La France, en éternelle indélicatesse avec son marché de l’emploi
La phrase de François Hollande prononcée, le 4 mars dernier, « sur le chômage, il n’y a pas de solution magique » fait écho à celle de François Mitterrand de 1992 « dans la lutte contre le chômage, on a tout essayé ». Face à un chômage de masse, le Président de la République en revient aux fondamentaux en déclarant « qu’il n’y aura de l’emploi que s’il y a de la croissance : il n’y a pas d’autre façon de faire » même s’il ne peut ignorer qu’une partie du chômage est d’ordre structurel.
Le bon résultat du chômage du mois de janvier ne doit pas, en effet, faire oublier que la France est en indélicatesse avec son marché de l’emploi depuis plus de 30 ans. Notre pays met plus de temps, après la survenue d’une crise, à endiguer les destructions d’emploi. La France est, ainsi, en retard par rapport à ses partenaires au sein de l’Union européenne. Le taux de chômage est tombé à 11,2 %, dans la zone euro, au mois de janvier soit son plus bas niveau depuis le mois d’avril 2012. En un an, le nombre de demandeurs d’emploi a reculé de près de 900 000. Pour l’Union européenne, le taux de chômage s’élevait, toujours au mois de janvier, à 9,8 % en baisse de 0,1 point par rapport au mois de décembre. Certes, avec un taux de 10,2 %, la France peut se réjouir d’être encore en-dessous de la moyenne européenne mais au rythme actuel, cette situation ne pourrait pas perdurer.
L’Allemagne et l’Autriche ont les taux de chômage les plus bas avec respectivement 4,7 et 4,8 %. La Grèce et l’Espagne sont toujours les deux pays avec les plus forts taux de chômage, respectivement 25,8 et 23,4 %.
Sur un an, le chômage a baissé dans 24 pays sur 28 et est resté stable dans un, la Belgique. Il a augmenté dans trois, la France, la Finlande et Chypre.
La France se caractérise par le fort taux de chômage des jeunes qui était de 24,9 % au mois de janvier soit un taux supérieur à la moyenne européenne (21,2 %) et à celle de la zone euro (22,9 %). Les plus faibles taux sont enregistrés une fois de plus en Allemagne (7,1 %), en Autriche (8,2 %), au Danemark (10,8 %) quand les plus forts taux sont enregistrés en Espagne (50,9 %), en Grèce (50,6 %) et en Croatie (44,1 %).
Un chômage incrusté dans la société française
Le chômage s’est incrusté dans la société française au point d’être quasiincontournable pour les salariés du secteur privé à un moment ou à un autre de leur carrière, le début et la fin étant des périodes extrêmement sensibles.
Le taux moyen du chômage en France de 1985 à 2014 est de 9 %. Notre pays n’a connu que deux embellies : 1999 à 2001 et 2006 à 2008. Avant le début de la crise financière, le taux de chômage était même tombé en-dessous de 7 % pour la première fois, depuis 1980, laissant croire, de manière très fugace que la question de l’emploi était réglée. Il est reparti depuis à la hausse pour atteindre plus de 10 %. Le chômage frappe sans surprise, les jeunes, les non-diplômés et les seniors. Le taux de chômage des non-diplômés est de 14 % quand il est de 5 % chez les diplômés. Le taux de chômage des 55-64 ans est de plus de 7 % en France quand il est de 5,6 % en moyenne au sein de l’OCDE. La dégradation de l’emploi, depuis 2008, a frappé en priorité les plus de 49 ans. La plus grande sensibilité des seniors au chômage est liée à l’amélioration de leur taux d’emploi. Le taux d’emploi des 55-64 ans est passé de 39 à 47 % de 2009 à 2014 se rapprochant de la moyenne de l’Union européenne (54 %). Pour mémoire, ce taux est de 67 % en Allemagne. En revanche, pour éviter le chômage, les jeunes de moins de 25 ans retardent leur entrée sur le marché du travail. Ainsi, leur taux d’emploi est passé de 31 à 28 % de 2009 à 2014.
La France se caractérise également et malheureusement par la durée du chômage. 40 % des demandeurs d’emploi le sont depuis plus d’un an soit 5 points de plus que la moyenne de l’OCDE. Selon les données de Pôle Emploi, à la fin du mois de décembre 2014, 43 % des demandeurs d’emploi étaient inscrits depuis plus d’un an dont 20 % inscrits depuis un à deux ans, 10 % depuis deux à trois ans et 13 % depuis plus de trois ans.
Un cinquième de la population en sous-emploi
Aux demandeurs d’emploi, il faut ajouter les personnes exerçant un emploi à temps partiel ou en intérim et cherchant ou souhaitant un travail à temps plein. Fin 2014, selon l’INSEE, 1,7 million de personnes pourraient être concernées. Par ailleurs, 1,4 million de personnes seraient en état d’inactivité contrainte tout en ayant abandonné toute recherche active d’un travail. Rapporté à la population active (28 millions), le taux de chômage ainsi recalculé pourrait atteindre plus de 20 %. Par ailleurs, il faut souligner que la France comptait, en 2014, plus de 495 000 emplois aidés dont 95 000 emplois d’avenir. Si ce dernier a atteint son objectif, tel n’est pas le cas des contrats de génération dont le nombre est d’environ 30 000 quand les pouvoirs publics en attendaient initialement 500 000 à l’horizon 2017.
En matière de traitement du chômage, depuis 2013, l’accent a été mis sur la fluidification du marché du travail et sur l’amélioration de l’offre. L’accord de sécurisation de l’emploi la réforme de la formation professionnelle, le CICE, le pacte de responsabilité et la loi Macron sont les traductions de cette nouvelle orientation donnée à la politique de l’emploi. Les questions sur le contrat unique, le temps de travail, l’indemnisation du chômage, la pénalisation des licenciements économiques restent en suspens pour le moment.