29 novembre 2014

Rapport franco-allemand de plus

La remise du rapport Enderlein / Pisani aux ministres de l’économie français et allemand, Emmanuel Macron et Sigmar Gabriel, est-elle la chronique d’une histoire déjà annoncé ? En effet, ce rapport, au-delà d’un constat amplement partagé sur les problèmes récurrents des deux pays et plus largement de l’Europe, avance des propositions qui ont malheureusement peu de chances d’être mises en œuvre.

Le rapport  propose de manière censée, une relance de l’investissement en France et en Allemagne, l’ouverture du marché du travail en Allemagne, la mise en œuvre de réformes structurelles en France (flexi-sécurité, réforme des administrations publiques).

Les ministres des deux pays ont reçu poliment ce rapport en indiquant qu’ils n’avaient pas l’intention de changer leur politique pour autant.

Au-delà des considérations de politique intérieure ce rapport souligne que la France et l’Allemagne s’éloignent l’un de l’autre même si les complémentarités demeurent. L’Allemagne qui a amplement bénéficié du développement industriel des pays émergents est confrontée à un vieillissement de sa population quand la France bénéficie d’une croissance démographique encore assez soutenue. La France, pays de services, éprouve les pires difficultés à contenir ses coûts quand l’Allemagne engrange les bénéfices de sa stratégie de haute compétitivité. Face à l’euro, face aux dépenses publiques, les visions des deux peuples divergent. Les Allemands, en tant que retraités et futures retraités, souhaitent que leur épargne soit préservée et qu’elle rapporte le plus possible. La France doit faire face à des dépenses d’éducation supérieures. L’Allemagne privilégie les plans économiques globaux quand la France préfère réformer au fil de l’eau.

Avec vigueur, les auteurs du rapport soulignent que les niveaux d’investissement sont, en Europe, trop bas. En 2013, la formation brute de capital fixe, 16 % du PIB, reste inférieure à celle de 2007 quand, aux Etats-Unis, elle est supérieure et dépasse 20 %. Les rapporteurs indiquent que l’Europe continentale doit faire évoluer le mode de financement des entreprises. Ce dernier doit reposer davantage sur le marché « actions » et moins sur le crédit. Ils réclament de mettre fin à la fragmentation de l’espace financier européen. Ils jugent nécessaire de faciliter les transferts financiers entre les pays membres.

Au-delà de préconisations pour relancer l’investissement en France et en Allemagne, les auteurs réclament la création de deux fonds, le premier concernerait le secteur privé et le second viserait à faciliter les investissements publics.

Par ailleurs, les rapporteurs proposent de décliner le processus de Schengen à l’économie et au marché du travail. Derrière cette formule, il y a l’idée de créer une Europe à plusieurs vitesses. L’Allemagne et la France devraient prendre l’initiative de avec quelques pays volontaires d’aller plus en avant dans la construction européenne. Certains domaines comme l’énergie, l’économie numérique, les évolutions professionnelles, les qualifications et les diplômes pourraient donner lieu à la mise en place de politiques réellement européennes. Avec prudence, les auteurs souhaiteraient qu’un espace social soit institué entre plusieurs pays membres dont la France et l’Allemagne. Dans cet espace les qualifications et les diplômes seraient mutuellement reconnus. La portabilité des avantages sociaux serait également garantie.

Le secteur de la santé, celui des biotechnologies voire la défense en ce qui concerne les politiques d’achat de matériel pourraient également entrer dans le champ de ces nouveaux espaces « Schengen ». Le rapport préconise, par ailleurs, une convergence à terme des salaires minimum, des politiques des marchés du travail, des politiques d’éducation et de retraite.