1 octobre 2022

Le Coin des Tendances – publicité digitale – décarbonation industrie

La fin de l’eldorado pour la publicité en ligne ?

Au cours de la dernière décennie, deux vérités digitales s’étaient imposées : l’insensibilité de ce secteur aux cycles économiques, accélérant en permanence et profitant des crises pour se développer d’une part, et, d’autre part, la mainmise de la publicité en ligne par deux entreprises, Google et Meta. Avec le ralentissement de l’économie chinoise et une possible récession en Occident, les entreprises réduisent leurs budgets marketing. Si jusqu’à récemment, en période de ralentissement, les entreprises augmentaient leur budget de publicités en ligne, il en serait autrement actuellement. Au dernier trimestre, Meta a annoncé sa toute première baisse de revenus d’une année sur l’autre. Un concurrent de Meta, Snapchat, a annoncé le licenciement d’un cinquième de ses effectifs.

Le marché de la publicité en ligne n’est plus en expansion. En outre, un rééquilibrage s’opère entre les différents acteurs. Meta et Alphabet, la maison mère de Google, doivent faire face à la montée de concurrents même si leurs positions restent dominantes dans le secteur de la publicité en ligne. Les deux géants devraient capter pour 300 milliards de dollars de revenus publicitaires cette année, mais les quatre concurrents suivants représenteront près du quart de ce montant. Avant la crise sanitaire, ses concurrents ne réalisaient que 15 % du chiffre d’affaires des deux premiers. Le nouveau venu le plus bruyant sur la scène de la publicité numérique est la société chinoise TikTok. Au cours des cinq années qui ont suivi son lancement, l’application de courtes vidéos a capté une partie des recettes publicitaires qui, auparavant, se logeaient sur Facebook et Instagram, les deux plus grandes marques de Meta. Le chiffre d’affaires mondial de TikTok dépassera 11 milliards de dollars cette année et devrait doubler d’ici 2024. Au-delà de la concurrence de, Meta et Google doivent également tenir compte d’entreprises américaines comme Amazon qui devrait représenter près de 7 % des revenus mondiaux de la publicité numérique cette année, contre moins de 1 % il y a seulement six ans. La société n’a commencé à communiquer les détails de son activité publicitaire qu’en février 2022, quand elle a révélé son chiffre d’affaires 2021 dans ce secteur, soit 31 milliards de dollars. Ce montant correspond aux résultats publicitaires de l’ensemble de l’industrie mondiale de la presse. Les dirigeants d’Amazon parlent désormais de la publicité comme l’un des trois moteurs de l’entreprise, aux côtés de la vente au détail et du cloud computing. Le suivant est Microsoft qui devrait tranquillement prendre plus de 2 % des ventes mondiales cette année, soit un peu plus que TikTok. Son moteur de recherche Bing ne détient qu’une petite part du marché de la recherche mais est rentable. Son réseau social, LinkedIn, monétise le temps que les utilisateurs y passent à un niveau quatre fois supérieur à celui de Facebook. Il génère plus de revenus que certains réseaux de taille moyenne, notamment Snapchat et Twitter. Microsoft capte des ressources en provenance des entreprises avec une bonne récurrence.

Apple s’est développée sur un modèle n’incluant pas la publicité. Or, depuis quelques années, elle insère des publicités numériques de plus en plus intrusives dans ses applications. Avec l’arrivée à saturation du marché des smartphones, la société cherche de nouvelles sources de revenus en s’appuyant sur 1,8 milliard d’appareils en circulation (smartphones, tablettes, montres, écouteurs intelligents, etc.). L’activité publicitaire d’Apple rapporte 4 milliards de dollars par an, soit autant que Twitter.

Les grandes régies publicitaires digitales doivent faire face à l’évolution de la législation qui est de plus en plus contraignante. Les règles sur la «transparence du suivi des applications» modifient en profondeur le marché. Initié par Apple pour son intérêt, ces règles ont été reprises par l’Union européenne et devraient l’être prochainement par les États-Unis. La répression du suivi a été particulièrement dure sur les plateformes qui diffusent des publicités display (affichage publicitaire sur des sites internet éditeurs) ciblant les consommateurs en fonction de leurs intérêts, par opposition aux éléments qu’ils ont activement recherchés. Meta, dont les réseaux sociaux sont spécialisés dans de telles publicités, a déclaré en février que ces législations réduiraient de 10 milliards de dollars son activité publicitaire cette année. Il essaie de développer d’autres moyens de déterminer les intérêts des consommateurs. De même, les petites plateformes dépendent des publicités display. Le durcissement de la réglementation a contribué à la chute de la valorisation boursière de Snapchat qui a chuté de 85 %, soit 102 milliards de dollars, au cours des 12 derniers mois. En revanche, Amazon, Apple et Microsoft sont à l’abri des initiatives anti-pistage car ils recourent avant tout à leurs propres données. Les publicités d’Amazon sont fondées sur ce que les utilisateurs recherchent sur son site. Il n’y a pas d’utilisation de données extérieures. Bing de Microsoft est également immunisé. LinkedIn l’est probablement moins, même si Microsoft pourrait théoriquement utiliser les données de Bing pour affiner les publicités présentées à ses utilisateurs. Les publicités sur l’App Store d’Apple suivent le même principe qu’Amazon. Les groupes tentent de valoriser en interne les données pour échapper aux contraintes réglementaires. Apple se préparerait à introduire des publicités sur son application de géolocalisation « Maps », pour promouvoir les entreprises locales. Avec ApplePay, cette société détient des données à forte valorisation qu’elle pourrait exploiter finement pour faire un suivi de clients.

Avec la télévision connectée, l’autre grand changement à venir est de cibler des publicités en fonction des téléspectateurs. Ainsi, ces derniers en fonction de leurs habitudes de consommation ne recevraient pas les mêmes publicités avant de regarder le 20 heures de TF1. Les chaînes de télévision réclament ce développement face à la concurrence de plus en plus importante des services de diffusion en streaming. Si dans un premier temps, Netflix et ses concurrents ne diffusaient pas de publicités, ce modèle est en train d’évoluer. Amazon diffuse déjà des publicités au côté du sport sur son service de streaming Prime Video. Apple a fait de même sur Apple tv+, et pourrait encore lancer un niveau d’abonnement financé par la publicité, comme Netflix et Disney+ l’ont annoncé. Microsoft n’a pas d’offre télévisuelle, mais l’acquisition de Xandr, une société de technologie publicitaire, lui permet de proposer des services de publicités ciblées à destination des applications de diffusion en ligne, Netflix a ainsi choisi Microsoft pour gérer sa prochaine activité publicitaire, à la déception de Google, qui avait soumissionné pour le contrat. La publicité s’étend également au streaming audio. Cela représente une opportunité pour Amazon et Apple qui proposent tous deux ce type de services et fabriquent des haut-parleurs intelligents. Les assistants à commande vocale comme Alexa et Siri, pourraient également être des vecteurs de messages publicitaires. Les jeux vidéo avec leurs centaines de millions de clients sont une cible pour les publicitaires digitaux. La console Xbox de Microsoft affiche des publicités sur le « tableau de bord » à l’écran de l’utilisateur et permettra prochainement aux développeurs de vendre des publicités dans le jeu. Les unités d’Activision racheté par Microsoft comprenant King, le créateur de « Candy Crush », ont généré des revenus de 2,6 milliards de dollars grâce aux publicités et aux achats dans le jeu qui a été acquis par 250 millions de personnes dans le monde.

Le marché de la publicité digitale évoluera dans les prochaines années. Facebook pourrait être le perdant de la mutation en cours sauf à réussir son pari dans le métaverse. Google devrait résister grâce à sa présence dans les applications audio et visio. Les gagnants pourraient être Apple, Amazon et Microsoft qui mixent un grand nombre d’activités complémentaires avec des cibles à forts revenus.

La décarbonation de l’industrie lourde est-elle en marche ?

La production sidérurgique représente près de 8 % des émissions de CO2 dans le monde. Le secteur sidérurgique constitue avec celui du ciment (7 % des émissions) et celui de la chimie – raffinage (6 %) un des principaux foyers d’émissions de gaz à effet de serre. L’enjeu de la décarbonation de ces activités est primordial pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. En Suède, à Boden, près du cercle polaire arctique, une startup appelée H2 Green Steel (H2GS) érige une nouvelle usine sidérurgique de 4 milliards d’euros, la première en Europe depuis près d’un demi-siècle qui fabriquera de l’acier non pas à partir du charbon ou du gaz naturel, mais à partir de l’hydrogène vert, produit sur place par l’éolien et l’hydroélectricité. Cette usine emploiera à terme 1 800 personnes et produira 5 millions de tonnes d’acier par an. La création d’une filière européenne de l’acier vert est un enjeu majeur pour l’ensemble de l’industrie. Les constructeurs automobiles sont les premiers intéressés. Selon Ann Mettler de Breakthrough Energy, un fonds de capital-risque soutenu par Bill Gates, cette première usine pourrait marquer la renaissance de l’industrie lourde européenne de l’ère post-fossile.

L’industrie lourde est profondément carbonée. La réduction du minerai de fer pour fabriquer de l’acier, le chauffage du calcaire pour produire du ciment et l’utilisation de la vapeur pour craquer les hydrocarbures nécessitent beaucoup d’énergie. Les processus de fabrication dégagent beaucoup de dioxyde de carbone. La réduction de toutes ces émissions est difficile et coûteuse en l’état. La décarbonation pour ces secteurs passe actuellement par l’hydrogène vert. L’Allemagne a lancé la Hydrogen Intermediary Network Company, une plaque tournante mondiale du commerce de l’hydrogène et des produits dérivés de l’hydrogène. Plusieurs pays dont la France se sont engagés dans la production de l’hydrogène à partir d’énergies renouvelables. Le secteur sidérurgique est le plus avancé. En Suède, en plus de l’usine de Boden, d’autres sont en cours de réalisation. En Allemagne, à Salzgitter, une entreprise sidérurgique a décidé la mise en œuvre d’un projet de 723 millions d’euros visant à remplacer ses hauts fourneaux conventionnels par des usines à réduction directe d’ici 2033 avec l’utilisation dans un premier temps du gaz naturel puis, dans un second temps, de l’hydrogène. D’autres grands producteurs d’acier européens, dont ArcelorMittal et Thyssenkrupp, ont des plans similaires.

Les cimentiers prennent le même cap mais avec un peu de retard. Le secteur est moins concentré et les marges y sont plus faibles. Les capacités de financement sont réduites. Le chauffage du calcaire génère environ 60 % des émissions de carbone du secteur et une technologie de remplacement, telle que la réduction directe de la sidérurgie, fait défaut. L’industrie se concentre donc sur la réduction des émissions après coup, en utilisant la capture et le stockage du carbone. De nombreuses entreprises expérimentent un procédé de chauffage qui remplace l’air par de l’oxygène pur, qui produit du CO2 apte à la séquestration. Certains essaient d’utiliser l’électricité plutôt que les combustibles fossiles pour chauffer le calcaire. Les plus ambitieux développent de nouveaux ciments moins carbonés. HeidelbergCement, le quatrième fabricant mondial de ce matériau, a lancé une demi-douzaine de projets à faible émission de carbone en Europe. Ils comprennent une installation de captation du carbone dans la ville norvégienne de Brevik et la première cimenterie neutre en carbone au monde sur l’île suédoise de Gotland. Ecocem, une startup irlandaise, fabrique un ciment à faible émission de carbone. Certaines entreprises tentent de récupérer du ciment à partir de vieux bétons dans des bâtiments démolis afin d’améliorer leur bilan carbone.

La décarbonation de l’industrie chimique est complexe car les hydrocarbures sont tout à la fois ses matières premières et son énergie. Plus de 30 000 produits sont fabriqués à partir du pétrole. BASF tente néanmoins de développer un vapocraqueur chauffé électriquement pour son usine à Ludwigshafen. Son objectif est d’atteindre la neutralité carbone dès 2030. À cet effet, cette entreprise a acheté une partie d’un parc éolien au large des côtes néerlandaises qui devrait lui fournir de l’électricité sans carbone. L’entreprise, comme ses homologues du ciment, entend développer le recyclage, en particulier à travers un processus appelé pyrolyse, où les déchets plastiques sont brûlés en l’absence d’oxygène et divisés en leurs composants hydrocarbonés. Pour se délivrer du pétrole, des entreprises cherchent à utiliser des de matières premières vertes. Afyren, une startup française, extrait des éléments chimiques de sous-produits agricoles au lieu du pétrole.

Pour le moment, la décarbonation de l’industrie lourde reste un pari. Les sources d’énergies propres manquent. Les coûts restent élevés ; les aciéries vertes sont encore deux à trois fois plus chères à construire que les aciéries conventionnelles et les coûts de production sont également supérieurs. En revanche, la demande en produits lourds verts existe. BMW, Electrolux et Miele ont annoncé acheter leur acier à H2GS afin de participer à la décarbonation de l’industrie. Face à la demande des industrielles, les banques acceptent de financer les investissements que ce soit dans la sidérurgie ou dans la chimie. L’usine de Boden de H2GS a été financée pour les deux tiers par les banques, le reste provenant des prises de participation de fonds de capital-risque et de celles de grandes entreprises comme Scania ou Mercedes-Benz.