1 avril 2017

Le Coin des tendances du 1er avril 2017

Quand le moteur de recherche devient un « assisteur »

 Le succès d’Internet repose sur la capacité à transmettre très rapidement un grand nombre de données (textes, photos, vidéos) en s’affranchissant de la barrière des distances. Il a été également rendu possible par le développement de moteurs de recherche dont le plus connu est Google. Ils sont devenus indispensables pour sérier, classer plus d’un milliard de sites Internet, plus de 5 milliards de pages. Au fil des années, leurs algorithmes sont devenus de plus en plus fin au point de pouvoir orienter à notre insu nos recherches. Etre bien référencé constitue une obligation pour les sites de e-commerce. Si jusqu’à une date récente, la consommation d’Internet s’effectuait derrière un ordinateur, ce n’est plus le cas aujourd’hui, le smartphone et les tablettes sont devenus les principales portes d’accès au réseau. Par ailleurs, avec le développement des objets connectés, domotique, voiture, surveillance, etc., nous sommes en permanence reliés au réseau. Cette hyperconsommation d’Internet de plus en plus mobile devrait modifier notre mode de consultation des sites. Nous allons passer de l’ère du moteur de recherche à celle de l’assistance. La recherche d’un nouveau type reposera sur une personnalisation accrue de la relation. Elle s’effectuera soit via le smartphone soit par l’intermédiaire des objets connectés qui seront reliés à notre profil préenregistré. Elle sera fondée sur le web sémantique. La recherche s’effectuera sous la forme d’une discussion banale sous forme de questions. Le système de réponse sera adaptatif car il intègrera les habitudes des internautes (machine learning). Enfin, et c’est la conséquence de ce qui précède, les recherches et les consultations s’effectueront avant tout de manière orale. En 2016, 20 % des requêtes formulées aujourd’hui sur Google (via un mobile sur Android) sont vocales. Ce ratio dépassera 50 % en 2020. Le recours à la voix change complètement l’exercice de la recherche. Nous avons pris l’habitude de regarder une liste, en règle générale, celle mentionnée sur la première page. Avec une interface orale, un seul résultatà entendre sera proposé. Pour le référencement, c’est un nouveau défi à relever. Il ne faudra plus être dans les 10 ou les 20 premiers mais être celui qui sera choisi par l’algorithme.

 En interrogeant Google ou un de ses concurrents, l’Internaute demandera un service, une aide. Il souhaitera une traduction simultanée, un rendez-vous chez le médecin, chez le garagiste, une couverture d’assurance, une proposition d’emprunt, etc. Le moteur de recherche deviendra un compagnon de vie qui gèrera la vie quotidienne des ménages à travers les objets connectés. C’est ce que propose déjà Google Home, Amazon avec Echo ou l’application « mon domicile » d’Apple.

 Google Home offre une assistance – gérant de multiples formats texte, image, vidéo, réalité augmentée/réalité virtuelle – qui reconnaît les voix de la famille. Il vise à proposer des solutions : planification des tâches dans la maison (commandes de repas, gestion du chauffage, de l’éclairage, du réveil, etc.), aide en matière de transports (réservation, proposition du meilleur trajet), aide en matière professionnelle (fixation des rendez-vous, etc.). Le développement de cette fonction « d’assisteur » suppose que les entreprises s’adaptent à cette nouvelle donne en proposant des services automatisés en temps réel. La réponse doit être instantanée. Les situations d’attente ne sont plus tolérées. Internet sera plus un grand centre de services et moins une vitrine. Le vendeur pourra reprendre la main à la condition d’avoir été sélectionné.

Le développement des nouveaux systèmes d’assistance suppose une rapidité de traitement. Les sites seront avant tout des interfaces vocales pouvant intégrer de la vidéo. Cela provoquera une augmentation des volumes de données à transmettre. Cela rendra indispensable la mise en place de la 5G. Aujourd’hui, le temps moyen de chargement des sites mobiles est de dix secondes sur un mobile (moyenne 3 et 4G). 53 % des visites sont abandonnées si les pages prennent plus de 3 secondes à charger sur mobile. Il faut souligner que les annonceurs dont le site mobile charge en 5 secondes gagnent jusqu’à 2 fois plus de revenus sur mobile que ceux dont les sites chargent en 19 secondes. Le client demandera à ce que ses demandes soient traitées rapidement, ce qui supposera que son profil soit en permanence actualisé. En outre, à terme, en réalité enrichie, les relations commerciales basiques seront complètement automatisées de part et d’autres de la chaîne, le client ayant donné un ordre oral à Google Home par exemple.

 Le conteneur, l’empereur déchu de la mondialisation ?

 Depuis un quart de siècle, nous vivons au rythme de la mondialisation de l’économie. L’ouverture de la Chine au monde, la chute de l’URSS et Internet auraient permis cette deuxième internationalisation, la première datant de la fin du 19e siècle. Mais, cela n’a été possible que par le succès d’une boite métallique standardisée d’une longueur de vingt pieds (soit 6,096 mètres), le conteneur ayant pour signe EVP (Equivalent Vingt Pieds). Le nombre de conteneurs qui transitent dans les ports a explosé durant ces vingt dernières années, près de 700 millions par an. En générant d’importantes économies, le conteneur a contribué à modifier l’organisation de la production et des chaînes de valeur. Le principe de tout produire dans un même lieu a été abandonné au profit d’une production éclatée afin de mieux exploiter les avantages comparatifs des différents sites.

 Si la Chine a pu devenir le 1er exportateur mondial, c’est grâce à sa main d’œuvre nombreuse, relativement bien formée et à la bonne organisation du pays, mais aussi grâce à l’abaissement des coûts de transports. Les années 90/2000 seront celles des super-porte-conteneurs reliant les grandes zones économiques de la planète. Depuis la crise financière de 2008, la mondialisation marque le pas. La tertiarisation des activités et le retour du protectionnisme pèsent sur la croissance du commerce international.

  Le conteneur, une invention vieille de 60 ans

 Le conteneur a été inventé par un transporteur routier nord-américain en 1956. Le 26 avril de cette année-là, Malcolm McLean décide de placer, sur un pétrolier, 58 caisses faciles à décharger. Malcom McLean, né en 1913 qui était au début de sa vie professionnelle gérant de station à essence a rapidement développé, dans les années 30, une activité de transport routier afin de livrer du carburant. En vingt ans, son entreprise est devenue une des plus florissantes des États-Unis en pratiquant des prix très attractifs. Afin d’éviter les nombreux embouteillages, il rachète, en 1953, une petite compagnie maritime, la Pan-Atlantic et deux navires pétroliers qu’il transforme afin qu’ils puissent accueillir des boîtes. Le vrac qui était auparavant mis dans les camions est placé dans des conteneurs qui sont distribués directement au client. McLean a convaincu du bienfondé de son invention l’autorité portuaire de New York qui lui a construit un terminal adapté à Newark, port qui n’était pas contrôlé par la mafia. Grâce à cette nouvelle logistique, le coût du chargement est alors passé de près de 6 dollars à moins de 16 cents la tonne. Chaque année, plus de 5 000 navires porte-conteneurs, (les plus gros sont capables d’en emporter plus de 20 000 EVC) chargent ou déchargent plus de 600 millions de ces boîtes métalliques dans les ports de la planète. Avant leur apparition, les opérations de manutention pouvaient prendre jusqu’à une semaine ; désormais, remplir ou vider un navire prend une journée. Le recours au conteneur limite les vols et la casse. Il permet de s’adapter finement aux besoins des clients. Toutes sortes de produits peuvent être transportés par leur entremise : vêtements, motos, téléphones portables, des liquides, grâce au conteneur citerne, des produits frais qui sont entreposés dans un conteneur à température contrôlée et même des minerais en vrac stockés dans un conteneur à toit ouvrant.

 La révolution qu’opère McLean, n’est pas la boîte en tant que telle, mais le fait que son format soit standardisé et qu’elle puisse passer d’un mode de transport à un autre. Auparavant, dans les ports ou les gares, les dockers transportaient directement la marchandise entraînant d’importantes manutentions et une perte de temps. Dans les soutes des traditionnels cargos polyvalents, des bataillons de dockers embauchés à la journée chargeaient et déchargeaient, à la main, des marchandises entassées en vrac. Des boites non standardisées étaient transportées par des grues. Avec l’arrivée du conteneur, les installations portuaires ont dû être modifiées. Des portiques ont été installées afin de pouvoir de manipuler les boîtes des bateaux vers les camions ou les trains.

Les 5000 porte-conteneurs sillonnent les mers et assurent donc une part croissante du trafic maritime. De véritables autoroutes maritimes ont été créées reliant l’Asie, l’Amérique du Nord et l’Europe. Huit porte-conteneurs de 14 000 EVP avec un équipage de 200 hommes à bord transportent autant de marchandises entre l’Europe et l’Asie que 140 cargos des années 1960 avec 6 500 marins à bord.

 Maersk, le numéro un mondial des porte-conteneurs, réalise un chiffre d’affaires supérieur à Microsoft. Le Groupe français CMA CGM, basé à Marseille, figure parmi les plus grands groupes de transports de conteneurs. Il est présent dans plus de 160 pays et emploie plus de 29 000 personnes. Il a transporté un volume de 15,6 millions d’EVP. Son chiffre d’affaires dépasse 16 milliards de dollars.

 Un port moderne se doit d’accueillir des porte-conteneurs et se doit d’être situé sur une route maritime desservant de grands centres de production ou de consommation. Les ports français sont distancés au niveau mondial comme au niveau européen. Le Havre occupe le 1er rang, en France avec 2,5 millions de conteneurs en 2015 loin derrière Rotterdam (12 millions), Anvers (9 millions) ou Hambourg (8,6 millions). Le deuxième port français est Marseille avec 1,2 million de conteneurs (chiffres 2015).

L’accueil de porte-conteneurs géants suppose non seulement la mise en place d’infrastructures portuaires adaptées mais aussi la présence de moyens de transports diversifiés et efficients. Les ports sont ainsi devenus des plateformes multimodales comprenant des gares, fluviales, routières, ferroviaires et aériennes. Celles-ci contribuent à relier le port aux grands centres urbains grâce au transport combiné rail-route et/ou barge-route.

 Les compagnies maritimes sélectionnent les ports en fonction de leur capacité à décharger rapidement les navires mais aussi sur leur bonne intégration au sein de leur territoire et sur les délais de traitement des conteneurs avant leur réexpédition. Les aires de stockage doivent être importantes, sécurisées et facilement accessibles. Le délai moyen d’attente des conteneurs dans les principaux terminaux maritimes européens se situe entre 4 et 7 jours. Tout retard dans le traitement génère des surcoûts.

 Le conteneur très dépendant de l’évolution du commerce international

 La crise de 2008 et le ralentissement du commerce international depuis 2011 ont provoqué une crise dans le secteur du conteneur. Des surcapacités de transports sont apparues d’autant plus que, en raison des délais de livraison, arrivent sur le marché plusieurs porte-conteneurs géant pouvant transporter plus de 20 000 EVP. Les échanges de conteneurs stagnent car l’Europe connaît une faible croissance. Par ailleurs, nous avons atteint un palier dans l’éclatement des chaînes de production.

 L’augmentation des coûts salariaux au sein des pays émergents réduit l’intérêt des délocalisations. Des facteurs plus structurels expliquent également l’évolution du commerce international. La demande de services s’accroît plus vite depuis huit ans que celle en biens industriels. Elle est portée par l’augmentation du niveau de vie des classes moyennes au sein des pays émergents et par le vieillissement de la population à l’échelle mondiale.

 De manière plus marginale, les pressions en faveur des circuits courts en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre et la progression des mesures protectionnistes concourent également à un moindre développement des échanges internationaux de conteneurs.

Un secteur en pleines difficultés financières

 Les principales compagnies de porte-conteneurs ont enregistré des pertes ces dernières années. En raison de la dégradation des perspectives du transport maritime international, le conglomérat danois AP Moller-Maersk qui assure 16 % du transport maritime mondial de conteneurs via sa filiale Maersk Lines, a ainsi indiqué qu’il ne fera plus d’investissements importants dans cette activité dans les prochaines années.

 Pour réduire les coûts, les compagnies ralentissent la vitesse d’opération des navires (slow steaming). Les bateaux utilisent moins de carburant et effectuent moins de rotations. Elles ont également dû procéder à l’arrêt de nombreux bateaux. En 2016, 20 % des porte-conteneurs auraient été mis à l’arrêt temporairement ou définitivement. Des liaisons maritimes ont été également supprimées. Ainsi, sur la route Asie-Europe, le nombre de liaisons hebdomadaires est passé de 21 en 2015 à 17 en 2016, 30 porte-conteneurs de 9.000 à 14.000 EVP ont été retirés. Du fait que les capacités de transports augmentent plus vite que la demande, respectivement +8,5 % et +1 % par an, les prix devraient toujours être orientés à la baisse. Il en résultera une concentration accrue au sein de ce secteur qui déjà repose sur 4 alliances.