15 avril 2017

Le Coin des tendances du 15 avril 2017

Le commerce international au cœur des débats

Le FMI, la Banque Mondiale et l’OMC (Organisation Mondial du Commerce) ont rendu public, en ce début du mois d’avril, un rapport concernant les effets du commerce international sur la croissance et l’emploi. Le bilan est positif même si, sur ces dernières années, les pays avancés ont été confrontés à des pertes d’emploi en raison de la montée en puissance de l’industrie au sein des pays émergents. Les trois organisations rappellent les conséquences désastreuses de la fermeture des frontières après la crise de 1929. Les négociations du GATT après la Seconde Guerre mondiale ont tout à la fois contribué à la croissance et à l’amélioration des relations entre les États membres de la communauté internationale.

Selon ces trois organisations, l’ouverture extérieure est une source de croissance et d’innovations. En augmentant la concurrence elle accroit les gains de productivité et contribue à lutter contre la corruption du fait de la plus grande transparence qu’elle impose. Ainsi, les réformes commerciales menées au Brésil entre 1988-1990 avaient alors entraîné une croissance de 6 % des facteurs de production et provoqué une forte contraction des fraudes.

L’intégration aux échanges mondiaux permet aux consommateurs d’accéder plus facilement à un grand nombre de produits et à un prix plus faible. Les gains de pouvoir d’achat des consommateurs ont été depuis 1990 importants. Les produits textiles, les équipements électroniques, l’électroménager ont connu de fortes baisses. Depuis 1947, le développement du commerce international a permis de réduire de deux tiers le prix moyen du panier de la ménagère la moins fortunée dans les pays riches ; pour les plus fortunés, c’est un quart.

Les pays émergents réalisent plus de 50 % de la production industrielle. En reprenant à grande échelle, la méthode développée par les quatre dragons, Hong Kong Singapour, Taïwan et la Corée du Sud, dans les années 70/80, la Chine et quelques autres pays d’Asie ont modifié en moins d’une génération le paysage économique mondial. La Chine est ainsi devenue le premier exportateur mondial tout en étant le deuxième importateur, ce qui symbolise à la perfection son rôle d’assembleur et surtout sa sortie de l’autarcie dans laquelle elle évoluait depuis 1949. De tels changements ne peuvent pas être sans incidence sur les économies des autres pays d’autant plus qu’ils s’accompagnent d’une mutation technologique avec la montée en puissance du numérique. Le FMI, la Banque Mondiale et l’OMC reconnaissent ainsi que les importations chinoises auraient conduit à la suppression d’un million de postes manufacturiers et 1,4 million d’emplois non manufacturiers aux États-Unis, au cours de la période 1999-2011. Dans une moindre mesure, la France et l’Espagne y ont également été confrontées.

 

Les responsables des trois organisations internationales demandent que les dirigeants n’utilisent pas le commerce international comme bouc émissaire. Ils les invitent, au contraire, à souligner ses bienfaits. Par ailleurs, l’ouverture extérieure exige des actions permanentes en faveur de l’investissement, de l’innovation et de la formation. Le rapport souligne la nécessité de mettre en place des politiques d’accompagnement centrées sur la mobilité de la main d’œuvre. Des mesures spécifiques en faveur du logement, des transports et de l’acquisition de nouvelles compétences s’imposent pour éviter un retour à des pratiques protectionnistes. La  faible mobilité des actifs est l’un des problèmes majeurs auxquels sont confrontés les pays avancés. Aux États-Unis, la migration limitée des travailleurs issus des États fédérés soumis à la concurrence chinoise a eu pour résultat une montée du chômage, une décrue de la participation au marché de l’emploi et une baisse des salaires, observe le rapport.

Ce rapport intervient dans un contexte de stagnation du commerce international et de montée des mesures protectionnistes. Les exportations stagnent depuis 2011 du fait à la fois de la baisse des prix des matières premières et de l’énergie, de la moindre croissance de certaines zones économiques et d’une moindre progression de la demande de biens industriels. Cette évolution de la demande mondiale s’explique par la progression du pouvoir d’achat d’une part croissante de la population qui entraîne une modification des habitudes de consommation. Plus une population est riche, moins elle consomme en termes relatifs de biens industriels, plus elle consomme de services. Il en est de même avec une population vieillissante. Ces deux facteurs sont à l’ordre du jour. Par ailleurs, l’augmentation des salaires au sein des pays émergents réduit l’attrait de ces derniers. En 2016, selon l’OMC, le commerce international n’a progressé que de 1,3 % quand le taux de croissance de l’économie mondiale était supérieur à 2,3 %. Le temps où le premier augmentait deux fois plus vite que le second est loin. Les exportations n’ont augmenté que de 0,5 % l’année dernière en Amérique du Nord, de 1,4 % en Europe et de 1,8 % en Asie. L’OMC s’attend à une amélioration en 2017 et 2018 sans pour autant qu’un réel rattrapage soit à l’ordre du jour.

La réaction des peuples est souvent en retard par rapport aux évolutions économiques et sociales. De fait, la résurgence des thèses protectionnistes en Europe comme aux États-Unis intervient au moment même où le commerce international tend à se stabiliser. Par ailleurs, la stagnation des salaires, la crainte du déclassement en particulier au sein des classes moyennes et la perte de certains repères contribuent à la progression des votes populistes. Cette situation aboutit à un renversement des positions. Ce sont désormais les pays émergents, la Chine en tête, qui réclament le respect des règles du libre-échange quand les pays avancés sont prêts à adopter des dispositions protectrices de leur marché. Un axe associant la Chine, le Japon, la Corée du Sud, plusieurs pays d’Asie et d’Amérique latine ainsi que l’Allemagne se constitue afin de défendre les avantages d’un commerce international ouvert. Actuellement, le rapport de force est incertain car les États-Unis demeurent le premier importateur mondial. De son côté, l’Union européenne est le principal centre commercial de la planète. Les pays émergents ne peuvent pas se passer de ces deux marchés tout en maintenant leur taux de croissance à des niveaux élevés. Le retour du protectionnisme serait préjudiciable pour la croissance de l’économie mondiale d’autant plus qu’avec le rapprochement des coûts de production entre les différents pays, les déséquilibres commerciaux pourraient se réduire. Plus des pays sont proches en termes de développement, plus leurs échanges s’accroissent et plus ils sont mutuellement enrichissants. L’Europe est la meilleure traduction de ces règles. La régionalisation du commerce international devrait donc s’accélérer dans les prochaines années.

 

La contrefaçon en mode TIC

La contrefaçon ne concerne pas seulement les produits de luxe ou les médicaments. L’électronique possède également des filières de vente de produits contrefaits. Ainsi, selon l’OCDE, un téléphone mobile sur cinq et une console de jeux vidéo sur quatre qui traversent les frontières sont des faux.

Tous les produits de la filière électronique et informatique font l’objet de contrefaçon, des batteries aux smartphones en passant par les chargeurs, les cartes-mémoires, les cartes à bande magnétique, les disques statiques jusqu’aux lecteurs audio. L’analyse des données douanières concernant 2013 fait apparaître qu’en moyenne, 6.5 % des biens liés aux technologies de l’information et des communications (TIC) qui sont échangés dans le monde sont des produits de contrefaçon.

Les contrefaçons mettent en danger les consommateurs et conduisent à des pertes de recettes pour les pouvoirs publics. La Chine est la première source de faux dans le domaine des TIC, tandis qu’aux États-Unis es fabricants pâtissent le plus du manque à gagner et du phénomène de dépréciation des marques. 43 % du total des contrefaçons de biens TIC saisies portent atteinte aux droits de la propriété intellectuelle d’entreprises américaines, 25 % à ceux d’entreprises finlandaises et 12 % d’entreprises japonaises.

Sur la base de données concernant près d’un demi-million de saisies douanières réalisées dans le monde au cours de la période 2011-13, le chiffre d’affaire des TIC de contrefaçon, en 2013, avait atteint 143 milliards dollars. Près des deux tiers de ces faux sont expédiés par l’intermédiaire de services de livraison express ou postal, ce qui complique grandement le contrôle et la détection. Cette fraude représente 6 % de valeur ajoutée du secteur des TIC ou 9 % de la valeur des exportations.