17 avril 2025

Tendances – Apple – Etats-Unis – Terres rares – Hong Kong

Apple dans l’œil du cyclone

Apple a reconquis sa couronne d’entreprise la plus valorisée au monde le 9 avril dernier, après l’annonce du président Donald Trump de suspendre pendant 90 jours les hausses des droits de douane « réciproques » avec la plupart des pays, à l’exception notable de la Chine. Sa décision d’exonérer de ces droits les ordinateurs et les smartphones a contribué à restaurer la valorisation boursière d’Apple. Mais cette dernière reste, plus que toute autre grande entreprise américaine, exposée à la guerre commerciale. Elle demeure sous la menace constante d’une décision unilatérale de Donald Trump et des mesures de rétorsion potentielles qu’elle pourrait entraîner.

Apple est sans doute l’entreprise américaine la plus dépendante de la Chine. Jusqu’à neuf iPhone sur dix y sont assemblés. Certes, depuis le premier mandat de Donald Trump, la firme à la pomme a diversifié ses centres de production, notamment au Vietnam et en Inde. Toutefois, elle reste vulnérable à toute montée des tensions commerciales avec Pékin. Les nouveaux sites de production ne sont d’ailleurs pas totalement à l’abri de droits de douane majorés, même si les taux projetés sont inférieurs à ceux appliqués à la Chine. De plus, le transfert des chaînes de production vers ces nouveaux pays est coûteux et nécessite du temps, notamment pour former la main-d’œuvre locale.

Plus les droits de douane sur la Chine sont élevés, plus le coût des quelque 70 millions d’iPhone assemblés en Chine puis vendus aux États-Unis augmente. Même à un niveau réduit – estimé à 60 % des niveaux actuels – ces droits pourraient ajouter environ 330 dollars au coût brut de 550 dollars d’un iPhone. Or, les ventes d’iPhone ont représenté plus de la moitié du chiffre d’affaires d’Apple l’an dernier. Ces ventes stagnent depuis deux ans, faute de fonctionnalités d’intelligence artificielle suffisamment attractives. Toute hausse des prix risque donc de peser sur la demande.

Les revirements de Donald Trump offrent un répit à Apple, comme en témoigne le rebond de la valeur de son action. Les investisseurs veulent croire qu’un accord entre les États-Unis et la Chine sur un tarif douanier acceptable finira par émerger. La suspension des droits pour les ordinateurs et les smartphones va dans ce sens. Les lobbyistes d’Apple ont d’ailleurs fortement œuvré pour infléchir la position du président américain.

Mais face à une possible remontée des droits de douane, Apple pourrait voir ses marges historiquement élevées (46 % de son chiffre d’affaires en 2024) se réduire. Cette crainte contribue à la volatilité du titre. En pratique, l’entreprise pourrait absorber une partie des droits de douane sans répercuter la totalité sur les prix de vente. Elle pourrait aussi solliciter des concessions tarifaires de ses fournisseurs afin de préserver ses marges. Elle reste néanmoins exposée aux représailles chinoises, comme l’instauration de contre-droits de douane sur certains composants (par exemple, le verre) ou des restrictions sur l’exportation de terres rares, susceptibles d’affecter ses sous-traitants.

Apple pourrait également perdre des parts de marché en Chine. Son chiffre d’affaires y a déjà reculé de 8 % l’an dernier, en raison d’une demande en baisse pour les iPhone et les iPad. Les consommateurs chinois, sensibles au climat politique, pourraient accélérer cette tendance en faisant d’Apple le bouc émissaire des initiatives américaines. D’autant que les marques locales telles que Huawei, Oppo ou Xiaomi montent en puissance. Apple est aussi dans le viseur des autorités chinoises : l’autorité de la concurrence envisage une enquête sur les frais imposés par Apple aux développeurs d’applications.

Apple pourrait-elle relocaliser sa production aux États-Unis ? Peu après l’investiture de M. Trump, ses dirigeants avaient annoncé un plan d’investissement de 500 milliards de dollars sur quatre ans. Une telle somme impliquerait de dépenser plus que son flux de trésorerie disponible, qui s’élève à environ 100 milliards de dollars par an. Lors du premier mandat Trump, Apple avait déjà promis 350 milliards sur cinq ans, engagement réitéré sous l’administration Biden — sans être tenu. De sérieux obstacles technologiques freinent toute relocalisation à grande échelle. Sans subventions massives, les coûts d’implantation de nouvelles chaînes de production sont prohibitifs. La relocalisation suppose également que les fournisseurs de composants s’installent aux États-Unis. L’exemple de TSMC, producteur de semi-conducteurs pour Apple, illustre ces difficultés : plusieurs années et d’importantes aides publiques ont été nécessaires pour lancer une production en Arizona. Selon Wamsi Mohan, analyste chez Bank of America, transférer l’intégralité de la chaîne d’approvisionnement de l’iPhone aux États-Unis prendrait de nombreuses années, voire serait tout simplement irréalisable à ce jour. Le coût de fabrication d’un iPhone y serait environ trois fois plus élevé qu’en Chine ou au Vietnam. Le recours accru à la robotisation ne compenserait pas entièrement les surcoûts liés au foncier et à la fiscalité.

En raison de son modèle industriel et de sa dépendance à la Chine, Apple se trouve dans une situation plus précaire que la majorité des grandes entreprises américaines. Mais elle n’est pas la seule : d’autres firmes sont elles aussi exposées au risque chinois. Beaucoup exportent depuis des pays désormais contraints de négocier dans l’urgence un compromis douanier avec un président Trump toujours imprévisible. Les entreprises américaines, malgré ce sursis, ne sont pas encore tirées d’affaire.

Apple est plus qu’une entreprise : c’est un thermomètre de la mondialisation. Sa dépendance à la Chine illustre les fragilités d’un modèle économique bâti sur l’optimisation des coûts et l’interdépendance des chaînes de valeur. La guerre commerciale, dans ses revirements et ses emballements, agit comme un révélateur des limites de cette stratégie. Entre volonté politique de relocalisation et réalité industrielle, le fossé reste béant.

Donald Trump, par ses décisions souvent erratiques mais toujours spectaculaires, remet au cœur du jeu économique la souveraineté industrielle, le rapport de force diplomatique et la pression électorale. Apple, comme bien d’autres entreprises américaines, se retrouve à devoir arbitrer entre rentabilité immédiate et repositionnement stratégique.

Hong Kong : la menace du déclassement

Hong Kong doit sa richesse à son port franc. Donald Trump pourrait, avec sa politique, mettre un terme à un essor plus que centenaire de ce territoire atypique.

En 1842, le traité de Nankin, qui met fin à la première guerre de l’opium, cède l’île de Hong Kong au Royaume-Uni, dont l’objectif est de contrôler un port en eaux profondes, libre d’accès, bien placé pour commercer avec le sud de la Chine. Hong Kong devient rapidement un port de commerce international. Grâce à son statut de port franc, les marchandises peuvent y transiter sans droits de douane ni barrières tarifaires.

À la fin du XIXe siècle, la ville est le port clé de l’Asie pour le thé, la soie, les épices, les produits manufacturés ou les minerais. Les bateaux d’Europe, d’Inde, de Chine et du Japon y accostent. Après 1949 et la fondation de la République populaire de Chine, Hong Kong devient une porte de sortie pour ce pays vers le monde capitaliste. Sur les territoires achetés progressivement, une industrie liée aux activités portuaires se développe (textile, électroménager, logistique, finances). Toujours en s’appuyant sur le port, Hong Kong, dans les années 1980, se spécialise dans les services haut de gamme, que ce soit dans le négoce, la banque ou l’assurance.

En 1997, malgré la rétrocession de Hong Kong à la Chine, le statut de port franc est maintenu sous le principe « un pays, deux systèmes », inscrit dans la Loi fondamentale. Néanmoins, progressivement, la montée en puissance des ports chinois (Shenzhen, Shanghai, Ningbo) réduit l’activité du port de Hong Kong. Plus grave encore, lors du premier mandat de Donald Trump, la ville perd son statut économique spécial qui avait été institué en vertu du Hong Kong Policy Act de 1992. Ce statut permettait à Hong Kong d’échapper aux sanctions commerciales imposées à la Chine, de continuer à commercer librement avec les États-Unis et de rester un hub de réexportation pour des biens chinois transformés ou simplement transitant par Hong Kong. Désormais, les produits hongkongais sont traités comme des produits chinois : ils sont soumis aux mêmes droits de douane que ceux venant du continent. Les accords commerciaux préférentiels avec les États-Unis ont été suspendus.

Le commerce de réexportation, qui représentait près de 90 % du commerce total de marchandises à Hong Kong, a été fortement affecté. Les flux commerciaux avec les États-Unis ont rapidement diminué. Le port de Hong Kong a enregistré une baisse du nombre de conteneurs, passant de 19,6 millions de TEU en 2017 à 14,3 millions en 2023, puis 12 millions en 2024. Il n’est plus que le 9e port mondial, alors qu’il occupait la 5e place dix ans plus tôt.

Le relèvement des droits de douane à l’encontre de la Chine, décidé le 2 avril dernier, touche de plein fouet Hong Kong. Dans le canal Rambler, principal lieu du port franc, dont les quais s’étendent sur plus de 7 kilomètres, les portiques, capables de desservir jusqu’à 24 navires simultanément, sont en sous-activité. Avec des droits dépassant les 100 % pour les produits chinois importés aux États-Unis, et pour les exportations américaines vers la Chine (à l’exception des ordinateurs et des smartphones), Hong Kong craint pour l’avenir de son port. Même si des accords sont trouvés dans les prochaines semaines, les tarifs douaniers resteront de toute façon plus élevés que ces dernières années. Ils devraient se situer entre 10 et 25 % au minimum. Ils concerneront non seulement la Chine mais aussi les pays qui utilisaient le port de Hong Kong pour leurs exportations.

Par ailleurs, à partir du 2 mai prochain, les colis en provenance de Chine d’une valeur inférieure à 800 dollars seront soumis à des droits de douane et à des exigences de documentation coûteuses, auxquels ils échappaient auparavant. Les exportations américaines vers la Chine pourraient se tarir. Les autorités chinoises ont déjà placé plusieurs entreprises, dont PVH (propriétaire de Calvin Klein), sur leur liste d’« entités peu fiables », justifiant un examen et des restrictions commerciales. Elles ont décidé de restreindre la fourniture de pièces à certains fabricants de drones américains et ont limité la vente de métaux rares vers les États-Unis. Elles pourraient également interdire les importations de volaille américaine ou d’autres produits agricoles, comme le soja et le sorgho.

Autre mauvaise nouvelle pour Hong Kong, qui joue un rôle de plaque tournante dans les services : la Chine pourrait imposer des restrictions sur ceux d’origine américaine. Un document publié par le ministère chinois du Commerce souligne que les États-Unis enregistrent un excédent commercial avec la Chine dans ce domaine. Si la Chine utilisait la même formule que les États-Unis pour calculer ses droits de douane réciproques, elle pourrait imposer une taxe de 28 % sur les services américains. Elle pourrait aussi enquêter sur la propriété intellectuelle détenue par les entreprises américaines, suspectées de constituer des monopoles générant des profits excessifs.

Les États-Unis souhaitent se « découpler » de la Chine, mais celle-ci pourrait faire de même. Les relations commerciales entre les deux superpuissances connaissent peut-être un creux « cyclique », mais elles sont aussi en déclin structurel. Cela pourrait nuire aux grands ports chinois, au premier rang desquels figure Hong Kong. Les dirigeants chinois estiment que Donald Trump reculera par crainte d’une défaite électorale aux élections de mi-mandat (Midterms). Avant le relèvement des droits de douane, la banque JPMorgan Chase estimait que les États-Unis avaient 60 % de chances de tomber en récession, avec 40 % de probabilité d’entraîner l’économie mondiale avec eux. Pour plus d’un tiers des produits importés par les États-Unis, la Chine est le principal fournisseur, répondant à 70 % ou plus de la demande. La guerre commerciale pourrait plus que doubler le prix de ces biens, générant un tsunami inflationniste, une baisse de la consommation et une attrition du pouvoir d’achat des Américains.

La politique de Donald Trump pourrait également provoquer une récession en Chine, avec un risque de spirale déflationniste. Selon Goldman Sachs, une hausse de 50 % des droits de douane américains — scénario auquel la Chine faisait face avant ses mesures de rétorsion — aurait réduit le PIB chinois d’environ 1,5 %. Une hausse de 125 % l’amputerait de 2,2 % cette année.

La guerre commerciale a éclaté avec une rapidité et une férocité que la Chine n’avait pas anticipées. Les dirigeants chinois ont annoncé qu’ils étaient prêts à intensifier leurs efforts de relance économique si nécessaire, en abaissant les taux d’intérêt, en réduisant les réserves obligatoires des banques et en émettant davantage d’obligations d’État. Pour mener à bien cette relance, selon Barclays, 1 000 milliards de dollars seraient nécessaires, soit environ 5 % du PIB. Pour atteindre l’objectif gouvernemental de 5 % de croissance, le plan de relance devrait même représenter 9 points de PIB.

L’autre stratégie consisterait à contourner les mesures protectionnistes de Donald Trump. Les entreprises chinoises pourraient augmenter leurs ventes de pièces détachées à des partenaires commerciaux des pays voisins, où elles seraient intégrées dans des produits finis exportés ensuite vers les États-Unis. À première vue, cette stratégie serait très incitative si la Chine reste soumise à des droits de douane de plus de 100 %, alors que des pays comme la Thaïlande ou le Vietnam ne subissent que des prélèvements de 10 %. Évidemment, les États-Unis risquent de réagir. Peter Navarro, conseiller commercial de Donald Trump, a récemment accusé le Vietnam d’agir comme une « colonie » pour les fabricants chinois : « Ils apposent une étiquette “Fabriqué au Vietnam” sur un produit chinois et l’envoient ici pour échapper aux droits de douane », a-t-il déploré. Le Vietnam pourrait compromettre son propre accès au marché américain s’il ne prend pas ses distances avec la Chine.

L’histoire de Hong Kong est intimement liée à son statut de port franc, véritable moteur de croissance depuis plus d’un siècle. Cependant, les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine, amplifiées sous l’administration Trump, bouleversent cet équilibre. En perdant son statut économique spécial, Hong Kong voit son rôle décliner, frappé de plein fouet par une guerre commerciale qui dépasse largement ses frontières. Dans un contexte de fragmentation géopolitique et de reconfiguration des chaînes d’approvisionnement mondiales, l’avenir de Hong Kong comme hub économique international est incertain. La ville pourrait être reléguée à une fonction secondaire si les antagonismes sino-américains s’inscrivent dans la durée.

Derrière la guerre commerciale, les terres rares

Pour gagner au Scrabble, commencez par le bas du tableau périodique. Les 17 « terres rares » qui y figurent portent des noms assez longs, comme dysprosium et praséodyme, riches en lettres à fort coefficient. Elles partagent aussi d’autres caractéristiques : bien qu’extraites et utilisées en quantités infimes, elles sont indispensables à toute une gamme de produits de haute technologie, allant des batteries et des énergies renouvelables aux équipements militaires et dispositifs médicaux. Plus important encore, elles sont majoritairement fournies au monde par la Chine.

Les terres rares posent une double question écologique : leur extraction — impliquant acides, rejets toxiques et radioactivité — est extrêmement polluante ; leur recyclage, lui, reste embryonnaire. Moins de 5 % des terres rares sont aujourd’hui recyclées.

Dès les années 1980, alors que l’Occident se détournait de l’extraction minière, jugée trop coûteuse et trop polluante, la Chine, elle, a fait le choix inverse. Deng Xiaoping avait alors déclaré : « Le Moyen-Orient a le pétrole, la Chine a les terres rares. » Aujourd’hui, l’empire du Milieu raffine près de 90 % de ces métaux stratégiques. Cette position de quasi-monopole sur la transformation lui permet de verrouiller les chaînes de valeur.

L’Australie, riche de ses gisements de Mount Weld, est devenue le deuxième acteur mondial. Sa société Lynas Rare Earths est la seule, hors Chine, à maîtriser toute la chaîne, du sol à l’oxyde raffiné, mais elle reste dépendante du marché asiatique.

Depuis plusieurs années, les États-Unis ont relancé la recherche et l’exploitation sur leur territoire pour réduire leur dépendance à la Chine. La mine de Mountain Pass a ainsi été remise en service, avec le soutien de fonds publics. La Russie est aussi bien dotée, avec des gisements dans la péninsule de Kola et en Sibérie orientale, mais dépend encore des technologies chinoises ou occidentales pour leur exploitation. L’Inde, le Vietnam, le Brésil, l’Afrique du Sud, le Congo ou l’Ouzbékistan sont également des pays à fort potentiel, objets de convoitise de la part d’acteurs chinois, russes et américains.

En Europe, la plupart des mines ont été fermées pour des raisons environnementales. Quelques projets ont cependant été relancés récemment, notamment en Suède, au Portugal et en France.

Les terres rares sont devenues critiques à la fois pour les technologies vertes et la défense. Elles entrent dans la fabrication de systèmes de guidage inertiel, radars, moteurs d’avions furtifs ou ogives à fragmentation. L’armée américaine dépend, pour ses composants critiques, des aimants produits en Chine. Cette dernière n’hésite pas à brandir la menace d’un embargo : le 4 avril dernier, en réponse aux droits de douane américains, elle a restreint les exportations de sept terres rares vers les États-Unis. Désormais, les producteurs doivent obtenir une licence d’exportation.

La Chine avait déjà imposé des restrictions à l’exportation de trois autres métaux stratégiques et renforcé les contrôles sur d’autres. L’histoire récente est éclairante : il y a deux ans, elle avait limité les exportations de gallium et de germanium — utilisés dans les puces, radars et satellites — avant d’en interdire complètement la vente aux États-Unis en décembre, ainsi que celle de l’antimoine, un retardateur de flamme. Résultat : les prix ont fortement augmenté, et le marché mondial s’est fragmenté. Le gallium vendu en Occident est aujourd’hui deux à trois fois plus cher qu’en Chine.

Pour l’instant, les États-Unis parviennent à éviter la paralysie : les contrats sont de long terme, et certains matériaux transitent encore via des pays tiers. Mais à moyen terme, les dernières restrictions chinoises pourraient lourdement handicaper l’économie américaine. Les terres rares dites « lourdes », que la Chine a choisi de contingenter, sont les plus difficiles à remplacer. Le dysprosium et le terbium, par exemple, régulent la chaleur dans les aimants utilisés dans les éoliennes offshore, les avions à réaction ou les engins spatiaux. Les cinq autres métaux concernés sont cruciaux pour les microprocesseurs à usage militaire ou en intelligence artificielle. Ils sont également indispensables aux IRM, aux lasers ou aux fibres optiques. La Chine contrôle 98 % de la production mondiale de terres rares lourdes.

À court terme, peu d’alternatives existent. Une interdiction chinoise frapperait de plein fouet les États-Unis et, plus largement, l’Occident, en faisant grimper les prix. Le dysprosium, par exemple, pourrait atteindre 300 dollars le kilo, contre 230 actuellement. Les stocks des entreprises occidentales ne couvrent que quelques mois de consommation.

Les États-Unis ne disposent aujourd’hui que d’une seule mine de terres rares, en Californie. Plusieurs autres sont en cours de développement. Washington finance aussi des projets au Brésil et en Afrique du Sud. Les autorités américaines ont activé la loi sur la production de défense de 1950, adoptée pendant la guerre de Corée, pour soutenir la création au Texas de la première grande usine de traitement de terres rares lourdes hors de Chine.

Mais les États-Unis, comme leurs alliés occidentaux, ne maîtrisent pas encore les technologies permettant de transformer ces minerais en aimants haute performance — un savoir-faire également dominé par la Chine, qui en restreint désormais l’exportation. Les analystes estiment qu’il faudrait trois à cinq ans pour établir une chaîne d’approvisionnement complète, de la mine à l’aimant, indépendante de Pékin.

Restreindre ses exportations de terres rares pourrait freiner la croissance de la Chine, croissance déjà affaiblie. L’outil géopolitique que représentent ces minerais est tentant, mais pourrait se retourner contre l’Empire du Milieu en poussant les pays occidentaux à accélérer leur autonomie stratégique.