23 novembre 2019

Le Coin des tendances du 23 novembre 2019

Quand la raison d’être des entreprises doit faire sens

Avec la loi portant Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises (PACTE), celles-ci sont invités à insérer dans leurs statuts « une raison d’être ». La raison d’être repose sur l’idée qu’une entreprise ne se réduit pas à sa simple activité. Elle est un élément du pacte social de la nation. Par sa production de biens ou de services, elle interagit sur la vie et les citoyens des pays dans lesquels elle est implantée. Elle a par définition un impact sur l’environnement et sur la vie de la société. Plusieurs groupes ont intégré des objectifs sociétaux au sein de leurs statuts. Ainsi, l’entreprise agroalimentaire familiale Nutriset s’est fixé comme priorité d’apporter des propositions efficaces aux problématiques de nutrition et de malnutrition des enfants. Le groupe Carrefour a décidé d’inscrire l’enjeu de la transition alimentaire.

Les raisons d’être des entreprises apparaissent à la fois comme des outils de communication et de mobilisation interne et externe. Si l’instrumentalisation apparaît trop forte, trop mercantile, les initiatives risquent d’être inefficaces voire contreproductives pour l’image des entreprises.

L’ESSEC a commandé une enquête à l’IFOP afin d’évaluer l’image qu’ont les salariés de leur entreprise et leur perception de la notion de raison d’être. À la lecture des résultats, il apparaît que les salariés ont des jugements contrastés sur leurs entreprises et qu’ils sont dubitatifs sur la notion de raison d’être. L’enquête révèle également de nombreuses contradictions de la part des salariés sur leur vision de leur entreprise et de ses dirigeants.

Les Français aiment leur entreprise mais sont plus partagés pour en faire la promotion auprès de leurs proches

Près des trois quarts des Français se déclarent satisfaits de leur entreprise quand 26 % seulement se positionnent comme insatisfaits. 67 % sont fiers d’être salariés de leur entreprise. 68 % mentionnent qu’ils sont attachés à leur entreprise et 75 % indiquent qu’ils en disent du bien autour d’eux. 79 % sont même prêts à indiquer qu’ils ont un fort sentiment d’attachement. En revanche, les salariés sont partagés pour convaincre un ami ou à un proche à intégrer leur entreprise, 8 % feraient tout pour le convaincre du bienfondé de cette démarche, 50 % jugeraient que c’est une bonne opportunité mais 35 % mettraient en garde contre certains aspects de leur entreprise, et 7 % les en dissuaderaient par tous les moyens.

La sécurité du poste et la rémunération, les deux priorités

Parmi les motifs poussant à rester dans l’entreprise, les salariés mettent en avant la sécurité de l’emploi et la rémunération (respectivement 43 et 41 %). L’intérêt pour le travail arrive en 3e position. En revanche, seulement 3 % des salariés considèrent que l’actionnariat ou l’épargne salariale constitue un point important pour le maintien dans les effectifs. Ce faible taux est à relativiser par le fait qu’une part non négligeable des salariés travaillant dans les petites entreprises n’y ont pas accès.

La question de la rémunération est déterminante pour le changement d’entreprise. Ce facteur est cité par 80 % des sondés. Il arrive loin devant l’intérêt au travail (46 %) et la réduction du temps de transport (31 %). Parmi les facteurs peu cités figurent une nouvelle fois l’épargne salariale (3 %) mais aussi l’ouverture à l’international et utilité sociale (6 % chacun) ainsi que la réputation de l’entreprise (7 %). 

La réputation, l’histoire, les origines, des éléments de fierté pour les salariés

La réputation est pour 52 % des sondés un atout important de leur entreprise. L’histoire et les origines sont également cités parmi les points importants par 42 % des salariés. Ces derniers sont fiers d’appartenir des entreprises pouvant mettre à leur crédit leur ancienneté. C’est un gage de solidité, de savoir-faire. Figurent parmi les atouts mis en avant l’utilité sociale de l’entreprise et ses performances. En revanche, les salariés sont plus dubitatifs vis-à-vis de la capacité à protéger l’environnement. Seuls 9 % d’entre eux estiment qu’elle mène des actions concrètes en la matière. Par ailleurs, seuls 7 % des salariés estiment que la qualité des équipes dirigeantes est un des atouts majeurs de leur entreprise.  

Les salariés plébiscitent la communication de leur entreprise

Les salariés ont, en règle générale, une vision positive de la communication de leur entreprise. 82 % jugent qu’elle met bien en avant les produits et les services. 78 % pensent qu’elle valorise l’identité, la culture de l’entreprise. 69 % considèrent que la politique de communication arrive à bien expliquer les enjeux sociétaux auxquels est confrontée leur entreprise. Ils sont un peu plus dubitatifs sur la capacité de la communication à expliquer le changement (seulement 12 % des salariés sont convaincus par les actions de communication réalisées en la matière) et à contribuer aux bonnes relations des salariés vis-à-vis de leur direction (47 % jugent que cette mission est mal réalisée).

La communication extérieure des entreprises est mieux notée que celle destinée à l’interne. 20 % des salariés pensent que leur entreprise est performante tant en interne qu’en externe. Ils sont 46 % à estimer qu’elle est meilleure pour la communication extérieure que pour la communication interne.

Les salariés souhaitent que leurs dirigeants soient plus présents dans la communication interne (60 %) et dans la communication externe (50 %). Ils estiment qu’ils s’expriment de manière censée tant en externe (79 %) qu’en interne (66 %).

83 % des salariés demandent que leurs dirigeants s’expriment davantage en matière de responsabilité environnementale. 86 % sont en attente d’une prise de parole plus importante sur la stratégie suivie par l’entreprise. Dans cette lignée, 84 % souhaitent également une plus grande transparence sur les plans de transformation. Suivent parmi les souhaits de communication, la responsabilité sociale et les valeurs. La communication sur les performances de l’entreprise fait l’objet d’une moindre demande, en grande partie parce que les entreprises en informent déjà les salariés.

Le passage de la communication aux actes, un défi difficile

56 % des salariés estiment qu’il y a un décalage entre les objectifs poursuivis par la communication et la réalité sur le terrain. Ils considèrent que les entreprises communiquent beaucoup sans pour autant que les actions engagées soient en cohérence avec le vécu des salariés au quotidien. 17 % des salariés pensent que leur entreprise les informe insuffisamment et ne valorisent pas assez le travail des collaborateurs.

Des salariés de plus en plus sensibles aux questions environnementales et sociales

87 % des salariés considèrent que leur entreprise est concernée par les enjeux environnementaux et 75 % par les enjeux liés à l’égalité entre les hommes et les femmes. Si 49 % des sondés ont déclaré que leur entreprise agissait en faveur de l’environnement, 43 % pensent l’inverse. 8 % pensent que leur entreprise n’en n’a pas conscience et qu’elle ne fait rien pour réduire son impact sur l’environnement. Sur le sujet de la parité, 55 % des salariés indiquent que leur entreprise agit dans un sens favorable et 39 % qu’elle a conscience du problème mais qu’elle n’agit pas suffisament. Seuls 2 % jugent que leur entreprise n’a pas conscience de l’enjeu et prend des mesures allant à l’encontre de l’égalité homme / femme.

La raison d’être, un concept encore flou pour les salariés

19 % des salariés ont entendu parler de la notion de la raison d’être des entreprises. 41 % n’en ont jamais entendu parler et 40 % ne savent pas de quoi il s’agit tout en en ayant entendu parler au moins une fois.

Pour 77 % des sondés, leur entreprise a un impact sur la société qui dépasse sa simple activité. Malgré tout, les points clefs de la raison d’être de l’entreprise sont bien les métiers et les clients. Ces deux points devancent les valeurs, l’engagement et l’utilité sociale.

La raison d’être, un outil marketing de plus ?

Pour une très large majorité de salariés, la raison d’être de l’entreprise est l’augmentation de la fidélité des clients (84 %) et la capacité à attirer de nouveaux talents (84 %). Pour 69 % des salariés, la raison d’être est avant tout un outil de communication. Seuls 31 % estiment qu’elle repose sur des convictions sincères.

Retraite, le consensus en panne même en Suède

Dans tous les pays européens, les tensions sociales en lien avec les retraites augmentent. En Allemagne, les relations entre les partis membres de la coalition au pouvoir, la CDU/CSU et le SPD, se tendent sur le sujet de la revalorisation des petites pensions. En Espagne, le report de l’âge de départ des retraites est également un sujet de division. La Suède qui était l’un des pays pionniers dans le domaine des réformes systémiques est également en proie à un débat sur les inégalités que génère le système en comptes notionnels.

Avant d’engager une réforme structurelle en 1994, la Suède disposait d’un système assez proche de celui de la France avec un calcul par annuités des pensions. Le régime était jugé à terme peu viable en raison du vieillissement de la population. Le Parlement de manière quasi consensuelle avait alors décidé d’instituer un régime en comptes notionnels. Le dispositif associe des éléments de répartition et de capitalisation. Les actifs sont assujettis à une cotisation de 18,5 % (plafonné à l’équivalent de 48 400 euros par an), dont un peu plus de la moitié est prise en charge par l’employeur. La majeure partie (16 %) finance le régime universel de retraite, tandis que les 2,5 % restants alimentent un compte individuel de capitalisation. À cela s’ajoute une retraite négociée par branche dans le cadre des conventions collectives.

Pour le régime par répartition, chaque Suédois est doté d’un compte fictif individuel (compte notionnel) sur lequel sont retracées les cotisations versées sous forme d’un capital retraite. Les périodes de chômage, de maladie et congés parentaux sont pris en compte, même s’ils offrent des droits moins élevés. Chaque année, au moment de l’hiver, chaque personne active reçoit une enveloppe orange indiquant, à titre indicatif, combien elle a déjà mis de côté et combien elle touchera une fois à la retraite. Informations qu’elle peut aussi consulter sur un site (Minpension.se). Le montant accumulé sur le compte fictif est divisé par l’espérance de vie à la retraite de la génération à laquelle appartient l’assuré. Le capital investi est indexé en fonction des salaires et les pensions en fonction des prix et du PIB. Du fait de ces règles, elles peuvent être amenées à baisser en cas de crise. Ce fut le cas à trois reprises, en 2010, en 2011 et 2014.

Le régime est mis sous tension par l’augmentation de l’espérance de vie. Depuis 1994, elle a augmenté de trois pour les retraitées femmes et de cinq ans pour les retraités hommes, entraînant une sous-capitalisation du système.

L’âge moyen de départ à la retraite y est actuellement de 64,6 ans mais, jusqu’à la fin de 2019, il est possible de partir à 61 ans (62 ans après). Un départ précoce s’accompagne en vertu des règles du système du versement d’une faible pension. Initialement, le régime universel prévoyait une pension représentant, en moyenne,60 % du dernier salaire perçu avant la retraite. Le taux actuel se rapproche des 50 %. Selon l’Office des pensions, le montant moyen de la pension mensuelle est de 1 320 euros bruts. Une incitation fiscale a été mise en œuvre pour encourager les actifs à retarder leur départ à la retraite. La pension est moins imposée en cas de départ reculé.

Les retraités suédois pour leur niveau de vie comptent avant tout sur les retraites conventionnelles négociées par branche et sur les suppléments individuels par capitalisation. Plus de 90 % des salariés sont couverts par des dispositifs individuels ou collectifs d’épargne retraite. En 2018, les pensions conventionnelles représentaient entre 25 % et 30 % des retraites versées.

Pour garantir l’équilibre du système et éviter que les pensions soient trop faibles, l’âge plancher du départ à la retraite passera, par étapes, de 61 à 64 ans de 2020 à 2026. La mise à la retraite d’office sera relevée à partir de 2023 à 69 ans contre 67 ans actuellement.

Une revalorisation du plancher de pension pour les personnes à revenus modestes a été également prévu. La « pension garantie » versée, à partir de 65 ans, aux plus faibles revenus sera augmentée de 20 euros par mois à compter du mois de janvier 2020, tandis que sera abaissé le seuil pour bénéficier de l’allocation logement allant de pair. Actuellement, le taux de pauvreté des retraités suédois est de 15,8 % contre 7,8 % en France. De nombreux retraités, dont notamment des femmes, disposent de pensions de 745 euros par mois.

Au sein du Parlement, la question de l’augmentation des cotisations ou d’une refonte du système est ouvert mais divise les partis. La question sensible du vieillissement intervient dans une période où la réalisation de consensus tant dans la classe politique qu’au sein de l’opinion publique est de plus en plus difficile. Même dans les pays d’Europe du Nord justement réputés pour leur capacité à fabriquer du consensus, les positions des uns et des autres sont plus tranchées. Même si l’Allemagne peut arguer d’avoir un gouvernement reposant un large spectre politique représenté par la grande coalition au pouvoir depuis plus de 6 ans, cette situation ne saurait masquer une extrêmisation des positions.

En raison de sa complexité, toute réforme du système de retraite suppose, au-delà des oppositions de façade, une vision partagée par une large partie de l’opinion et des forces représentatives. En France, aucune réforme des retraites n’a été ainsi été remise en cause, même celle portant sur le report de l’âge légal de 60 à 62 ans. Il y a eu des ajustements mais pas de bouleversement. La modification de la couverture vieillesse par son impact sur les actifs et les futurs retraités est une affaire d’une grande sensibilité pouvant amener une cristallisation des perdants potentiels ou supposés. En France, le débat sur « la clause du grand père » (seuls seraient concernés les nouveaux entrants dans le cadre de l’instauration du régime universel par points) traduit noir sur blanc un rapport de force entre les générations. Avec cette clause, les jeunes générations seraient amenées à payer les pensions de leurs aînés liquidés avec les règles de l’ancien régime quand, eux, seraient soumis aux nouvelles règles au moment de leur départ à la retraite. Les années 2020/2060 seront les plus difficiles en matière de financement de la retraite et de la dépendance. Au niveau des effectifs de pensionnés, le système en France devra faire face à une augmentation de plus de 50 % du nombre des retraités et à une multiplication par deux du nombre des personnes dépendante.

38 % de la population française vit dans une commune densément peuplée

Depuis une trentaine d’année, la carte des territoires évolue en France avec la métropolisation, la désindustrialisation et avec les migrations vers l’Ouest et le Sud. Les frontières entre milieux rural et urbain sont plus complexes que dans le passé. Une part croissante de la population vit au sein de grandes agglomérations et à ses franges. Les distinctions en fonction de la taille des communes sont de moins en moins significatives. Une petite ville de quelques milliers d’habitants au sein d’une agglomération en comptant une centaine n’est pas comparable à une ville de 7 000 habitants située en zone rurale. Les services, les activités économiques dépendent avant tout des densités de population. Afin de mieux comprendre l’évolution des territoires, l’institut européen de statistique Eurostat classe la population en fonction de la densité. Quatre niveaux de densité ont été ainsi définis : les communes densément peuplées, de densité intermédiaire, peu denses ou très peu denses. Si plus de 50 % des habitants résident dans un centre urbain, la commune est considérée comme « densément peuplée ». Parmi les autres communes, si plus de 50 % d’entre eux vivent dans un centre urbain ou un cluster urbain, la commune est « de densité intermédiaire ». À l’inverse, les communes où la majorité de la population vit hors de toute maille sont « très peu denses ». Enfin, les autres communes sont « peu denses ». Ainsi une commune dont la densité est très faible si on compare sa population à sa superficie globale pourra être considérée comme « peu dense » si plus de la moitié de sa population vit dans un ensemble de carreaux contigus de 25 habitants/km², comptant plus de 300 habitants dans le regroupement. Cette définition évite de classer en zones peu denses des villes ayant des territoires étendus en montagne ou en milieu rural. Elle est par ailleurs indépendante des structures territoriales qui sont différentes d’un pays à un autre au sein de l’Union européenne.

Plus du tiers de la population française vit dans une commune densément peuplée

En France, en 2016, 25 millions d’habitants vivent dans 781 communes densément peuplées (2 % seulement des communes françaises), soit 38 % de la population. Les communes de densité intermédiaire rassemblent 30 % de la population au sein de 10 % des communes françaises. 30 782 communes sont considérées comme peu denses ou très peu denses. Elles représentent 88 % de l’ensemble des communes. 29 % de la population française vit dans les communes peu denses et 4 % dans les communes très peu denses.

En métropole, seules trois régions comptent plus du tiers de leur population dans des communes denses : l’Île-de-France (85 %), Provence-Alpes-Côte-d’Azur (48 %) et les Hauts-de-France (35 %). À l’inverse, dans six régions métropolitaines, la part d’habitants vivant dans des communes très peu denses est plus importante que la moyenne nationale : Bourgogne-Franche-Comté (11 %), Corse (10 %), suivies de Centre-Val de Loire, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie et Grand Est (toutes entre 6 et 7 %).

Dans les territoires d’Outre-Mer, la population est plus concentrée qu’en métropole. En Guyane, les communes denses et de densité intermédiaire concentrent une proportion de la population proche de la moyenne métropolitaine, mais elles représentent une part deux fois plus importante des communes Dans les autres DOM, la part de la population vivant dans les communes denses et de densité intermédiaire est supérieure à 80 %.

La densification de la population française est moins élevée en France qu’au sein des autres États de l’Union européenne

33 % de la population française vit dans des communes peu denses ou très peu denses, contre une moyenne européenne inférieure à 25 %. La plupart des pays frontaliers de la France présentent une part de la population vivant dans des communes peu denses ou très peu denses nettement inférieure, 14 % en Belgique et en Espagne, 18 % en Italie et 19 % en Suisse. L’Allemagne se rapproche plus de la moyenne européenne avec 21 % de sa population dans les communes peu denses ou très peu denses, tandis que le Luxembourg est le seul des voisins de la France à présenter une part plus importante de sa population dans ces communes (37 %).