6 mai 2023

Le Coin des Tendances – Israël – gestion d’actifs

Les gestionnaires d’actifs face à la nouvelle donne des marchés

Une décennie de faibles taux d’intérêt a provoqué une augmentation sans précédent des prix de l’immobilier et des valeurs « actions » cotées et non cotées. Aux États-Unis, les fonds de pensions et les gestionnaires d’actifs ont investi massivement dans le private equity, dans les actions et dans les infrastructures à la recherche de rendements afin de compenser les pertes subies durant la crise financière de 2007/2009. Les trois plus grandes sociétés américaines d’investissement cotées en bourse – Apollo, Blackstone et KKR – gèrent ensemble plus de 2 000 milliards de dollars d’actifs, contre 187 milliards de dollars en 2008.

Le relèvement des taux d’intérêt avec un risque de récession en perspective, pourrait fragiliser le capital-investissement. L’achat, la gestion et la vente d’entreprises lourdement endettées et donc tributaires des taux d’intérêt sont plus difficiles aujourd’hui que durant les années 2010. Les rendements escomptés sont orientés à la baisse. Ces derniers commencent à être concurrencés par ceux des placements de taux. Les gestionnaires de capital-investissement bénéficiaient lors de la dernière décennie de la hausse des valorisations pour réaliser de bonnes opérations. Par ailleurs, le coût réduit de la dette ne pesait pas sur les rendements. Désormais, les gains dépendent de la bonne gestion des entreprises.

Les gestionnaires d’actifs ne restent pas désarmés face à cette nouvelle donne financière. Ils ont réduit leurs engagements en matière du capital-risque au profit de la participation à des fonds obligataires ou à des fonds d’infrastructures. Au cours du premier trimestre 2023, Blackstone a orienté une grande partie des apports d’investisseurs vers sa branche crédit et assurance. Ces apports sont supérieurs à ceux dont bénéficient le capital-risque. Apollo et KKR ont fait de même. Les gestionnaires d’actifs tendent par ailleurs à remplacer sur certains marchés de prêts les banques qui tendent à réduire leur exposition aux risques. Ils sont ainsi présents sur le marché du financement des opérations de rachat. Ils participent à des plans de refinancement d’établissements financiers surendettés ou en manque de liquidités.

Le marché du capital-investissement ne devrait pas être longtemps déprimé. Les fonds souverains, en particulier ceux des pays du Golfe, disposent de liquidités importantes en recherche d’emploi. L’acquisition d’entreprises est de plus en plus privilégiée par ces pays. Ce marché pourrait être en revanche de moins en moins transparent du fait de l’intervention croisée d’investisseurs étatiques et de gestionnaires actifs remplissant des fonctions de plus en plus bancaires. La nécessité d’une surveillance accrue de ce segment financier pourrait s’imposer dans les prochaines années pour éviter qu’un défaut de paiement crée un effet domino.

Les 75 ans d’Israël : des doutes et des défis

En 2023, Israël a fêté son 75e anniversaire, ce qui peut apparaître comme un exploit pour un État dont les principaux voisins n’ont de cesse, depuis des années, de vouloir sa disparation. Cet exploit est d’autant plus remarquable qu’en 1948, cet État ne disposait que de peu d’atouts.

La startup nation

Doté de peu de ressources énergétiques et de matières premières, Israël a fait le pari du développement par les technologies. La vitalité de sa recherche lui a permis de se hisser parmi les États les plus innovants. Sa grande richesse a été, durant ces soixante-quinze années, son capital humain en formant de nombreux jeunes. Les besoins de l’armée ont également joué un rôle dans l’essor du secteur de la haute technologie.

Face aux problèmes d’accès à l’eau, l’État a créé un réseau de dessalement. 50 % de l’eau consommé en Israël est issue des usines de dessalement. Cette eau a permis le développement d’une culture de fruits et de légumes qui est exportatrice.

Un îlot démocratique

Malgré la succession de guerres et de crises, Israël est restée une démocratie dans une région qui en compte peu. La guerre du Yom Kippour de 1973 qui a failli se solder par une défaite, l’invasion ratée du Liban en 1982, l’assassinat du Premier ministre Yitzhak Rabin en 1995, l’incapacité à conclure la paix avec les Palestiniens, n’ont pas empêché le maintien d’une économie de marché dynamique reposant sur des valeurs libérales au sens politique du terme. La société israélienne a longtemps mis en avant des valeurs libérales qui ont attiré de nombreux jeunes actifs et notamment des chercheurs en provenance d’Europe ou des États-Unis.

Israël a réussi ces trente dernières années à sortir de son isolement géographique et à tisser des liens avec certains de ses voisins comme la Jordanie et les Émirats Arabes Unis. La menace iranienne a provoqué des mouvements diplomatiques dont Israël sort gagnante et exporte de plus en plus au Proche et Moyen-Orient, ce qui était impensable il y a quarante ans. Le pays a également renforcé ses relations économiques avec l’Allemagne, les pays d’Europe de l’Est et, avant la guerre en Ukraine, la Russie. Elle a essayé, à ce titre, de jouer le rôle d’intermédiaire dans les premières semaines de la guerre en Ukraine.

Une réussite économique indéniable

En 1980, le PIB par habitant d’Israël était d’environ la moitié de celui de l’Allemagne ; maintenant, il est de 12 % supérieur. Un Israélien a un niveau de vie supérieur de 30 % à celui d’un Français. Israël est devenue au fil des décennies une puissance économique. Elle est onze fois plus riche que l’Égypte. Elle compte plus de startups technologiques que le reste du Moyen-Orient et plus de prix Nobel que la Chine. Elle a su intégrer un grand nombre d’immigrés. Après la chute de l’URSS, elle a ainsi géré l’arrivée d’un million de migrants juifs. En 1991, l’État israélien avait réussi à acheminer vers son territoire près de 15 000 juifs d’Éthiopie.

Des défis majeurs à surmonter

·       Une population segmentée

Israël n’échappe pas à la segmentation de sa population, menace qui concerne toutes les démocraties. Dans un État appelé à faire face à des attaques militaires récurrentes, cette segmentation est bien plus dangereuse que dans les autres pays. Cette segmentation politique et religieuse s’inscrit dans une période de forte augmentation de la population qui devrait passer de 10 à 20 millions d’ici à 2065. Cette progression devrait s’accompagner d’une montée en puissance des juifs ultra-orthodoxes. Ces derniers représentaient 11 % de la population totale d’Israël en 2015. En 2040, ce chiffre devrait atteindre 20 %, puis 32 % en 2065. Le pourcentage d’Arabes dans la population israélienne devrait rester constant autour de 20 %. Le barycentre de la vie politique devrait être plus à droite que dans le passé. Les valeurs libérales qui ont façonné Israël de sa création jusque dans les années 2000 sont de plus en plus fragilisées. Les jeunes informaticiens épris du modèle américain pourraient être tentés de rejoindre la Californie ou la Floride, ce qui nuirait à la croissance.

·       Le problème palestinien, un problème israélien

Le problème palestinien a durant des décennies était un sujet international pour lequel se mobilisaient les grandes puissances. De problème international, il s’est transformé en problème interne à Israël. Jusqu’aux années 2000, les Palestiniens dont le nombre est actuellement de trois millions en Cisjordanie dont deux millions dans la bande de Gaza, bénéficiaient du soutien inconditionnel des pays arabes du Moyen Orient. Ils avaient des relais au sein des pays occidentaux. Les présidents américains jouaient le rôle de médiateur. Après les Accords d’Oslo de 1993, négocié sous l’égide de Bill Clinton, le durcissement des positions, l’assassinat de Rabin en 1995 et le décès d’Arafat en 2004 mirent fin aux espoirs de normalisation. Progressivement, les pays arabes se sont détournés de la cause palestinienne, la menace iranienne étant jugée plus préoccupante.

Avec la moindre acuité internationale du problème palestinien, Israël est sortie de son isolement diplomatique au niveau régional en signant en 1994 un accord de paix avec la Jordanie (accords de Wadi Araba) qui fait suite à celui avec l’Égypte de 1979. Cet accord reconnait les droits et les frontières des deux pays, sachant que la population jordanienne est à 20 % palestinienne. En 2020, les Émirats Arabes Unis, Bahreïn et Israël ont également signé des accords de paix (Accords d’Abraham). Si la cause palestinienne a moins d’échos au niveau international, elle reste un problème pour Israël d’autant plus que l’influence de l’Iran dans la bande de Gaza est de plus en plus importante. Le lancement régulier de roquettes sur plusieurs villes israéliennes rappelle l’existence de ce problème qui est tout autant politique qu’économique. Le PIB par habitant en Cisjordanie est inférieur de 94 % à celui d’Israël. La radicalisation de part et d’autre empêche tout rapprochement des positions. L’Autorité palestinienne a perdu en légitimité et n’arrive pas à organiser les élections législatives. En Israël, les coalitions sont de plus en plus déportées à droite et sont otages des partis religieux qui refusent tout compromis. Au sein de la société israélienne, deux lignes s’opposent, l’acceptation d’un développement économique mutuel ou un isolement total. La paupérisation croissante des Palestiniens et le délabrement des structures publiques au sein de leur deux territoires favorisent les mouvements extrémistes financés essentiellement par l’Iran.

·       L’éloignement américain

Le troisième défi pour Israël est l’éloignement progressif de son principal allié depuis 1948, les États-Unis. Ces derniers furent le premier pays à reconnaître Israël et à lui apporter son soutien. Ils fournissent deux tiers des armes utilisées par Israël. Pour autant, les États-Unis sont de moins en moins impliqués dans la zone eu Proche et du Moyen-Orient. L’Asie et, en particulier la Chine, est devenue leur principal sujet de préoccupation. Redevenus indépendants sur le plan énergétique, les États-Unis ont moins d’intérêts à défendre au Moyen-Orient. La structure de la population américaine explique également un regard distancié vis-à-vis d’Israël. Elle est plus hispanique que dans le passé. Elle a moins en mémoire la Shoah et les premières années de l’État d’Israël. L’image de ce dernier aux États-Unis s’est dégradée. Un quart des juifs de ce pays estiment que cet état pratique l’apartheid. Donald Trump avait néanmoins fait un geste en reconnaissant Jérusalem comme capitale de l’État hébreu mais, au-delà de cet effet d’annonce, les relations étaient malgré tout compliquées.

·       le défi institutionnel

Le dernier défi est institutionnel. Israël est une véritable démocratie mais ne dispose pas de Constitution. Tant que les forces politiques partageaient de nombreuses valeurs, cette absence n’était pas un problème. Avec la radicalisation des positions, la donne change. La volonté du Premier Ministre Netanyahu de réformer la Cours suprême a démontré tout à la fois les tentations populistes et les divisions au sein du pays. Le Premier ministre souhaitait modifier le processus de nomination des juges et introduire une clause dérogatoire permettant au Parlement d’annuler à la majorité simple certaines décisions de la Cour suprême. Des manifestations importantes ont contraint le gouvernement de suspendre la discussion de ce projet de loi. Au-delà de son contenu, la nécessité de fixer le cadre constitutionnel d’exercice du pouvoir avec une séparation des pouvoirs apparaît nécessaire.

Israël, depuis 1948, a réussi de concilier développement économique et respect des règles démocratiques tout en étant en état en guerre quasi permanent. Cette réussite n’en demeure pas moins fragile comme en témoignent les tensions actuelles. Le pays doit tout à la fois faire preuve de maturité tout en conservant l’esprit des pionniers. La menace de l’Iran qui contrôle une partie du Liban et des territoires palestiniens oblige Israël tout à la fois de disposer du soutien des Etats-Unis et de ses voisins. Avec la montée en puissance économique et financière de l’Arabie Saoudite, des Emirats Arabes Unis ou du Qatar, le pays doit conserver sa force d’innovation en formant et en attirant de nombreux chercheurs.