24 novembre 2018

Le Coin des tendances du 24 novembre 2018 – Les flux financiers des immigrés – la gestion des territoires en France

La France, le pays le plus concerné par les transferts financiers des immigrés

En 2017, les montants d’argent envoyées par les résidents de l’Union européenne dans les pays extérieurs à l’Union, appelées transferts personnels, se sont élevés à 32,7 milliards d’euros, contre 31,8 en 2016. Les flux entrants dans l’Union se sont quant à eux établis à 10,7 milliards d’euros, contre 10,1 en 2016. Le solde a donc été négatif de 22 milliards d’euros pour l’Union avec le reste du monde. La majorité des transferts personnels se compose de flux d’argent envoyés par les migrants dans leur pays d’origine. Les travailleurs immigrés ont de tout temps envoyé des sommes d’argent à leur famille restée au pays. Ce phénomène tend néanmoins à s’accentuer avec les nouvelles générations de migrants. Les nouvelles techniques de transferts facilitent les mouvements financiers.

Les flux sortants de transferts personnels en 2017 ont été les plus élevés depuis la France (10,6 milliards d’euros), suivie par l’Espagne (7,3 milliards), le Royaume-Uni (6,8 milliards) et l’Italie (6,1 milliards). En revanche, les flux entrants les plus importants ont été enregistrés au Portugal (3,6 milliards d’euros) devant la Pologne (2,8 milliards) et la Roumanie (2,8 milliards). En conséquence, les plus forts excédents des transferts personnels ont été relevés en 2017 au Portugal (+3,0 milliards d’euros), en Pologne (+2,8 milliards) et en Roumanie (+2,6 milliards), tandis que la France a accusé de loin le déficit le plus marqué (-10,1 milliards d’euros), suivie de l’Allemagne (-4,6 milliards) et du Royaume-Uni (-4,5 milliards).

Ces flux de capitaux peuvent être la conséquence du travail frontalier. Pour le Luxembourg, 94 % des flux entrant et 91 % de flux sortant de nature intracommunautaire. À l’inverse, les flux sortants extra-européen sont majoritaires pour la France (74 %). Ils atteignent 62 % pour l’Italie et 61 % pour la Belgique.

La majorité des flux sortants extra-européen est dirigée vers l’Asie (20 % des flux sortants extra-UE), devant l’Afrique du Nord (19 %), l’Amérique du Sud et l’Afrique centrale et australe (14 % chacune) ainsi que les pays européens hors-UE (13 %).

La gestion tumultueuse des territoires en France

Démissions de maires et d’élus municipaux, politique de la chaise vide lors de la Conférence nationale des territoires, appel conjoint à la défense libertés locales, création de l’          association « Territoires Unis » regroupant les trois grandes associations nationales représentatives des communes, des départements et des régions de France : les rapports entre les collectivités territoriales et l’État se sont tendus, ces derniers mois. Ces derniers évènements s’inscrivent dans une longue histoire de relations empreintes de méfiance entre les exécutifs locaux et le pouvoir central. La France des villes et des campagnes, Paris contre la Province et inversement sont des antiennes qui se perpétuent de siècle en siècle.

Les collectivités locales, un réseau, une force économique

Les représentants des collectivités territoriales constituent un puissant réseau. Les 35 357 maires qui, fruit de l’histoire, sont aussi les premiers représentants de l’État sur le territoire auxquels s’ajoutent les 1 922 élus des régions et territoires, ainsi que les 4 031 élus des départements, sont des acteurs clefs dans la mise en œuvre des politiques publiques.

Les collectivités territoriales jouent également un rôle économique majeur. Leurs dépenses de fonctionnement s’élèvent à 169 milliards d’euros et celles concernant les investissements à 45 milliards d’euros en 2016. Ces collectivités assurent plus des deux tiers de l’investissement public en France.

Lassitude et inquiétude chez les maires ?

En mars 2014, 40 % des maires avaient été́ renouvelés aux élections municipales. En 2020, ce renouvellement pourrait être plus important. Selon l’enquête du CEVIPOF, un maire sur deux (50 %) indique ne pas vouloir solliciter le renouvellement de son mandat. Cette proportion atteint 55 % pour les maires des communes de moins de 500 habitants (qui représentent près du tiers des communes en France), 28 % pour les communes de 5 à 10 000 habitants et 9 % pour les communes de plus de 30 000 habitants.

Parmi les raisons avancées pour ne pas se représenter, 71 % des 4 657 maires interrogés indiquent souhaiter se concentrer sur leur vie familiale et personnelle et 52 % considèrent avoir rempli leur devoir civique. Concernant les difficultés d’exercice de leur mandat, près d’un tiers des maires invoquent des raisons plus fonctionnelles telles le manque de moyens financiers (33,9 %) ou le manque de personnel (14,8 %). 36 % des maires expliquent avoir de plus en plus de mal à̀ satisfaire les demandes de leurs administrés.

Les maires jugent, par ailleurs, que leur travail a évolué avec la montée en puissance des intercommunalités. Ils estiment être moins indépendants ce qui peut être une source de frustration. Pour autant, ce sentiment de perte d’autonomie peut paraître paradoxal car les communes sont les seules à avoir conservé la clause générale de compétences qui leur permet d’intervenir dans tous les domaines qui concerne la vie de de leur population et de leur territoire.

La France ou la crainte éternelle de la division

Les gouvernements craignent, par-dessus tout, la division. La conquête des territoires permettant au Royaume Francs de s’étendre jusqu’aux frontières naturelles, la lutte contre les Princes et les Parlements de Province, la Fronde, la bataille contre les Chouans, les guerres révolutionnaires sont autant d’évènements qui ont favorisé la centralisation. La Nuit du 4 août 1789 a mis fin aux privilèges des provinces, principautés, villes et communautés d’habitants désormais confondues dans le droit commun des Français. La Constitution du 3 septembre 1791 dispose que « le Royaume est un et indivisible. Son territoire est distribué en quatre-vingt-trois départements, chaque département en districts, chaque district en cantons »

Le Consulat et l’Empire parachevèrent le travail engagé par la Monarchie absolue et la Révolution en instaurant un système administratif reposant sur le corps préfectoral avec la loi du 28 pluviôse an VIII. Cette volonté centralisatrice demeure prégnante et a survécu à tous les changements institutionnels. Elle est présente, aujourd’hui, à travers l’article 1er de la Constitution de 1958 qui reprend les principes de 1791 en affirmant que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ».

L’État s’est longtemps méfié des élus locaux. Ainsi, la loi du 28 pluviôse an VIII prévoyait que les préfets sont l’organe exécutif unique du département et qu’ils désignent les maires et les adjoints des communes de moins de 5 000 habitants et proposent au Premier Consul puis à l’Empereur la nomination des autres maires. Ils sont secondés par des sous-préfets dans les arrondissements.

Après la fin du Second Empire, deux grandes lois sont adoptées pour déterminer le mode de fonctionnement des départements et des communes. La loi du 10 août 1871 relative aux départements et celle du 5 avril 1884 dite loi « municipale » demeureront en vigueur jusqu’aux lois de décentralisation de 1982. Ces lois instituent l’élection des conseillers généraux et municipaux au suffrage universel direct. Les conseils municipaux élisent leur maire à l’exception de Paris en raison des évènements de la Commune. Cette exception parisienne ne disparaîtra qu’en 1977. Malgré tout, dans l’esprit des réformateurs républicains : le maire est d’abord un agent local de l’État qui publie et exécute les lois, qui prend les règlements de police, est officier d’État civil qui doit rester aux ordres du préfet en tant qu’agent de l’État dans la commune.

Pour le département, le Préfet conservera son rôle de chef de l’exécutif jusqu’en 1982. L’Assemblée départementale a alors son mot à dire sur les affaires départementales, mais son rôle est d’émettre des vœux quant aux questions d’ordre économiques et sociales.

Ce centralisme n’a pas tué toute idée de régionalisation. En Bretagne, en Normandie, en Alsace, en Vendée, dans le Pays basque, dans le Languedoc mais aussi dans les Alpes, des mouvements régionalistes voire indépendantistes réclament régulièrement plus d’autonomie. Jusque dans les années 1960, ce sont plutôt des forces de droite qui portent cette idée avant qu’elle ne soit reprise par la gauche. Au régionalisme des premiers répond la décentralisation des seconds.

La longue marche vers la reconnaissance du fait régional

Une première reconnaissance du fait régional intervient pendant et après la première guerre mondiale. Le « Projet de division de la France en régions économiques », lancé le 25 août 1917 par une circulaire du ministre du Commerce et de l’Industrie, Étienne Clémentel, est mis en œuvre le 5 avril 1919 par un arrêté répartissant les 149 chambres de commerce en 17 groupements.

En 1954, les comités régionaux d’expansion, d’initiative privée, sont officiellement agréés. Puis un décret du 30 juin 1955 crée vingt et une régions économiques de programme. Un décret du 7 janvier 1959, les transforme en circonscriptions d’action régionale, cadre obligatoire et unique de l’action décentralisée. Dans chacune d’elles, une conférence interdépartementale réunit les préfets, sous la présidence de l’un d’eux, appelé coordonnateur, pour émettre un avis sur la préparation des plans régionaux de développement, après avoir consulté les comités régionaux d’expansion.

Les décrets du 14 mars 1964 créent vingt et un préfets de région. Des commissions de développement économique régional (CODER) sont instituées et sont des instances consultatives composées des représentants des intérêts socioprofessionnels ou territoriaux, chargées d’émettre un avis sur toutes les questions relatives au développement économique et l’aménagement du territoire dans la circonscription régionale.

Appelant à rompre avec l’effort multiséculaire de centralisation, le Général de Gaulle, après mai 1968, propose sous la forme d’un référendum, la mise en place d’une nouvelle catégorie de collectivités territoriales, les régions. Le rejet du référendum et son départ ont retardé le processus de régionalisation sans l’interrompre. La loi du 5 juillet 1972 crée dans chaque circonscription d’action régionale, un établissement public qui prend le nom de région. Le conseil régional est alors composé des députés et des sénateurs élus dans la région, de représentants des conseils généraux, des communes de 30 000 habitants et des communautés urbaines. Le nombre des représentants des collectivités territoriales est égal à celui des parlementaires des départements concernés. Le comité économique et social, où siègent les représentants des principales organisations socioprofessionnelles, familiales et éducatives, ainsi que des personnalités qualifiées, émet un avis purement consultatif sur les questions relevant de la compétence du conseil régional. Sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, une réflexion, à travers le rapport Guichard, est engagée afin de mettre en œuvre une véritable décentralisation du territoire. Du fait des oppositions au sein de la majorité de l’époque, ce rapport ne put être traduit en loi. Ses conclusions seront en grande partie reprises par François Mitterrand qui, en 1981, déclara « la France a eu besoin d’un pouvoir fort et centralisé pour se faire, elle a aujourd’hui besoin d’un pouvoir décentralisé pour ne pas se défaire ».

La loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des collectivités territoriales dénommée l’acte I de la décentralisation fit des régions des collectivités territoriales de plein exercice, donna aux Présidents élus des départements et des régions les pouvoirs autrefois dévolus aux préfets redevenus un temps commissaires de la république. Par ailleurs, elle mit un terme au contrôle a priori des collectivités territoriales par le représentant de l’État au profit d’un contrôle de légalité à posteriori.

Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre de Jacques Chirac, lance, en 2003, l’Acte II de la décentralisation. Promulguée le 28 mars 2003, la loi constitutionnelle relative à l’organisation décentralisée de la République a été suivie de plusieurs lois organiques nécessaires à son application. Elle a précédé l’adoption d’un important transfert de compétences nouvelles au profit des collectivités. La loi organique du 29 juillet 2004 relative à l’autonomie financière des collectivités territoriales tend à fixer de nouvelles règles de financement.

Le temps de la régulation budgétaire

L’État par le jeu des compensations des exonérations des impôts locaux et des dotations consacre 100 milliards d’euros aux collectivités territoriales soit plus de 45 % de la dépense locale. Après la crise, de 2008, l’État tente de réduire le montant de ses soutiens financiers aux collectivités locales provoquant une crispation de la part des élus considérant qu’ils ont dû supporter des transferts de charges non couverts par des montants de recettes équivalents.

Les réformes engagées sous le quinquennat du président Sarkozy marquent une certaine rupture par rapport à la stratégie des deux premiers actes de la décentralisation qui s’étaient avant tout focalisés sur les transferts de compétences de l’État vers les collectivités territoriales. L’objectif, à partir de 2007, vise à revoir le cadre institutionnel en réduisant le nombre de collectivités avec un souci d’économies budgétaires pour l’État. Le principe de la régulation s’impose aux gestionnaires locaux.

Inspirée par le rapport de la Commission pour la libération de la croissance française élaboré en 2008 sous la présidence de Jacques Attali, et par les travaux du comité pour la réforme des collectivités locales présidé par l’ancien Premier ministre Edouard Balladur, la loi de réforme des collectivités territoriales promulguée le 16 décembre 2010 ouvre une période de 8 ans de réforme territoriale rythmée par six lois. Si une partie des dispositions de la loi de 2010 sont abrogées après l’arrivée de François Hollande à la présidence de la République, l’essentiel demeure. Promulguée le 7 août 2015, la loi portant sur la Nouvelle Organisation Territoriale de la République (NOTRe) ponctue ce troisième volet de la réforme des territoires.

Compétences renforcées des régions et intercommunalités, réduction du nombre de régions ramené de 22 à 13, rationalisation de la carte intercommunale, création des métropoles et des pôles métropolitains, encouragement au regroupement dans les communes nouvelles, désignation de chefs de files par bloc de compétences, suppression de la clause générale de compétence à l’exception de la commune : autant de réformes qui privilégient le couple région / intercommunalité substitué au couple commune / département. Ces changements vont de pair avec la réorganisation des services de l’État conduite sur la même période avec la révision générale des politiques publiques (RGPP) puis la modernisation de l’action publique (MAP) qui ont voulu faire de la région le nouvel échelon administratif de référence.

La succession rapide de réformes au niveau local dans un contexte d’argent rare peut déstabiliser les citoyens comme les élus. Le système pyramidal cède la place à un système à géométrie variable en fonction des territoires. Ainsi, les départements peuvent être amenés à céder leur place sur une partie de leur territoire et cantonner leurs missions au milieu rural, comme le Département du Rhône avec la Métropole de Lyon. Ils peuvent être fusionnés comme en Alsace afin de créer un sous-ensemble au sein de la Région Grand Est. Ils peuvent également disparaître, leurs compétences étant intégrées dans une collectivité unique à l’échelon régional comme en Corse. Les territoires entrent ainsi de plus en plus en concurrence. Communautés de communes, communautés d’agglomération, départements, métropoles, régions : chaque échelon essaie de maintenir autant que possible sa sphère d’influence.

Les communes sont également touchées par les transformations du territoire. Si le nombre de communes diminue (35 357 en 2018 contre 37 767 en 2014), la France reste en la matière une exception. Les communes de moins de 2 500 habitants représentent 87,9 % du total des communes et accueillent 26,6 % de la population française. De moins en moins de citoyens acceptent d’être élus municipaux en raison des contraintes de temps et de responsabilité. Avec le regroupement en communes nouvelles encouragé financièrement par l’État, avec la montée en charge des communautés de communes ou d’agglomération ressentie comme une intercommunalité à marche forcée, avec, enfin, l’élection par fléchage depuis 2014 des élus communautaires, le paysage institutionnel territorial se recentre : des structures moins nombreuses mais de taille plus importante, couvrant des espaces géographiques plus vastes, avec des compétences renforcées.

L’autonomie financière, une question sensible

L’article 9 de la Charte européenne de l’autonomie locale adoptée en 1985, ratifiée par la France en 2007 prévoit que les collectivités locales ont droit, dans le cadre de la politique économique nationale, à des ressources propres suffisantes dont elles peuvent disposer librement dans l’exercice de leurs compétences.

Dès 2003, l’introduction dans la Constitution de l’article 72-2 a consacré expressément l’autonomie financière des collectivités territoriales. C’est à dire le droit à bénéficier de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi, et la reconnaissance de la possibilité pour les collectivités de recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures, dont la loi peut les autoriser à fixer l’assiette et le taux dans les limites qu’elle détermine.

Ce principe d’autonomie financière a été renforcé de deux dimensions supplémentaires :

  • d’une part, les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources, dans des conditions fixées par une loi organique ;
  • d’autre part, tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice, et toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi.

En théorie, cette autonomie financière demeure cependant limitée dans la mesure où le pouvoir de lever l’impôt n’appartient qu’au Parlement au sens de l’article 34 de la constitution, les collectivités territoriales n’ayant quant à elles qu’une compétence fiscale sur délégation pour fixer l’assiette et le taux de certaines impositions, dans les limites que la loi fixe. En outre la définition trop large des ressources propres par la loi organique, encore élargie par la jurisprudence du Conseil constitutionnel a atténué le principe d’autonomie fiscale. Avec ce résultat paradoxal : le ratio d’autonomie financière des collectivités n’a jamais été aussi élevé, quand que leur degré d’autonomie fiscale n’a jamais été aussi réduit.

À quoi s’ajoute l’impact de la crise financière mondiale de 2008 et l’obligation de respecter les critères de Maastricht en matière de dette publique et de déficit public. Les finances locales n’ont pas échappé à l’effort de maîtrise des dépenses et de l’endettement, sous les quinquennats de Nicolas Sarkozy et de François Hollande. En témoignent la forte diminution de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et l’accroissement de la péréquation entre collectivités. Mais aussi le nombre croissant de transferts de charges non intégralement compensés à l’exemple du RSA qui coûte 18 milliards en année pleine aux départements mais n’est couvert qu’à hauteur de 9 milliards par l’État qui de plus en avait décidé, unilatéralement, la revalorisation de 10 % sur 5 ans dans le cadre du plan quinquennal de lutte contre la pauvreté.

Dans son rapport thématique sur les finances locales, la Cour des comptes a d’ailleurs reconnu les efforts de gestion des collectivités qui se sont traduits en 2016 par une baisse de -1,1 % de leurs dépenses, une hausse des recettes limitées à +0,2 %, une capacité de financement dégagée de 4,2 milliards d’euros et une baisse des dépenses d’investissement de -0,2 %. Avec notamment une diminution de leurs effectifs d’agents de -0,4 %. Soit une contribution des collectivités pour réduire le déficit public à hauteur de 0,1 point de PIB en 2016.

Pour autant, la pression de l’État demeure. Conformément à la loi de programmation des finances publiques pour 2018-2022, les collectivités locales et les Établissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI) dont les dépenses de fonctionnement dépassent les 60 millions d’euros par an ont été encouragées à signer un contrat avec l’État les engageant à ne pas dépasser un taux de progression de leurs dépenses de fonctionnement de 1,2 % par an, inflation comprise. Des contrats qui posent question dans la mesure où ils intègrent dans les dépenses des collectivités l’impact de mesures décidées sur le plan national par l’État, notamment pour les allocations individuelles de solidarité versées par les départements.

La pression du pouvoir central sur les finances des collectivités territoriales est mal ressentie par les élus locaux qui mettent en avant le fait que le budget de l’État est en déficit depuis 1974 et qu’ils ont dû faire face à d’importants transferts de charges. Par ailleurs, ils soulignent que les budgets des collectivités doivent être votés à l’équilibre sous peine de sanction par les chambres régionales des comptes et de mise sous tutelle par les Préfets. Enfin, à la différence de l’Etat, les collectivités territoriales ne peuvent pas emprunter pour financer leur fonctionnement. Certes Cependant, les élus locaux oublient qu’ils ont bénéficié depuis les années 80 d’une augmentation des dotations et concours de l’État qui ont atteint, en 2016, 100 milliards d’euros. Ils ont oublié qu’une part non négligeable de la fiscalité locale est supportée par le contribuable national par le jeu des compensations. Ainsi, une collectivité avec des contribuables à revenus modestes pouvait augmenter ses taux d’imposition sans que ces derniers en supportent les effets. La forte augmentation des effectifs de la fonction publique territoriale est également mise en avant par l’État central mais s’explique en partie par les transferts de compétences, notamment ceux impulsées par les lois Raffarin qui ont marqué l’acte II de la décentralisation.

Le sentiment d’exaspération des élus locaux est assez élevé. Selon le CEVIPOF, les maires n’ont pas d’autre choix que de reporter les investissements (46 %), réduire les services à la population (17 %) ou augmenter les impôts (13 %). C’est tout le problème de la suppression en cours de la taxe d’habitation (TH), et des incertitudes sur les compensations. En évoquant la perspective d’un remplacement de la TH par la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), la mission sur « la refonte de la fiscalité locale » confiée au sénateur Alain Richard et au préfet honoraire Dominique Bur risque de déplacer le problème du bloc communal vers les départements, qui ne savent pas encore avec précision quelle ressource compensera la perte de leur part de TFPB.

Vers le droit à la différenciation territoriale ?

Durant des décennies, l’unité de la République rimait avec unicité du mode d’organisation. Aujourd’hui, après 35 ans de décentralisation, une France plurielle se met en place. Pour de nombreux citoyens, cette transformation est source d’inégalités. Le monde rural, les villes périphériques des grandes agglomérations, les villes de moins de 70 000 habitants seraient menacés de marginalisation. La fermeture des services publics, l’absence de médecins, la faiblesse des transports publics génèrent une sourde frustration dont « les gilets jaunes » sont une des illustrations. Internet et la tertiarisation accélérée de l’économie ont favorisé la métropolisation du pays. Le déclin des centres villes auquel succède la multiplication des friches commerciales du fait de la montée en puissance des achats sur la toile modifient rapidement l’organisation des territoires. Par ailleurs, la complexité croissante de la gestion des collectivités locales et la juridicisation de la vie publique incitent de nombreux élus à ne pas renouveler leurs mandats. Or, ils jouent un rôle important d’intermédiation. Leur disparition entrainerait une étatisation avec la nomination de fonctionnaires. Il n’existerait alors plus beaucoup de soupapes de sécurité entre les citoyens et l’État.

L’unité et l’indivisibilité de la République ne signifient pas son uniformité. A cet égard, il sera intéressant d’observer la suite réservée par le Parlement au projet de réforme constitutionnelle qui ouvre la voie au droit à la différenciation, c’est à dire la possibilité donnée aux collectivités territoriales d’adapter le droit à leur situation et d’exercer des compétences différenciées.