23 avril 2016

Le Coin des Tendances du 23 avril 2016

La révolution des Blockchains

Une nouvelle révolution numérique prend forme. Elle est tout à la fois l’enfant de la crise de 2008 et la suite logique du fonctionnement en réseau. La première blockchain est apparue en 2008 avec la monnaie numérique bitcoin, développée par une personne qui a pris comme pseudonyme le nom Satoshi Nakamoto. Si blockchain et bitcoin sont au départ liés ; de plus en plus d’acteurs entendent déconnectés les deux phénomènes.

La blockchain repose sur un système de sécurisation décentralisée. Il s’agit au départ d’une écriture comptable d’opérations numériques, partagées entre de multiples parties prenantes. Elle ne peut être mise à jour que par consensus entre une majorité de participants au système. L’information entrée ou actualisée ne peut jamais être écrasée. La blockchain du bitcoin contient un enregistrement de toutes les  transactions bitcoin.

Prenons un exemple :

Supposons un fait : « il pleut à Rouen ». Les personnes qui s’accordent sur cet évènement sont appelées dans la blockchain des nœuds de calculs. Dans le monde virtuel, ce sont des dizaines de milliers d’ordinateurs isolés les uns aux autres. Une « preuve de travail » (« proof of work ») est un processus crypté, qui prouve que l’avis émis par le « nœud de calcul », « il pleut à Rouen », est issu d’un bon processus d’évaluation ou de calcul. Du fait de l’accumulation de preuves, cette constatation peut être validée. Pour falsifier des évènements dans la blockchain, c’est-à-dire faire croire qu’il ne pleut pas à Rouen, il faudrait que plus de la moitié des nœuds, c’est-à-dire la moitié des personnes à Rouen affirment la même chose, « il ne pleut pas à Rouen » exactement au même moment, sans qu’ils aient pu se coordonner auparavant.

Ce mode de validation horizontale permet de s’affranchir des autorités centrales de confiance. En jouant sur le nombre et le caractère décentralisé des nœuds de confiance, la blockchain ouvre de nouveaux horizons au digital.

Aujourd’hui, même si Internet est un réseau, il demeure très vertical. Nous dépendons de notre système de messagerie pour l’envoi des mails ; nous faisons confiance à notre banque pour les informations financières qui nous concernent, tout comme nous sommes dépendants des mises à jour de Microsoft, d’Apple ou de notre fournisseur de logiciels anti-virus.

Or, ce système vertical n’est pas sans faille. Nos banques, nos fournisseurs de logiciels, peuvent commettre des erreurs. La liaison peut être piratée. Nous faisons confiance à des sources qui peuvent être « hackées », manipulées ou compromises.

Avec la blockchain, avec la création d’un véritable enregistrement d’évènements déjà réalisés ou en cours de réalisation dans le monde digital,  sans compromettre la vie privée, il est possible d’avoir une grande fiabilité.  

Cette confidentialité explique pourquoi le bitcoin est utilisé pour des transactions sur le marché noir malgré la nature publique de l’écriture comptable, les utilisateurs eux-mêmes pouvant rester complètement anonymes. Cette utilisation frauduleuse n’est pas spécifique à la Blockchain, Internet n’a-t-il pas son « darkweb » ?

La blockchain peut être utilisée pour confirmer le respect de l’application d’un contrat sans révéler la moindre information confidentielle à propos des parties prenantes ou de la transaction. L’équipe d’Ethereum, une startup, a construit un langage spécifique permettant de valider les termes d’un contrat.

L’Estonie sécurise la plupart de son infrastructure bancaire avec une blockchain, avec un taux de fraude à la carte bancaire parmi le plus bas de toute la zone euro. Des nouveaux acteurs comme Bitreserve permettent des transactions complètement gratuites avec de la monnaie en ligne, sans la volatilité et le risque associés au bitcoin.

La blockchain peut également gérer des données médicales, des votes, des titres de propriété, des certificats de mariage, des poursuites judiciaires de manière horizontale. Chaque ensemble de données et chaque transaction digitale pourraient laisser une empreinte, en créant un audit du chemin parcouru par chaque évènement digital de manière anonyme, sans porter atteinte à la vie privée des acteurs.

Les « smart contracts » sont des programmes autonomes qui exécutent automatiquement les conditions et termes d’un contrat, sans nécessiter d’intervention humaine une fois démarrés. Les champs d’exploitation sont nombreux : finance, assurance, immobilier, santé, divertissement, transports, vote en ligne… Les  blockchains pourraient remplacer la plupart des « tiers de confiance » centralisés (métiers de banques, notaires, cadastre,…) par des systèmes informatiques distribués.

Des blockchains peuvent être publiques, ouvertes à tous quand d’autres dites privées ont des accès et une utilisation limités à un certain nombre d’acteurs. Le jeton permet de récompenser les nœuds de confiance. Toute blockchain publique fonctionne, en effet, avec une monnaie ou un token (jeton) programmable. Le bitcoin est la  monnaie programmable la plus connue.

Les processus de validation sont horodatés et ajoutés à la chaîne de blocs. La transaction est alors visible pour le récepteur ainsi que l’ensemble du réseau. Ce processus prend un certain temps selon la blockchain dont on parle (environ une dizaine de minutes pour bitcoin, 15 secondes pour Ethereum).

Le nowcasting ou savoir en temps réel ce qui se passe !

Avec le big data, avec les capacités de traitement de données recueillies en direct, il est de plus en plus facile de suivre en direct la conjoncture d’un pays. Auparavant, il fallait des semaines pour centraliser les informations et pour les analyser. Avec les progrès informatiques, des gains de temps ont été réalisés. C’est grâce à ces progrès que les instituts statistiques mettent en place des systèmes de « nowcasting ».

Le concept macroéconomique de « nowcasting » permet l’évaluation de ce qui est actuellement en train de se passer dans l’économie, à la différence du « forcasting » qui se veut prédictif. Disposer d’une évaluation précise de l’État actuel de l’économie est considéré comme la première étape dans une optique de prévision à plus long terme. Elle offre l’avantage aux dirigeants de pouvoir ajuster en temps réel les actions des collectivités publiques. Ainsi, en 1973, les effets du choc pétrolier n’ont été perçus qu’avec retard, entraînant la mise en place de politiques économiques à contretemps.

La mise en place du nowcasting n’est pas aisée du fait qu’elle nécessite des investissements importants et des changements de modèles. Par exemple, pour la zone euro, Eurostat publie une estimation rapide du taux de croissance du PIB environ 42 jours après la fin du trimestre. Le passage au traitement de données en flux continu n’est pas simple. Aux États-Unis, les banques fédérales de réserve développent de nombreux outils de suivi conjoncturel. La Fed d’Atlanta a développé un outil de nowcasting du PIB américain, appelé GDPNow. Il est mis à jour toutes les semaines pour évaluer la croissance du trimestre en cours jusqu’à la publication des premiers chiffres officiels.

Pour l’inflation, la Fed de Cleveland a mis au point un outil qui permet d’évaluer sur une fréquence quotidienne plusieurs indices censés refléter l’inflation.

Au niveau mondial, il n’y a pas encore d’institut pour suivre en direct la conjoncture des grandes économies. Le FMI est l’organisme le plus avancé sur le développement d’outils allant dans ce sens. Le WEO (World Economic Outlook) publie une mesure de la croissance annuelle du PIB mondial pour l’année en cours (nowcast), ainsi que pour les années suivantes (forecasts). Ces estimations de la croissance mondiale sont publiées à une fréquence trimestrielle (rapports en avril et octobre et mises à jour en juillet et janvier).

Du fait des remontées d’information, il est envisageable d’avoir des nowcasting plus rapprochés. Une équipe de la Banque de France travaille sur ce sujet depuis plusieurs années. Les équipes de la Banque de France travaillent à construire un modèle d’évaluation de la croissance mondiale en temps réel en s’appuyant sur une base de données mensuelles couvrant 37 pays, soit environ 80 % du PIB mondial. À l’aide de ce modèle, l’indicateur de la Banque de France, établi mensuellement, est plus fin que celui du FMI. Appliqué à 2016, en temps réel, la croissance de l’économie mondiale version Banque de France est de 2,9 % quand le FMI prévoit 3,2 %.