L’Allemagne prêt à épouser l’euro faible ?
L’Allemagne est-elle en train de prendre goût à l’euro faible ? Après avoir défendu le principe de « l’euro fort » qui n’était que la poursuite du « deutschemark fort », plusieurs experts économiques commencent à trouver quelques intérêts à la dépréciation de la monnaie commune. En effet, jusqu’à maintenant, le modèle allemand reposait sur des importations à bon marché et des exportations chères bénéficiant d’une faible élasticité prix. Pour maintenir la compétitivité, cette réévaluation compétitive s’accompagnait d’une maîtrise des couts salariaux. Avec plus de 60 % des exportations en-dehors de la zone euro, avec des prix de l’énergie et des matières premières en baisse, l’euro fort a moins d’atouts que dans le passé. C’est pourquoi de manière très pragmatique les autorités allemandes, sans le crier sur les toits, acceptent bon gré mal gré cette nouvelle donne monétaire.
La baisse du pétrole a permis aux Allemands d’économiser 3,5 milliards d’euros au second semestre, a calculé la Bundesbank. La perte de compétitivité est donc compensée, pour le moment, par la chute des prix à l’importation qui ont reculé de 3,7 % en 2014 soit plus vite que les prix à la production (2,2 %).
Dans ces conditions, le taux de croissance pourrait ainsi atteindre 2 % contre 1,4 % initialement prévu. Tous les instituts de conjonctures revoient à la hausse leurs prévisions. La stagnation du 3ème trimestre semble être oubliée. Le taux de croissance du 4ème trimestre de 0,7 % a confirmé que l’économie n’était pas encalminée comme en Italie ou en France.
La reprise peut, en outre, s’appuyer sur une augmentation des salaires. Ainsi, l’accord dans le secteur métallurgique qui a prévu une augmentation de 3,4 % des salaires annuels marque une rupture par rapport aux précédentes années. Il concerne 4 millions de salariés. Certes, c’est moins de 10 % des actifs mais un accord signé par IG Metall crée la tendance.
Malgré les augmentations de salaires, malgré l’instauration du SMIC, l’emploi reste très dynamique. Le nombre d’actifs a augmenté, en 2014, de 0,9 % à 42,7 millions d’actifs. La création d’emplois s’accompagne de plus d’une augmentation du nombre d’heures travaillées. En 2014, la moyenne horaire par salarié a progressé de 0,6 % à 1 371 heures.
Au mois de février, le nombre des demandeurs d’emploi a diminué de 20.000 et s’élève à 2 812.000 en données corrigées soit le nombre le plus faible depuis 1991. Le taux de chômage est de 6,5% de la population active.
Certaines données doivent être néanmoins prises en compte afin de ne pas tomber dans une euphorie béate. Ainsi, « le rythme de croissance sous-jacente de l’économie allemande est plus faible que ce que les derniers chiffres suggèrent », affirme Ferdinand Fichtner de l’institut d’économie allemande (DIW) de Berlin. Cet institut prévoit, néanmoins pour le 1er trimestre, une croissance de 0,5 %. L’autre point noir de l’économie allemande est la persistance du sous-investissement des entreprises ainsi que la modestie des gains de productivité.
L’industrie allemande a réduit, sur longue période, ses dépenses d’investissement mettant en danger ses capacités de production et d’innovation. Dans la chimie, par exemple, les entreprises investissaient (hors bâtiment) 3,48 % de leur chiffre d’affaires en 2008, contre 2,98 % en 2013. Dans les machines-outils, cette proportion est passée de 2,95 % à 2,29 %. Dans l’automobile, le recul est moins net, mais la part des investissements est passée de 3,24 % à 3,16 %.
L’Allemagne peut s’enorgueillir d’être en situation d’excédent budgétaire ce qui constitue une première depuis 1969. Le budget de l’Etat a été positif, en 2014, de 500 millions d’euros et l’ensemble des comptes publics de 18 milliards d’euros. Cet assainissement a été opéré au prix de d’une contraction de l’investissement public. Entre 2010 et 2015, ces dépenses pour l’Etat fédéral sont passées de 6,24 à 6,13 milliards d’euros. En 2014, les investissements des Länder ont reculé de 600 millions d’euros, passant de 7 milliards d’euros à 6,4 milliards d’euros. Le retard selon les centres d’études économiques par rapport aux principaux partenaires est évalué de 80 à 100 milliards d’euros.
Le Gouvernement a, sur ce sujet, le 3 mars dernier, décidé d’accroître ses dépenses d’investissement d’environ cinq milliards d’euros sur les trois prochaines années en plus des 10 milliards d’euros déjà programmés. 3,5 milliards d’euros seraient mis à la disposition des collectivités locales par le biais d’un fonds d’actifs spéciaux nouvellement créé. A cette somme s’ajoutera 1,5 milliard d’euros en 2017.
Le gouvernement allemand a par ailleurs, détaillé le plan d’investissement de 10 milliards d’euros déjà annoncé. Sept milliards seront consacrés au transport, au numérique, à l’efficacité énergétique, à la lutte contre le changement climatique et au développement urbain.