Le Coin de la Conjoncture du 15 juillet 2017
L’épreuve fiscale et budgétaire
Dans les prochaines semaines, le nouveau Gouvernement doit éviter le dérapage du budget en cours et établir celui de 2018 en respectant les engagements européens de la France mais aussi les promesses électorales du candidat Emmanuel Macron. Le pari apparaît complexe compte tenu de la faiblesse des marges de manœuvre et du peu de temps dévolu à la recherche des économies.
Ramener le déficit 2017 à 3 % du PIB
Le Premier Ministre, Edouard Philippe, a annoncé son intention de ramener le déficit public de 3,2 à 3 % du PIB au cours de l’année 2017. Cet effort porte sur 4,5 milliards d’euros sachant que le Gouvernement doit faire face à de nouvelles dépenses (refinancement d’AREVA pour 1,5 milliard d’euros, dépassement des dépenses pour les contrats aidés et les formations des demandeurs d’emploi à hauteur de 450 millions d’euros, plan en faveur de la Guyane, surcroît de dépenses militaires et de sécurité, dépenses liées à l’accueil des demandeurs d’asile pour 300 millions d’euros, crises sanitaires agricoles pour 150 millions d’euros etc.). En tout, les ouvertures de crédits portent sur 3 milliards d’euros. Le Ministre des Comptes Publics a déjà acté 3 milliards d’euros d’annulation de crédits. Un nouveau train d’annulation sera nécessaire d’ici la fin de l’année. Il a également décidé d’appliquer la baisse des Allocations Personnelles pour le Logement. Le Ministère de la Défense a été par ailleurs appelé à réaliser 850 millions d’euros d’économies.
Abaisser le déficit 2018 à 2,7 % et à 0,5 % en 2022
En 2018, le Gouvernement devra jongler entre la mise en œuvre de certaines promesses fiscales, évaluées à 14 milliards d’euros par Edouard Philippe, et la réduction du déficit à 2,7 % du PIB, ce qui suppose un effort de plus de 7 milliards d’euros.
Pour alléger le coût de la facture, le Gouvernement a prévu de relever de 2 milliards d’euros la fiscalité sur l’énergie et de 500 millions sur les tabacs. Il n’en demeure pas moins que l’impasse est de près de 20 milliards d’euros. Le Premier Ministre a, de ce fait, pris l’engagement de réduire les dépenses publiques à due concurrence. La Sécurité sociale sera mise à contribution à hauteur de 8 milliards d’euros et les collectivités territoriales à hauteur de plusieurs milliards d’euros.
Compte tenu du pari de ramener le déficit à 0,5 % en 2022 et de réduire de 3 points les dépenses publiques, le montant des économies à réaliser dans les 5 prochaines années est chiffré à 80 milliards d’euros. L’OFCE considère que cet objectif n’est pas atteignable et qu’au mieux, la réduction portera sur 40 milliards d’euros.
Le plan fiscal du Gouvernement
Après quelques tergiversations, le Premier Ministre a décidé de mettre en œuvre, dès 2018, la transformation de l’ISF, l’application de la flat tax sur les revenus de l’épargne et l’allègement de la taxe d’habitation ainsi que la diminution progressive du taux de l’impôt sur les sociétés.
L’exonération pour 80 % des contribuables de la taxe d’habitation se déroulera sur 3 ans. En 2018, la baisse s’élèvera à 3 milliards d’euros, soit 30 % de la diminution totale prévue par Emmanuel Macron.
L’Impôt de Solidarité sur la Fortune devrait donc être transformé en Impôt sur la Fortune Immobilière à compter du 1er janvier 2018. L’allègement est évalué par le Ministère des comptes publics à 3 milliards d’euros. L’imposition des biens immobiliers serait inchangée.
Les revenus de l’épargne, hors épargne réglementée, seraient imposés à 30 % toujours à compter de 2018. Le Premier Ministre n’a pas précisé s’il s’agissait d’un prélèvement optionnel par rapport à l’impôt sur le revenu. A priori, cela devrait être le cas afin de ne pas pénaliser les contribuables assujettis à un taux marginal inférieur à 30 %. Pour l’assurance-vie, seuls les nouveaux flux de versement excédant 150 000 euros seraient concernés par la taxe de 30 %. Cela signifie que les épargnants effectuant chaque année des versements inférieurs à ce seuil resteraient soumis au barème actuel (7,5 % + les prélèvements sociaux). La mise en œuvre de la flat tax devrait réduire les prélèvements sur l’épargne de 1,5 milliard d’euros.
Sur les baisses de cotisations sociales, le Gouvernement s’est engagé à prendre des mesures de compensations en faveur des fonctionnaires et des indépendants. Il considère que la mesure devrait générer un gain de pouvoir d’achat de 1,5 %. Il n’a pas été précisé si la hausse de CSG de 1,7 point serait ou non déductible. Si elle ne l’était pas, le gain de pouvoir d’achat serait faible pour les assujettis à l’impôt sur le revenu.
Par ailleurs, le Gouvernement a décidé de réduire le taux de l’impôt sur les sociétés de manière progressive jusqu’à 25 %. Enfin, il a prévu d’augmenter les taxes sur les tabacs (500 millions d’euros) et sur le gazole (2 milliards).
Les allègements fiscaux et le transfert des cotisations sociales vers la CSG devraient générer un gain en termes de PIB de moins de 1 %. Compte tenu du fait que certaines baisses d’impôt ne seront sensibles qu’en cours d’année – au moment des versements – l’effet sur l’économie devrait être modéré. Cela pourrait néanmoins générer un surcroît de consommation de 0,3 à 0,5 point, le reste étant épargné. Toute chose étant égale par ailleurs, cette petite relance pourrait permettre à la France d’atteindre un taux de croissance de 1,5 à 1,6 % en 2018.
L’Europe fédérale, un mot tabou mais une solution incontournable ?
L’Allemagne se distingue des autres pays de la zone euro par l’importance de son industrie, ses excédents commerciaux et sa préférence faible pour le présent. L’emploi industriel représente 20 % des emplois en Allemagne contre 12 % en France. L’excédent commercial bat record sur record d’année en année. Il s’est élevé, l’année dernière, à 252,9 milliards d’euros. Les exportations ont atteint la somme de 1 207,5 milliards d’euros de biens, soit 1,2 % de plus qu’en 2015. Contrairement à quelques idées reçues, l’Allemagne accroît ses ventes au sein de l’Europe. En 2016, les exportations allemandes à destination de l’Europe ont, en effet, progressé de 1,8 % et de 2,8 % avec les autres pays européens (je ne comprends pas 1,8% ou 2,8% ?). Le taux d’épargne en Allemagne est de plus de 10 % quand la moyenne européenne avoisine 5 %.
L’Allemagne a développé son économie autour de l’industrie en privilégiant le haut de gamme. Ce dernier concerne plus de 45 % de la production allemande. Par ailleurs, pour améliorer leurs marges, les entreprises d’outre-rhin recourent plus que leurs homologues européennes à une sous-traitance en provenance des pays à bas coûts (Europe centrale et orientale, pays d’Asie émergents). Les importations allemandes de biens intermédiaires sont deux fois plus importantes que celles de la France. Le positionnement des produits allemands leur permet d’être relativement insensibles aux variations des coûts de production à la différence de ceux de leurs concurrents français, espagnols ou italiens (élasticité prix).
Les autres pays d’Europe, surtout ceux de l’Europe du Sud, se caractérisent de leur côté par une forte préférence pour le présent avec des taux d’épargne faible, des processus de désindustrialisation rapide et, en conséquence, par de forts déficits commerciaux. Cette situation est, en partie, à l’origine de la crise des dettes publiques qui a frappé l’Europe à compter de 2011. Pour lutter contre ces déséquilibres, la solution mise en œuvre depuis sept ans repose sur la restauration de la compétitivité des pays d’Europe du Sud. Ces derniers ont, tout à la fois, dû réduire leur déficit public, et peser sur leurs coûts salariaux. À ce petit jeu, l’Espagne s’en est le mieux sortie au prix néanmoins d’un chômage qui a atteint 25 % en 2014. Néanmoins, le système n’est pas optimal. En effet, la restauration de l’équilibre au sein de la zone passe par une diminution de la demande intérieure ce qui, par définition, réduit la croissance et détériore la situation de l’emploi. L’Allemagne qui dépend de l’Union européenne pour ses exportations à plus de 60 % est la première victime duralentissement de la consommation. Elle ne peut pas compter sur les consommateurs allemands pour prendre le relais, ceux-ci préférant épargner. De ce fait, malgré des excédents importants, la croissance allemande ne diffère guère de la moyenne européenne. L’Allemagne ressemble un peu aux villes hanséatiques qui étaient riches de leur commerce mais qui, au XVIe et au XVIIe, ne généraient pas une forte croissance.
Plus de quinze ans après sa création, la zone euro n’a pas résolu ce problème de spécialisation interne aboutissant à l’accumulation des dettes extérieures au Sud et des excédents au Nord.
Au sein d’un État, le règlement de tels déséquilibres s’effectue par des transferts de revenus et de capitaux. En France, nul ne regarde la capacité de financement des importations de la région Guadeloupe ou de la Martinique. Il en est de même aux États-Unis entre les différents États.
Si la zone euro était un État fédéral, les transferts de revenus de l’Allemagne vers les autres pays de la zone euro équilibreraient les balances courantes. Ces transferts pourraient prendre la forme de prestations sociales communautarisées, de transferts fiscaux sous forme de dotations, de subventions ou de transferts de capitaux (investissements, achats de titres). Or, depuis la crise financière de 2008 et celle des dettes souveraines de 2011, le marché financier européen s’est renationalisé. Il n’y a plus un marché européen des dettes mais des marchés nationaux. Les Italiens acquièrent des titres italiens et les Allemands des titres allemands. Le seul acteur fédéral dans ce système est la Banque centrale européenne.
L’Allemagne n’a pas un intérêt direct à avancer vers le fédéralisme européen. Les taux d’intérêt augmenteraient et les transferts s’effectueraient, du moins dans un premier temps, au profit des résidents du Sud. En revanche, un tel système assurerait la pérennité de la zone euro et augmenterait son taux de croissance.
Comment pourrait s’organiser un fédéralisme européen ?
Plusieurs mécanismes de nature fédérale pourraient être imaginés. Certains ne sont pas en l’état acceptable par les opinions publiques.
Les contributions des États au budget européen pourraient être modulées en fonction de paramètres économiques. L’Allemagne pourrait être amenée à financer davantage le budget en raison de son excédent commercial excessif. Par ailleurs, les pays à déficits excessifs pourraient être également plus rapidement pénalisés.
La création d’un système européen de Sécurité sociale
Afin de réaliser des transferts réguliers et efficaces, la mise en place à l’échelle européenne de prestations sociales serait la meilleure solution. Si la couverture chômage était européenne, les pays connaissant le plein emploi, comme l’Allemagne ou la République tchèque, financeraient les indemnités des pays connaissant un fort taux de chômage. Il faudrait évidemment au préalable définir le montant des prestations et les taux de cotisations qui seraient communs aux différents États. Au lieu de relever socialement de leur pays d’origine ou de celui d’accueil, les travailleurs détachés pourraient être rattachés à une caisse européenne qui collecterait les cotisations et qui verserait les prestations. En appliquant des taux moyens, cette solution limiterait, en outre, le recours aux travailleurs détachés. Le système de retraite pourrait également donner lieu à la création d’un étage européen. Il pourrait concerner les expatriés et les travailleurs détachés. Un pilier par capitalisation pourrait être également institué.
L’Allemagne a mis en place, entre les Länder, un dispositif de péréquation prenant en compte la richesse par habitant. Les transferts financiers visent à réduire les inégalités entre les différentes parties de l’Allemagne. En Europe, des prélèvements des régions riches au profit des régions pauvres pourraient être imaginés.
Parmi les outils souvent cités, figurent les euro-bonds avec, à la clef, la création d’une direction du Trésor européenne. La création de titres européens mutualisés permettrait de surmonter la segmentation du marché financier. Une telle avancée aboutirait à un important transfert de souveraineté. La levée de l’impôt, les émissions de titres constituent des prérogatives clefs des États modernes.
L’accroissement du budget européen avec l’instauration de fonds d’actions structurelles et conjoncturelles constitue également un des moyens pour atténuer les déséquilibres. Actuellement, le budget européen est avant tout un budget agricole et un budget en faveur des régions de l’Europe de l’Est. La mise en place de programmes d’investissement axés sur les infrastructures ou sur les nouvelles technologies est demandée depuis des années mais, à l’exception du plan Juncker, ces programmes sont restés lettre morte. Par ailleurs, pour lutter contre les chocs asymétriques, l’Europe devrait disposer de ressources mobilisables rapidement. Des États ou des régions touchés par une crise devraient pouvoir compter sur des aides européennes. L’octroi de prêts à taux zéro, le versement d’aides afin de financer de manière temporaire certaines prestations ou dépenses publiques (aides à la fermeture d’entreprises en faillite, financement de reconversion, de formation, etc.) pourraient être étudiés
Le fédéralisme n’est pas à sens unique. Cela signifie que les États bénéficiaires des largesses de l’échelon européen rendraient des comptes. Les aides, les dotations, les subventions, les transferts seraient conditionnés. Aujourd’hui, peu d’États européens sont disposés à perdre une part significative de leur souveraineté. Les États du Nord ont peur d’être amenés à financer les États « laxistes » du Sud. Le système de négociation étatique qui prévaut depuis la création de l’euro, à défaut d’être économiquement satisfaisant, agrée les dirigeants de la très grande majorité des États membres. Emmanuel Macron a, certes, avancé l’idée de l’instauration d’une plus grande solidarité au sein de la zone euro qui aujourd’hui n’existe pas officiellement. Elle n’est qu’une émanation formelle de l’Union. En effet, en vertu du Traité de Maastricht, tous les États membres de l’Union européenne ont vocation à entrer dans la zone euro. De ce fait, ils sont parties prenantes aux décisions la concernant. L’instauration d’un budget de la zone euro ainsi que de fonds ou de dispositifs spécifiques constituerait une rupture. Angela Merkel a écouté le nouveau Président de la République française mais n’a pas souhaité s’engager sur cette voie surtout à quelques semaines des élections au Bundestag.
L’agriculture au temps des paradoxes
La population mondiale devrait passer de 7,5 à 9,8 milliards de 2016 à 2050 pour atteindre 11,2 milliards d’habitants en 2100. Cette croissance qui s’accompagne d’une convergence des modes de consommation favorisée par la mondialisation était une source d’angoisses pour un certain nombre d’experts en ce qui concerne l’accès à l’eau et à la nourriture. L’augmentation des prix des terres et des produits agricoles, ces vingt dernières années, symbolisait ce risque. Or, une récente étude réalisée par l’OCDE et le FAO, semble prouver que la menace a été surestimée et que les tensions sur les prix devraient être moindres que prévu. Le réchauffement de la planète, la concentration de la population sur les côtes, l’urbanisation qui entraîne la destruction de terres arables n’auraient, du moins à moyen terme, que peu d’incidences sur les prix agricoles. Le défi des prochaines années restera l’augmentation et l’amélioration de la production africaine. En effet, l’Afrique devrait compter 4,4 milliards d’habitants d’ici la fin du siècle contre 1,216 milliards en 2016.
Selon l’OCDE, pour les dix prochaines années, les prix mondiaux des produits alimentaires de base devraient se maintenir à un bas niveau sous l’effet d’un tassement de la croissance de la demande dans plusieurs économies émergentes et d’un affaiblissement de l’impact des politiques bioénergétiques sur les marchés. La moindre croissance démographique explique cette évolution. La demande de viande par habitant ne devrait s’accroître que de 1 % pendant les dix prochaines années contre 6 % durant la précédente décennie. La demande par habitant de produits alimentaires de base stagnera, sauf dans les pays les moins avancés. Durant la période considérée, les apports supplémentaires de calories et de protéines devraient provenir essentiellement des huiles végétales, du sucre et des produits laitiers. La croissance de la demande de viande devrait mollir en l’absence de nouvelles sources de demande à même d’entretenir la dynamique précédemment lancée par la Chine.
La baisse du prix du pétrole conduit à une diminution de la production de bioénergie, ce qui a pour conséquence d’augmenter les surfaces disponibles pour l’alimentation humaine ou animale. La production de biocarburants ne devrait progresser que de 17 % pendant les dix prochaines années, contre 90 % durant la précédente décennie.
Cette croissance moins forte de la demande en produits agricoles s’accompagne d’une augmentation de la disponibilité moyenne de calories par personne et par jour dans les pays les moins avancés et dans la plupart des économies émergentes. Si l’accès aux produits agricoles est de plus en plus facile, les problématiques liées à la diversité et à la qualité se posent de plus en plus. La soutenabilité de certaines productions, le recours massif à certains produits jugés cancérigènes et l’assèchement des réserves d’eau douce constituent des menaces qui ne feront que s’accroître d’ici le milieu du siècle.
Des gains de productivité sont attendus grâce au développement de l’agriculture connectée et d’une meilleure sélection des espèces. Ainsi, dans les secteurs de la viande et des produits laitiers, la croissance de la production devrait reposer à la fois sur l’augmentation de la taille des troupeaux et sur une production par tête plus élevée. La hausse de la production de lait s’accélérera par rapport à la précédente décennie, surtout en Inde et au Pakistan.
Dans le secteur du poisson, la croissance reposera pour l’essentiel sur l’aquaculture. L’OCDE table sur une très forte expansion de la production de poissons d’élevage qui devrait constituer pour plusieurs pays la principale source d’apports de protéine. En 2026, les produits de la pêche et de l’aquaculture compteront pour la moitié de la consommation de protéines animales en Chine et en Asie du Sud-Est. D’après les projections, la production totale de l’aquaculture dépassera celle de la pêche d’ici à 2020.
Pour les productions végétales, les gains de productivité seront primordiaux. 85 % de l’augmentation de la production de blé et 90 % de celle de maïs seront à mettre au compte de l’amélioration des rendements, les superficies cultivées gagnant 2 %. L’amélioration des rendements contribuera à hauteur de 90 % à la hausse de la production de maïs, les 10 % restants étant à mettre au compte de l’accroissement des superficies. Néanmoins, les projections font état d’un accroissement de 14 % de la superficie en soja, principalement en Amérique du Sud, lequel explique environ 60 % de l’augmentation de la production mondiale. Les stocks de céréales ont tendance à augmenter d’année en année, ce qui freine l’augmentation des prix qui, aujourd’hui, se situent à leur niveau de 2007/2008.
En revanche, la demande de sucre par habitant connaîtrait une progression avec une hausse de 8.1 % pendant les dix prochaines années, contre 5.6 % durant la précédente décennie.
Des évolutions possibles dans les modes de consommation
Au sein des pays avancés, la structure de l’alimentation s’est infléchie ces dix dernières années avec un léger recul de la consommation de viande. Cette rupture après des décennies de croissance est à mettre en parallèle avec la chute de la consommation de céréales et de féculents qui s’est amorcée au début du 20e siècle.
Les organismes internationaux éprouvent des difficultés à évaluer la consommation de viande sur moyenne période. Les hypothèses de consommation individuelle moyenne tablent entre une stabilisation et une augmentation de près de 30 %. Or, il faut entre 3 et 14 kg de produits végétaux pour produire 1 kg de viande (selon le type et le système de production). De ce fait, un moindre recours à la viande a un impact direct sur les productions végétales.
La moindre consommation de viande est avant tout l’apanage des classes aisées des pays avancés et de celles des pays émergents. La consommation en viande atteint un maximum avec l’émergence d’une large classe moyenne ; elle a tendance à se réduire pour les pays les plus avancés entrés dans un processus de vieillissement de leur population.
Comme pour la croissance économique, le rattrapage des pays émergents est très rapide en ce qui concerne l’alimentation. La transition nutritionnelle chinoise est ainsi plus rapide que celle observée en Europe. Depuis les années 1980, la consommation de viande par habitant y a été multipliée par quatre, celle de lait par dix et celle d’œufs par huit. La consommation de produits de l’élevage par habitant a aussi beaucoup augmenté dans le reste de l’Asie de l’Est et du Sud-Est. Comme au sein des pays avancés, la question de la trop forte consommation de viande est soulevée.
Si la mondialisation s’est accompagnée d’une uniformisation alimentaire, le Japon et l’Inde sont restés à l’écart pour des raisons essentiellement religieuses. Au Japon, la consommation de viande est restée faible quand, en Inde, le végétarisme lié à l’hindouisme reste important. Néanmoins, du fait de la forte croissance démographique de ce pays, l’évolution des comportements alimentaires indiens aura un impact majeur sur la demande alimentaire mondiale.
De plus en plus d’experts considèrent que les prévisions de consommation alimentaire doivent être revues compte tenu de la rapidité de transition nutritionnelle. Les pays émergents mettent de plus en plus en avant la nécessaire adoption de régimes alimentaires moins riches en graisses animales, en sucres et en sel. En Chine aujourd’hui, près de 25 % de la population adulte est en surpoids ou obèses. Le coût de ce problème de santé est estimé entre 4 % et 8 % du PIB chinois. De même, au Brésil, 49 % des plus de vingt ans sont en surpoids. Les autorités de ce pays ont décidé d’apprendre aux enfants, dès leur plus jeune âge, à s’alimenter de façon saine.
Au niveau de l’alimentation, des gains de productivité pourraient être par ailleurs obtenus en limitant le gaspillage. Une étude britannique estime qu’un quart des produits alimentaires achetés par les ménages finit à la poubelle. Cette part atteindrait 30 % aux États-Unis. Selon certains experts, une diminution des gaspillages permettrait de réduire l’empreinte environnementale de l’agriculture. Plusieurs pays se sont engagés concrètement dans la lutte contre les gaspillages. Aux Pays-Bas, le ministère de l’Agriculture, de la Nature et de la Qualité alimentaire, s’est donné comme objectif de les réduire de 20 %. En France, des actions sur ce sujet ont été mises en œuvre dans le cadre du Programme national pour l’alimentation lancé en septembre 2010 : récupération de fruits et légumes sur les marchés, éducation du consommateur. Par ailleurs, la loi n° 2016-138 du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire (dite loi Garot – Jouanno) permet aux banques alimentaires de récupérer les non vendus de la moyenne et grande distribution. Elle autorise également la récupérer les fruits et légumes pour les transformer.
Des échanges en moindre progression
Les échanges de produits agricoles, halieutiques et aquacoles devraient progresser environ deux fois moins vite qu’au cours des dix dernières années, à un rythme moyen inférieur à 2 % par an en volume pour la plupart des produits. Les échanges agricoles devraient mieux résister aux ralentissements de l’économie que ceux d’autres produits. Les exportations devraient rester concentrées dans un petit nombre de pays producteurs pour presque tous les produits, ce qui risque de rendre les marchés mondiaux plus vulnérables aux chocs sur l’offre.