8 juillet 2017

Le Coin des tendances du 8 juillet 2017

Paris peut-il l’emporter sur Francfort ?

Avec le Brexit, la question du transfert de certaines activités financières actuellement logées à Londres vers le continent a été posée. Paris, Francfort, Dublin Luxembourg voire Bruxelles se positionnent pour suppléer le cas échéant la City. Évidemment, tout dépend des négociations et des politiques qui seront mises en œuvre en Europe et au sein des différents États européens. Les activités financières peuvent, en effet, migrer en zone euro ou se déplacer bien plus loin, à New-York ou à Singapour, ou tout simplement rester à Londres.

Est-ce que dans ce match rempli d’incertitudes, Paris peut l’emporter et redevenir une place financière de premier plan ?

La France bénéficie d’un fort secteur financier qui représente de 4 à 5 % de la valeur ajoutée nationale, comparable en poids à celui de l’Allemagne, de l’Italie ou de l’Espagne. Les banques et les compagnies d’assurances françaises sont reconnues pour leur solidité. Plus de 750 000 personnes travaillent en France pour le secteur financier. Au Royaume-Uni, le secteur financier représente plus de 7 % du PIB et emploie plus d’un million de personnes dont plus de 50 % sont concentrées sur Londres. Ce phénomène de concentration se retrouve à Paris qui emploie 40 % du personnel du secteur financier.

Cinq établissements financiers français comptent parmi les quinze premières banques européennes, soit le même nombre que pour le Royaume-Uni. Francfort ne compte qu’une seule banque figurant dans ce classement.

Paris occupe des places plus honorables sur les différents segments du secteur financier. Ainsi, elle est en deuxième position, derrière Londres, pour les marchés de gré à gré. En Europe, elle se situe au deuxième rang (derrière Londres) pour le montant des actifs sous gestion et au troisième pour la domiciliation de fonds (derrière le Luxembourg et Dublin). Malgré tout, la place de Paris est trop franco-française. Elle n’arrive qu’à capter marginalement des flux de capitaux internationaux. En outre, depuis une dizaine d’années, le secteur financier constate des sorties d’actifs au profit du Luxembourg. Ainsi, la France n’a capté que 4 milliards d’euros de primes d’assurances en provenance de l’étranger quand ce montant atteint 20 milliards d’euros au Luxembourg. Les assureurs français installés au Luxembourg auraient encaissé, en 2015, pour 7 milliards d’euros de primes quand le marché domestique de ce pays ne pèse que 1,3 milliard d’euros.

En ce qui concerne l’assurance, Paris compte quatre représentants parmi les vingt premiers groupes européens dont le premier assureur mondial. La France est le deuxième marché de l’assurance en Europe derrière celui du Royaume-Uni. Si l’Allemagne dispose également de grands groupes, ceux-ci n’ont pas installé leur siège à Francfort (Munich et Hanovre).

Paris apparaît, en revanche, un peu à la traîne pour les FinTech. En la matière, la capitale est devancée par Londres, Francfort et Dublin. Néanmoins, les montants investis sont en forte augmentation, +750 % en 2015. Trois FinTech françaises figurent parmi les 100 premières mondiales. La France est, en revanche, bien représentée sur le marché du financement participatif.

La France peut s’appuyer sur des structures d’enseignement réputées pour la finance. Chaque année, plus de 8000 étudiants sont formés pour les métiers du front-office et 18 000 pour les métiers du middle et back-office. Notre pays dispose d’une filière mathématique parmi les meilleures du monde dont les diplômés se dirigent en partie vers le secteur financier. En 2016, 5 écoles françaises figurent parmi les 10 premières au sein du classement mondial des masters de finances. Les entreprises étrangères font appel à de nombreux étudiants français avant même leur arrivée sur le marché du travail, preuve du bon niveau des formations délivrées.

Paris peut également mettre en avant un marché de l’immobilier de bureaux dynamique et de qualité. Il s’élève à plus de 1,950 million de mètres carrés contre 470 000 à Francfort.

Paris a l’avantage d’abriter 29 sièges de sociétés comptant parmi les 500 plus importantes à l’échelle mondiale ce qui la place au 1er rang européen et au 3e rang mondial derrière Tokyo et Pékin. Francfort est pénalisée par la dissémination des sièges sociaux dans les grandes villes allemandes (Berlin, Munich, Stuttgart, etc.).

Le caractère centralisé de la France peut être un atout en ce qui concerne la supervision. Le rôle de l’ACPR et de la Banque de France est reconnu quand, en Allemagne, la structure fédérale est une source de complexité. Le Ministère des Finances depuis le milieu des années 80 joue plutôt un rôle positif pour le développement du secteur financier en dehors de la problématique du niveau des prélèvements obligatoires.

Parmi les autres atouts dont dispose Paris figurent la présence de deux grands aéroports internationaux, Charles de Gaulle et Orly, ainsi que d’infrastructures ferroviaires et routières de qualité.

Paris dispose d’avantages certains. En ce qui concerne les faiblesses, elles sont connues et sont liées aux prélèvements, au code du travail et à la surrèglementation.

 

L’aide publique en faveur de la R&D des PME est-elle efficace ?

En France, le poids des dépenses intérieures de recherche et développement (R&D) des entreprises est en en léger retrait par rapport aux autres grands pays : 1.45 % du PIB en 2014 contre 1.6 % pour la moyenne de l’OCDE, près de 2 % en Allemagne et 2.8 % au Japon (OCDE, 2017).

Au cours des années 2000, les pouvoirs publics ont fortement développé les dispositifs d’aides pour accroître les dépenses privées de R&D. L’aide aux entreprises au titre de leurs dépenses de recherche a atteint, en 2013, près de 8 milliards d’euros soit près de 0.4 point de PIB (contre moins de 0.2 en 2003). En 2013, la France est le 3e pays au monde en termes de financement public de la R&D et le premier en termes d’incitation fiscale à la R&D (OCDE, 2016).

Le crédit d’impôt recherche (CIR) a été réformé à plusieurs reprises à partir de 2004 et particulièrement en 2008, afin de permettre aux PME d’y accéder. Les petites entreprises ont en effet bénéficié de la mise en place en 2004 du statut de jeunes entreprises innovantes (JEI) pour les entreprises de moins de huit ans spécialisées dans les activités de R&D. Les petites entreprises peuvent également recevoir des aides directes attribuées par la BPI. Suite aux réformes successives du CIR, le mon­tant de cette aide a été multiplié par 11 entre 2003 et 2010 pour atteindre à cette date près de 5 milliards d’euros. Le statut de JEI créé en 2004 accorde des allègements de cotisations patronales aux seules PME de moins de huit ans dont les activités de R&D représentent au moins 15 % de leurs charges. Le montant global des aides liées au statut de JEI est beaucoup moins important que celui du CIR (près de 140 millions d’euros en 2010), mais a doublé entre 2004 et 2010. Pour les TPE, il correspond à près de 20 % de l’ensemble des aides indirectes. Les aides directes correspondent à des subventions bénéficiant à des projets ou couvrant un type précis de dépenses. Ces subventions comprennent des avances remboursables (leur remboursement est lié au succès du projet soutenu), des primes, des prêts bonifiés, des garanties, et des com­mandes publiques. Elles sont délivrées par les collectivités locales, par différents acteurs nationaux comme la BPI ou le Fonds unique ministériel (FUI), ou par l’Union européenne.

Le montant total des aides à la R&D (directes et indirectes) reçues par les PME a augmenté de 300 % entre 2003 et 2010 et atteint près de 2 milliards d’euros dont 26 %, soit près de 500 millions d’euros, ont été perçus par les TPE.

Cette politique a eu pour conséquences d’accroitre le poids du financement public dans le R&D réalisée par les PME. En 2010, 50 % des dépenses de R&D déclarées par les très petites entreprises (TPE) bénéficiant du CIR ont été financées par des aides, contre 42 % pour les autres PME, 36 % pour les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et 34 % pour les plus grandes entreprises).

Ces aides sont jugées utiles étant donné que les PME, ne disposent pas de la taille suffisante pour financer leur effort de recherche par elles-mêmes. Elles seraient d’autant plus nécessaires que les PME ont un potentiel d’innovations supérieur à celui des grandes entreprises (Aghion 2012, Schneider & Veugelers, 2010, Cincera & Veugelers, 2012). Les dispositifs publics auraient permis aux entreprises de taille moyenne de conserver des chercheurs, des ingénieurs qui auraient pu rejoindre des grands groupes. En effet, depuis une dizaine d’années, les rémunérations des personnels en charge de la R&D ont augmenté dans les PME. Les aides à la R&D consacrées à l’emploi représentent environ trois quarts des aides à la R&D perçues par les TPE et les autres PME. Entre 2003 et 2010, les aides à la R&D consacrées à l’emploi ont augmenté de 280 % pour les TPE et de 440 % pour les autres PME, avec une hausse particulièrement forte en 2008 (sources INSEE).

La multiplication des aides se révèle, selon d’autres études, assez décevante. Selon le principe de l’effet d’aubaine, elles profiteraient en effet aux PME qui, de toute façon, auraient réalisé des dépenses de recherche ou à celles qui n’avaient pas de réels problèmes de financement.

En raison de résultats très ambigus, le Ministère de l’Economie et des Finances souhaiterait restreindre le Crédit d’Impôt pour la Recherche. Ce dispositif a toujours été contesté par Bercy qui, régulièrement, tente de le durcir en raison de son coût. Le Ministère met en avant que les autres pays européens ne disposent pas d’un tel crédit d’impôt sans pour autant que cela nuise à l’effort de recherche développement. Le CIR est devenu pour de nombreuses entreprises un moyen indirect pour réduire les coûts et non un mécanisme en faveur de la recherche. Néanmoins, le réduire ou le supprimer est jugé comme dangereux pour la compétitivité des entreprises françaises. Le débat est cornélien et dure depuis plus d’une vingtaine d’années.

 

Russie, Europe, États-Unis, les grandes incompréhensions

La Russie et les pays membres de l’Union européenne entretiennent des rapports anciens. La Russie a toujours été un acteur important de l’histoire du continent. Malgré quelques tentations russes de regarder vers l’Est, la Russie est un pays européen.

La crise ukrainienne a abouti à la mise en sommeil de nombreux accords liant les deux zones économiques. Avant la crise ukrainienne, les relations économiques entre la Russie et l’Union européenne étaient en forte croissance. Si la Russie n’était que le quatrième partenaire de l’Union (6 % des échanges en 2015), cette dernière était son premier partenaire (44,8 %). L’Union européenne devançait nettement la Chine (30,7 %). Au sein de l’Union, l’Allemagne était de loin le premier partenaire avec des échanges portant sur 49 milliards d’euros. La France arrivait au 6e rang avec 11 milliards d’euros.

Les exportations russes vers l’Union étaient constituées à 68 % pétrole, de gaz et de charbon. Les pays de l’Union exportent vers la Russie des machines-outils (22 %), des équipements mécaniques (22 %), des véhicules (10 %), de l’équipement électronique et électrique (9,3 %), des médicaments (8,1 %) et des produits agro-alimentaires (7,3 %).

La crise ukrainienne a abouti à la mise en place de sanctions croisées entre la Russie et l’Union européenne. Les chefs d’État et de Gouvernement ont décidé, le 6 mars 2014, de mettre en place des mesures restrictives graduées à l’encontre de la Russie.

Dans le cadre de la phase 1, les négociations sur la délivrance des visas et celles sur le nouvel accord global UE/Russie furent suspendues. Il a été également décidé que la Russie ne participerait plus au G8. Les sommets Russie / UE sont reportés jusqu’à nouvel ordre. Par ailleurs, l’examen de la demande d’adhésion de la Russie à l’OCDE et à l’Agence Internationale de l’Energie est différé.

Dans le cadre de la phase 2, des sanctions à l’encontre de personnes et de structures pouvant tirer profit de l’occupation du territoire ukrainien ont été prises (retrait de visas, gel des avoirs). Ces mesures concernent 146 personnes et 37 entreprises ou organismes.

Dans le cadre de la phase 3, depuis l’été 2014, des sanctions économiques sectorielles ont été instituées. L’accès aux marchés de capitaux européens ont été interdits à plusieurs institutions et entreprises russes. Cinq banques d’État, trois organismes liés à la défense et trois entreprises pétrolières sont ainsi concernés. Un embargo sur le commerce des armes a été décidé. Les exportations de biens pouvant être utilisés à titre militaire sont également proscrites. Les exportations de technologies sensibles dans le domaine de l’énergie, à l’exception du gaz, sont interdites. La durée de ces mesures est de 6 mois reconductible. Depuis 2014, elles l’ont toujours été.

En plus de ces mesures visant la Russie, des restrictions commerciales concernant spécifiquement la Crimée ont été prises. Les importations en provenance de la Crimée et de Sébastopol sont interdites ainsi que les investissements liés aux infrastructures. Les députés de Crimée ne peuvent pas se rendre en Europe.

En rétorsion, la Russie impose des sanctions à l’encontre de l’Union européenne, le Canada, les États-Unis, l’Australie et la Norvège. Elles concernent les importations de produits agricoles et de matières premières.

Le maintien ou la levée des sanctions internationales à l’encontre de la Russie dépend de l’application des accords de Minsk en date du 12 février 2015 qui visent tant à restaurer l’intégralité du territoire ukrainien, qu’à assurer la paix et à permettre un fonctionnement normal des institutions.

L’économie russe a été confrontée à un double choc économique, celui généré par la baisse des cours du pétrole et celui lié aux sanctions. Pour ces dernières, les mesures relatives au financement ont été les plus durement ressenties. Avant la crise, plus de 75 % des investissements directs étrangers et des prêts aux entreprises russes provenaient de l’Union européenne. Depuis 2014, 60 % du secteur bancaire russe est privé de d’accès aux marchés de capitaux occidentaux. Les restrictions commerciales auraient amputé le PIB russe de 1 à 2 %.

Pour l’Union européenne, la chute des exportations vers la Russie a été, en 2014, de 11 %. Cette contraction n’est pas intégralement imputable aux sanctions. La récession provoquée par la chute du pétrole et la crise de change a également contribué à la diminution des importations. Néanmoins, près de la moitié des exportations européennes de produits agroalimentaires (43 %) a été visée par l’embargo. C’est une perte de 5,1 milliards d’euros de chiffres d’affaires pour la filière. L’Allemagne, les Pays-Bas et la France ont été les plus pénalisés par l’embargo.

L’Europe a décidé de renouveler pour six mois supplémentaires les sanctions qui seront applicables jusqu’au 31 décembre 2017. Aux États-Unis, si le Président Donald Trump était disposé à atténuer les embargos, le Sénat a adopté, le 15 juin dernier, un projet de loi plus contraignant. Ce projet de loi prévoit d’étendre les sanctions existantes aux entreprises publiques des secteurs minier, métallurgique, des transports ferroviaire et maritime ainsi que des pipelines. De plus, il vise à réduire la durée de financement des banques et des entreprises pétrolières russes à respectivement 14 et 30 jours contre 90 jours actuellement. Des mesures visant à limiter les acquisitions russes aux Etats-Unis ont été prévues. L’assouplissement des sanctions nécessitera, au préalable, l’accord des deux tiers des membres de la Chambre des représentants et du Sénat quand aujourd’hui, le Président, seul, détient ce pouvoir. Pour être applicable, le projet de loi doit être adopté par la Chambre des représentants et être ratifié par le Président américain.

La situation en Ukraine apparaît bloquée. Les accords de Minsk sont difficilement applicables en l’état. La Russie se satisfait du blocage actuel  considérant que l’Ukraine est durablement affaiblie et que son intégration à l’Union européenne et à l’OTAN n’est plus d’actualité. En cas de règlement du dossier, Moscou craint que le gouvernement ukrainien se précipite à Bruxelles pour adhérer aux deux organisations. Néanmoins, la Russie a besoin d’accéder à des sources de financement extérieures pour se moderniser, réaliser des infrastructures et mettre à niveau son secteur énergétique. Les importations de biens d’équipement sont nécessaires pour maintenir la production du secteur pétrolier et gazier qui constitue sa principale source de devises. Un accord serait également bienvenu avant la tenue de la Coupe du Monde de football prévue en 2018.

Le gel du dossier ukrainien est préoccupant. Il crée un abcès de fixation sur le flan Est de l’Union européenne avec des tensions au sein des Pays Baltes et en Pologne. Par ailleurs, il pénalise les entreprises européennes présentes en Russie.