27 mai 2017

Le Coin des tendances du 27 mai 2017

La croissance, une grande inconnue

 Pourquoi l’économie mondiale a-t-elle stagné de l’an 1000 jusque dans les années 1760 (croissance moyenne de 0,1 % l’an) avant de connaître un léger frémissement avec une croissance de 0,3 % l’an de 1760 à 1870 et surtout une expansion sans précédent de 1870 à 2000 avec un taux de croissance annuelle de 1,5 % ? Pourquoi depuis les années 70, la croissance a-t-elle ralenti en occident avec une légère reprise aux États-Unis autour des années 2000 ? Depuis la grande récession de 2008, les pays émergents semblent être touchés par la diminution des gains de productivité. Faut-il y voir une convergence et comment s’explique-t-elle ?

Comment expliquer les écarts de croissance entre les pays, entre les différentes régions, comment expliquer les décalages dans le temps des phases de développement ? Force est de constater que ces questions n’ont pas toujours des réponses scientifiques.

La croissance repose essentiellement sur trois facteurs, le capital, le travail et la productivité globale des facteurs. L’amélioration de cette productivité est attribuée au progrès technique, un élément dont l’appréhension est toujours délicate.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, le produit par travailleur n’a pas augmenté en Angleterre de 1500 à 1800 selon les estimations réalisées par Angus Maddison. Les études de Gregory Clark soulignent que ce produit n’avait pas progressé de 1330/1340 à 1640. De même les salaires réels dans l’agriculture, toujours en Angleterre, sont restés stables de 1500 à 1800. Ils ont simplement augmenté de 33 % entre 1300 et 1800, soit sur 5 siècles. Durant cette longue période, les salaires ont augmenté grâce aux commerces et non grâce aux innovations. Dès qu’il y avait une remise en cause des échanges, les revenus baissaient. Napoléon a peut être rendu service, bien malgré lui, aux Anglais en instituant un blocus. Ils ont été dans l’obligation de trouver de nouvelles sources de revenus ce qui a contribué à accélérer la transformation de la société de marchands en société de capitalistes. À partir de 1820, une rupture avec l’ordre économique ancien est constatée. Cette rupture débute en Angleterre pour se diffuser plus ou moins rapidement en Europe et aux États-Unis. Les salaires réels progressent rapidement à partir des années 1820/1830. Le progrès technique qui était réservé aux Rois ou aux Nobles se diffuse au sein des populations. Entre 1820 et 1913, la productivité est multipliée par trois en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Cette augmentation n’est pas la simple expression de l’accumulation du capital. Elle repose sur la diffusion des connaissances, des compétences et un état d’esprit propice à l’innovation.

Certains considèrent que les voies et les moyens de transports ont permis le décollage économique. Or, s’il y a eu amélioration, les grands axes de transports datent de l’époque romaine. Les villes hanséatiques, les ports francs étaient des zones d’échanges depuis des siècles sans que cela ne débouche sur une augmentation substantielle de la productivité. L’accumulation de richesses n’est pas suffisante pour générer une croissance forte qui s’autoalimente. Ainsi, l’Espagne, le Portugal, les Pays-Bas ou certaines villes italiennes ont connu au cours de leurs histoire des enrichissements rapides sans pour autant que leur croissance soit durable. Il y a même plutôt une malédiction de la richesse importée. L’or des Indes ou les tulipes d’Amsterdam ont eu des effets sur longue période négatifs.

Il est admis de plus que la productivité générale des facteurs dépend non seulement des innovations mais aussi de la diffusion des techniques, des processus de production. Les technologies généralistes peuvent avoir des conséquences sur des secteurs a priori éloignés de celui qui en a été à l’origine. La propagation des nouvelles techniques et leurs effets sur la croissance peuvent être plus longs que ce que les économistes avaient tendance à admettre (David 1990). Henri Lepage en 1982, enrichit la définition de la croissance : «Le mot croissance n’est donc pas seulement synonyme d’accumulation croissante. Il est ainsi, d’abord et avant tout, l’expression d’un mouvement dynamique dont la caractéristique est de contraindre les producteurs à offrir aux consommateurs les moyens d’accéder à des « technologies » d’usage de leur temps de plus en plus efficientes. »

Les vagues de croissance que nous avons connues depuis le début du 19ème siècle seraient selon Joseph Schumpeter l’œuvre des entrepreneurs qui élaborent des biens et des procédés nouveaux rendus possibles par le savoir scientifique. Avec sa théorie de création destructrice, il tend d’expliquer la marche du progrès.

En 1950, le niveau d’éducation moyen était aux États-Unis supérieur, de 2,2 ans, à celui de la zone euro quand en 1900 il était identique.  Cet écart est imputable à l’effort public d’équipement en établissements scolaires et universitaires aux États-Unis entre 1910 et 1940 quand en Europe les inscriptions en études secondaires progressaient très lentement et que le retard en matière d’enseignement supérieur était très important. Si, depuis, l’Europe, a rattrapé le niveau américain pour le secondaire, elle reste en retrait en ce qui concerne le taux d’inscription dans l’enseignement supérieur. Les États-Unis ont, par ailleurs, maintenu un important effort de recherche de la Seconde Guerre Mondiale jusqu’aux années 90 du fait de la guerre froide (conquête spatiale et guerre des étoiles).

L’âge moyen du capital est un des éléments pouvant expliquer les variations de croissance (Solow 1962). Plus le capital est ancien, plus il est supposé moins productif. Depuis 1890, l’âge moyen varie de 4 à 9 ans. Aux États-Unis, il a baissé de 1890 à 1929, passant de 7,5 à 6 ans avant de remonter à 8,5 ans durant la grande dépression. Avec la Seconde Guerre mondial, l’âge moyen a reculé pour revenir à 6 ans. Il resté stable entre 5 et 6 ans des années 50 aux années 2000. Depuis une quinzaine d’années, il est repassé à près de 7 ans. La zone euro a connu une phase de vieillissement durant la Seconde Guerre mondiale. Durant les 30 Glorieuses, l’âge moyen est tombé à 5 ans. Depuis les années 70, il remonte pour atteindre plus de 7 ans. L’âge moyen du capital connaît des variations plus rapides au Japon avec néanmoins une forte progression depuis 1970.

Malgré tout, les économistes considèrent que le niveau de formation et l’âge du capital physique expliqueraient 21 % de la hausse de la productivité générale des facteurs aux États-Unis, 17 % dans la zone euro, 25 % au Royaume-Uni et 26 % au Japon. La corrélation entre les vagues de productivité et les phases de rajeunissement du capital ou d’augmentation du niveau d’éducation n’est pas limpide.

La révolution industrielle serait née d’une accumulation d’innovations de rupture (machine à filer à énergie hydraulique, machine mécanisée à rouet, machine à vapeur…). Aussi-importantes soient-elles, elles ne peuvent pas expliquer à elles seules le triplement de la productivité des salariés. En outre, comment expliquer que la somme des innovations passées n’a eu aucun effet sur cette fameuse productivité. Ces inventions sont souvent l’œuvre de praticiens et non de scientifiques. Elles s’inscrivent dans des processus de modernisation.

La croissance serait avant tout le produit d’un contexte. Un environnement favorable à la prise de risque, à la créativité est une condition sine qua non à la réussite des innovations. À cet effet, une stabilité juridique est indispensable. Le succès des inventions repose sur leur diffusion au sein de multiples secteurs et leur adoption par une grande parte de la population. Les inventions de Léonard de Vinci étaient remarquables mais elles étaient avant tout des œuvres d’art au profit des souverains qu’il servait.

Pour des économistes comme Edmund Phelps, la croissance d’un pays repose sur un secteur diversifié des idées. Ce secteur comprend évidemment non seulement les inventeurs de produits et de biens mais aussi les financiers, les spécialistes du marketing, de la communication, etc. L’innovation pour avoir un effet sur l’économie doit donner lieu à des expérimentations, des évaluations et des révisions. Ce sont les pays qui disposent à la fois des foyers de création, de développement et de révision qui sont les mieux à même de générer une croissance auto-entretenue. Dans les pays avancés, l’innovation, au sens large du terme, absorberait 10 % du temps de travail total de la population. Edmunds Phelps considère à ce titre que les pays émergents et la Chine, en premier lieu, ne sont pas encore des centres de croissance au sens créatif du terme. Ils sont en phase de rattrapage mais ne génèrent pas de rupture au niveau de la productivité.

Le capitalisme moderne s’est construit sur les bases du capitalisme de marchands, celui qui a consolidé les droits de propriété, le financement à crédits, l’assurance et la responsabilité individuelle. Le capitalisme de marchands repose essentiellement sur la distribution de biens et de services existant quand le capitalisme moderne est fondé sur l’innovation et sur sa diffusion. L’important est que l’idée de progrès soit acceptée par un nombre croissant de personnes. La remise en cause du progrès, depuis une trentaine d’années, n’est peut-être pas sans lien justement avec la baisse des gains de productivité. L’idée est bien plus forte que le bien. Ainsi, le génie d’Henry Ford n’est pas d’avoir construit des voitures, ni d’avoir généralisé le travail à la chaîne mais d’avoir affirmé qu’il fallait que ses employés puissent s’acheter les voitures qu’ils produisaient. De même, l’IPhone n’est certainement pas, sur le plan technologique, le meilleur des Smartphone, mais par les idées qu’ils véhiculent il a changé la façon d’utiliser un téléphone.

 

La fin des pièces et des billets, c’est pour demain  ?

 La lutte contre la corruption, la tentation technologique, la nécessité de trouver de nouveaux impôts auront-elles raison de la monnaie fiduciaire ? Les pièces, les billets disparaîtront-ils au profit de l’argent numérique ? Certains pays d’Europe du Nord comme la Suède ou le Danemark sont tentés de franchir le cap et se sont engagés dans des programmes de réduction de l’argent liquide.

Cette révolution mettra-t-elle fin à des pratiques ancestrales. En effet, afin de faciliter les échanges, les hommes ont, très tôt, recouru à des moyens de paiement physiques. Ainsi, 3000 ans avant notre ère, la civilisation suméro-akkadienne utilise des biens pour commercer. Cela pouvait être du blé, des animaux ou des métaux. L’or s’est rapidement imposé en raison de sa rareté et de sa solidité. Il est ainsi fréquemment utilisé comme monnaie d’échange sous la Troisième dynastie d’Ur en Mésopotamie, 2000 ans avant notre ère. Dans l’Antiquité gréco-romaine, les scribes notent l’ensemble des prix en faisant référence au shekel qui est une unité de poids d’argent.

La France, le pays du chèque, de la carte bleue et de l’argent liquide

En France, le nombre de distributeurs diminue, quand dans le même temps les moyens de paiement scripturaux, enregistrent une croissance de plus de 10 % par an.

Les espèces restent néanmoins le moyen de paiement le plus utilisé en ce qui concerne les transactions. 55 % d’entre-elles sont payées, en France, avec des pièces et des billets. Ce ratio est de 60 % au Royaume-Uni, de 75 % en Allemagne et de 89 % en Italie. La Suède et la Finlande sont, en revanche, à moins de 50 %. Mais, en volume, seulement 5 % des transactions sont payées en monnaie fiduciaire. Les billets et les pièces sont utilisés pour les achats du quotidien. Pour réaliser leur paiement avec des espèces, les Français peuvent compter sur plus de 58 000 distributeurs de billets. Ils effectuent en moyenne plus de 24 retraits par an et ont retiré près de 125 milliards d’euros. Si le nombre de retraits diminue (-1,1 % en 2014), le montant des sommes retirées augmente (+1,8 %).

La carte paiement est le moyen de paiement le plus utilisé en volume. Elle a franchi en 2014 la barre symbolique des 50 % des paiements scripturaux. En 2015, ce taux est passé à 51 %. La progression a été de près de 10 % par an depuis plusieurs années. La France figure parmi les pays européens qui utilisent le plus ce moyen de paiement (l’Allemagne 19 %, le Royaume-Uni 61 %, la zone euro 40 %, l’Union européenne 46 %).

81 millions de cartes étaient, en 2014, en circulation en France. Elles ont donné lieu à 9,5 milliards de paiement pour un montant de 445 milliards d’euros. Selon un sondage réalisé par Opinion Way, en 2016, la carte est le moyen de paiement préféré par les Français qui déclarent l’utiliser en priorité et dès que c’est possible.

Si le porte-monnaie électronique a été un échec (carte dédiée aux petits achats), le paiement sans contact associé à la carte de paiement traditionnel semble rencontrer son public. Au mois de mai 2016, 61 % des cartes étaient dotées de cette faculté et sur ce seul mois, 46 millions de transactions sans contact avaient été enregistrées pour un montant total de près de 500 millions d’euros. Plus de 500 000 commerçants acceptent ce mode de paiement qui est limité à 20 euros mais qui devrait passer à 30 euros au cours de l’automne 2017.

La fraude pour les paiements par carte reste très faible au regard du nombre de transactions et des montants. L’Observatoire de la Sécurité des Cartes de Paiement a dans son dernier rapport indiqué que le taux de fraude était de 0,043 %, en baisse en 2015 par rapport à 2014. Pour les paiements sans contact, le taux est encore plus faible, 0,019 %.

Les Français, à la différence des Allemands, ne sont des adeptes des virements. 19 % des paiements sont réalisés par virement, en France, contre 48 % en Allemagne et 26 % en moyenne au sein de la zone euro. Le recours au virement augmente depuis trois ans par l’entremise du SEPA (Single Europa Payment Europa ou Espace Unique de Paiements en Euros) et du fait que de plus en plus d’entreprises et d’administrations incitent les clients et les contribuables à utiliser ce mode de paiement. Les virements et prélèvements SEPA, à travers l’adoption d’une norme commune au sein de l’Union européenne, permettent d’effectuer des paiements de manière électronique aussi bien en France qu’au sein des autres pays européens (Union européenne + Suisse + Liechtenstein + Norvège + Monaco + Islande).

La faible utilisation des virements s’explique également par la place importante occupée dans notre pays par le chèque. En effet, les Français émettent plus des deux tiers des chèques au sein de l’Union européenne (68,5 %). Leur gratuité explique leur succès dans notre pays. Ils ont été longtemps considérés comme le moyen de paiement traditionnel pour tous les achats dépassant la centaine d’euros. Le montant moyen des paiements par chèque pour les ménages étaient, en 2009, de 275 euros.

Les prélèvements progressent surtout depuis l’adoption du SEPA. La France arrive en 3e position (16,5 % en montant et 16,2 % en nombre de transactions) juste derrière le Royaume-Uni et l’Allemagne.

La France est le deuxième pays au monde, après les États-Unis, pour l’émission de chèques. En 2009, chaque Français signait plus de 50 chèques quand un Britannique en signait 21, l’Américain, de son côté, en signait 79.

La multiplication des fraudes et le développement des cartes de paiement entraînent leur lente décrue. Si les commerçants ont longtemps freiné l’essor des cartes compte tenu des frais qu’ils devaient supporter, ils se sont rangés à son usage pour échapper à la problématique des chèques impayés. De ce fait, aujourd’hui, de plus en plus de commerces refusent les chèques quand la quasi-totalité s’est équipée en terminaux à cartes. En 2014, 2,5 milliards de chèques ont été émis en France, en baisse de 5 % par rapport à 2013. En valeur, la chute atteint 13 %. En une dizaine d’années, le poids des chèques a diminué de moitié essentiellement au profit des cartes de paiement.

Le chèque est avant tout utilisé pour payer les achats de voiture et leur entretien. Il est fréquemment choisi comme moyen de paiement pour régler les dépenses d’hypermarchés, les impôts, les loyers d’habitation, les assurances, l’électricité, les restaurants et les hôtels, les médicaments et les médecins.

La monnaie électronique connaît un essor médiatique qui attend de se concrétiser dans la réalité. Les paiements via des systèmes de paiement Paypal ou par l’intermédiaire de son téléphone (ApplePay) restent marginaux, inférieurs à 0,5 % des transactions. Au Royaume-Uni, leur poids atteint 3 %. En 2014, en France, 53 millions de transactions en monnaie numérique ont été comptabilisées portant sur 240 millions d’euros. Si la France apparaît en retard en la matière, le taux de progression est important avec un doublement d’une année sur l’autre.

Le chèque et l’argent liquide dans le collimateur

Depuis des années, une bataille contre le chèque est engagée. Il est considéré comme coûteux et peu fiable. Coûteux car il nécessite de nombreuses manipulations. De sa conception à son acheminement jusqu’ à sa perception, il mobilise de la main d’œuvre et de la logistique. En outre, considéré comme un moyen de paiement universel, les banques ont dû se résoudre de maintenir sa gratuité relative. En effet, chaque client d’une banque doit pouvoir disposer gratuitement d’un chéquier ce qui n’interdit pas la perception de frais de tenue de compte et de frais sur certaines opérations (envoi, opposition, etc.). Le chèque est récusé par un nombre croissant de commerçants en raison des fraudes dont il fait l’objet. 5 % des chèques émis sont rejetés et enregistrés comme tels dans le fichier central des chèques. 1,5 million de personnes seraient, en France, interdites de chéquiers ce qui représentent 3 % de la population adulte.

Afin de lutter contre la fraude, les pouvoirs publics ont réduit la durée de validité des chèques à 6 mois contre un an auparavant. Avec la multiplication des offres sur Internet de cartes à frais nuls ou réduits, la question du maintien du chèque au nom de sa gratuité devrait disparaître progressivement.

La limitation des paiements en liquide est un autre cheval de bataille des pouvoirs publics. Ainsi, depuis le 1er septembre 2015, les résidents français ne peuvent régler leurs achats en pièces et en billets s’ils dépassent 1000 euros.

La BCE a décidé de retirer progressivement les billets de 500 euros et de ne plus en émettre.

Les pays d’Europe du Nord et notamment la Suède ont lancé des opérations « cashless society ». Le Gouvernement suédois a accordé aux commerçants la possibilité de refuser le paiement en argent liquide. De nombreux établissements publics ne permettent que le paiement par carte, soit via des applications dédiées au paiement en ligne. Le volume d’espèces décroît en Suède. Il ne représente plus que 2,1 % du PIB contre 10 % en moyenne au sein de la zone euro et 8 % aux États-Unis.

Le recours à la monnaie numérique soulève le problème d’exclusion d’une partie de la population. Les personnes non connectées pourraient être marginalisées faute d’accès aux modes de paiement numériques. Les plus pauvres, les personnes âgées, les personnes non connectées, les personnes réfractaires au numérique seraient ainsi dans l’incapacité de régler leurs achats.

La suppression de l’argent liquide est avancée pour lutter contre les activités frauduleuses, travail illégal, trafic en tout genre, etc. Il n’est pas étonnant que les pays d’Europe du Nord qui soient en pointe en la matière. La lutte contre la corruption et leur volonté de mettre un terme à certaines activités déviantes sont au cœur des politiques publiques que leurs gouvernements mènent depuis des années. En ne réglant les achats que par des moyens électroniques, les pouvoirs publics auraient la possibilité de tracer les flux d’argent, de déceler des sources de revenus illégales de leurs concitoyens. Ils pourraient plus facilement prélever l’impôt. Les banques ou les autorités publiques seraient à la tête d’informations monnayables concernant la vie au quotidien de leurs clients ou de leurs citoyens. Cet argument est en soi peu recevable car, compte tenu des volumes d’opérations réalisées par l’intermédiaire des cartes de paiement ou par virement, les banques disposent déjà d’éléments fiables permettant de déterminer des profils d’acheteurs. Ils ne leur manquent que les courses du quotidien mais le paiement sans contact devrait leur permettre de palier à cette faille.

La suppression totale de l’argent liquide ne saurait, en soi, constituer un gage de suppression des activités illégales. Les mafias ont déjà investi le champ des nouvelles technologies. Le recours à des monnaies parallèles, le Bitcoin, par exemple, permet de contourner les moyens de paiement légaux. De même, elles ne manquent pas d’exploiter le « dark web » pour réaliser des transferts financiers en dehors des circuits légaux. L’État Islamiste a eu recours à de tels moyens pour se financer et pour vendre une partie de son pétrole. L’éradication de l’argent liquide ne ferait donc pas disparaître le travail au noir, l’argent sale ; elle entraînerait certainement l’apparition de nouvelles méthodes de financement. Par ailleurs, les activités économiques humaines ne doivent-elles pas comporter une certaine dose si ce n’est d’illégalité mais du moins de souplesse pour fonctionner correctement ?

 

La France, le pays du camping

La France dispose du premier parc européen de places de camping. Ainsi, en 2016, notre pays  comptait 7 800 campings touristiques et 710 000 emplacements. Au niveau mondial, elle se situe derrière les États-Unis. Entre 2010 et 2016, le nombre de campings est globalement stable, mais le nombre d’emplacements diminue de 2,1 %.

Les campings connaissent une évolution assez rapide. Après la montée en gamme durant les années 90/2000 avec des possibilités de raccordement à l’eau, à l’électricité, ils proposent de plus en plus de services collectifs et des emplacements pré-équipés. Ils proposent ainsi de moins en moins un emplacement brut et de plus en plus un cocktail de services ou de solutions.

La réduction du nombre de campings s’explique par la pression foncière dans certaines zones touristiques mais aussi par la transformation d’emplacements nus (accueillant des tentes ou caravanes) en emplacements équipés de structures fixes (bungalows ou autres). Ces derniers mobilisent une surface plus importante et accueillent en moyenne davantage de touristes. Ainsi, sur la période, le nombre d’emplacements nus décroît de 10 %, tandis que celui des emplacements équipés progresse de 20 %, pour atteindre 30 % des capacités.

Au niveau des services collectifs, les campings proposent aux touristes des activités sportives ou de loisirs (plan d’eau, piscine, centre aquatique, golf, accrobranche, etc.), mais aussi des services de proximité (restauration, supérette, accueil d’enfants, etc.). Les services des campings se rapprochent ainsi de ceux des villages de vacances.

Avec l’allongement de la saison touristique qui désormais s’étale de mai à octobre, les campings ont augmenté leurs jours d’ouverture. Les retraités et les jeunes actifs fréquentent de plus en plus les campings en dehors des vacances scolaires. En outre, les campings équipés offrent des hébergements utilisables toute l’année.

Le camping, une activité en forme

En 2016, les campings ont comptabilisé 112 millions de nuitées ce qui les placent en deuxième position derrière les hôtels (200 millions de nuitées). Depuis 2010, les nuitées sont en hausse dans les campings (+ 7,5 %) quand elles stagnent dans les hôtels et reculent dans les autres hébergements collectifs touristiques. Les nuitées des campings s’accroissent le plus nettement dans l’avant-saison et l’après-saison. Malgré tout, elles sont les plus importantes en août avec un taux d’occupation de 61 %, et même de 90 % sur certains littoraux.

En 2016, les nuitées sur les emplacements équipés représentent 49 % de la fréquentation des campings (41 % en 2010). Elles augmentent fortement (+ 31 % entre 2010 et 2016), portées principalement par la croissance de l’offre (+ 28 %).

En 2016, les campings situés sur le littoral réalisent la majorité des nuitées (55 %). Mais ces dernières années, l’offre progresse plus vite en milieu rural et en milieu urbain. Les places disponibles ont tendance à baisser sur le littoral en raison de la montée en gamme des établissements et de la pression foncière. En outre, le tourisme rural et urbain se développe plus rapidement que celui sur le littoral surtout en ce qui concerne le hors-saison.

Le camping attire des touristes étrangers de proximité

Les touristes étrangers réalisent 32 % des nuitées, à peine moins que dans les hôtels (35 %). Ils se tournent moins que les Français vers les emplacements équipés : 36 % d’entre eux y séjournent, contre 56 % des Français. Les nuitées étrangères augmentent moins (+ 2 % entre 2010 et 2016) que celles des résidents (+ 10 %). La clientèle étrangère choisit plus souvent les campings haut de gamme que la clientèle française. Les touristes étrangers viennent en France avec leur caravane ou avec leur camping-car quand les Français sont de plus en plus nombreux à opter pour des emplacements équipés. Côté destinations, les touristes en provenance d’autres pays, notamment des Pays-Bas et du Royaume-Uni, se dirigent davantage vers les campings ruraux (24 %) que les résidents (16 %). De même, les non-résidents, surtout ceux en provenance des Pays-Bas et de Belgique, sont proportionnellement plus nombreux à privilégier les massifs montagneux que les Français. Enfin, ils optent également plus souvent pour les campings urbains, qui attirent 11 % d’entre eux (7 % pour les Français). À l’inverse, les touristes étrangers séjournent moins souvent sur le littoral (45 % contre 59 % pour les résidents). En particulier, ils sont moins attirés que les Français par les littoraux de Bretagne, de Charente-Maritime et des Pays de la Loire. En revanche, ils sont aussi présents qu’eux sur le littoral méditerranéen et nord-normand.

Dans les campings français, sept pays sont à l’origine de 95 % des nuitées des touristes non-résidents : Pays-Bas, Allemagne, Royaume-Uni, Belgique, Suisse, Espagne et Italie. Les touristes non-résidents vont d’abord dans les régions les plus proches de leur pays. Le littoral des Hauts-de-France attire ceux en provenance de Belgique, et la Normandie davantage ceux du Royaume-Uni, des Pays-Bas et du Danemark. Le littoral méditerranéen est particulièrement apprécié des touristes venant d’Italie, d’Allemagne et de Suisse. Sept campeurs italiens sur dix choisissent cette destination, en particulier la Corse. Enfin, les touristes venant d’Espagne se dirigent plutôt vers le littoral basque-aquitain, qui accueille 36 % d’entre eux. Les campings n’attirent pratiquement pas la clientèle extra-européenne (1 %), contrairement aux hôtels (un tiers des nuitées étrangères). Cette situation est assez logique, les touristes non-européens arrivent avant tout en France par l’avion et disposent d’un budget vacances plus élevés les amenant à privilégier les hôtels ou les locations sur les plateformes collaboratives.

Le camping règne sur la côte atlantique, en Occitanie et en Corse

Parmi les hébergements collectifs touristiques, les campings disposent de l’offre de logements (emplacements, chambres ou appartements) la plus importante : 46 % des hébergements offerts en août, devant les hôtels (41 %) et les autres hébergements collectifs touristiques (13 %). Ils représentent plus de 50 % de l’offre dans les espaces ruraux, sur le littoral et dans les massifs ne disposant pas de stations de ski. À l’opposé, leur part est faible en zone urbaine (4 % des capacités en Île-de-France et 16 % dans les territoires urbains de province). Sur le littoral, l’offre des campings représente plus de 75 % de l’offre de logements sur les littoraux charentais, vendéens, landais et girondins. Sur le littoral méditerranéen, l’offre des campings représente 33 % en Provence-Alpes-Côte d’Azur, 50 % en Corse et 80 % en Occitanie.

Le camping privé l’emporte

Les campings privés gagnent des parts de marché face aux campings gérés par des associations ou des collectivités locales. Ces derniers ne représentent aujourd’hui qu’un quart des établissements. Ils sont plus petits que les campings privés (70 emplacements contre 98 en moyenne). Ils ne constituent qu’un cinquième de l’offre et un vingtième des emplacements équipés. La moitié de ces campings associatifs se positionne sur l’entrée de gamme (contre 20 % pour les campings privés) ; inversement, seuls 3 % d’entre eux sont dans le haut de gamme (respectivement 21 %). Les taux d’occupation sont inférieurs à ceux des campings privés, en raison notamment d’une localisation plus rurale que littorale, de leur moindre classement et du poids important des emplacements nus.