24 janvier 2015

Super Mario a gagné la première manche, aux Européens de gagner la deuxième

 

Mario Draghi était attendu et a répondu présent. Après la prise de position de la Cour de Justice de l’Union Européenne légitimant les programmes d’achats d’actifs, après la déconnexion du franc suisse de l’euro, la BCE avait les mains libres pour lancer son Quantitative Easing. Le programme est conséquent. Mario Draghi a ainsi annoncé que les volumes mensuels d’achat atteindraient « 60 milliards d’euros jusqu’à fin septembre 2016 et (…), quoi qu’il en soit, jusqu’à ce que nous constations un ajustement durable de la trajectoire d’inflation conforme à notre objectif d’atteindre des taux d’inflation inférieurs mais proches de 2 % à moyen terme». L’enveloppe globale pourra donc s’élever à 1 140 milliards d’euros. Ce plan débutera au mois de mars. Aussi ambitieux soit-il, il est inférieur à celui mis en œuvre par la FED de 2012 à 2014 qui portait sur 1600 milliards de dollars.

Au niveau de la répartition du risque, 20% en sera supporté par la BCE quand les 80% restant seront partagés par les banques centrales des pays de la zone euro, limitant ainsi le degré de solidarité entre contribuables européens. Ces 80 % seront répartis en fonction de la participation des banques centrales nationales au capital de la BCE. C’est une concession faite à l’Allemagne qui était initialement hostile à ce programme de rachats. Toujours au rayon des risques, la Grèce pourrait ne pas être éligible au plan dès le mois de mars. En effet, le programme ne doit pas aboutir à une détention par les banques centrales de plus de 33 % de la dette d’un Etat. Or, il faudra attendre le mois de juin pour que la Grèce descende en-dessous de ce seuil.

Mario Draghi a précisé que les 60 milliards d’euros d’achats de titres englobent les programmes déjà annoncés, le programme d’achat de titres adossés à des actifs (asset-backed securities purchase programme, ABSPP) et le programme d’achat d’obligations sécurisées (CBPP3).

La BCE n’achètera pas des titres sur le marché primaire. Elle acquerra, contre de la monnaie de banque centrale, sur le marché secondaire, des obligations émises par les administrations centrales, les agences et les institutions européennes de la zone euro.

Cette injection de liquidités a pour objectifs économiques de favoriser le retour du taux d’inflation autour de 2 % à moyen terme conformément au mandat que la BCE a reçu. Les taux d’intérêt devraient rester durablement bas jusqu’en 2016, voire au-delà, si nécessaire. Le financement des dettes publiques en sera d’autant facilité. Le mouvement de baisse de l’euro face aux autres grandes monnaies devrait se poursuivre. Il en résulte une amélioration de la compétitivité européenne. Le renchérissement des importations est limité en raison de la baisse des cours des matières premières et de l’énergie. L’alignement des planètes, pétrole, euro, crédit, plan Juncker, devrait donc favoriser l’émergence d’une croissance en zone euro faute de quoi il y aura de quoi se poser quelques questions.

Mario Draghi a souligné que l’Europe ne pouvait pas compter que sur la seule politique monétaire pour s’en sortir. Il a clairement indiqué qu’« il faut que les gouvernements et la Commission européenne agissent ». « La politique monétaire peut créer les bases pour la croissance, mais pour que la croissance s’affermisse il faut de l’investissement ».

Le plan ne résoudra pas tous nos problèmes d’un coup de baguette magique comme le prouvent les difficultés de l’économie japonaise. La monétisation croissante des dettes publiques ne doit pas entraîner un relâchement dans les politiques de réformes et d’assainissement financier. Il ne faudrait pas que le plan Draghi ait l’effet inverse à celui recherché Les acteurs économiques pourraient se complaire dans la recherche du zéro risque et différer les investissements. La demande finale doit à un moment ou un autre être réactivée. Il est certainement important que le plan Juncker de relance de l’investissement en Europe soit lancé au plus vite.

Les épargnants peuvent apparaître comme les perdants de cette affaire. Des voix allant dans ce sens ont été entendues en Belgique comme en Allemagne. Tel n’est pas le cas. En effet, tout épargnant qui se respecte a tout gagné d’une amélioration de la conjoncture.

Les rendements des produits fortement investis dans des obligations d’Etat devraient rester bas durablement. Les livrets bancaires sont également touchés par la baisse des taux. Les obligations d’entreprise devraient être recherchées car leur rendement devrait rester attractif. En effet, la demande en produits sans risque est telle que pour attirer les investisseurs sur des produits tiers, il est nécessaire d’offrir du rendement. Les actions devraient sortir gagnantes du plan Draghi surtout si la croissance économique en zone euro s’affermit au cours de l’année 2015. La volatilité devrait, en revanche, s’accroître du fait des volumes de liquidité présents à l’échelle mondiale. En fonction des évènements, les bourses ont de fortes chances de connaître des à-coups assez violents dans les prochains mois. L’évolution des taux d’intérêt aux Etats-Unis pourrait influer sur le cours des actions.

Au niveau des ménages, certains reprochent à la BCE de vouloir relancer l’inflation et donc de réduire le pouvoir d’achat. Or, la déflation constitue pour les revenus des ménages un risque bien plus grand. Elle pourrait générer une spirale vicieuse de baisse des prix et des salaires par une attrition généralisée de l’économie.