Le Coin des Tendances du 7 mai 2016 : de la fin de l’auto au réemploi
La voiture, c’est fini ? Pas pour tout le monde
Depuis le milieu des années 70, le nombre de kilomètres parcourus par ménage a fortement augmenté du fait de l’accroissement du nombre de véhicules, du développement des séjours de courte durée. Par ailleurs, l’accroissement des distances entre lieu de travail et lieu d’hébergement a contribué à cette évolution. Néanmoins, une rupture est intervenue au milieu des années 2000 en France comme dans la grande majorité des pays occidentaux ; le kilométrage plafonne voire recule du fait de changement de comportements, d’offres de transport alternatives, de coût croissant des carburants, des difficultés économiques…. La baisse du nombre de kilomètres parcourus concerne avant tout les habitants des grandes agglomérations qui utilisent moins un véhicule pour se déplacer. En revanche, la distance parcourue augmente encore chez les ruraux ou les semi-ruraux.
De multiples facteurs expliquent la baisse du kilométrage dans les zones urbaines et sa hausse dans les territoires à faible densité démographique (les 25 % des communes ayant la densité la plus faible).
Une question de répartition de la population en fonction des âges
Les zones urbaines et à forte densité démographique comprennent un nombre plus élevé de jeunes qui ont de plus en plus de mal financièrement à passer leurs permis de conduire et à acheter une voiture. En revanche, en raison d’un niveau de vie supérieur à la moyenne, les retraités sont de mieux en mieux équipés en voiture particulière. La proportion de ces derniers à vivre en zone à faible densité démographique est plus élevée que celle des jeunes. Par ailleurs, ils disposent de plus de temps libre que les actifs ce qui les conduit à se déplacer d’avantage.
Une question d’organisation, de revenus et de priorité
Les ménages avec deux actifs en zone à faible densité ont obligatoirement deux véhicules quand en milieu urbain un véhicule suffit. De plus en plus de foyers, en milieu urbain, n’ont même plus de voitures. Ils recourent à un véhicule particulier soit par le biais de la location qu’elle soit faite par des professionnels ou via des sites collaboratifs.
En milieu urbain, le coût du logement obère le budget des ménages qui sont contraints d’effectuer des arbitrages. La voiture est ainsi une victime collatérale de l’augmentation des dépenses de logement. Par ailleurs, en milieu urbain, il faut ajouter au coût de possession et d’entretien de la voiture celui du garage. Chez certains, mais cela reste très marginal selon les dernières études du CREDOC, le refus d’acheter une voiture obéit à des considérations environnementales.
Dans les grandes agglomérations et en premier lieu dans l’agglomération parisienne, le nombre d’utilisateurs de la voiture plafonne voire baisse depuis 1996 tout comme le nombre de kilomètres parcourus. Cette capacité à se passer de voitures en milieu urbain est évidemment liée à la possibilité d’utiliser les transports collectifs qui en milieu rural, à l’exception des transports scolaires, sont peu développés. Elle s’impose également par l’augmentation du nombre d’embouteillages.
L’importance des trajets domicile/travail
La voiture sert au quotidien pour se rendre à son travail. Si cela est de moins en moins vrai en milieu urbain, cela reste une évidence en milieu rural. Il faut souligner qu’en milieu rural, la distance à parcourir entre le lieu de travail et le foyer est plus importante qu’en milieu urbain. Avec le déclin des petites villes, les actifs ruraux sont de plus en plus obligés de se rendre au sein de la métropole ou des agglomérations urbaines les plus proches pour trouver un emploi. 80 % des résidents en zone à faible densité déclarent utiliser leur voiture particulière pour aller au travail. 16 % des emplois situés en milieu urbain sont occupés par des ruraux. L’usage de la voiture pour aller au travail est passé de 81,4 à 83 % en zone peu dense quand il est passé de 64 à 62 % dans le reste du territoire métropolitain.
Dans ces conditions, il est assez logique que 90 % des ménages de zones à faible densité aient au moins une voiture en 2011. Ce taux était de 89 % en 2006. En territoire à forte densité, le taux de possession de la voiture est de 76 % et est en baisse depuis 2006. Le taux de motorisation n’est que de 58 % à Paris en 2011 quand il était supérieur à 60 % en 2006. Au niveau national, une baisse de la détention est enregistrée depuis plusieurs années chez les moins de 40 ans mais cette baisse ne concerne pas les résidents des zones à faible densité démographique.
Le nombre de kilomètres parcourus par ménage, entre 2001 et 2008, baisse même en milieu à faible densité démographique. Il est passé de 14 925 à 13 605 kilomètres. Cette baisse concerne tant les couples avec actif occupé que ceux avec actif inoccupé. Le nombre de kilomètres parcourus avait constamment augmenté durant les années 80 et jusqu’au milieu des années 90. Les kilométrages sont plus élevés dans le milieu périurbain. Ils sont supérieurs de 10 % à ceux constatés en milieu à très faible densité démographique.
Les voitures sont utilisées de plus en plus pour effectuer des trajets domicile/travail et de moins en moins pour les loisirs. La part des déplacements pour se rendre sur le lieu de travail est passée de 18 à 20 % du kilométrage. La voiture est moins utilisée pour rendre visite à des proches (7 % contre 8 % du kilométrage) ou pour réaliser des achats (12 % contre 14 % du kilométrage). La part des grands voyages en voiture tend à diminuer en raison du développement du TGV et des vols aériens en low-cost. Le développement du covoiturage succédané de l’autostop d’autrefois, prend une place croissante en particulier chez les moins de 40 ans vivant en zone urbaine. Selon une étude ADEME-IPSOS, 8 % des utilisateurs des plateformes de covoiturage y recourent pour voyager de manière hebdomadaire ou mensuelle. Le site de Blablacar annonce avoir plus de X10 millions de membres en France. Chaque mois, via cette plateforme, un million de personnes bénéficieraient d’un moyen de transport ce qui équivaudrait à plus de 2000 rames de TGV.
L’économie du réemploi prend ses marques
L’économie du réemploi ne date pas d’Internet et des plateformes collaboratives. De tout temps, les ménages s’échangent des vêtements surtout pour les enfants, se prêtent des outils ou des machines. Le monde agricole pratique de longue date la mutualisation des machines et des outils de travail.
Les plateformes en agrandissant le cercle des personnes susceptibles de partager des biens et des services contribuent à favoriser la croissance de pratiques anciennes.
Selon une enquête de l’INSEE et de l’IDDRI (institut du développement durable et des relations internationales, plus du quart des dépenses des ménages réalisées chaque année pourrait faire l’objet d’un partage ou d’un réemploi ‘revente, don, troc). Cela concerne évidemment l’habillement, les jeux, les livres, l’électroménager, les outils de bricolage, les meubles, l’automobile…
Une grande partie des biens achetés est remplacée avant la fin de leur durée de vie. Ainsi, 40 % des réfrigérateurs sont remplacés alors qu’ils sont encore en état de marche. Il en est de même pour 25 % des lave-vaisselle et pour 14 % des machines à laver. Une télévision est changée en moyenne après une utilisation durant 60 000 heures quand sa durée de vie moyenne est de 80 000 heures. Les Français achètent un nouveau téléphone portable en moyenne tous les 2,5 ans quand la durée de vie technique est de 10 ans (sources ADEME).
En recourant au réemploi, la durée d’usage des biens serait allongée d’un tiers permettant de réduire de 10 % les déchets générés par les ménages.
Le réemploi est évidemment largement pratiqué en matière automobile. 68 % des voitures faisant l’objet d’un réemploi sont revendues, 12 % sont données et 20 % sont envoyées à la casse. Pour les vêtements, le don l’emporte nettement (60 %) quand la revente n’en concerne que 2 %. Pour les vêtements d’enfant, la part des dons est de 88 %. De même 55 % des vélos réemployés font l’objet d’un don quand 12 % sont revendus, 3 troqués et 12 % sont détruits. 75 % des livres remis en circulation sont donnés, 12 % sont vendus et 10 % sont troqués.
33 % des consommateurs déclarent avoir acheté un produit d’occasion sur Internet et 34 % déclarent avoir vendu un objet (2011). Ces taux étaient respectivement de 27 et 16 % en 2007.
Le recours à une location de courte ou de longue durée progresse. Pour la voiture, cela concerne 10 % des Français, pour le vélo 28 %, pour les livres 27 %, pour le matériel de bricolage (source CREDOC – 2012).