22 septembre 2018

Le Coin des Tendances du 22 septembre 2018

Santé, l’épineuse question du reste à charge

Le reste à charge en matière de soins est considéré comme un marqueur social important. Il correspond au montant de la dépense de santé qui reste à acquitter par les ménages après intervention des assurances maladie de base et complémentaires. Tel que calculé par l’OCDE, il comprend leur participation au coût des soins (franchises…), l’automédication et les autres dépenses prises en charge directement par les ménages (dépassements d’honoraires médicaux, hébergement, etc.). Un reste à charge à faible est perçu comme un symbole de justice social. Un reste à charge trop élevé est susceptible de conduire certains ménages à renoncer à des soins. L’analyse de ce facteur doit être fine car son appréciation doit prendre en compte la nature des soins auxquels sont confrontés les patients et également les revenus de ces derniers. Ainsi, dans la plupart des pays de l’OCDE, des exemptions partielles ou totales de participation financière sont prévues pour des populations spécifiques afin de garantir leur accès aux soins (maladies chroniques ou handicaps associés à des dépenses très élevées). Certains pays comme l’Allemagne ont institué des plafonds de reste à charge en fonction du niveau de revenus. D’autres ont retenu des critères liés à l’âge et à la situation particulière des individus (femmes enceintes, retraités par exemple).

La France est le pays au sein de l’Union européenne où le reste à charge est le plus faible, 10 % de la dépense courante de santé (DCS au sens international) contre une moyenne communautaire de 16 %. Les restes à charge les plus élevés sont atteints dans les États membres qui ont rejoint l’Union depuis 2004 (22 % en moyenne) pour lesquels les données sont disponibles. En Suisse, ce ratio atteint 30 %. Aux États-Unis, la mise en œuvre en 2014 du Patient Protection and Affordable Care Act (ACA ou Obamacare), l’extension de la population couverte par Medicaid et la réorganisation de la couverture santé individuelle conduisent à une restructuration du financement des dépenses courantes de santé. Il en a résulté une forte baisse du reste à charge. La dépense de soins étant très élevée, du fait d’honoraires de médecins et de prix des produits de santé bien supérieurs à ceux pratiqués dans les autres pays, le reste à charge par habitant exprimé en parité de pouvoir d’achat (PPA) est nettement plus important aux États-Unis (880 euros PPA) par rapport à celui des autres pays comparés ici, à l’exception de la Suisse (1 870 euros PPA). Au sein de l’Union européenne, avec 380 euros (PPA) de dépenses annuelles à la charge des ménages, la France demeure le pays où il est le plus faible. Le reste à charge dépasse 650 euros PPA en Suède, en Finlande et en Autriche.

Dans les pays d’Europe de l’Ouest (UE à 15), les soins ambulatoires constituent le principal poste de dépenses qui reste à la charge directe des ménages après intervention des assurances publiques et privées. Ces soins représentent près d’un tiers du total (dont 6 % du total en cabinets médicaux et 12 % en cabinets dentaires). Un quart du reste à charge des ménages est lié aux dépenses de produits pharmaceutiques et d’autres biens médicaux. L’importance du poste médicament tient au fait que les participations financières des assurés sont généralement plus élevées sur ce poste, à l’absence de prise en charge de certains produits et au non-remboursement de l’automédication. Les dépenses hospitalières non couvertes par les assurances viennent après.

En France, en 2016, les dépenses pharmaceutiques représentent le principal poste de dépenses restant à la charge des patients (24 %) devant les soins ambulatoires (23 %).

Entre 2006 et 2016, la part du reste à charge des ménages dans la dépense courante de santé est relativement stable. C’est notamment le cas en France et au Danemark où les variations sont faibles sur l’ensemble de la période. Dans les pays du sud de l’Europe en particulier, la part des dépenses financées par les ménages s’est réduite entre 2006 et 2009. Ce recul a alors été compensé par les financements publics. Les années suivantes, la situation s’est inversée, avec un accroissement des dépenses à la charge des ménages et un recul des financements publics dans les pays les plus touchés par la crise, à la suite des ajustements budgétaires opérés. Ainsi, le reste à charge des ménages a augmenté de 3 points en Espagne et au Portugal entre 2009 et 2016. Par ailleurs, la souscription à l’assurance maladie rendue obligatoire en 2009 en Allemagne et en 2014 aux États-Unis s’est traduite par des transferts de l’assurance privée facultative vers l’assurance obligatoire. Cela a contribué au recul du reste à charge des ménages de plus d’un point dans ces pays entre 2009 et 2016.

 

L’Afrique, de la révolution démographique à celle de l’économie

L’Afrique est entrée de plain-pied dans sa transition démographique avec, à la clef, une progression rapide de sa population. Cette dernière devrait passer de 1,2 à plus de 2 milliards de personnes d’ici le milieu du siècle. D’ores et déjà, la population africaine a été multipliée par 9 depuis 1930. La moitié de la population africaine se renouvelle en 18 ans.

Comme les autres continents, cette transition s’explique avant tout par la baisse de la mortalité infantile et par l’augmentation de l’espérance de vie. Néanmoins, des progrès restent à réaliser. Un enfant sur deux mourant avant sa première année est africain contre un sur trois en 1988.  Cette révolution démographique en cours crée de nombreux déséquilibres et de nombreuses tensions au sein de certains États africains. La situation n’est pas, en la matière, uniforme. En effet, si au niveau du continent, 42 % des habitants ont moins de 15 ans, cette proportion n’est que de 30 % en Afrique australe touchée par l’épidémie du Sida et de 32 % en Afrique du Nord qui achève sa transition démographique. En revanche, les moins de 15 ans représentent 46 % en Afrique centrale et 43 % en Afrique de l’Ouest. Au sein des pays occidentaux, leur poids ne dépasse pas 20 %.

Cette augmentation de la population s’accompagne d’une forte urbanisation. 45 % de la population africaine vit déjà dans des villes contre 30 % en 1960. Ce taux devrait atteindre plus de 60 % d’ici 2050. Ces grandes agglomérations accueillent essentiellement des jeunes. Ainsi, Lagos rassemble 22 millions d’habitants dont 60 % ont moins de 15 ans.

L’Afrique qui enregistre un taux de croissance de 4 % n’arrive pas néanmoins à faire face aux besoins de sa population. La révolution agricole reste à réaliser. En effet, un agriculteur subsaharien produit en moyenne une tonne de céréales par hectare contre neuf en France. De même, il ne produit qu’un demi litre de lait par vache et par jour contre 25 litres en France. De même, le développement industriel africain reste faible. Le part de l’Afrique dans la production manufacturière mondiale a reculé de 1970 à 2015 passant de 3 à 2 % et cela malgré l’accroissement démographique.

Cet accroissement démographique n’est pas sans poser des problèmes de logement et de santé publique comme en témoigne la résurgence du choléra en Algérie. Deux tiers des citadins africains vivent dans des logements ne disposant pas d’éléments simples de confort. La proportion d’Africains ayant accès à l’électricité n’est que de 33 %. 650 millions d’Africains ne disposent pas d’électricité au sein de leur logement. La gestion des déchets, des transports et des différents réseaux constitue une priorité pour les agglomérations africaines.

En prenant en compte le taux d’urbanisation et le poids des jeunes actifs, l’Afrique est en retard dans son développement économique comparativement à l’Asie ou à l’Amérique du Sud.

Sans décollage économique majeur permettant d’obtenir un taux de croissance conséquent, les migrations ne pourront que s’accroître dans les prochaines années.

Pendant sa transition démographique, l’Europe a vu sa population augmenter de 200 à 300 millions avec une émigration de 60 millions personnes dont 43 se sont rendus aux États-Unis. Le Mexique, confronté à la même problématique démographique, a cru de 60 à 120 millions d’habitants de 1975 à 2010 avec une migration de 10 millions de ses habitants aux États-Unis. Cette population immigrée s’élève désormais par le jeu des générations à plus de 30 millions, ce qui correspond à 10 % de la population américaine.

Au regard des exemples passés, le potentiel de migration se situe entre 200 et 400 millions de personnes. Plusieurs facteurs peuvent amener à l’accroître ou à la diminuer : la croissance économique, les guerres, les maladies, la réaction des pays d’accueil, etc. les candidats à l’émigration ont tendance à aller de plus en plus loin. Si les migrations intra-africaines restent les plus nombreuses, leur croissance est plus faible que celles effectuées en-dehors du continent. Ainsi, de 1990 à 2013, selon le FMI, les migrations à l’intérieur de l’Afrique ont triplé quand celles à destination d’autres continents ont été multipliées par six. L’urbanisation croissante facilite les migrations. Les urbains ont accès plus facilement à l’information et aux moyens de transport que les ruraux. Leur niveau d’éducation est, en outre, plus élevé. En règle générale, les candidats à l’émigration sont des jeunes actifs disposant d’un niveau moyen de formation élevé. Si leur départ soulage des pays en surpopulation, il constitue un manque à gagner. Ce dernier est en partie compensé par les flux financiers versés par les émigrés au profit de leur pays d’origine.

La transition démographique pose également des problèmes de gouvernance. Les responsables politiques africains sont souvent issus des mouvements politiques qui avaient obtenu de manière plus ou moins pacifique l’indépendance entre les années 50 et 70. Leur légitimité est issue du combat mené contre les États coloniaux de l’époque. Avec l’arrivée des nouvelles générations, cette légitimité est battue en brèche. Ces dernières remettent en cause également les cultures héritées du passé. Le respect dû aux anciens est de plus en plus contesté. Cette situation est assez traditionnelle au sein de pays où la proportion de jeunes dépasse 30 %. Les pays occidentaux ont connu une contestation des jeunes à la fin des années 60 au moment même où leur poids au sein de la population était à son zénith. Le parallèle est fragile car, au sein de l’OCDE, la croissance était alors à son plus haut niveau quand aujourd’hui, elle est, en Afrique comme ailleurs, fragile. La faiblesse des structures étatiques au sein de plusieurs pays africains laisse de la place pour des bandes armées, des groupes terroristes, des sectes religieuses pouvant assez librement enrôler et manipuler des jeunes. Le renforcement des cadres étatiques, l’amélioration de la gestion des villes et la poursuite de l’effort d’éducation constituent autant de priorité pour les États africains.

 

L’éducation, mère de toutes les batailles

Selon le rapport annuel de l’OCDE sur l’éducation, la réussite scolaire est intimement liée à la fréquentation de l’école dès la petite enfance et à l’environnement familial. Les enfants dont les parents n’ont pas poursuivi d’études supérieures ont une faible probabilité d’en faire eux-mêmes. L’origine sociale des enfants et l’accès à des classes de maternelle restent des marqueurs clefs en matière d’éducation.

Le nombre d’enfants de 3 à 5 ans inscrits en structure éducative allant croissant, l’investissement public dans les écoles maternelles augmente lui aussi et représentait 83 % de leur budget total en 2015, en progression de 4 points de pourcentage sur la décennie dans les pays disposant de données. Toutefois, à l’échelle de l’OCDE, un enfant de maternelle sur trois fréquente un établissement privé – soit plus qu’à aucun autre niveau d’enseignement, exception faite de l’enseignement supérieur. Entre 2010 et 2015, les dépenses par élève dans la zone OCDE ont augmenté de 5 % dans l’enseignement primaire, secondaire et post-secondaire non supérieur, et de 11 % dans l’enseignement supérieur. En 2015, 90 % du financement de l’enseignement primaire, secondaire et post-secondaire non supérieur, et 66 % de celui de l’enseignement supérieur étaient assurés sur les deniers publics.

Les auteurs du rapport soulignent la dégradation du niveau scolaire des garçons qui redoublent et abandonnent l’école en nombre plus important que les filles. Malgré tout, ces dernières avec des meilleurs résultats scolaires éprouvent toujours des difficultés à accéder aux filières supérieures conduisant à des professions lucratives. À titre d’exemple, 6 % femmes obtiennent des diplômes d’ingénieurs contre 25 % pour les hommes. La surreprésentation des hommes est encore plus marquée dans les emplois du secteur des technologies de l’information et de la communication.

Du fait du contenu technologique des nouveaux emplois, il est de plus en plus difficile aux enfants d’origine modeste et sans formation de trouver des emplois stables. L’ascenseur social s’est ralenti du fait de la polarisation de l’emploi (plus d’emplois à faible qualification et à forte qualification mais moins d’emplois à qualification moyenne).  Actuellement, il faut en effet entre quatre et cinq générations aux familles du dernier décile de revenu pour se hisser jusqu’au revenu moyen dans les pays de l’OCDE. La ghettoïsation de l’emploi s’est également accentuée. Il est de plus en plus difficile pour des jeunes issus de quartiers défavorisés d’accéder à des postes situés en cœur d’agglomération à l’exception de ceux qui concernent les emplois de service à faible qualification (nettoyage, sécurité, livraison, etc.).

L’OCDE demande aux États d’investir plus fortement dans l’éducation tant au niveau des premières classes que dans l’enseignement supérieur. Elle estime que l’investissement dans l’éducation est rentable pour les États. En effet, un diplômé génère plus de recettes fiscales et sociales qu’un non-diplômé qui pourra être amené à recevoir, par ailleurs, un montant plus élevé de prestations sociales. Le retour sur investissement serait de 10 % pour chaque homme et de 8 % pour chaque femme ayant obtenu un diplôme tertiaire.

L’OCDE s’inquiète du faible pouvoir d’attraction du secteur de l’éducation et du déséquilibre croissant entre les hommes et les femmes pour les postes d’enseignant. La quasi-totalité des enseignants de maternelle sont des femmes, contre moins de la moitié dans l’enseignement supérieur. De moins en moins d’hommes sont attirés par les fonctions d’enseignants. En France, les femmes sont majoritaires sauf dans l’enseignement supérieur au-delà de la 3e année. Le taux de féminisation est de 89 % en maternelle, de 83 % dans le primaire et de 60 % dans l’enseignement secondaire.

Le secteur de l’éducation peine à recruter de jeunes talents. La question de la rémunération est souvent mise en avant. Un professeur gagne de 12 à 25 % de moins selon les pays que ce que gagne une personne ayant le même niveau de qualification.

La France est plutôt bien classée pour le taux de scolarisation à partir de 3 ans. Pour les moins de 3 ans, elle se situe dans la moyenne avec néanmoins une spécificité. Ce sont des services extérieurs à l’éducation nationale qui sont responsables de cette catégorie d’enfants. Contrairement à une idée reçue, la France se situe dans la moyenne de l’OCDE pour le nombre d’élèves par classe au niveau du primaire et du secondaire. En revanche, la situation est peu moins brillante pour l’enseignement supérieur même si, en la matière, les comparaisons sont plus délicates.

Le compte n’y est pas pour le carbone

Les pays signataires de l’Accord de Paris sur le climat ont pris l’engagement de contenir d’ici à 2100 le réchauffement « bien en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels » et si possible de viser à « poursuivre les efforts pour limiter la hausse des températures à 1,5 °C ». L’accord souligne la nécessité de réduire le recours aux énergies fossiles. L’objectif poursuivi est d’atteindre la neutralité carbone. Les parties prenantes sont censées parvenir au plafonnement mondial des émissions de gaz à effet de serre dans les meilleurs délais et opérer des réductions rapidement par la suite.La question de la tarification des émissions de carbone est peu traitée par l’accord. L’OCDE considère pourtant que sa taxation constitue un des moyens incitatifs pour réduire les émissions. Dans une note récente, l’organisation internationale estime que le prix du carbone reste trop faible pour avoir un effet dissuasif sur son émission.

Le prix du carbone est calculé en prenant en compte les taxes sur le carbone et les prix des permis d’émission échangeables entre entreprises.

Selon le rapport de l’OCDE, le déficit de tarification du carbone qui compare le prix réel du carbone et les coûts réels du changement climatique, estimés à 30 euros) était de 76.5 % en 2018 contre 83 % observés en 2012. Au rythme de l’augmentation du prix du carbone constatée ces dernières années, la compensation intégrale ne sera atteinte qu’en 2095. Cette évaluation du coût carbone est contestée par de nombreux experts qui la considèrent comme trop faible. Ils souhaitent la porter à 60 euros.

C’est dans le secteur des transports routiers que le déficit de tarification du carbone est le plus bas (21 % si l’on utilise la référence de 30 euros) et dans l’industrie qu’il est le plus élevé (91 %). Il est supérieur à 80 % dans le secteur de l’électricité et dans le secteur résidentiel et commercial. En revanche, dans l’industrie et dans le secteur résidentiel et commercial, les émissions sont très peu taxées.

 Déficit de tarification du carbone par secteur

Déficit de tarificationà 30 euros Déficit de tarificationà 60 euros
Agriculture et pêche 64 % 78 %
Electricité 84 % 92 %
Industrie 91 % 95 %
Transport non routier 56 % 75 %
Résidentiel et commercial 87 % 93 %
Transport routier 21 % 58 %

Source : OCDE

 

L’analyse des prix du carbone en 2015 met en évidence de fortes variations entre pays, le déficit de tarification allant de 27 % en Suisse à plus de 90 % dans certaines économies émergentes. La Corée, la France, l’Inde, le Mexique et le Royaume‑Uni ont sensiblement réduit leur déficit de tarification entre 2012 et 2015. Toutefois, en 2015, il n’y avait toujours que 12 pays, sur les 42 étudiés, qui présentaient un déficit inférieur à 50 %.

De nouvelles initiatives de tarification du carbone dans certains pays membres de l’OCDE, comme le système d’échange de permis d’émission de la Chine, permettent un des changements de comportement. La France a, de son côté, après plusieurs décennies d’hésitation, décidé d’accroître la taxation du gazole, ce qui devrait réduire son déficit de tarification.  La mise en place d’une politique en faveur de la tarification du carbone dans le secteur de l’électricité au Royaume-Uni s’est accompagnée d’une diminution de 58 % des émissions de carbone.

Les pays à faible déficit de tarification du carbone affichent également un PIB moins intensif en carbone, prouvant l’efficacité de ce système. Néanmoins, il peut y avoir un biais. En effet, la faible dépendance aux énergies carbonées peut inciter les pays en question à adopter une tarification élevée du carbone qui ne nuira pas à leur compétitivité.

L’OCDE souligne que la taxation est aujourd’hui plus efficace que les permis d’émission. Ces derniers sont utiles à condition que leur prix se situe à un niveau élevé conforme à la réalité et que le marché soit transparent et non spéculatif. Les taxes présentent l’avantage d’être faciles à administrer, notamment si elles viennent se greffer sur le régime fiscal existant.