31 décembre 2016

Le Coin des tendances du 31 décembre 2016

Les médias en ébullition

Le Groupe M6 a acheté le Groupe RTL. Ces deux entités étaient jusqu’à maintenant propriétés de Bertelsmann. Au-delà de ce transfert financier entre filiales d’un même groupe, c’est l’association du deuxième groupe privé de télévision au premier groupe de radio en France qu’il convient de remarquer. Si de nombreuses synergies sont attendues avec cette fusion en particulier au niveau de la régie publicitaire, les enjeux dépassent le cadre commercial. En effet, l’objectif est de concentrer au sein d’un même groupe tous les supports de communication, papier, Internet, radio et télévision. En 2016, le marché publicitaire du numérique dépasse celui de la télévision. Celui de la radio est, de son côté, en léger déclin quand celui de la presse papier poursuit sa chute.

Si le secteur des médias est, en France, encore assez fragmenté, des regroupements s’opèrent avec une logique de concentration et de diffusion des contenus.

Le monde de la presse française s’organise autour de quelques grands pôles dont le groupe Altice (P. Drahi) qui combine câble (Numéricable), mobile (SFR) et presse écrite (Groupe Express) ainsi qu’audiovisuelle (BFM), le Groupe Figaro (S. Dassault) qui a parié sur l’international, les sites en ligne. Ce groupe réfléchit également sur le développement de chaînes de télévision afin de valoriser la richesse du contenu éditorial. Il faut également citer le Groupe Les Echos/Le Parisien (LVMH) qui couvre un large spectre de l’information et s’étend dans la vidéo et la formation. Figurent également parmi les grands groupes, TF1 (Bouygues) avec ses différentes chaînes et le Groupe Canal + (Vivendi) qui devrait à terme se rapprocher de l’opérateur téléphonique Orange. Parmi les autres groupes, il y a le pôle Europe 1 (RFM, Virgin Radio, Télé7jours) qui appartient au Groupe Lagardère, le pôle Le Monde (M. Pigasse, X.Niel), NRJ, le Nouvel Obs, etc. À côté de ces groupes privés, il faut ajouter les groupes publics, France Télévision avec ses multiples chaînes et Radio France avec ses nombreuses radios. Ces deux groupes ont par ailleurs développé une chaine d’information en continu.

La presse écrite doit face, en première ligne, aux nouveaux médias et aux agrégateurs de médias que sont les réseaux. Les chaînes de télévision sont également touchées par la digitalisation. L’audience des chaines de télévision stagne voire baisse chez les générations les plus jeunes. Le recours au « replay », le visionnage de vidéos sur Internet via les tablettes, les smartphones et les ordinateurs prennent le relais. Les réseaux comme Facebook ou Twitter se substituent au grand canal d’informations. Les internautes zappent en permanence d’articles en articles ou de vidéos en vidéos. La fidélisation est plus complexe que devant une télévision. Si autrefois, le 20 heures et le film ou l’émission du soir étaient des moments partagés en famille ; désormais, la pratique des écrans reliés à Internet est un exercice plus individuel.

Avec le nombre croissant de chaînes de télévision qui s’accompagne d’une segmentation de plus en plus poussée des téléspectateurs, les recettes publicitaires se diluent. L’immédiateté – qu’Internet et les chaînes d’information en temps réel imposent –  a obligé la presse papier à se repositionner. Elle développe une offre multicanale, Internet, vidéo, papier en tentant de jouer la carte du fond. Après avoir longtemps hésité sur la question de la gratuité, elle s’oriente de plus en plus sur des packages associant accès à des bases d’information, à une version papier, etc.

En reprenant le modèle du streaming, l’idée d’une offre combinée proposée par des plateformes se développe. À partir d’un seul abonnement, il est possible de consulter un grand nombre de supports de presse. C’est la logique poursuivi par le Groupe Altice. Jean-Marie Messier, ancien Président de Vivendi avait prévu, il y a un quart de siècle, cette convergence des médias et avait eu tort d’endetter Vivendi à une époque où les taux n’étaient pas ceux d’aujourd’hui.

 Bonnets d’âne ou pas ? De l’effet génération à celui du cycle de vie

Les grandes enquêtes sur les compétences des adultes (en particulier IVQ et PIAAC) soulignent que les plus âgés ont de moins bons résultats que les plus jeunes, tant en compréhension de l’écrit qu’en calcul. Ainsi, selon l’enquête Information et vie quotidienne (IVQ) de 2011, 10 % des 18‑29 ans sont en difficulté face à l’écrit contre 24 % des 60‑65 ans. Ces moins bonnes performances des plus âgés peuvent s’expliquer par une perte de compétences au fil des ans, notamment du fait de leur moindre utilisation dans le cadre professionnel ou dans la vie quotidienne (effet « cycle de vie »). Elles sont également et avant tout liées au fait que le niveau moyen des générations les plus récentes (effet « génération ») augmente. Il y a donc un effet cycle de vie et un effet génération.

L’obtention de diplômes conditionne fortement le résultat aux tests d’évaluation organisés par différentes institutions. La montée du niveau général de formation est en France corrélée à l’obtention du BAC. La proportion de bacheliers dans une génération était en effet d’un cinquième en 1970 (génération des années 50) a dépassé la moitié au début des années 1990 et se situe actuellement autour des trois quarts (Ministère de l’Education Nationale 2016).

Si le niveau de formation atteint son maximum entre 20 et 25 ans, l’effet cycle de vie est, pour l’écrit et le calcul, limité jusqu’à 45 ans. Au-delà de cet âge, la perte de compétences s’accroît. Cette diminution pose le problème de l’employabilité des seniors d’autant plus que l’âge de départ à la retraite tend à être reculé. Par ailleurs, elle pose la question de l’adaptabilité d’une population active vieillissante aux nouvelles techniques.

Selon différentes études, l’effet génération est réel mais tend à se réduire pour les générations nées après 1974. La montée en puissance du nombre de diplômés a été forte parmi les personnes nées dans les années 60 et 70. Si des progrès sont réalisés pour les générations suivantes, les effets en termes de niveau apparaissent moindres. Cette stagnation de l’élévation par la formation corrobore les résultats de l’enquête Programme for the international assessment of adult competencies (PIAAC) de l’OCDE. Preuve que le système éducatif français éprouve des difficultés à gérer l’arrivée massive d’élèves au sein de l’enseignement supérieur, la corrélation entre les compétences et le milieu social d’origine apparaît plus forte pour les générations les plus récentes.

La France figure parmi les pays où la réussite à l’école est le plus liée au milieu d’origine. Or, selon l’OCDE, plus les inégalités d’origine sociales ont un effet sur l’orientation des enfants, plus le niveau général en pâtit. Les conditions de vie jouent également un rôle important. Le fait de vivre en surpeuplement, au sein d’une famille nombreuse ou une famille monoparentale contribuent à un plus faible niveau de formation des enfants concernés.

L’effet cycle de vie doit être intégré dans les réflexions sur l’âge de départ de la retraite. Pour endiguer ce phénomène, il convient, en premier lieu, de relever le niveau initial et organiser un système de formation permettant de ralentir les conséquences du vieillissement. A défaut, il y a un véritable risque de dégradation de la productivité.

Inégalités sociales et formation, dépasser les clichés

La question du traitement des inégalités sociales au regard des différentes études est donc cruciale. La mixité sociale est souvent mise en avant afin de permettre une élévation du niveau des enfants scolarisés. Or, plusieurs études américaines ont démontré qu’elle n’est pas la meilleure des solutions. La mixité est considérée comme le moyen de lutter contre la fracture sociale, la reproduction des inégalités. Aux Etats-Unis, 15 892 familles vivant à Baltimore, Boston, Chicago, Los Angeles ou New-York ont pu par tirage au sort bénéficier de bourse pour se loger dans des quartiers plus huppés. Les chercheurs ont suivi les familles durant 20 ans. Il est apparu que si les enfants qui avaient moins de 13 ans au moment du déménagement s’en sont mieux sortis que ceux qui sont restés dans leur quartier d’origine, le phénomène inverse est constaté pour ceux qui avaient plus de 13 ans. Les chercheurs ont pris en compte le niveau de formation et de revenus ainsi que l’état de santé. Les enfants de 13 ans avaient accumulé trop de retard et ont été rejetés au sein de leur nouveau quartier ce qui les amené à adopter des comportements à risque (violence et prison).

Une autre expérience a été menée toujours aux Etats-Unis au sein de l’Etat du Michigan à partir de 1962. Cet Etat a mis en place un programme « le Perry Preschool Program » concernant les enfants ayant entre 3 et 4 ans et provenant des milieux défavorisés. Ces jeunes enfants bénéficient d’un encadrement spécifique de deux heures et demie par jour dans le cadre de petits groupes (6 enfants au maximum). Par ailleurs, les parents doivent toutes les semaines rencontrés les intervenants du programme. Une fois par mois, ils se retrouvent également en petit groupe pour suivre des cours. Par personne, le programme coûte un peu plus de 16 000 dollars. Le gain pour les enfants, une fois devenus adultes, est important, leurs revenus étant supérieurs de 40 000 dollars à ceux des enfants du même quartier n’ayant pas pu bénéficier du programme. Les économies à terme pour l’Etat sont importantes. Elles sont évaluées à près de 100 000 dollars par personne du fait d’une plus faible criminalité. Entre le coût et le gain du programme, le rapport est de 1 à 10 selon les autorités américaines. A travers ce programme, le Michigan a réussi à élever le niveau des jeunes mais aussi des parents.