans le cœur des métropoles comme une tendance de fond. Giulio Mattioli, professeur spécialisé dans l’étude des moyens de transports à l’université de Dortmund, souligne qu’aucune ville ou État n’est pour le moment revenu en arrière en ce qui concerne la piétonisation de l’espace urbain. Par ailleurs, les comportements de mobilité acquises par les jeunes semblent persister à l’âge adulte. Une proportion croissante de personnes, quel que soit leur âge, ne possède pas de permis de conduire. Ceux qui le passent tardivement utilisent peu leur véhicule en règle générale. L’essor à venir des voitures sans conducteur d’ici une quinzaine d’années devrait accentuer cette évolution.

Inflation, quand les banquiers centraux cherchent le Nord !

Depuis une dizaine d’années, l’inflation s’était faite rare, permettant le financement par l’endettement des dépenses publiques selon la Théorie Moderne de la Monnaie. Sa résurgence après un long épisode d’augmentation de la masse monétaire sur fond de plans de relance et de guerre en Ukraine a modifié la donne de manière rapide. La montée des prix a provoqué le plus fort durcissement de la politique monétaire depuis les années 1980. Celui-ci a été opéré par la quasi-totalité des banques centrales. Il a mis un terme à l’idée que les taux d’intérêt resteraient indéfiniment bas. Depuis plusieurs mois, la question est de savoir quand le processus d’augmentation de ces taux prendra fin. La réponse varie d’une semaine à une autre, en fonction de la publication des indicateurs économiques et des déclarations des banquiers centraux.

Depuis la fin de l’année 2022, des signes encourageants laissent entrevoir une décrue de l’inflation. Dans 25 des 38 États membres de l’OCDE, les indices des prix sont en baisse. Au sein de l’Union européenne, le taux d’inflation après avoir atteint en 2022 10 % s’est contracté à 8,6 % en janvier. Cette diminution est plus rapide que prévu. Au cours des trois mois précédant janvier, les prix à la consommation américains ont augmenté à un taux annualisé de 3,8 %, le plus bas niveau en deux ans. Les investisseurs estiment que l’inflation américaine repassera en-dessous des 3 % dans moins d’un an et que l’objectif des 2 % pourra être atteint au cours de l’année 2024.

Sur le moteur de recherche de Google, les requêtes concernant le mot « inflation » seraient en forte baisse, témoignant d’une moindre acuité du problème. Cette interprétation peut néanmoins être contestée ; la diminution du nombre de requêtes pouvant également signifier que les populations s’habituent à vivre avec l’inflation. Malgré tout, Alberto Cavallo de l’Université de Harvard, en étudiant les indices de prix en temps réel établis à partir des sites de e-commerce, souligne que dans de nombreux pays riches, dont l’es États-Unis, le Royaume-Uni et l’Espagne, le point de retournement aurait été franchi. La France serait en revanche en retard par rapport aux autres pays, son inflation ayant été masquée par les mesures prises par le Gouvernement pour en atténuer les effets auprès de la population.

Le repli en inflation, réalité ou trompe l’œil ?

Les investisseurs financiers anticipent la décrue de l’inflation ce qui explique l’orientation positive des marchés depuis le début de l’année. Une inflation plus faible signifie que les banques centrales auront moins besoin d’augmenter leurs taux directeurs et que les gouvernements pourront donner la priorité à la croissance économique. Le CAC40 a gagné plus de 13 % depuis le 1er janvier et le S&P500 plus de 8 %. En contrepartie, le dollar a perdu plus de 6 % de sa valeur depuis son sommet d’octobre, signe du regain d’appétence pour le risque des investisseurs et la moindre nécessité de protéger ses actifs en optant pour des obligations.

Ce scénario idéal d’un repli rapide de l’inflation n’est pas partagé par tous les acteurs, à commencer par un certain nombre de banquiers centraux. Le 7 février dernier, Jerome Powell, le Président de la Fed, a déclaré qu’ il y avait encore « un long chemin à parcourir » pour mettre un terme à l’inflation. Le même jour, Isabel Schnabel de la Banque centrale européenne, a averti que la pression à la hausse de l’inflation sous-jacente demeurait « extraordinairement élevée ». Les banquiers centraux estiment que les tensions sur les marchés du travail sont élevées et qu’elles sont susceptibles d’alimenter l’inflation. Ils ne souhaitent en aucun cas rééditer les erreurs des années 1970 où l’indexation des salaires sur les prix avait dégénéré en une spirale inflationniste. Les banques centrales avaient à l’époque eu tendance à abaisser leurs taux dès les premiers mouvements de repli des indices des prix. Dans ce contexte, ces dernières devraient poursuivre leur relèvement au risque de provoquer une correction sur les marchés « actions ».

L’inflation, une affaire monétaire sur fond de déséquilibre d’offre et de demande

L’inflation de part et d’autre de l’Atlantique est de nature différente même si les mécanismes sont les mêmes.  Que ce soit aux États-Unis ou en Europe, la hausse des prix se nourrit des quantités astronomiques de liquidités qui circulent dans les économiques depuis la crise financière. Ce terreau a permis son déclenchement après la crise sanitaire. Celle-ci a désorganisé l’offre et a donné lieu à une série de plans de relance qui ont dopé artificiellement la demande. Les plans de relance budgétaire liés à la pandémie ont atteint, en cumulé 26 % du PIB, le président Joe Biden ayant ajouté 1 900 milliards de dollars dans le cadre de l’American Recovery Act en 2021. Les ménages ayant épargné durant les confinements et ayant reçu des prestations diverses et variées ont épargné des sommes conséquentes qui leur ont permis, à compter de 2021, surtout aux États-Unis, d’augmenter leurs dépenses de consommation et d’équipements. Le secteur du bâtiment a bénéficié du surcroît de liquidités dont ont bénéficié les ménages avec la multiplication des chantiers de construction ou d’amélioration des logements. Les chaînes d’approvisionnement désorganisées par un an de pandémie ont été dans l’incapacité de répondre rapidement à la demande. Les retards de production et les pénuries d’intrants cruciaux tels que les microprocesseurs ont entraîné une propagation de l’inflation. Au fil des mois, aux États-Unis, l’inflation s’est élargie aux loyers, aux salaires et aux prix des biens et des services.

L’inflation est également liée aux nombreux départs à la retraite constatés dans les pays occidentaux favorisant la survenue de pénuries de main-d’œuvre.

Aux États-Unis, grâce à l’épargne constituée, des centaines de milliers d’actifs auraient anticipé de deux à trois ans leur départ. En Europe, dans un contexte de baisse de la population active, de plus en plus de salariés refusent les emplois pénibles ou à horaires décalas. Ces phénomènes induisent des augmentations de salaire.

À ces phénomènes post covid s’est greffée, en Europe, une inflation importée en lien avec la hausse des cours des prix du pétrole et surtout du gaz naturel provoquée par la guerre en Ukraine. Celle-ci a généré des pénuries pour certains produits pour lesquels l’Ukraine était un producteur important (huile, moutarde, engrais, bouteille en verre, etc.).

La baisse actuelle de l’inflation reflète la normalisation de situation au niveau de l’offre. Les chaînes d’approvisionnement se sont adaptées à la nouvelle donne. Au niveau des conteneurs et des microprocesseurs, l’abondance a remplacé la pénurie. La demande est en baisse en raison du ralentissement de l’économie chinoise. Les prix des matières premières, de l’énergie et des produits agricoles, sans avoir retrouvé leur niveau d’avant crise sanitaire, sont en net repli. Le baril de pétrole s’échange entre 80 et 85 dollars depuis le début de l’année, contre 140 dollars le baril en mars 2022. Même avec des approvisionnements en provenance de Russie pratiquement interrompus, les prix du gaz en Europe ont baissé grâce notamment à des températures clémentes États-Unis. La Grande Démission s’achève avec le retour de certains actifs sur le marché du travail, diminuant ainsi les tensions sur les salaires. Le recul de l’indice des prix serait purement conjoncturel. L’inflation n’aurait néanmoins pas disparu ; elle continuerait à bas bruit à se diffuser. Le resserrement des politiques monétaires n’aurait pas encore commencé à modifier en profondeur les comportements. Les économistes estiment qu’un relèvement des taux directeurs ne produit ses effets qu’un à deux après. Milton Friedman avait qualifié ce processus de « décalages longs et variables » de la politique monétaire. De ce point de vue, la baisse de l’inflation constatée depuis quelques mois a peu de lien avec l’augmentation des taux d’intérêt d’autant plus que les banques centrales ont opéré avec prudence dans les relèvements.

Le ralentissement de la croissance mondiale ne serait pas la conséquence de la hausse des taux mais de la fin de la période de relance post-covid et de la guerre en Ukraine qui a provoqué un transfert financier des pays consommateurs vers les pays producteurs d’énergie. En la matière, les États-Unis, en tant qu’exportateur net d’énergie, ont été beaucoup moins touchés par la crise que l’Europe.

La thèse de Milton Friedman est contestée par des études économiques récentes. L’économiste Dario Perkins du cabinet d’études TS Lombard estime que les modifications des taux d’intérêt pourraient avoir des effets après un délai de seulement 6 à 9 mois. Les agents économiques anticiperaient plus vite les changements de taux que dans le passé en raison du poids pris par les informations économiques. Les banquiers centraux communiquent leurs intentions avec plus de précision que dans le passé. En revanche, de part et d’autre de l’Atlantique, les marchés du travail ne sont pas affectés contrairement aux précédentes périodes de hausses des taux. Le plein emploi est de mise aux États-Unis comme en Allemagne. Les taux de chômage sont au plus bas depuis le début du siècle dans la quasi-totalité des pays. Au mois de janvier 2023, les créations d’emploi se sont élevées à 517 000, soit plus de cinq fois plus que la plupart des estimations d’un rythme durable à long terme, compte tenu de la croissance démographique. Les postes vacants ont atteint 11 millions en décembre, soit près du double du nombre de demandeurs d’emploi. Dans la zone euro, la croissance des salaires semble s’accélérer pour atteindre plus de 4 %. La Courbe de Philips qui lie logiquement taux d’inflation et taux de chômage est inopérante. La croissance des salaires pourrait-elle décélérer sans perte d’emplois ni ralentissement des embauches ? De plus en plus d’investisseurs veulent y croire. Par crainte de manquer de personnel, les entreprises anticipent les créations d’emploi. Si les GAFAM licencient, les entreprises du luxe et celles œuvrant sur les secteurs des services à la personne et aux entreprises ou du bâtiment continuent à recruter. Le pouvoir de négociation au sein des entreprises pourrait être donc plus favorable que dans le passé aux salariés, ce qui favoriserait le maintien d’une inflation plus élevée d’autant plus que la productivité est en berne.

Des facteurs structurels d’inflation

L’inflation pourrait être également alimentée par la transition énergétique, source de déficits et de surcoûts. Les États sont amenés à participer au financement de la décarbonation. Par ailleurs, les énergies renouvelables, par leur caractère aléatoire, sont plus coûteuses que les énergies carbonées. Elles supposent la réalisation d’équipements supplémentaires (centrales thermiques, production d’hydrogène vert, batteries, etc.) pouvant suppléer les éoliennes ou les panneaux solaires en cas d’absence de vent et de soleil. Les énergies renouvelables en l’état actuel des technologies sont plus chères et moins faciles à utiliser.

Le vieillissement démographique est un autre facteur d’inflation. La diminution du nombre d’actifs qui génèrent de la valeur ajoutée au profit de retraités consommateurs est par nature inflationniste. Certes, au Japon, pays en avance dans le vieillissement, l’inflation demeure aux abonnés absents.

Inflation, to be or not to be ?

Les signaux sont contradictoires, l’inflation est-elle amenée à rester vive ou à disparaître et à retrouver l’atonie qu’elle connaissait dans les années 2010 ? En 2020, les banquiers centraux étaient rares à s’inquiéter d’une poussée d’inflation. Aujourd’hui, ils sont partagés sur son évolution même si une majorité croit à un retour à la normale pour 2024. À leurs yeux, l’économie mondiale a souffert, en 2021 et 2022, d’un « surplomb monétaire », provoqué par une augmentation momentanée de l’offre de monnaie en lien avec les plans de relance. Cet excédent dissipé et sans hausse des prix importée, l’inflation s’estomperait plus ou moins naturellement. Pour se rassurer, ils soulignent que les surendettements monétaires, observés au sein des pays occidentaux après la Seconde Guerre mondiale, n’ont généralement pas conduit à une inflation persistante. Les économistes pourraient néanmoins négliger le facteur monétaire. Le suivi de la masse monétaire n’est plus l’alpha et l’oméga des politiques mises en œuvre par les Banques centrales. Celles-ci surveillent avant tout l’inflation sous-jacente et l’emploi. Elles privilégient l’arme des taux à la quantité de monnaie en circulation. Certes, la FED a décidé de réduire son bilan mais de manière homéopathique par rapport à sa progression de ces vingt dernières années. La masse monétaire demeure pourtant un indicateur assez fin pour mesurer un risque inflationniste. Ce risque aurait augmenté de plus de 12 % après la crise sanitaire selon The Economist. Une étude récente d’économistes de la Banque des règlements internationaux souligne que les pays à plus forte croissance monétaire ont connu une inflation nettement plus élevée. L’indicateur de l’emploi devrait attirer l’attention des banquiers centraux. Pour retrouver un taux de chômage aussi bas aux États-Unis, il faut remonter à 1969, quand l’économie s’est engagée dans une stagflation qui a duré dix ans.

Les facteurs de baisse actuellement à l’œuvre pourraient rapidement se retourner. Le manque d’investissement dans le secteur des énergies carbonées pourrait provoquer une hausse des cours surtout quand la Chine sortira de sa léthargie. Une hausse de 15 à 20 dollars le baril est imaginable en 2023 ou en 2024. L’approvisionnement en gaz risque d’être problématique en Europe à compter de l’été avec l’absence de l’apport russe. La probabilité d’une inflation plus élevée que dans les années 2010 est forte comme l’a mesuré la Fed de Minneapolis. Une inflation de plus de 3 % est plus probable qu’une inflation de moins de 1 % au cours des cinq prochaines années.