Le Coin de la Conjoncture du 21 mai 2016
Les affres de l’économie mondiale
L’économie mondiale, du fait notamment du ralentissement des pays émergents, connait une phase de décélération et cela malgré un contexte qui devrait être porteur.
Des taux d’intérêt historiquement bas qui devraient soutenir l’activité
Les très faibles taux d’intérêt devraient favoriser la demande en réduisant fortement le coût de l’endettement. Leurs effets sont néanmoins limités par la déflation salariale en cours. Pour emprunter, il faut un minimum d’apports, d’autant plus que les règles prudentielles ont été durcies. Par ailleurs, pour s’endetter, il faut avoir confiance en l’avenir, un sentiment qui n’est pas largement partagé actuellement.
Néanmoins, à l’échelle mondiale, le crédit s’élève désormais à près de 110 % du PIB quand il n’en représentait que 97 % en 2002. La croissance du crédit est de 8 % par an toujours en moyenne mondiale (source : Datastream) ce qui correspond au taux de croissance d’avant la crise de 2008.
Le coût de l’énergie et des matières premières bon marché
Les prix bas des matières premières et de l’énergie favorisent les pays consommateurs. Le gain en termes d’importation est de plus de 2 % du PIB entre 2013 et 2016 pour les États membres de la zone euro ou le Japon.
Cette chute rapide des cours des matières premières a, en revanche, fortement impacté les pays producteurs. La croissance de ces pays est passée de plus de 4 % en 2013 à moins de 2 % en 2016. Or, depuis vingt ans, leur poids, au sein de l’économie mondiale, s’est accru. De ce fait, leur ralentissement pèse plus que dans le passé sur l’économie mondiale.
Les salariés ne sont pas à la fête
La croissance est entravée par une déformation du partage des revenus au détriment des salariés. Cette situation est marquée aux États-Unis et au Japon. Cela freine la reprise de la consommation et l’investissement des ménages.
A l’échelle mondiale, les salaires en valeur réelle ont progressé de 15 % de 2002 à 2016 quand la productivité par tête a progressé de 45 % sur la même période (source : Datastream).
L’euro et la segmentation de son marché financier
La reprise de la zone euro est entravée par la segmentation de son marché financier. La diminution des flux de capitaux en son sein contraint les États périphériques à équilibrer leur balance des paiements. Il en résulte une diminution de la demande intérieure. L’Italie, le Portugal et la Grèce enregistrent depuis 2010 une forte baisse de la demande intérieure. Pour l’Espagne, après une chute de 20 points, une reprise est en cours depuis deux ans.
Un commerce international en petite forme
L’économie mondiale est également freinée par le ralentissement du commerce international. Ce ralentissement est de nature structurelle. Plus les économies se complexifient, plus le poids des services augmentent au détriment des échanges de biens. Or, les services s’échangent moins que les biens et génèrent des gains de productivité moindres que l’industrie. Les variations des taux de change entravent le développement du commerce international et les mouvements de capitaux.
Excès d’épargne et aversion aux risques
La forte aversion aux risques des investisseurs pèse également sur la croissance. Ce rejet du risque s’accompagne d’un excès d’épargne ce qui contraint la croissance. Certes, le ralentissement en Chine et dans les pays producteurs devrait aboutir à réduire une partie de ce déséquilibre. De même, il est espéré que l’arrivée massive de migrants et les augmentations de salaire décidées dans l’industrie en Allemagne puissent déboucher sur une augmentation de la consommation et une réduction de l’excédent commercial jugé excessif par la Commission de Bruxelles. Néanmoins, au 1er trimestre de l’année 2016, la balance commerciale allemande a été excédentaire de 60,4 milliards d’euros contre 59,1 milliards d’euros au cours de la même période en 2015.
Les classes moyennes sous pression
Les classes moyennes, les enfants des Trente Glorieuses, ont le spleen. À tort ou à raison, elles ont le sentiment de péricliter depuis le début du siècle. Ce mal-être n’est pas spécifique à notre pays. Aux États-Unis, au Royaume-Uni mais aussi en Allemagne, elles se sentent de plus en plus abandonnées des pouvoirs publics. Les classes moyennes c’est-à-dire le cœur des sociétés qui, par leur travail plus que par leur capital, ont pu accéder aux biens de consommation, à la société de loisirs et à la propriété de leur résidence principale sont aujourd’hui menacées de déclassement tant en raison des politiques publiques mises en œuvre que par l’évolution structurelle de l’économie.
Les classes moyennes regroupent un ensemble hétéroclite de personnes, essentiellement des salariés, avant tout cadres, vivant en milieu urbain. Les représentants de la classe moyenne doivent leur ascension sociale à l’école et à la croissance. Il n’y a pas, bizarrement, de définition officielle. L’Observatoire des Inégalités retient celle-ci : « les classes « moyennes » se situent entre les 30 % de ménages les plus démunis et les 20 % les mieux rémunérés. Elles représentent 50 % de la population ». Cette définition n’intègre pas le facteur géographique. Ainsi, un ménage de la classe moyenne vivant à Paris devra faire face à des dépenses de logements bien plus lourdes que celui vivant dans une petite ville de l’Eure. Certains considèrent, par ailleurs, que la barre des 20 % est un peu réductrice et qu’il conviendrait d’englober dans les classes moyennes les ménages se situant entre les 20 et les 10 % les plus riches.
Du fait de l’absence de définition officielle, les comparaisons internationales sont rares.
Les classes moyennes qui tirent leurs revenus essentiellement du facteur travail et plus précisément de l’emploi salarié sont menacées en raison de l’évolution des modes de production et de la digitalisation de l’économie. Robert Reich, dans un livre datant de 1993, L’économie mondialisée avait pronostiqué que les classes moyennes seraient menacées de paupérisation. Il considérait que la nouvelle économie qui se mettait alors en place reposerait sur des manipulateurs de symbole et des emplois à faible valeur ajoutée. Derrière le terme de manipulateur de symboles, Robert Reich mettait toutes les personnes ayant un rôle clef dans le processus de création ou dotés d’un savoir-faire non copiable facilement. Ainsi, un artiste, un joueur de football de talent, un ingénieur, un dirigeant d’entreprise, un médecin spécialiste, un créateur de slogan… sont des manipulateurs de symbole. À l’autre bout de l’échelle figurent les emplois de services dont le nombre s’accroît dans tous les pays occidentaux : emplois d’aide à la personne, emplois dans les restaurants, emplois dans les centres de logistique…
La classe moyenne attaquée par le haut et par le bas aux États-Unis et en Allemagne
Selon une étude de l’institut DIW de Berlin parue au début du mois de mai, la part de la population adulte disposant d’un revenu compris entre 67 % et 200 % du revenu médian a diminué tant en Allemagne qu’aux États-Unis au cours de ces trente dernières années. Cette étude ne concerne malheureusement que ces deux pays. Au regard des chiffres de l’INSEE, même si cela est d’une moindre ampleur et plus récent, les classes moyennes françaises subissent le même sort.
En 1981, la classe moyenne représentait 59 % des adultes aux États-Unis. Son poids est passé à 56 % en 1991, puis à 50 % en 2015. En Allemagne, en 1983, la classe moyenne représentait 69 % des adultes ouest-allemands. En 1991, dans l’Allemagne réunifiée, cette proportion était encore de 66 %. Elle n’est plus que de 61 % en 2015. Entre 1991 et les derniers chiffres disponibles, le recul de la classe moyenne s’élève à 6 points aux États-Unis et à 5 points en Allemagne. Depuis 2000, cette évolution s’accompagne d’un recul du revenu médian lui-même pour les classes moyennes. Aux États-Unis, ce revenu s’est abaissé de 4 % entre 2000 et 2014, alors qu’en Allemagne, il a reculé de 1 %.
En France, le nombre de personnes se situant dans le 1 % le plus riche (au-delà de 100 000 euros de revenus par unité de consommation) est passé de 353 000 à 514 000 de 2004 à 2011. En valeur relative, elles représentaient 0,8 % de la population en 2011 contre 0,6 % de la population en 2014. Cette augmentation du nombre de personnes aisées permet de souligner que l’ascension sociale n’est pas complètement en panne en France. À la différence d’un certain nombre de ses partenaires et contrairement à quelques idées reçues, le nombre de personnes en situation de pauvreté reste stable en France depuis une vingtaine d’années. Le taux de pauvreté reste autour de 14 % (nombre de personnes dont le niveau de vie est inférieur à 60 % du niveau de vie médian). 3,6 millions de ménages (8,5 millions de personnes) sont concernés. Depuis plusieurs années, le taux stagne. En valeur absolu, le nombre de ménages vivant sous le seuil de pauvreté s’est accru de 300 000 en 10 ans.
Les emplois de la classe moyenne en danger
Aux États-Unis, les emplois de la classe moyenne représentaient en 2014 moins de 45 % des emplois contre 60 % de l’emploi en 1970. Entre 1993 et 2010, les emplois de la classe moyenne ont baissé de 10 points au Danemark et au Royaume-Uni, de 9 points en France et de 7 points en Allemagne.
Ce recul des classes moyennes s’accompagne de la progression, par voie de conséquence, des deux extrêmes de la répartition des revenus. Ainsi, aux États-Unis, la proportion des personnes gagnant plus de 200 % du revenu médian est passé de 15 % en 1981 à 17 % en 1991 et à 21 % du total en 2015. Ceux gagnant moins de 60 % du revenu médian sont passés de 26 % en 1981 à 27 % en 1991 et à 29 % en 2015. En Allemagne, les classes aux revenus plus élevés sont passées de 9 % de l’ensemble des adultes en 1983 à 10 % en 1991, puis à 13 % en 2013. Mais les classes aux revenus les moins élevés sont passées de 23 % en 1983 à 24 % en 1991 et 27 % en 2013.
Les emplois créés que ce soit aux États-Unis, en Allemagne ou en France sont à faible qualification pour une très grande majorité d’entre eux. À l’autre extrémité se développe un marché de l’emploi de plus en plus international avec des profils à haute valeur. Les emplois, au cœur, sont menacés par l’automatisation des tâches et la réduction des chaines de commandement.
Les classes moyennes, par leur nombre, financent en grande partie les dépenses publiques. Elles ne peuvent guère, à la différence des personnes à hauts revenus, s’expatrier pour échapper à la pression fiscale. Elles ont été bien souvent contraintes de partir du centre des grandes métropoles pour la banlieue. Le cœur historique des métropoles est de plus en plus occupé par les hauts revenus ainsi que par une frange très étroite des classes modestes ayant la possibilité d’accéder aux logements sociaux. Par ailleurs, « l’airbnbisation » des centres villes touristiques renforce la pression sur le prix des loyers. Des villes comme Rome voire Berlin sont de plus en plus désertées par les résidents au profit de vacanciers séjournant dans des appartements loués à la journée ou à la semaine.
Les classes moyennes se segmentent de plus en plus. Sous l’effet des médias, des centres commerciaux, des années 50 aux années 80, une convergence des modes de vie était constatée. Avec les années 90, la massification a atteint ses limites. Les communautés se multiplient au centre de la société.
La garde des enfants un enjeu économique et social
Les moyens de garde des enfants influent fortement sur le taux d’activité féminine et sur le niveau de vie des ménages. Au sein de l’Union européenne, la moitié des enfants de moins de trois ans étaient gardés uniquement par leurs parents en 2014. 28 % fréquentaient, au moins partiellement, des systèmes formels d’accueil, ce qui est inférieur à l’objectif de 33 % pris par les États membres au sommet de Barcelone de 2002.
Les écarts entre les États membres sont élevés. Ils s’expliquent par des différences de niveau de développement et de traditions.
Ainsi, les enfants sont majoritairement gardés par leurs parents en Europe de l’Est quand en Europe du Nord les formes socialisées l’emportent. Il convient de souligner que les États d’Europe du Sud ayant intégrés depuis plusieurs décennies l’Europe ne diffèrent qu’à la marge des États d’Europe du Nord.
Les proportions d’enfants de moins de trois ans gardés par ses parents figurent parmi les plus élevées en Bulgarie (73 %), en Lettonie (70 %) ainsi qu’en Hongrie et en Slovaquie (68% chacune).
Ce taux est de 50 % en Italie et de 49 % en Espagne ce qui correspond à la moyenne européenne. Il est à noter que seulement 37 % des enfants grecs de moins de 3 ans sont gardés par leurs parents et que ce taux est de 27 % au Portugal.
Le taux le plus bas est atteint par les Pays-Bas (23 %). La France se situe en-dessous de la moyenne avec un taux de 40 %.
Pour les structures collectives d’accueil, les États d’Europe du Nord font la course en tête. Au Danemark, 70 % des enfants de moins de 3 ans sont ainsi accueillis, en Suède, ce taux est de 56 %. Il est de 49 % en Belgique et au Luxembourg. En France, 40 % des enfants de moins de 3 ans sont gardés dans des structures professionnelles.
Le tourisme un secteur en pointe pour le digital
En quelques années, le recours aux techniques de la communication et du numérique a profondément modifié la donne dans le secteur du tourisme. Les réservations, que ce soit pour les transports ou l’hébergement, s’effectuent par Internet avec un recours de plus en plus important à des plateformes qui agrègent les demandes.
Le tourisme en ligne est devenu la norme
Pour organiser ses voyages, Internet est devenu incontournable. Selon l’institut statistique européen, Eurostat, en 2014, plus des deux tiers des déplacements aériens et plus de la moitié des déplacements en train ont été réservés en ligne.
L’hébergement a également été réservé en ligne pour plus de la moitié des séjours. Face à cette mutation, les entreprises du secteur touristique ont été à l’avant-garde de la digitalisation. Elles n’avaient de toute façon guère le choix pour survivre. Si la commande en ligne n’était, en 2015, proposée que par 17 % de l’ensemble des entreprises européennes, cette proportion atteignait 74 % dans le secteur de l’hébergement touristique.
Un peu plus des deux tiers (67 %) des vols aériens effectués par les touristes de l’Union européenne, en 2014, ont été réservés en ligne. Dans deux États membres, la Finlande et les Pays-Bas, ce taux dépasse 80 %. Sont en retrait les pays d’Europe de l’Est (la Roumanie avec 23 %, la Slovaquie avec 27 % et la République tchèque avec 38 %).
Les locations d’hébergements touristiques ont été effectuées en ligne pour la majorité (55 %) des séjours des résidents de l’Union en 2014. Néanmoins, la situation variait beaucoup d’un État membre à l’autre. La réservation en ligne d’un hébergement a concerné plus de deux séjours sur trois effectués par les résidents des Pays-Bas (69 %), de France (68 %) et du Luxembourg (67 %), mais ce taux est inférieur à 10 % en Roumanie (7 %) ainsi qu’en Bulgarie (9 %).