28 avril 2018

Le Coin des tendances du 28 avril 2018

La propriété, c’est fini ?

Le concept de propriété est au cœur de la révolution économique et politique qui a débuté au XVIIIe siècle. La possession de la terre, de son logement ou des biens est un marqueur de liberté, d’autonomie. La propriété est une condition de l’indépendance, une marque de distinction par rapport au serf, à l’esclave qui ne possède rien. La société de consommation qui a pris tout son essor après la Seconde Guerre mondiale s’appuie sur la vente de biens, sur l’achat de la voiture, sur l’accession à la propriété. Ce paradigme semble être remis en cause avec l’émergence de la société numérique, avec la contrainte environnementale et avec un changement de comportement des consommateurs.

Dans une économie plus flexible, plus mobile, la possession laisserait la place à l’usage et à la mutualisation. Cette évolution n’est-elle pas exagérée et n’est-elle pas plus subie que désirée ?

Le numérique s’est traduit par la montée en puissance des places de marché qui facilitent la mise en relation. Acheter, vendre, louer des biens, des services est plus facile, plus rapide. Les plateformes collaboratives permettent à tout un chacun d’être producteur et consommateur. Le digital a changé les repères de la propriété. La musique, la photo, la vidéo sont devenus plus accessibles, voire gratuits. Le partage de fichiers et le streaming ont remplacé l’achat de disques et de films. La préférence donnée par les consommateurs à la mobilité accentue cette tendance. Mais, cette dernière est aussi l’expression de plusieurs contraintes, contraintes financières, contraintes liées au problème d’accès au logement. Ainsi, les jeunes de moins de 30 ans possèdent moins de voitures que leurs aînés au même âge. C’est en partie un choix de vie mais c’est surtout la conséquence d’une insertion professionnelle plus difficile. Selon une étude datant de 2016, plus de 60 % des jeunes n’ayant pas de voiture souhaiterait en acquérir une. De même, le développement des colocations trouve sa source dans le prix élevé et la rareté des logements. Le fait que les meublés soient, pour des raisons fiscales et juridiques, de plus en plus proposés, influe sur les achats de meubles. Par ailleurs, en raison des changements professionnels plus nombreux, les actifs sont contraints d’être plus mobiles. Par souci d’économies, ils évitent de s’encombrer de biens trop volumineux.

Malgré tout, selon une étude du Crédoc, l’idée du partage des biens serait acceptée par 65 % de la population en 2017 contre 54 % en 2014. Le partage s’impose essentiellement chez les jeunes chez les jeunes, dans l’agglomération parisienne ainsi que chez les classes moyennes supérieures. 75 % des cadres supérieurs, 73 % des habitants de la région parisienne et 72 % des diplômés de l’enseignement supérieur partagent cette idée.

Les plateformes collaboratives ont donné une nouvelle jeunesse à certaines pratiques non marchandes alternatives à la propriété comme le troc ou le don. La pratique de la récupération tend également à se développer avec le glanage sur le trottoir des encombrants. Des livres sont également mis à disposition gratuitement par des particuliers dans des boites prévues à cet effet ou directement sur la voie publique.

La tertiarisation des activités s’étend aux biens. La location prend le pas sur la possession. Les formules de location de longue durée, de leasing sont de plus en plus utilisées pour les voitures. Le recours à l’abonnement est également en forte croissance. Avec la dématérialisation, il concerne en premier lieu la musique (sites de streaming), les logiciels, la presse mais aussi l’électroménager. Des biens de consommation courante sont maintenant disponibles par abonnement en particulier dans le cadre des « box » beauté, vins, type Birchbox et Dollar Shave Club, etc. qui touchent aujourd’hui des millions d’abonnés. Ces formules ne sont pas sans conséquences sur le ressenti de l’évolution du niveau de vie des ménages. Ces derniers doivent, en effet, faire face à une progression des dépenses dites pré-engagées (les dépenses soumis à une logique d’abonnement ou contraintes comme le loyer ou le remboursement du capital d’un emprunt).

 

La formation, mère de toutes les batailles

La faiblesse des compétences acquise par la population active s’accompagne, en règle générale d’un mauvais taux d’emploi, d’un fort taux de chômage structurel et d’un retard dans la modernisation des équipements productifs.

La France se classe au 21e rang sur 28 à l’enquête PIAAC de l’OCDE (enquête mesurant les compétences de la population active) réalisée en 2016, loin derrière le Japon qui est en tête suivi par la Finlande et les Pays-Bas. Parmi les grands pays de l’OCDE, seules l’Italie, l’Espagne et la Grèce obtiennent de plus mauvais résultats que la France.

Tous les pays ayant des résultats supérieurs à 270 à l’enquête PIAAC ont, en moyenne, des taux d’emploi supérieurs à 67 %. En revanche, les pays se situant en-dessous (compris entre la 18e et 28e place) ont des taux d’emplois inférieurs à l’exception notoire des États-Unis. Pour le chômage, tous les pays ayant les plus mauvais résultats à l’enquête de l’OCDE ont des taux de chômage au-dessus de la moyenne. Le taux de chômage des non-qualifiés atteint 17 %, en France, contre 5 % pour les qualifiés.

La corrélation entre le stock de robots et l’enquête PIAAC est moins nette et sujette à interprétation. Ainsi, si le Japon est tout à la fois en tête à l’enquête et pour le stock de robots, il convient également de prendre en compte le vieillissement de la population active. Il est en de même en Allemagne. Ce vieillissement impose le recours à une automatisation accrue des chaines de production. En outre, ce sont deux pays ayant une forte tradition industrielle et donc plus à même à recourir aux robots.

La faiblesse des compétences de la population active en France explique que les difficultés de recrutement sont aujourd’hui élevées malgré un fort taux de chômage. Plus de 12 % des entreprises mentionnent des difficultés de recrutement. Cela concerne les secteurs à forte intensité technologique mais aussi des emplois à dominante digitale au sein des secteurs traditionnels.

L’écart de compétence concerne tous les niveaux de revenus et donc de qualification. La France est dans le dernier tiers du classement de l’OCDE tant pour les 25 % les plus bas et les 25 % les plus hauts de la distribution de revenus. Ce résultat serait la preuve que l’ensemble du système de formation serait défaillant ou inadapté au monde professionnel.

Si le problème de compétences est un peu plus grave pour les salariés plus âgés, il n’en demeure pas moins qu’à tous les âges, la France est mal classée.

Une forte corrélation existe également entre le les scores de l’enquête PISA mesurant le niveau des élèves et des étudiants d’un côté et le taux de chômage de l’autre. Le recul est assez marqué, ces dernières années, pour les mathématiques. L’enquête PIRLS 2016 qui évalue le niveau en mathématiques des jeunes scolarisés en CM1 classe la France en 31e position entre la Nouvelle Zélande et la Turquie. Pour la compréhension de l’écrit, les jeunes français se situent au 33e rang aux côtés du Chili, de Trinité et Tobago.

La France se caractérise par une proportion croissante de jeunes de 18 à 24 ans qui sont sans emploi et qui ne suivent aucune formation. En 2017, 17 % des jeunes de cette classe d’âge seraient concernés.

La faiblesse des compétences de la population active en France a un coût élevé en termes d’emploi, de chômage structurel, et de modernisation des entreprises. Elle conduit les pouvoirs publics à centrer les dispositifs d’aide à l’emploi sur les emplois non qualifiés, ce qui génère des effets pervers. Les dispositifs d’allègement de charges sociales constituent une chape de plomb pour les salaires et pour la montée en qualification des emplois. Le faible niveau de compétences ne favorise pas la montée en gamme de l’économie française. Un cercle vicieux s’est ainsi instauré. Compte tenu du positionnement gamme moyenne de la production française, celle-ci se trouve à la merci de la concurrence des pays émergents. Cette situation nécessite une réduction des coûts salariaux à travers le maintien des exonérations de charge et une rigueur salariale. Faute d’être positionnée sur le haut de gamme, l’économie française a connu, ces dix dernières, un lourd processus de désindustrialisation qui a diminué d’autant le nombre d’emplois qualifiés. Les services constituent alors la porte de salut pour de nombreux actifs peu ou mal formés mais au prix de rémunérations faibles et d’emplois peu valorisants avec, à la clef, une précarité assez forte.

 

Enseignement supérieur, amélioration quantitative à défaut d’être qualitative

Les pays membres de l’Union européenne se sont engagés à ce que 40 % des moins de 30-34 ans au minimum soient diplômés de l’enseignement supérieur en 2020. Cet objectif peut être supérieur pour des États qui en 2002 avaient déjà des taux de diplômés élevés.

En quinze ans, pour une majorité d’État, cet objectif est ou est en passe d’être atteint. Ainsi, la part des personnes âgées de 30 à 34 ans diplômées de l’enseignement supérieur est passée de 23,6 % en 2002 à 39,9 % en 2017. Pour les femmes, le seuil des 40 % a été dépassé (24,5 % en 2002, 44,9 % en 2017). Pour les hommes, les progrès sont plus lents (de 22,6 % en 2002, 34,9 % en 2017).

En 2017, la proportion des personnes âgées de 30 à 34 ans diplômées de l’enseignement supérieur a augmenté par rapport à 2002 dans tous les États membres pour lesquels la série chronologique est disponible. Au moins la moitié de la population âgée de 30 à 34 ans avait achevé des études supérieures en Lituanie (58,0 %), à Chypre (55,8 %), en Irlande (53,5 %) au Luxembourg (52,7 %) ainsi qu’en Suède (51,3 %). À l’autre extrémité de l’échelle, les proportions les plus faibles ont été observées en Roumanie (26,3 %), en Italie (26,9 %) et en Croatie (28,7 %).

Quatorze États membres ont déjà atteint ou dépassé leur objectif national pour 2020 en ce qui concerne cet indicateur : la République tchèque, le Danemark, l’Estonie, la Grèce, l’Italie, Chypre, la Lettonie, la Lituanie, les Pays-Bas, l’Autriche, la Pologne, la Slovénie, la Finlande et la Suède.

La France dont l’objectif a été fixé à 50 % était presque en situation de l’atteindre en 2017 pour les femmes (49,6 %). Pour les hommes, le ratio est de 44,3 % en hausse de 12,8 points par rapport à 2002.

Les femmes obtiennent de meilleurs résultats que les hommes. Elles respectent en règle générale l’objectif assigné par l’Union européenne. Le nombre d’hommes diplômés augmente moins vite en raison notamment des difficultés rencontrées durant la scolarisation au sein des banlieues des grandes agglomérations.

Baisse du décrochage chez les jeunes

La part des jeunes (âgés de 18 à 24 ans) ayant quitté prématurément l’éducation et la formation est passée de 15,3 % en 2006 à 10,6 % en 2017. Les jeunes femmes (8,9 %) sont moins affectées par ce phénomène que les jeunes hommes (12,1 %). L’objectif Europe 2020 est de réduire les taux de décrochage scolaire à moins de 10 % d’ici 2020.

Dans tous les pays européens à l’exception de la République tchèque, de la Roumanie et de la Slovaquie, le taux de décrochage est en recul. Les proportions les plus faibles de jeunes ayant quitté prématurément l’école ont été observées en Croatie (3,1 %), en Slovénie (4,3 %) et en Pologne (5,0 %). Les taux les plus élevés ont été enregistrés à Malte (18,6 %), en Espagne (18,3 %) et en Roumanie (18,1 %).

Quatorze États membres ont déjà atteint leur objectif national pour 2020 sur cet indicateur : la Belgique, le Danemark, l’Irlande, la Grèce, la France, la Croatie, l’Italie, Chypre, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, les Pays-Bas, l’Autriche et la Slovénie. La France obtient de meilleurs résultats que la moyenne européenne. 8,9 % des jeunes de moins de 25 ans sont en situation décrochage avec toujours un meilleur résultat pour les filles (7,2 %) que pour les garçons (10,5 %).

En 2017, la part des jeunes ayant quitté prématurément l’éducation et la formation a été plus faible pour les femmes que pour les hommes dans tous les États membres de l’UE, à l’exception de la Bulgarie, de la Hongrie, de la Roumanie et de la Slovaquie.