13 août 2016

Le Coin des Tendances du 13 août 2016

Quand le digital bouscule le monde et les modèles

 Plus de 7 milliards de téléphones portables, plus d’un milliard de smartphone, près de 3,5 milliards d’internautes dans le monde, plus de dix milliards d’objets connectés, la révolution digitale court au galop. En permettant à tout un chacun d’accéder à une somme d’informations inimaginables, il y a encore des années, elle ne peut pas ne pas avoir d’effet sur notre perception du monde et nos comportements.

Cette révolution touche tous les niveaux d’organisation, international, économique, social, institutionnel…. Les utilisateurs d’Internet disposent d’informations et d’outils d’analyse qui auraient fait rêver les services secrets des années 80. Les entreprises qui gèrent des réseaux, qui collectent des données comme Facebook, Amazon ou Apple ont des capacités d’influence et de surveillance supérieures aux Etats.

Cette révolution a été rapide et n’a pas été anticipée par les pouvoirs publics. Ces derniers semblent incapables de l’endiguer et sont, bon gré mal gré, obligés de faire avec. Même les régimes dictatoriaux éprouvent les pires difficultés à museler complètement Internet.

La montée en puissance du digital modifie les règles de la diplomatie et de la guerre. Il est possible aujourd’hui à distance d’infliger des dégâts à un Etat en menant des cyberattaques. Les Etats-Unis ont eu recours à de telles attaques à l’encontre de l’Iran. La Russie a fait de même avec l’Estonie en 2007. La Chine et la Corée du Nord sont également connues pour mener de telles opérations. Des Etats, des entreprises, des organisations peuvent être touchés. Comment réagir si une de ces attaques mettait en danger le fonctionnement normal d’un pays ? Que faire si un Etat, une organisation terroriste s’en prend aux circuits financiers des Etats-Unis, de la France ou du Royaume-Uni ? Les pays attaqués répondront-ils avec les mêmes armes ou seront-ils tentés d’utiliser des moyens conventionnels ? Aujourd’hui, les Etats avancés disposent d’une avance confortable au niveau des techniques d’information et de communication mais cet avantage se réduira rapidement. De nouvelles règles internationales devront être élaborées pour tenter de limiter les conflits.

 Avec le développement des réseaux, la diplomatie à l’ancienne, reposant sur le secret, est condamnée. L’affaire Wikileaks a prouvé que même la superpuissance américaine n’était pas à l’abri de révélations fracassantes qui ont mis en difficulté la Maison Blanche. La négociation sur le traité commercial Etats-Unis / Europe a été jugée, par ailleurs, par de nombreux acteurs de la Blogosphère comme illégitime car non publique. Pour certains, cette exigence de transparence absolue est pourvoyeuse de paix. Pour d’autres, elle aboutit, au contraire, à l’exacerbation des passions les plus viles. En rejetant toutes les zones grises, la montée aux extrêmes serait inévitable. Les derniers évènements en Europe, aux Etats-Unis, en Turquie semblent prouver que le populisme prospère au sein de la société digitalisée. Certes, les réseaux comme Facebook favorisent l’émergence de communautés dépassant les frontières, les peuples, les religions mais ce sont ces mêmes réseaux qui offrent aux terroristes les moyens d’organiser leurs opérations et de recruter. La communication digitale est courte et ne rime pas avec analyse et recul….

 Internet a complètement modifié notre façon de penser. Cette mutation concerne évidemment les « digital nativ » qui n’ont pas connu l’ancien monde. En 2016, un Américain passe plus de la moitié de ses heures d’éveil devant un écran qui peut être celui de son ordinateur, de son Smartphone, de sa tablette ou de sa télévision. Le livre qui était le moyen de transmission des connaissances et de l’information de Gutenberg au 20ème siècle est devenu, en quelques années, une antiquité. Nous assistons à un changement du mode de transmission des savoirs. Avant l’imprimerie, les savoirs étaient diffusés oralement et par les vitraux des églises ; avec la diffusion des livres, la conversation et la lecture ont constitué les deux mamelles de l’apprentissage. Aujourd’hui, les jeunes ont accès, sans effort, à une somme d’informations illimitées. La lecture d’un ouvrage nécessite du temps et impose une réflexion conceptuelle. La conversation repose sur une dimension affective. La transmission de nos idées par voie orale obéît à des codes vieux de plusieurs centaines d’années. Il y avait une organisation implicite des idées, un rythme…

 Avec le numérique, l’art de la conversation n’est plus de mise tout comme le style. Les jeunes de 2016 ne sont pas des adeptes des longues conversations téléphoniques à la différence des anciennes générations. Leur style écrit est télégraphique.

 Aujourd’hui, il est possible d’acquérir rapidement des connaissances pour devenir producteur de miel ou de bière. Cet accès facilité à l’information a comme inconvénient de rétrécir la perspective et de limiter la proactivité. Il y a une difficulté à se placer dans un continuum historique et d’anticiper des changements de direction. Le recours aux algorithmes, aux modèles de calcul reposant sur une analyse des statistiques passées en est la meilleure illustration.

Depuis les philosophes des Lumières, l’autonomisation de l’individu était au cœur de la pensée occidentale. Avec Internet, l’individu se retrouve enchaîné. Il est libre mais encadré. Ainsi, de manière implicite, il n’est pas maître de ce qu’il voit ou lit sur ses écrans préférés. Même et surtout en faisant une simple recherche sur Google, il est orienté dans un sens déterminé. En effet, deux personnes faisant la même recherche ne verront pas la même chose sauf à le faire de manière anonyme. Le moteur de recherche prend en compte les pages recherchées précédemment et illustrera le tout de publicité en phase avec les goûts de l’Internaute.

Internet fait de l’immédiateté une valeur centrale. Or, celle-ci favorise la manipulation avec une exploitation des émotions. Le traitement des données permet une intrusion dans la vie de chacun d’entre nous que nous n’aurions pas imaginé, ni toléré voici quelques décennies. Il est désormais possible de nous suivre à la trace tant géographique que comportementale. Nos déplacements, nos goûts, nos passions, nos achats, nos fantasmes sont percés en temps réel par les géants de l’informatique. Aux Etats-Unis, l’équipe de Barack Obama a, en 2008 et 2012, utilisé les données en provenance des réseaux pour élaborer des stratégies de conquête des électeurs. Les responsables de campagnes aux Etats-Unis possèdent des fichiers de millions de noms incorporant des données personnelles que les particuliers n’imaginent pas (dossiers médicaux, écoles fréquentées, derniers achats…). Cela permet de personnaliser les procédures d’approche. Le big data peut supprimer le débat public et favoriser une surenchère poujadiste ou populiste.

Internet a révolutionné nos vies mais nos structures restent celles du siècle dernier. Il y a un décalage réel entre la force des réseaux, les capacités de stockage et de traitement des ordinateurs et nos superstructures (Etat, éducation, protection sociale…). L’importance du maelstrom en cours en étant polyphonique désarçonne les populations qui, ironie du sort, n’y sont peu ou mal préparées en raison de leur vieillissement. Si les précédentes révolutions industrielles s’étaient construites avec un nombre important de jeunes, tel n’est pas le cas de l’actuelle révolution digitale. Le défi à relever est d’éviter que cette mutation économique et sociétale n’aboutisse à une montée des périls et à un repli identitaire de la part de catégories sociales qui se sentent exclues du mouvement en cours.

Les tablettes coincées entre les smartphones et les ordinateurs portables

Depuis l’année dernière, les tablettes battent de l’aile. Le premier semestre de cette année confirme cette tendance. Entre le deuxième trimestre 2015 et le deuxième trimestre 2016, les ventes de tablettes sont, en effet, en recul de 12,3 %. Apple conserve sa première place en s’arrogeant 25,8 % du marché, une part plutôt stable sur un an ; en revanche, Samsung enregistre une contraction de ses parts de marché depuis 2015 tout en restant malgré tout numéro 2. Arrivent derrière Lenovo, Huawei et Amazon. Près des deux tiers des tablettes fonctionnent sous Android (65 %), contre 26 % pour l’iOS d’Apple et une part minoritaire (9 %) pour Windows.

 Si les tablettes classiques rencontrent des difficultés, les nouveaux modèles d’ordinateurs « détachables » qui constituent  des modèles hybrides entre la tablette et le PC portable, rencontrent un succès grandissant. L’iPad Pro d’Apple ou la Surface Pro de Microsoft rentrent dans cette catégorie. Sur ce marché en forte croissance, Google a raté pour le moment le coche mais devrait être capable de rattraper Apple et Microsoft dans les 18 prochains mois. Google lancera, en effet, sa prochaine version d’Android, qui comprendra notamment un meilleur multitâche capable d’attirer les joueurs et les professionnels.

 Avec des smartphones de plus en plus grands et des ordinateurs portables de plus en plus mobiles et légers, il est de plus en plus difficile de définir ce qui est ou n’est pas une tablette. Les tablettes classiques sont en concurrence avec les smartphones. Du fait de leur plus grande taille, elles sont avant tout utilisées à l’intérieur du domicile ou dans le cadre de déplacements (avions, trains, voitures…). Leur grand écran leur donne un avantage indéniable pour les jeux et la lecture. Dans ces usages, elles sont néanmoins en concurrence avec les ordinateurs. Utilisées souvent à domicile, les tablettes sont moins sujettes à de la casse ou à du vol que les téléphones portables ce qui ralentit d’autant leur renouvellement. Au niveau professionnel, elles sont utilisées pour de la constitution de dossiers, pour le recueil de données ou pour la consultation d’informations. Elles doivent être facilement connectables à des ordinateurs pouvant traiter et gérer les informations collectées. Les tablettes pourraient devenir un marché de niches surtout si les écrans souples pour les Smartphones se développent.

 Le difficile passage de la formation au travail pour les jeunes européens

 L’Union européenne (UE) compte presque 90 millions de personnes âgées de 15 à 29 ans, représentant 17 % de sa population. Ces jeunes sont dans des situations très diverses.

 Le passage de l’état scolarisé à l’état d’actif s’effectue entre 25 et 29 ans. Du fait de l’allongement de la durée des études, les jeunes entrent de plus en plus tard sur le marché du travail. Par ailleurs, avec les difficultés d’insertion professionnelle, la proportion de jeunes ne travaillant pas et ne suivant ni études ni formation (NEET) augmente considérablement avec l’âge. La proportion de NEET, qui s’est établie en 2015 à 6,3 % pour la tranche des 15-19 ans, triple quasiment parmi les 20-24 ans pour s’élever à 17,3 % et atteint presque un jeune sur cinq (19,7 %) âgés de 25 à 29 ans.

 Au niveau de l’UE, près de cinq millions de jeunes âgés de 20 à 24 ans (soit 17,3 %) ne travaillaient pas et ne suivaient ni études ni formation en 2015.

 Les proportions les plus importantes sont enregistrées en Italie (31,1 %) ainsi qu’en Grèce (26,1 %), en Croatie (24,2%), en Roumanie (24,1 %), en Bulgarie (24,0 %) et en Espagne et à Chypre (22,2 % chacun). À l’inverse, la proportion de NEET chez les jeunes de 20 à 24 ans était la plus faible aux Pays-Bas (7,2 %), au Luxembourg (8,8 %), au Danemark, en Allemagne et en Suède (9,3 % chacun), à Malte et en Autriche (9,8 % chacun) ainsi qu’en République tchèque (10,8 %).

 Entre 2006 et 2015, dans dix Etats membres, la proportion de NEET s’est réduite, les baisses les plus marquées ayant été enregistrées en Allemagne (de 15,2 % en 2006 à 9,3 % en 2015, soit -5,9 points de pourcentage), en Bulgarie (-5,3 pp), en Suède (-3,4 pp), en République tchèque (-2,9 pp) et en Pologne (-2,8 pp). Dans les dix-huit autres États, la situation s’est détériorée, la proportion de NEET âgés de 20 à 24 ans ayant augmenté notamment en Italie (de 21,6% à 31,1%, soit +9,5 pp), en Grèce (+9,3 pp), en Espagne (+9,0 pp), à Chypre (+8,5 pp), en Irlande (+7,8 pp), en Croatie (+5,4 pp), en Roumanie (+5,2 pp), au Portugal (+4,9 pp), au Royaume-Uni (+4,4 pp), au Danemark (+4,3 pp) et en Finlande (+4,1 pp).

 En France, 33,7 % des jeunes sont, en 2016, exclusivement en formation quand 28,9 % travaillent et 18,1 % sont au chômage. Ce dernier taux était de 16,4 % en 2006. 19,3 % travaillent tout en suivant une formation. Ce dernier taux est de 30 % en Allemagne, de 42 % au Danemark et aux Pays-Bas.