20 janvier 2018

Le Coin des tendances du 20 janvier 2018

Et dans l’assiette, quoi de neuf ?

Depuis 1960, les ménages français consacrent à l’alimentation une part de plus en plus réduite de leurs dépenses de consommation, 20 % en 2014 contre 35 % en 1960. Cette baisse s’explique par l’augmentation du niveau de vie. Les ménages ont diversifié leurs dépenses au fur et à mesure de la progression de leur budget. Néanmoins, depuis la crise de 2008, cette part ne diminue plus et a même tendance à s’accroître en raison de l’augmentation des dépenses au profit des produits bio.

En cinquante ans, la consommation alimentaire par habitant a, en volume, malgré tout augmenté, mais moins rapidement que l’ensemble de la consommation. La composition du panier alimentaire a évolué du fait du changement des comportements. Les repas se prennent de plus en plus en-dehors du domicile. La viande, les fruits et légumes, les pains et céréales et les boissons alcoolisées progressent moins vite que les autres produits alimentaires. Ils cèdent notamment du terrain aux produits transformés et aux plats préparés. L’évolution contrastée des prix des différents produits et la baisse du temps consacré à la cuisine contribuent également à la modification des pratiques alimentaires. Par ailleurs, les Français ont réduit leur consommation d’alcool surtout à domicile. Celle-ci est dorénavant de plus en plus constituée d’alcools forts et de vins de qualité supérieure.

La part de la viande diminue depuis les années 1980 et ne représentait plus que 20 % du panier alimentaire des ménages en 2014, contre 26 %, à son apogée, en 1967. Ce recul est lié au prix de la viande, au temps jugé trop long pour sa préparation et à des considérations d’ordre sanitaire. La crise de la vache folle en 1996 a conduit à une diminution des achats de bœuf de 8 %. En revanche, ceux de viande de cheval ont progressé en 1998 de 12 % quand ceux de volaille enregistraient une hausse de 6 % en valeur. Les messages des autorités sanitaires demandant de restreindre la consommation de viande semblent porter.

Les boissons alcoolisées et, dans une moindre mesure, les fruits et légumes occupent, en 2014, une part plus réduite dans le panier qu’en 1960. Pour les fruits et légumes, la baisse intervient malgré les recommandations en faveur de la consommation d’au moins 5 fruits et légumes. En 2016, en France, 35 % des personnes ne consomment, de manière quotidienne, aucun fruit et légume. 50 % en consomment une à quatre portions et 15 % au moins 5 portions (source Eurostat). La baisse de la consommation de fruits et légumes est imputable aux changements de comportements (moins de plats cuisinés à domicile, plus de restauration rapide).

Durant ces cinquante dernières années, la part du budget aux « pains et céréales » diminue (13 % en 2014 contre 15 % en 1960) mais depuis une dizaine d’années, il est à nouveau en hausse. La montée en gamme des pains vendus dans les boulangeries et leur poids croissant au sein de la restauration rapide ont contribué à cette progression.

Les plats préparés sont en forte hausse grâce au développement des surgelés, de la restauration rapide et plus récemment grâce aux plats livrés à domicile. Les produits sucrés (sucre, confiserie, chocolat, confitures…) et les boissons non alcoolisées ont connu un essor à partir des années 70. Leur part dans le budget des ménages tend à stagner depuis quelques années.  Après avoir pris de l’ampleur entre 1960 et 1990 de la consommation en œufs et laitages est étale depuis une vingtaine d’années. Les hausses des prix, les polémiques sur la qualité des œufs et également des changements de consommation, en particulier, au sein des moins de 30 ans expliquent cette évolution. Les achats de poisson sont étales depuis vingt ans en raison du prix et de l’évolution des pratiques culinaires.

Les dépenses « bio », 4 % du panier alimentaire

En 2016, les consommateurs français ont dépensé 7 milliards d’euros pour acheter des aliments labellisés bio, un record. Sur un an, la hausse s’élève à 20 %. Depuis 2007, le secteur a enregistré une croissance de 278 %. La filière bio compte désormais plus de 47 000 entreprises dont plus de 32 000 exploitants agricoles. La filière emploie plus de 50 000 personnes qui travaillent dans la production, la transformation et la distribution. En revanche, les produits dits allégés sont en recul depuis 2004. Les polémiques sur leur efficacité et sur leur éventuelle nocivité ont contribué à leur repli.

 

L’alimentation de demain sera bio et technologique !

Selon la société d’études de marché Mintel qui a réalisé une enquête dans 12 pays, les consommateurs exigent en matière alimentaire une transparence totale. Quels que soient les pays, la méfiance à l’encontre des autorités et des entreprises est élevée en ce qui concerne les produits agro-alimentaires. La demande de produits qualifiés « bio » est élevée. Il n’est donc pas étonnant que près de 30 % des nouveaux produits lancés depuis 2016 par l’industrie agro-alimentaire répondent à cette exigence. La progression s’amplifie d’année en année. Les arguments éthiques et environnementaux, comme les emballages écologiques ainsi que la revendication du bien-être humain et animal, ont augmenté de 22 % sur les nouveaux produits introduits entre septembre 2016 et août 2017.

Que ce soit de manière spontanée ou en réponse à un changement de réglementation, les fabricants communiquent sur l’origine de leurs produits et sur les procédures de fabrication. Néanmoins, en moyenne, près de 6 consommateurs sur 10 sont méfiants vis-à-vis des informations ainsi fournies. Le lieu de production et la nationalité de l’entreprise jouent dans le niveau de confiance des consommateurs. Parmi les consommateurs âgés de
16 ans et plus, 70 % des Italiens, 66 % des Français, 58 % des Espagnols,
56 % des Allemands et
55 % des Polonais seront plus susceptibles de faire confiance à une entreprise si sa production est nationale.

Si la méfiance est de mise, elle ne s’oppose pas à une préférence pour les grandes marques. A plus de 50 %, les consommateurs considèrent que les marques reconnues sont plus responsables. La présence sur les emballages d’engagements éthiques concrets (recours à des producteurs artisanaux, commerce équitable, absence de traitement chimique) est jugée favorablement. Néanmoins, la demande de preuves est de plus en plus exigée. Le moindre doute sur la réalité des actions constitue, en revanche, un facteur de rejet des produits.

Le consommateur entend gérer librement ses contradictions. Ainsi, la culpabilisation sur les achats de produits sucrés ou gras est de plus en plus mal vécue. L’idée d’une gestion souple de son alimentation fait son chemin. D’un côté, le consommateur souhaite accéder à des produits à forte qualité et, d’un autre, il ne veut pas se restreindre en matière de plaisir alimentaire.

Le secteur agro-alimentaire est entré dans une période de fortes innovations. Les consommateurs sont à la recherche permanente de nouveaux goûts et de nouvelles sensations. La conception des produits alimentaires mixe les saveurs, les couleurs, textures et même les bruits (de l’ouverture du paquet jusqu’à la consommation).

L’univers du jeu envahit les produits agro-alimentaires. De longue date, pour attirer les enfants, l’industrie associe jeux et surprises avec des produits alimentaires (carambar, chocolat Kinder). Aujourd’hui, cette association ne se limite plus à l’univers des enfants. Ainsi, la consommation doit surprendre. Ainsi pour favoriser les achats, les paquets de chips normales peuvent comporter 5 % de chips très épicés.

Même si le consommateur asiatique est très réceptif aux nouveaux produits, l’Europe demeure le marché clef pour leur lancement du fait du caractère homogène de la population et de la force des réseaux de distribution.

Les produits des e-générations

L’industrie agro-alimentaire s’adapte aux comportements des jeunes générations qui passent plus de temps devant leurs écrans. Les campagnes publicitaires passent de plus en plus par les réseaux, les vidéos, les influenceurs. Par ailleurs, les nouvelles générations ont un rapport décomplexé à la nourriture qui se doit de surprendre. Habitués aux différentes saveurs et aux produits tout préparés, ils considèrent que les produits alimentaires se doivent d’être innovants. En outre, la personnalisation des produits grâce aux achats alimentaires en ligne se développe.

La généralisation de l’achat en ligne

L’achat en ligne des produits alimentaires longtemps resté marginal se généralise. Le recours croissant aux plats préparés, la multiplication des plateformes proposant la livraison à domicile changent la donne. Les formules d’abonnement et de réapprovisionnement automatique se multiplient. A terme, la synchronisation des appareils ménagers connectés avec des centres de livraison devrait faciliter la digitalisation de ce secteur. L’équipement des ménages en assistants vocaux qui seraient les intermédiaires des commandes de produits alimentaires pourrait également favoriser cette mutation. Selon Mintel, 35 % des acheteurs en ligne britanniques de produits d’épicerie apprécient le fait de pouvoir ajouter des produits à leur commande par contrôle vocal. Coca-Cola Company a développé un distributeur automatique qui permet les achats par téléphone portable et fournit des offres personnalisées.

Les GAFA sont de plus en plus présents sur le marché alimentaire. Ainsi, Amazon a racheté les magasins  Whole Foods Market. Google entend nouer un partenariat avec Walmart avec un objectif de faciliter la diffusion des promotions sur les produits vendus par cette enseigne.

L’alimentation responsable

Les contraintes environnementales avec la question de l’accès à l’eau, la réduction des terres arables, les problèmes sanitaires  et l’épuisement des fonds marins imposent une mutation du secteur agroalimentaire qui devra être plus efficient et plus technologique. Les recherches sur la production de « viande » à partir de cellules ou de végétaux et sur la production de céréales, de légumes ainsi que de fruits nécessitant moins d’intrants devraient connaitre d’importantes avancées dans les prochaines années. Les exploitations agricoles recourent à de plus en plus d’objets connectés afin de limiter l’utilisation de produits phytosanitaires et d’eau. L’usage des drones et des machines robotisées est amené à se généraliser.