Grèce : quand les urnes auront parlé !
Le parti Syriza, en remportant les élections législatives du 25 janvier, devrait accéder pour la première fois de son histoire au pouvoir. Le plus dur commencera alors avec comme premier défi à relever la constitution d’un gouvernement et d’une majorité. Très rapidement, le nouveau pouvoir devra engager des négociations avec la troïka (Commission européenne, BCE, FMI) qui avaient été suspendues à la fin de l’année dernière.
Depuis quelques semaines, Syriza a modéré ses revendications afin de gagner en crédibilité et faciliter la constitution d’un éventuel gouvernement de coalition. La sortie de la zone euro a été oubliée d’autant plus vite qu’une majorité d’électeurs grecs y est hostile.
De ce fait, les responsables de Syriza ont mis l’accent sur la fin de la rigueur et sur la nécessité de restructurer la dette publique atteignant plus de 175 % du PIB. Ils proposent pour cela de réunir une « Conférence européenne de la dette » en vue d’aboutir à une solution négociée sur le modèle de la conférence sur la dette allemande de 1953. Ce parallèle ne saurait guère plaire aux Allemands.
En cas de victoire, Alexis Tsipras, propose de suspendre le Mémorandum actuel qui lie la Grèce à la Troïka, quelle que soit l’issue des négociations sur la dette, et de le remplacer par un plan de reconstruction nationale fondé sur quatre piliers :
- Faire face à la crise humanitaire ;
- Relancer l’économie et restaurer la justice fiscale ;
- Lancer un plan national de création d’emplois ;
- Réformer le système politique et renforcer la démocratie.
L’ensemble de ce programme a été évalué à 11,4 milliards d’euros. Alexis Tsipras propose pour le financer de :
- Recouvrer des arriérés dus à l’Etat et à la Sécurité Sociale à hauteur de 3 milliards d’euros;
- Lutter contre l’évasion et la fraude fiscale ;
- Utiliser le Fonds Hellénique de Stabilité Financière à hauteur de 3 milliards d’euros ;
- Utiliser des fonds européens et les ressources du Fonds Social Européen.
Les Allemands ont durant la campagne fait comprendre que la renégociation des accords adoptés par les précédents gouvernements n’était pas d’actualité. En voulant prévenir toute surenchère de la part du nouveau pouvoir grec, les autorités allemandes entendent rassurer les électeurs et les épargnants déjà déboussolés par l’évolution de la politique de la BCE. Ils ne veulent pas être en position défensive après le 25 janvier.
En cas de renégociation de la dette, les contribuables allemands et français seraient les plus exposés. En effet, après l’effacement d’une grande partie des créances détenues par le privé, la dette publique grecque est principalement entre les mains des Etats et des organismes publics (plus de 75 %) : les états membres de la zone euro au travers du premier programme d’aide, le Fonds Européen de Stabilité Financière (FESF) et le FMI.
Le risque de la dette grecque pèse donc :
- directement sur les Etats membres en raison des prêts bilatéraux accordés à la Grèce dans le cadre du premier plan de soutien en 2010. Celui-ci prévoyait une enveloppe totale de 80 milliards d’euros dont 53 milliards d’euros auront finalement été utilisés ;
- indirectement sur les Etats membres en tant que garants du Fonds Européen de Stabilité Financière ;
- sur le FMI qui est exposé à hauteur de 30 milliards d’euros.
Au-delà de la restructuration de la dette, la Grèce aura besoin néanmoins d’environ 12 milliards d’euros en 2015 pour faire face à ses échéances budgétaires.
l faut donc tout à la fois gérer le stock et le flux. En ce qui concerne la restructuration, il est peu probable que le FMI accepte d’effacer tout ou partie de ses 30 milliards d’euros. Depuis sa création en 1945, le FMI n’a jamais été confronté à un défaut et n’a jamais effacé aucune dette. Les quelques pays qui ont « résisté » ont toujours fini par rembourser leurs prêts. Le FMI ne peut pas procéder à un effacement de dette car ses statuts l’en empêchent et, quand bien même, un tel précédent enverrait un message extrêmement négatif à l’ensemble de ses créanciers et financeurs. Au niveau européen, des assouplissements pourraient être trouvés en matière de taux ou de duration.
Le retour de la question grecque intervient au moment où le pays sort de récession. Le taux de croissance était au deuxième semestre de l’année dernière supérieur à 1,5 %. Certes, cette croissance est loin d’effacer la chute brutale du PIB de 17,8 % constatée entre 2008 et 2014. La conséquence de cette contraction a été le gonflement de la dette exprimée en pourcentage du PIB qui est passée de 148 à 177 %. En revanche, le déficit public a été fortement réduit. Il est passé de 15,2 % en 2009 à 1,6 % en 2014. Par ailleurs, le taux de chômage après avoir atteint un pic à 27,9 %, en septembre 2014, est redescendu à 25,8 % au mois d’octobre dernier. La Grèce a bénéficié, l’année dernière, d’un important flux de touristes étrangers, plus de 20 millions attirés par des prix attractifs ce qui a contribué à la reprise économique en Grèce en 2014. Cette année, le flux de touristes devrait s’amplifier compte tenu des évènements au Moyen Orient et dans le Maghreb.
L’amélioration de la situation conjoncturelle n’a pas reçu d’échos favorables au sein de l’opinion publique. Après six années de rigueur, les Grecs demandent une pause et de nouvelles perspectives. C’est un moment charnière, la reprise est trop faible et trop récente pour donner de l’espoir quand les efforts consentis sont de plus en plus mal acceptés. Il y a une évidente envie de tourner la page en Grèce.