6 juillet 2019

Le Coin des Tendances du 6 juillet 2019

Système de santé, quand la France imite le Royaume-Uni

Au Royaume-Uni, la protection sociale est gérée par l’État et repose sur la logique de l’assistance et non de l’assurance. Le service de santé est national et payé par l’impôt. En contrepartie, des mécanismes de rationnement ont été institués. Dès le départ, les médecins généralistes orientent les patients et sont amenés à filtrer leurs demandes comme cela est prévu, en France, depuis 2006 avec la mise en place du médecin traitant.

Le Royaume-Uni comme la France est confronté à une pénurie de médecins généralistes. Ainsi, de plus en plus de patients doivent attendre pour obtenir un rendez-vous avec un praticien. Ils sont de plus en plus souvent inscrits sur des listes d’attente commune à plusieurs médecins qui les appellent en fonction de leurs disponibilités. Du fait du vieillissement du corps médical et du moindre intérêt pour la profession, le nombre de médecins généralistes tend à diminuer Outre-Manche. En 2018, le pays compte 58 généralistes pour 100 000 habitants, contre 66 en 2009. Seulement la moitié des patients disent consulter presque toujours leur médecin préféré, contre 65% il y a six ans. La consultation moyenne ne dure que neuf minutes. C’est la durée la plus faible constatée au sein de l’OCDE.

Pour résoudre ce problème d’accès, l’administration britannique a engagé un programme de formation de nouveaux médecins en améliorant les conditions financières. Elle souhaite également que les pharmaciens et les infirmiers puissent jouer un rôle plus important dans l’orientation et le conseil des patients. Aujourd’hui, 30 % du temps de travail des médecins est consacré à des soins qui pourraient être effectué par d’autres professionnels. L’objectif poursuivi est d’alléger la charge de travail administratifs supportée par les praticiens (11 % de leur temps de travail). Une meilleure répartition du travail pourrait générer des gains de productivité. Une heure d’un médecin coûte plus cher à l’administration de la santé (NHS) qu’une heure d’un infirmier ou d’un physiothérapeute.

Le renforcement des réseaux est également prévu afin de réaliser des économies d’échelle. Chaque réseau représentera une population de 30 000 à 50 000 habitants. Le Ministère de la Santé a l’intention d’utiliser l’intelligence artificielle en valorisant les données issues des différents réseaux afin de prévenir les maladies et de partager les informations avec l’ensemble du personnel en charge de la santé.

La réforme du système de santé est contestée. Les médecins sont assez réticents à entrer dans un système professionnel collectif. 70 % des médecins généralistes déclarent qu’ils ne sont pas disposés à déléguer une partie de leur activité à des professionnels avec lesquels ils ne sont pas habitués à travailler. Les patients britanniques comme les Français apprécient d’être reçus par le même médecin ; or le plan du Gouvernement prévoit qu’ils seront dirigés par les plateformes en fonction des disponibilités. C’est une remise en cause du médecin référent. Ce dernier est remplacé par le réseau référent. Par ailleurs, les patients sont assez réticents à être soignés par des infirmiers ou par un professionnel de santé qui n’a pas le titre de médecin. Une étude britannique de 2018 va à l’encontre des souhaits de l’administration en soulignant que les patients ayant une relation étroite avec leur médecin généraliste obtiennent de meilleurs résultats de santé que les autres et ont tendance à générer moins de frais que ceux qui sont en situation de nomadisme médical. En revanche, une étude commandée par le Ministère de la santé indique que les soins prodigués par les infirmiers donnent des résultats aussi bons voire meilleurs que ceux effectués par des médecins généralistes.

La réforme du système de santé français avec la constitution d’une équipe autour du médecin généraliste s’inspire de l’exemple britannique. Les mêmes problèmes entraînent les mêmes conséquences même si à l’origine les deux systèmes de santé étaient différents.

Des expatriés de plus en plus nombreux et contents de leur situation

La population française vivant à l’étranger s’élevait en 2018 à 3 millions de personnes. Elle progresse de 3,24 % par an en moyenne et cela depuis dix ans. 1,8 million de Français sont inscrits 2018 au registre des Français de l’étranger (tous les Français ne se déclarent pas au consulat). Un tiers d’entre eux sont âgés de moins de 25 ans. La France a été longtemps très en retrait en matière d’expatriation. Dans les années 80, cette situation était jugée préjudiciable pour les exportations. Son développement lors de ces vingt dernières années n’a pas modifié les résultats du commerce extérieure mais marque sans nul doute une rupture. Le fort taux de chômage mais aussi une plus grande ouverture des jeunes sur l’extérieur expliquent la progression du nombre d’expatriés. Le succès du programme Erasmus a contribué à la mobilité des jeunes actifs. Près de la moitié des expatriés français sont implantés en Europe et plus de 20 % en Amérique. Les pays où la présence française enregistrée par le ministère des Affaires étrangères est la plus forte sont, dans l’ordre, la Suisse, les États-Unis, le Royaume-Uni, la Belgique, l’Allemagne et le Canada.

Selon une étude sur le marché du travail en Europe (The Workforce View in Europe 2019), près de 20 % des Français interrogés envisagent de déménager à l’étranger pour travailler au cours des deux prochaines années, et, parmi eux, 4,9 % y songent très fortement. Les volontaires au départ, qui sont majoritairement des hommes (68 %) diplômés (80 %). Ils mettent en avant l’importance au contenu de la mission et au développement de leurs compétences qu’à la sécurité de l’emploi. Si ce ne sont que des intentions, ces résultats témoignent de la montée en puissance de l’appétence pour l’expatriation. Ce souhait de tenter sa chance à l’étranger se retrouve plus fortement chez 25-34 ans qui ont moins de contraintes familiales que les autres tranches d’âge. Dans les faits, l’expatriation est un marché de niches surtout en excluant les Français qui travaillent dans les pays frontaliers comme la Belgique, la Suisse ou le Luxembourg.

La volonté de travailler à l’étranger diffère en fonction des compétences. Les non ou faiblement diplômés rechercheront les moyens de trouver du travail (hôtellerie, restauration) quand ceux diplômés de l’enseignement supérieur privilégient le niveau de rémunération et les conditions de vie. Le désir d’expatriation est ainsi élevé chez les jeunes actifs français travaillant dans l’intelligence artificielle. Ainsi, selon le Boston Consulting Group (BCG), 76 % des experts numériques français – intelligence artificielle, robotique, marketing digital – seraient ainsi prêts à s’expatrier pour développer leur carrière. L’appel des États-Unis ou du Royaume-Uni est fort. Ce phénomène se rencontre chez tous les jeunes quel que soit leur pays d’origine. Néanmoins, en Chine, moins d’un expert digital sur quatre envisagerait selon le BCG une telle démarche ».

Selon la 12e édition de l’étude HSBC Expat Explorer, réalisée en partenariat avec l’institut de sondage YouGovn, les expatriés sont gagnants en termes de rémunération et de promotion au sein de leur entreprise. Au moment de décider de partir à l’étranger, les perspectives de carrière sont le principal critère de choix pour les jeunes (47 %). Le niveau de la rémunération joue dans 29 % des cas. 49 % des expatriés ont bénéficié d’une majoration de leur rémunération. A titre comparatif, 55% des expatriés européens déclarent percevoir une rémunération supérieure depuis leur arrivée dans leur pays d’accueil. L’expatriation permet une accélération globale de la carrière des jeunes (moins de 35 ans). 71 % d’entre eux affirment avoir développé de nouvelles qualités et compétences. Pour les Français, l’expatriation est aussi synonyme d’acquisition de nouvelles compétences (64 %).

Les expatriés s’insèrent de plus en plus dans la vie de leur pays d’accueil surtout quand il s’agit d’un pays européen. Ils participent à la vie locale notamment à travers la participation aux élections. Près des deux tiers des expatriés sont propriétaires d’un bien immobilier, ce taux est supérieur à la moyenne française (58 %). 39 % ont acquis un bien en France et 33 % dans leur pays d’accueil. Cet écart s’explique en partie par le fait que les expatriés ont des revenus supérieurs à la moyenne des Français. 45% des moins de 35 ans établis à l’étranger sont d’ores et déjà propriétaires d’un bien tandis que 6% sont multipropriétaires et possèdent au moins deux biens. La possession d’un bien immobilier est considérée comme une sécurité en cas de difficulté, d’interruption de la mission à l’étranger. En achetant dans le pays d’accueil, il y a la volonté de s’y insérer durablement.

Au moment de leur départ, seuls 15 % des Français expatriés envisagent de passer plus de 20 ans dans leur pays d’accueil. Une fois installés, ils sont plus d’un quart (28 %) à affirmer vouloir rester plus de deux décennies. La durée moyenne de l’expatriation est de 11 ans. Plus le nombre d’années à l’étranger augmente, plus le souhait de revenir en France s’affaiblit. La scolarisation des enfants et les problèmes de santé constituent les deux facteurs contribuant au retour en France. L’allongement des périodes d’expatriation n’est pas sans conséquence en matière de couverture « retraite » surtout pour les actifs qui ne sont pas salariés au sein de grands groupes internationaux ou qui travaillent dans des pays qui ne bénéficient de convention avec la France sur le sujet. 60 % des expatriés déclarent épargner en vue de leur retraite de manière régulière, ce qui est bien plus élevé que le taux des Français résidents.

Quand les Français expatriés sont interrogés sur les raisons qui les poussent à rester plus longtemps que ce qu’ils avaient initialement prévu, une majorité d’entre eux (52 %) affirment qu’ils prolongent leur séjour pour parachever leur évolution professionnelle. 49 % mettent en avant la volonté de maintenir leur niveau de vie. 68 % des Français expatriés avaient déjà expérimenté une première expatriation, une proportion supérieure à celle observée au niveau mondial (56 %).