31 août 2019

Le Coin des tendances du 31 août 2019

L’entreprise est-elle une personne « morale » ?

Avec la loi PACTE, les codes civil et de commerce ont été modifiés afin d’inscrire une nouvelle définition de l’objet social de l’entreprise. L’entreprise doit désormais agir en prenant en compte des impératifs sociaux et environnementaux. En effet, en vertu des nouvelles dispositions en vigueur, une entreprise « est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ». Elle est ainsi appelée à réduire son empreinte écologique en limitant ses émissions de gaz à effet de serre, en évitant le gaspillage, en mettent en place de stratégies de recyclage ou encore en intégrant des circuits d’économie circulaire, etc. Elle doit, en outre, veiller au confort voire au bonheur moral de ses salariés. Ce nouvel objet de l’entreprise pose le problème de son rôle, de ses missions. L’entreprise peut-elle être un acteur moral, éthique, et responsable ? Cette évolution du rôle perçu de l’entreprise s’inscrit dans un contexte de remise en cause des autres grandes formes d’organisation collectives (partis politiques, syndicats, associations, religions, etc.). L’entreprise est ainsi appelée à suppléer ce déclin. Après « l’État nounou », c’est au tour de l’entreprise de jouer ce rôle.

L’objet de l’entreprise a été longtemps assimilé à celui de la réalisation d’un profit de nature financière, issu de l’association des facteurs « travail » et « capital ». Chez quelques classiques comme Marshall ou Say, le profit est le produit naturel de l’activité de l’entreprise ou de l’organisation. L’activité de l’entreprise est un facteur distinct du capital et du travail et doit être rémunéré en tant que tel.

Dès le XIXe siècle, l’entreprise a été contrainte de se réinventer en dépassant la logique purement financière. Cette obligation a été portée par des courants de pensée issus du catholicisme social, des bourses du travail ou de la mutualité. Le fordisme au XXe siècle tend à associer le producteur au consommateur. L’entreprise devient, de la sorte, un acteur social au nom même de son intérêt économique et financier.

La logique du profit, des dividendes ne permet pas d’englober toutes les formes d’entreprises. Les coopératives, les mutuelles, les institutions de prévoyance sont des entreprises tout comme les sociétés anonymes. La réalisation d’un profit ne figure pas dans leur objet même si cela ne leur interdit en aucun cas de réaliser des bénéfices. Une entreprise en perte récurrente a vocation à disparaître. La notion d’excédent est un gage de survie.

L’entreprise est avant tout une communauté, Elle joue le rôle de rassembleur d’énergies, de lieu d’échanges. L’entreprise est donc un groupement de moyens. Elle permet la mise en commun de capitaux, d’hommes, de femmes, de compétences, de techniques en vue de produire des biens ou des services.

La croissance économique de ces deux derniers siècles doit beaucoup à la capacité des entreprises à mobiliser des hommes et des femmes pour produire des biens et des services. L’entreprise est au cœur de la création de richesses et donne tout son sens à la formule de la croissance, du capital, du travail et du progrès technique. Si l’un des facteurs manque, point de croissance et point d’emplois.

Derrière l’entreprise, figurent trois notions qui sont les fondements mêmes de l’économie moderne : innovation, information et risque :

  • L’entreprise, en proposant des solutions, est en soi une source d’innovations, grandes ou petites. Joseph Schumpeter a démontré le rôle de l’innovation portée par les entrepreneurs à travers sa théorie de la destruction créatrice. Sa typologie de l’innovation – fabrication d’un bien nouveau, nouvelle méthode de fabrication, ouverture de nouveaux débouchés, utilisation nouvelle de matières premières, nouvelle organisation du travail – est toujours d’une extrême actualité ;
  • L’information est au cœur du modèle entrepreneurial. L’entreprise repose sur une série de données, en provenance du marché, de ses collaborateurs, de ses actionnaires, de ses dirigeants, de ses sociétaires, etc. ;
  • L’entreprise n’existe que par la prise en compte du risque. Entreprendre, c’est décider d’accepter une part de risque (risque financier, risque économique, risque social). L’économiste américain Franck Knight soulignait, à juste titre, en 1933 que « l’entreprise concentre et assume les risques du marché ». Sans prise de risque, pas d’innovation et pas de progrès.

Au moment où les formes traditionnelles d’organisation de la vie en société se délitent, l’entreprise est appelée à occuper l’ensemble des places laissées vacantes. Or, l’entreprise peut-elle être tout à la fois un centre de production de richesses et un acteur à multiples facettes intervenant sur les terrains politique, social et environnemental ? L’entreprise est devenue le principal vecteur de socialisation. La perte de l’emploi, la fermeture d’une entreprise sont considérées à juste titre comme des drames. Les communes, les départements, les régions s’identifient à travers les entreprises qui sont situées sur leur territoire. La mal-aimée est incontournable, elle est indispensable socialement et économiquement.

Dans ces conditions, l’entreprise peut-elle avoir un but moral, une éthique ? L’entreprise peut-elle être citoyenne ? Est-il possible de fixer des objectifs d’intérêt collectif à une personnalité morale rassemblant des individus en vue de remplir une mission particulière ?

Les penseurs à partir du XVIIIe séparaient l’économie de l’éthique. Adam Smith pense l’économie par elle-même. La main invisible se veut amorale, selon Adam Smith. S’il condamne le profit, c’est par le fait qu’il traduit l’existence d’une rente, d’une mauvaise allocation des ressources. Il ne l’examine pas sous l’angle d’un mauvais partage des richesses produites. Marx jugeait l’entreprise comme immorale car elle organisait l’exploitation de l’homme par l’homme, du travailleur par le capitaliste au nom du profit. Le dépassement de cette exploitation à travers le communisme permettait, selon lui, de recréer un équilibre.

Pour de nombreux penseurs de tendance libérale, l’entreprise est avant tout une forme juridique qui garantit le respect du droit. Il n’y a pas de capitalisme, de relations économiques, sociales et financières sans droit, sans contrat. Le niveau de développement d’un État peut se mesurer en fonction du respect des règles de droit et de son système juridique (Thèse de l’économiste péruvien Hernando de Soto Polar, « Le Mystère du capital » publié en 2000). L’entreprise, en tant qu’acteur de droit, contractualise en permanence, avec ses salariés, ses prestataires, ses clients, la puissance publique. Longtemps, la réussite entrepreneuriale supposait un environnement juridique démocratique. La Chine semble, aujourd’hui, prouver l’inverse. Une nouvelle forme de capitalisme étatique, nationaliste prend forme sur fond de rapports de forces. Les prises de position de Donald Trump à l’encontre de la Chine et demandant le cas échéant aux entreprises américaines de quitter ce pays indiquent un changement profond dans les relations commerciales au niveau international.

L’entreprise, un acteur social

Avec la révolution industrielle de la fin du XVIIIe siècle, les entreprises sont devenues des acteurs du champ social. En regroupant sur un même lieu des salariés, elles ont permis la cristallisation des revendications. En France, la loi Le Chapelier du 14 juin 1791 et le contexte politique ont retardé l’avènement des syndicats qui n’ont été reconnus officiellement qu’en 1884. Par le jeu des luttes sociales, par l’évolution de la société, les intérêts des salariés ont été pris progressivement en compte. A partir des années soixante-dix, la responsabilité environnementale est devenue de plus en plus prégnante. L’interdiction du travail des enfants, l’encadrement des horaires, les vacances, la protection sociale, la limitation des rejets de produits toxiques, la mesure des impacts sur la santé et sur l’environnement des produits se sont imposés aux entreprises.

Le succès de l’économie libérale de marché s’explique par sa souplesse, par les capacités de s’adapter en permanence aux évolutions économiques et sociétales. Or, l’entreprise, terre de contrats, apparaît moins rigide qu’une structure administrative ou qu’une structure partisane qui repose plus ou moins sur une idéologie.

L’entreprise, personnalité morale indépendante, est-elle la somme des individus qui la composent ou dépasse-t-elle cette communauté ? Bien souvent, le législateur, par facilité, par démagogie, estime que l’entreprise est une entité ex-generis déconnectée des hommes et des femmes qui la composent.  Quand le Parlement vote une nouvelle taxe sur une entreprise, dans les faits, il ne fait qu’accroître les prélèvements sur les salariés, les actionnaires ou sur les clients. Ce n’est pas parce que l’on décide de faire payer les entreprises que, dans les faits, ce sont elles qui les paient. La distinction charges salariales, charges patronales est totalement arbitraire et sans réel fondement.

Les responsabilités plurielles des entreprises

L’entreprise est amenée à avoir une responsabilité interne et externe, vis-à-vis de ses salariés et de ses clients mais bien au-delà. Ainsi, aujourd’hui, une compagnie d’assurance est amenée à justifier ses investissements au regard de leurs impacts carbone. L’acquisition d’actions dans le secteur pétrolier ou dans celui de l’armement est de plus en plus contestée. L’entreprise, acteur visible, est soumise aux regards de plus en plus vigilants des parties dites prenantes : ONG, associations de consommateurs, etc.

L’objet d’une entreprise ne se résume donc plus à la réalisation d’un profit. Il est de plus en plus lié à la résolution de problèmes, à l’élaboration de solutions permettant de satisfaire les demandes de ses clients potentiels. Ces solutions doivent, en outre, ne pas nuire aux intérêts de la société. Le risque d’une telle conception de l’entreprise est à terme la paralysie, la peur d’investir, de chercher, de créer. Or, ce risque s’il se réalise annihile l’objet même d’une entreprise. Cette dernière est de plus en plus amenée à respecter le principe de l’article 4 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ».

La formule d’Helmut Schmidt « les profits d’aujourd’hui, sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain » valable à moyen terme serait-elle une bombe à retardement ? Serait-elle trop réductrice car ne prenant pas en compte la question de la soutenabilité de la croissance ? À quoi bon garantir aujourd’hui un profit si demain sa réédition se révèle impossible du fait de la disparition des matières premières, du marché solvable, des équipements et infrastructures matérielles et immatérielles qui l’ont rendu possible.

L’entreprise doit relever le défi de la disparition des biens gratuits que sont l’air, l’eau, etc. Elle doit aussi prendre en compte le fait que toute action humaine est susceptible de dégrader l’environnement. Elle doit intégrer la notion de patrimoine commun. C’est un changement de paradigme. La notion de capital s’élargit. Elle ne se limite plus au capital humain (travail + intelligence + culture + savoir-faire), au capital financier, au capital fixe : infrastructure/machines/outils. Elle intègre à présent le capital des connaissances et le capital naturel (matières premières, énergie, biodiversité, etc.). Face à ce défi, la force de l’entreprise est que son organisation, son fonctionnement reposent sur les principes de rareté et de tarification. C’est par le marché, par les prix que notre système de production peut sans nul doute réduire son empreinte carbone et environnementale.

Les entreprises s’engagent contre les inégalités

À l’initiative de l’OCDE et dans le cadre de la Présidence française du G7, de grandes entreprises internationales se sont engagées à lutter contre les inégalités et à promouvoir la diversité en leur sein et dans leurs chaînes d’approvisionnement. Elles ont ainsi fondé une coalition d’entreprises au service de la croissance inclusive baptisée « Business for Inclusive Growth » (B4IG) (B4IG). Les entreprises signataires ont accepté de signer une déclaration dans laquelle elles s’engagent à prendre des mesures concrètes pour veiller à ce que les fruits de la croissance économique soient plus largement partagés. Cette initiative est portée par Emmanuel Faber, Président Directeur Général de Danone. 34 entreprises multinationales de premier plan employant plus de 3 millions de salariés, pour un chiffre d’affaires mondial supérieur à  1000 milliards de dollars, participent à cette coalition. Les entreprises proposent des programmes de trois ans sur la plateforme de la coalition permettant de mettre en commun les initiatives et les moyens. Les objectifs des actions sont les suivants : développer les débouchés offerts aux populations défavorisées et sous-représentées au moyen de programmes de formation et de reconversion, promouvoir la diversité au sein des conseils d’administration et des organes de direction des entreprises, et lutter contre les inégalités dans les chaînes d’approvisionnement.

Plus de 50 projets, existant ou en cours d’élaboration, représenteront plus d’un milliard d’euros de financements privés. Figurent parmi les projets des programmes de formation conçus pour aider les travailleurs à s’adapter au monde du travail de demain, des plans d’investissements accrus dans les services d’accueil des jeunes enfants afin d’augmenter le taux d’activité des femmes, des aides financières au profit des petites entreprises  afin de promouvoir leur participation aux chaînes d’approvisionnement,  et des actions destinées à améliorer l’intégration des réfugiés en leur permettant de s’insérer plus rapidement sur le marché du travail. Les membres de la coalition s’emploieront à accélérer, développer et reproduire des projets déjà existants, ainsi qu’à accroître sensiblement leur impact social.

Un incubateur de projets public-privé sera créé au sein de l’OCDE dans le cadre de l’initiative B4IG. Il permettra aux entreprises d’accéder aux dernières recherches sur l’action publique, afin de les aider à lancer et développer des projets, à réaliser des évaluations d’impact et, à terme, à susciter des changements utiles. Financé à la fois par les pays du G7 et par des bailleurs de fonds privés, cet incubateur soutiendra des projets innovants et inclusifs, nécessitant une coopération étroite entre le secteur public et le secteur privé. Il rassemblera et diffusera des informations sur les modèles économiques ayant le plus fort impact social.

Une évaluation de ces projets sera publiée au bout de trois ans, et l’OCDE présentera à cette occasion ses orientations concernant la promotion de la croissance inclusive au moyen d’actions concertées entre le secteur public et le secteur privé, et la mesure des résultats des entreprises.

Le taux de fécondité, une question d’emploi et d’origine

Le taux de fécondité dépend de la nature du travail et des diplômes des femmes. Plus elles appartiennent à une catégorie sociale élevée, moins leur taux fécondité est, selon l’INSEE important.

Parmi les femmes actives, les employées enregistrent le taux de fécondité le plus fort (1,91 enfant par femme), suivent les ouvrières (1,76), les femmes exerçant une profession intermédiaire (1,75), et les artisanes, commerçantes ou cheffes d’entreprise (1,70). La fécondité des cadres est nettement plus faible (1,64). Les femmes qui n’ont jamais travaillé (« femmes sans profession ») enregistrent un taux de fécondité élevé (2,57). Parmi elles, 29 % ne sont ni élèves, ni étudiantes. Le taux de fécondité de ces dernières est alors de 3,24 enfants par femme.

Les ouvrières et les employées sont mères, en moyenne 30 ans, à la naissance de leur enfant en 2016, soit 3,0 ans de moins que les cadres, 1,3 an de moins que les professions intermédiaires, et 0,4 an de moins que les artisanes ou commerçantes.

En 2016, la fécondité varie du simple au triple chez les moins de 30 ans qui ont déjà travaillé : 0,31 enfant par femme chez les cadres, 0,93 chez les employées. Ces écarts s’expliquent par la durée des études et les processus d’insertion dans la vie professionnelle. Les comportements à 30 ans ou plus sont moins contrastés : 1,32 enfant par femme chez les cadres, 0,88 chez les ouvrières. Ainsi, avant 30 ans, la fécondité des cadres est de loin la plus basse quand elle est, à l’inverse, la plus forte après 30 ans parmi les femmes ayant une profession. Elle dépasse même, entre 32 et 35 ans, celle des femmes n’ayant jamais travaillé.

En 2016, les mères ont leurs enfants plus tard qu’en 1999 dans tous les groupes sociaux. L’âge moyen a le moins augmenté pour les sans profession, passant de 30,2 ans à 31,2 ans. Parmi celles ayant une profession, la hausse est la plus forte pour les artisanes ou commerçantes et pour les ouvrières, qui accouchaient le plus tôt. Elle est la plus faible pour les cadres et pour les professions intermédiaires, qui accouchaient le plus tard. Aussi l’écart entre l’âge moyen le plus élevé (les cadres) et le plus jeune (les ouvrières) s’est réduit, passant de 3,7 ans à 3,1 ans. Le calendrier des naissances est plus homogène.

Neuf enfants sur dix naissent au sein d’un couple. En 2016, les écarts de fécondité d’un groupe social à l’autre reflètent avant tout les différences de fécondité des femmes en couple et, de façon moins déterminante, les différences de fécondité des femmes sans conjoint et de propension à vivre en couple. Ainsi, les gradations de la fécondité selon le groupe social sont les mêmes, avant et après 30 ans, pour les femmes en couple et pour l’ensemble des femmes.

Avant 30 ans, les femmes sans profession qui vivent en couple ont une fécondité nettement plus forte que les autres. 23 femmes de 18 à 29 ans sans profession sur 100 ont eu un enfant en 2016 (28 en excluant les étudiantes), contre 16 employées ou ouvrières, 12 professions intermédiaires, artisanes ou commerçantes, et seulement 6 cadres.

Après 30 ans, la fécondité des femmes en couple est la plus élevée chez les femmes sans profession, qui ne comptent quasiment pas d’étudiantes, et chez les cadres. En 2016, 100 femmes cadres en couple âgées de 30 à 42 ans ont eu 13 enfants, soit presque autant que 100 femmes en couple sans profession.

Les femmes cadres ayant un conjoint cadre ont un taux de fécondité supérieur en 2016 que celles ayant un conjoint exerçant une profession intermédiaire. Au contraire, les employées et les professions intermédiaires ont une fécondité d’autant plus forte que leur conjoint occupe une profession peu élevée dans l’échelle sociale. Les femmes en couple à la plus forte fécondité, en 2016, sont les employées ayant un conjoint ouvrier ou artisan. En 2016, l’indice de fécondité des immigrées est de 2,72 enfants par femme et celui des non-immigrées de 1,79 enfant par femme, soit un écart de 0,93 enfant par femme. 19 % des naissances sont en France issues de femmes immigrées, ce qui est plus élevé que la part des femmes immigrées parmi la population féminine de 15 à 50 ans (12 %,). Plus la position dans l’échelle sociale est élevée, plus l’écart entre la fécondité des immigrées et celle des non-immigrées est faible. Parmi les cadres, il est de 0,14 enfant de plus par femme, 0,72 parmi les employées, et 1,93 (1,80 en excluant les étudiantes) parmi les femmes sans profession. Tous rangs de naissance confondus, l’âge moyen à l’accouchement des femmes immigrées est très proche de celui des non-immigrées.