22 avril 2017

Le Coin des tendances du 22 avril 2017

Les non connectés, des nouveaux exclus ?

 En 2017, tous les contribuables dont le revenu de référence dépasse 25 000 euros devront rempli en ligne leur déclaration de revenus. En 2019, cette pratique sera applicable à tous les Français. L’administration fiscale a mis en œuvre, depuis une dizaine d’années, un plan de digitalisation de ses impôts permettant d’importants gains de productivité avec à la clef un moindre recours à l’impression.

La France est, en Europe, plus en pointe en ce qui concerne l’e-administration. En moyenne, en 2016, 48 % des Européens contactent les services publics grâce à internet. Avec 66 % de contacts, la France arrive au 8e rang, certes loin derrière les pays nordiques (88 % au Danemark) mais devant l’Allemagne (55 %), la Belgique (55 %) ou le Royaume-Uni (53 %).

Contacts digitaux avec l’administration

En dix ans, les inégalités d’équipe­ment en ordinateur, Internet et téléphone mobile ont été divisées par deux. Selon l’enquête Conditions de vie et aspirations du CRÉDOC, 15 % des Français n’ont pas Internet à domicile à l’été 2016. Mais la proportion  est de 43 % chez les plus de 70 ans, 25 % des bas revenus et 21 % des personnes souffrant d’un handicap ou d’une mala­die chronique. À l’hiver 2014, 36 % des allocataires de minima sociaux n’avaient pas accès à Internet à leur domicile.

À mesure que certains équipements se démocratisent (ordinateur, internet, haut débit, etc.), d’autres font leur appari­tion et recréent sans cesse de nouvelles frontières : la population est ainsi divisée selon qu’elle dispose (65 %) ou pas d’un smartphone. Et moins d’une personne sur deux dispose d’une tablette (40 %). Ces équipements nomades, portes d’entrée vers de nouveaux services et offres, sont encore très inégalement répartis dans la population : seuls 20 % des septuagénaires se sont offert un smartphone quand le taux culmine à 95 % chez les 18-24 ans.

Un blocage pour près d’un Français sur trois

Le CRÉDOC a étudié le comportement face au développement des démarches administratives sur interne. 57 % ont déjà obtenu des informations administratives sur internet, 58 % ont déjà téléchargé ou rempli des formulaires administratifs en ligne et 46 % ont déjà déclaré leurs revenus sur internet. Plus de deux personnes sur trois (68 %) ont déjà effectué, seules, l’une de ces trois démarches. 36 % ont même mené à bien, toujours sans aide, les trois opérations.

À l’inverse, 13 % se sentent incapables d’en mener ne serait-ce qu’une seule. Enfin, 19 % sont dans une situation intermédiaire : elles l’ont déjà fait au moins une fois avec de l’aide ou s’en sentent capables, mais à condition d’être accompagnées.

L’e-administration génère beaucoup d’inquiétude

Le recours de plus en plus systématique à Internet n’est pas sans poser problème pour une part non négligeable des Français. Toujours selon le CRÉDOC, quatre personnes sur dix se disent « très » ou « assez » inquiètes face à cette éventualité. Les plus âgées (72 % des 70 ans et plus) et les moins diplômées (68 % des non-diplômées) témoignent d’un niveau d’inquiétude plus fort encore. Les inquiétudes sont d’autant plus fortes que la personne est depuis peu de temps équipée d’un accès à internet à domicile.

Une forte attente d’accompagnement humain

En milieu rural, les personnes âgées ou les non-diplômés réclament la mise en place d’un accompagnement numérique. Ces catégories expriment le besoin que les caisses d’allocations familiales puissent jouer ce rôle. L’autre demande est évidemment celle de la simplification des procédures sur Internet. Ce souhait est exprimé par 27 % des sondés et arrive juste derrière l’accompagnement (28 %).

Il est également demandé que les pouvoirs publics fassent mieux connaître les services et démarches qu’il est possible d’accomplir en ligne (16 %) et qu’ils offrent, en ligne, des outils d’aide et d’accompagnement sur les sites internet existants (15 %). Enfin, une sécurisation accrue n’est exigée que par 9 % des répondants.

Le paradoxe des objectifs de l’e-administration

La multiplication des procédures d’obtention et de gestion des prestations sociales par Internet n’est pas sans danger. En effet, par nature, ces prestations s’adressent à la partie de la population la moins connectée et la moins habituée à travailler avec des outils numériques. Il y a un risque qu’une partie des bénéficiaires potentiels des aides et prestations n’y ait plus accès. La difficulté à chercher et traiter l’information en ligne pour faire valoir ses droits serait une des raisons du non-recours à certaines prestations sociales. Rechercher  sans accompagnement sur les sites internet, gérer ses multiples mots de passe et identifiants, peut rapidement devenir complexe pour de nombreux Français. Certains, et notamment les plus âgés, développent une forme de complexe, voire de blocage : en 2013, 87 % des personnes de 70 ans et plus déclaraient se sentir incompétentes pour se servir d’un ordinateur. Ce taux est moindre mais tout de même non négligeable chez les habitants des zones rurales (55 %) ou chez les personnes souffrant d’un handicap ou d’une maladie chronique (62 %).

Le numérique peut accentuer le sentiment d’exclusion des populations fragiles. Les effets de la précarité, du chômage et de l’isolement au sens large sont amplifiés par le manque d’expérience et de culture numérique.

Actuellement seulement 20 % des demandes initiales ou de renouvellements de logement social se fait en ligne malgré une réelle progression est constatée (+ 12 points par rapport à 2014) et 45 % des demandes d’aide au logement (+ 12 points en un an). La digitalisation s’est en revanche imposée en matière d’emploi et de RSA. Ainsi, 59 % des inscriptions à Pôle emploi s’effectuent sur Internet (+ 17 points) et 63 % des demandes trimestrielles de RSA (+ 5 points en un an).

Une moindre personnalisation du traitement des dossiers

La dématérialisation entraîne une forme de rationalisation des offres qui se heurte à la complexité des parcours « hors des cases » des catégories cibles, et à la difficulté des personnes concernées à s’approprier les tech­niques nécessaires pour être en phase avec l’e-administration.

La récente et totale numérisation des démarches de demande de la prime d’activité en est un exemple. La simulation et la demande de prestation ne sont possibles que par Internet. La tenue d’un compte personnel dématérialisé est un prérequis difficile à gérer (mémoire des codes, archivages des données…) pour des personnes relativement « désorientées » ou en situation d’urgence sociale.

 

Les équations impossibles du TGV

Le réseau à grande vitesse français a souvent été raillé aux États-Unis du fait de son coût, de la faible rentabilité des lignes et du fait qu’il s’est développé au détriment du fret. Depuis la mise en service en 1981 du TGV Paris-Lyon, le réseau de lignes nouvelles à grande vitesse, en France, a atteint plus de 2 037 kilomètres et se situe en quatrième position au niveau mondial après celui de la Chine, du Japon et de l’Espagne.

Si, initialement, le TGV a été conçu pour relier les très grandes métropoles françaises, sous la pression des élus, il est devenu un outil d’aménagement du territoire. Sans liaison TGV, les villes et agglomérations ont le sentiment d’être reléguées au rang des cités de seconde classe. De ce fait, le réseau de lignes à grande vitesse (LGV) s’est étendu tout comme le nombre de villes desservies. Un grand nombre d’entre elles profite du TGV sans pour autant être connectées réellement à une LGV.

Avec le TGV, la SNCF avait fait le pari d’être l’acteur principal de transports de personnes en France. L’objectif non déclaré officiellement mais réel était de réduire le transport aérien intérieur. L’écueil provient du déficit chronique de la structure en charge du réseau qu’elle s’appelle RFF ou SNCF Réseau. En ayant des recettes inférieures à ses dépenses, son endettement ne peut être que croissant, au minimum 1,5 milliard d’euros par an. A déjà 42 milliards d’euros, le déficit du réseau pourrait atteindre 63 milliards d’euros en 2026 auxquels il faut ajouter les 8 milliards d’euros de dettes de la SNCF. Du fait que l’endettement de SNCF Réseau ne rentre pas dans celui retenu par le Traité de Maastricht, les pouvoirs publics ont eu tendance à réduire les subventions auxquelles cette structure pouvait prétendre. Par ailleurs, la SNCF a fait pression durant des années pour éviter une hausse des péages afin de ne pas déséquilibrer ses comptes. Mais face au montant abyssal de la dette, ces derniers ont été relevés depuis 2009 (hausse des tarifs de 6,4 % en 2009, de 11 % en 2010, de 11,7 % en 2011…). Les péages représentent aujourd’hui 40% en moyenne du prix du billet TGV. Une hausse de plus de 9 % a été décidée pour 2017. La SNCF tente de limiter les effets de ces augmentations en limitant le nombre de passage de trains. Ainsi, elle privilégie les duplex à deux étages. Elle a également opté pour une tarification marginale très fine de ses billets avec comme conséquence l’apparition de nouveaux concurrents qui proposent des trajets de transport moins onéreux : covoiturage, car, low-cost aérien.

De ce fait, la SNCF a été contrainte pour éviter une perte trop importante de clients de proposer des formules moins coûteuses. Ainsi, elle a lancé les trains « ouigo » pouvant être assimilés à une offre low-cost. Par ailleurs, elle réduit au maximum et diffère l’achat de nouvelles rames à Alstom, ce qui n’est pas sans conséquences sur l’emploi. Pris en étau, la compagnie ferroviaire dispose donc de peu de marges de manœuvre. Certains considèrent que son salut proviendra d’une reprise d’une partie de la dette de SNCF Réseau par l’État. Ce transfert ne pourra intervenir qu’après les élections de mai et de juin.

Depuis le début le mois d’avril, SNCF Réseau doit respecter une règle d’or budgétaire. Cette règle vise à d’empêcher SNCF Réseau d’investir au-delà d’un certain niveau d’endettement. Elle devrait bloquer l’engagement de nouvelles lignes à grande vitesse non rentables. Les modalités de cette règle ont été fixées par la loi Macron d’août 2015. Elle s’appliquera dès lors que la dette de SNCF Réseau dépassera dix-huit fois la marge opérationnelle. Le gestionnaire du réseau ferré français ayant dégagé l’an dernier une marge opérationnelle de 1,89 milliard d’euros, le plafond s’établit donc à 34 milliards. Le décret précise cependant que ce seuil doit être comparé à « la dette financière nette calculée en valeur de remboursement ». En 2016, la dette de SNCF Réseau ainsi calculée était de 42 milliards d’euros. En retenant les standards internationaux, la dette s’établissait à 44,9 milliards d’euros. Dans tous les cas, aucun projet ne pourra être engagé cette année. Mais, les « investissements de maintenance », qui incluent l’entretien et le renouvellement du réseau, ne sont pas pris en compte. La ligne « CDG Express » entre Paris et l’aéroport de Roissy qui bénéficie d’un financement spécifique n’est pas menacée par cette règle.