Le Coin de la Conjoncture du 22 juillet 2017
Dépenses publiques, un retour ou presque à la normale
Les dépenses publiques représentaient, selon l’étude de l’OCDE, « Panorama des administrations publiques 2017 » en moyenne 40.9 % du produit intérieur brut (PIB) en 2015, chiffre en hausse par rapport aux 38.8 % constatés en 2007, avant la crise. Les dépenses publiques en proportion du PIB sont le plus élevées en France (56.5 % en 2016), suivie de la Finlande (56.1 %) et du Danemark (53.6 %). À l’inverse, en 2015 (année sur laquelle portent les données disponibles les plus récentes), les dépenses publiques étaient le plus faibles au Mexique (24.5 %), en Irlande (29.5 %) et en Corée (32.4 %).
Des déficits publics en voie de réduction
Le déficit budgétaire moyen a atteint, en 2015, 2.8 % du produit intérieur brut (PIB) dans l’ensemble des pays de l’OCDE, en diminution par rapport aux 8.4 % enregistrés en 2009. Les États membres commencent tout juste à effacer le choc budgétaire provoqué par la crise de 2008. Le solde structurel (calculé en prenant en compte les fluctuations budgétaires liées à la conjoncture) s’est amélioré, passant de -6.3 % du PIB potentiel en 2009 à -2.4 % en 2015 à l’échelle des pays de l’OCDE, ce qui marque un retour à des tendances longues.
Une dette publique toujours impressionnante
En revanche, la dette publique en raison de l’accumulation de dix années de déficits publics élevés reste à un niveau sans précédent depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. La dette publique brute des pays de l’OCDE atteignait, en effet, en moyenne 112 % du PIB en 2015. Le montant de la dette étant égal ou supérieur à celui du PIB dans 11 pays.
Dépense publique, la France 16 points au-dessus de la moyenne de l’OCDE
En 2015, les dépenses publiques représentaient en moyenne 40.9 % du PIB dans les pays de l’OCDE. À 38.8 % en 2007, avant la crise financière, elles ont augmenté pour atteindre 44.2 % en 2009, puis reculé depuis. Les dépenses publiques étaient les plus élevées, en proportion du PIB, en Finlande et en France (57 % dans les deux pays), devant le Danemark (54.8 %), la Grèce (54.2 %), la Belgique (53.9 %) et l’Autriche (51.7 %). La France qui depuis 2007 était, selon l’OCDE, recordman de la dépense publique ce palmarès partage désormais la première place avec la Finlande. Les ratios de dépenses publiques les plus bas se situent au Mexique (24.5 %), en Irlande (29.5 %), en Corée (32.4 %), en Turquie (33.1 %) et au Chili (33.9 %).
Les dépenses sociales en forte progression
Entre 2007 et 2015, les dépenses publiques au sein de la zone OCDE ont augmenté le plus fortement dans les domaines de la protection sociale (+2.6 points de pourcentage) et de la santé (+1.7 point de pourcentage).
Le vieillissement des populations et le chômage, élevé, conduisent à une augmentation des dépenses sociales, qui représentaient, en 2015, 41 % des dépenses totales contre 37 % en 2007. Cette montée en puissance de la protection sociale entraîne la baisse relative du poids des dépenses courantes qui sont passées de 39 % à 37 %. De même, les dépenses d’investissement qui représentaient 9,3 % de l’ensemble des dépenses publiques en 2009 ne comptent plus que pour 7.7 % de celles de 2015.
L’investissement, la variable d’ajustement
L’investissement public s’établissait, en moyenne, à 3.2 % du PIB en 2015, les taux nationaux variant de 6.7 % en Hongrie à 1.5 % en Israël. L’investissement public a servi de variable d’ajustement dans les politiques d’assainissement mises en œuvre depuis la crise. Il est, ainsi, en baisse par rapport à la moyenne de 4.1 % enregistrée en 2009, année.
Les recettes publiques, en hausse depuis le début de la crise
Les recettes publiques se sont élevées à 38,1 % du PIB en 2015 contre 37.3 % du PIB en 2007 et 35.8 % en 2009 en pleine récession. Les recettes publiques étaient supérieures à 50 % du PIB dans sept des 34 pays membres de l’OCDE : la Norvège (54.8 %), la Finlande (54.2 %), le Danemark (53.5 %), la France (53.4 %), la Belgique (51.4 %), l’Autriche (51.6 %) et la Suède (50.5 %). Dans deux pays seulement, elles étaient inférieures à un tiers du revenu national annuel : l’Irlande (27.6 %) et le Mexique (23.7 %). En Grèce, les recettes budgétaires sont supérieures à leur niveau d’avant crise, puisqu’elles sont passées de 40.4 % du PIB en 2007 à 48.3 % en 2015. Cette progression s’explique avant tout par la contraction de 24 % du PIB depuis le début de la crise.
Les recettes publiques par habitant ont évolué de façon analogue aux recettes globales, augmentant de façon assez uniforme dans l’ensemble des pays de l’OCDE au fur et à mesure que la crise se dissipait. En moyenne, elles s’établissaient en 2015 à 16 094 dollars en parité de pouvoir d’achat. Les pays où elles sont le plus élevées sont le Luxembourg (44 485 dollars PPA), la Norvège (33 977 dollars) et le Danemark (26 203 dollars. La situation atypique du Luxembourg, provient de la contribution fiscale des travailleurs transfrontaliers qui ne sont pas comptabilisés parmi les résidents. Pour la Norvège, ce sont les revenus pétroliers qui expliquent le niveau élevé des impôts par habitant. Les recettes par habitant sont inférieures à 10 000 dollars en Lettonie, en Turquie et au Mexique.
En 2015, en moyenne, les recettes des administrations centrales de la zone OCDE provenaient à 72.5 % des prélèvements fiscaux (les taux relevés allant de 47.6 % en Norvège à 91 % en Belgique), à 16.1 % des cotisations sociales (les États-Unis affichant le taux le plus élevé, à savoir 33.7 %) et, pour le solde, de ventes d’actifs, de subventions et d’autres sources.
L’emploi public relativement stable
La part des emplois publics dans l’emploi total est restée quasiment inchangée, au taux de 18.1 % en 2015 contre 17.9 % en 2007, bien que certains pays aient signalé des réductions d’effectifs. En règle générale, l’emploi public a fléchi en 2011-12 avant de se redresser en 2014-15. Sa part dans l’emploi total sur la période 2007-2015 a diminué le plus fortement au Royaume‑Uni et en Israël, et s’est étoffée le plus sensiblement en République tchèque, en Estonie, en Hongrie, en Slovénie et en Espagne. Le Danemark, la Norvège et la Suède affichent les plus forts taux d’emploi public, soit près de 30 % de l’emploi total. Les pays d’Asie ont recours dans une moindre mesure à des agents publics, l’emploi dans les administrations publiques représentant seulement 6 % de l’emploi total au Japon et 7.6 % en Corée.
Parmi les pays de l’OCDE, le plus décentralisé est la Suisse, où plus de 90 % des agents publics travaillent au niveau infranational, suivie du Canada et du Japon. Les plus centralisés sont la Turquie et l’Irlande, dont 90 % des agents publics sont employés dans l’administration centrale.
Les pays avancés ont à la lecture du rapport de l’OCDE sur les finances publiques entrepris un important effort d’assainissement. L’organisation internationale souligne que les États ont, afin de réduire leurs dépenses, joué trop fortement sur l’investissement au risque de peser durablement sur la croissance potentielle. Elle insiste afin pour la mise en œuvre, par les pouvoirs publics, de procédures élaborées de réductions de dépenses associant le personnel et les responsables publics. Elle milite par ailleurs en faveur d’une transparence des plans d’assainissement et de la nécessité pour les administrations publiques de décliner des techniques de management privé tout en les adaptant.
France / Allemagne, pourquoi l’Allemagne gagne toujours ?
En 2015, les dépenses publiques représentaient 57 % du PIB en France, contre 44 % en Allemagne, soit un écart de 13 points de PIB. Entre 1996 et 2002 cet écart n’était que d’environ 5 points de PIB. L’écart s’est amplifié de 8 points de PIB depuis 2002, avec une hausse de 5 points en France et une baisse de 3 points en Allemagne sur la même période. Depuis lors, la croissance du PIB/habitant, moindre en France, ne s’est pas accompagnée d’un moindre dynamisme des dépenses publiques par tête. L’Allemagne a, en revanche, bénéficié d’un taux de croissance supérieur et a mené une politique de maîtrise de ses dépenses publiques.
Depuis la fin du XXe siècle, les structures de dépenses ont peu évolué de part et d’autre du Rhin et ne peuvent donc pas expliquer l’augmentation de l’écart. Néanmoins, ces différences de structures ne sont pas sans lien avec une partie de l’écart existant entre les deux pays. L’Allemagne compte moins de jeunes mais plus de retraités, ce qui, in fine, ne modifie guère le ratio actifs/inactifs entre les deux pays. Les autorités françaises mettent souvent en avant l’effort de défense pour expliquer une partie du surcroît de dépenses publiques. Or, la France a réduit plus fortement ses dépenses militaires que l’Allemagne lors de ces vingt dernières années.
Le poids des dépenses publiques en France a pour conséquence des prélèvements publics plus élevés. Les impôts et cotisations sociales brutes s’élèvent à 47,9 % du PIB en France en 2015, en hausse de 4 points par rapport à 2002, contre 40,0 % en Allemagne (+ 1 point par rapport à 2002).
L’Allemagne a renoué depuis deux ans avec les excédents budgétaires, + 0,7 % du PIB en 2015 et +0,8 % en 2016. Le déficit public français s’est élevé de son côté à 3,5 % du PIB en 2015 et à 3,4 % en 2016. Les trajectoires en matière de finances publiques étaient semblables jusqu’en 2008. Elles ont divergé avec la crise et surtout après 2010. La France a tardé à réduire son déficit et à maîtriser sa dette publique qui atteint plus de 97 % du PIB en 2016 contre 71 % en Allemagne. La charge de la dette pèse en 2015 plus fortement sur les finances publiques françaises (de 0,4 point de PIB).
Le facteur « croissance » explique une partie du creusement du fossé entre la France et l’Allemagne
La plus faible croissance du PIB par habitant en France sur la période 2002-2015 par rapport à l’Allemagne explique pour moitié la divergence du ratio de dépenses par rapport au PIB entre les deux pays. La France a dû faire face à des dépenses plus importantes en matière d’indemnisation du chômage. Par ailleurs, face à la stagnation du pouvoir d’achat, les pouvoirs publics ont accru les dépenses d’assistance. La multiplication des crédits d’impôt a également contribué au creusement de l’écart entre les deux pays. Le CICE, le crédit d’impôt recherche, les crédits d’impôt pour les ménages sont comptabilisés en dépenses publiques et moindres recettes. Ils n’ont pas d’équivalent en Allemagne. Ces dispositifs expliquent près de 50 % de l’écart.
L’option privée de l’assurance-maladie a un impact non négligeable sur le niveau des dépenses de santé en Allemagne
Les dépenses de santé représentent 11 à 12 % du PIB dans les deux pays. Le niveau de dépenses de santé par habitant est supérieur en Allemagne mais depuis le milieu des années 2000, les Allemands ayant des revenus élevés peuvent opter pour une couverture d’assurance-maladie privée. Ce système assure désormais 8 % des dépenses d’assurance maladie et pèse 1 % du PIB. Il n’a pas d’équivalent en France.
Les retraites allemandes ne sont pas toutes rangées dans la catégorie des régimes obligatoires
Certaines professions indépendantes ne sont pas tenues d’être affiliées à l’assurance vieillesse de base publique. Elles peuvent se rattacher à des régimes privés. Par ailleurs, si les retraites complémentaires sont obligatoires en France et incluses dans les dépenses publiques, elles sont facultatives et relèvent d’accords de branche (privés) en Allemagne. La retraite privée représente ainsi 1 point de PIB en Allemagne contre 0,3 % en France.
Les réformes menées en Allemagne dans les années 2000 ont abouti à une diminution d’un point de PIB des dépenses publiques liées aux retraites, entre 2002 et 2014, quand, dans le même temps, elles progressaient de 3 points de PIB en France. Ainsi, l’Allemagne, dont la population est pourtant plus âgée (27 % de la population a plus de 60 ans contre 24 % en France), a aujourd’hui des dépenses de retraite bien moins élevées qu’en France, et ce même en incluant les pensions privées. En effet, le poids des pensions vieillesse-survie, y compris privées est, en 2014, de 10,9 % du PIB contre 14,5 % en France (données sur la protection sociale SESPROS 5 d’Eurostat). Cela s’explique par une moindre générosité du système, avec un âge effectif de départ à la retraite plus élevé et un niveau de pension moins généreux (taux de remplacement plus faible). Le taux d’emploi des 60-64 ans est ainsi bien plus élevé en Allemagne (53,3 % en 2015 contre 27,6 % en France, selon les données Eurostat), ce qui, outre l’impact sur les dépenses, bénéficie à la croissance économique. En revanche, il faut noter une baisse du niveau de vie depuis 2005 des plus de 60 ans relativement au reste de la population en Allemagne.
Les caractéristiques démographiques à l’origine d’un écart de 2 points de PIB au niveau des dépenses publiques
La France dépense 1,3 point de PIB de plus que l’Allemagne en ce qui concerne l’enseignement. Cet écart, stable dans le temps et s’explique par une population plus jeune. Les 0 – 24 ans représentent 31 % de la population en France contre 24 % en Allemagne. Par ailleurs, la France a privilégié un système public pour le pré-primaire (3-6 ans) quand l’Allemagne a opté pour des services privés. Ainsi, sur un champ comparable, de l’école primaire au supérieur, la différence est de seulement 0,6 point de PIB. L’Allemagne dépense, en euros, davantage par élève que la France en matière d’enseignement.
Dans le domaine de la Défense, le budget français est supérieur de 0,7 point de PIB par rapport à l’Allemagne mais il tend à se réduire au cours de ces dernières années.
Le plein emploi, une source d’économies
Les dépenses de chômage sont inférieures d’un point de PIB en Allemagne. Les réformes Hartz, ont durci les conditions d’indemnisation du chômage. Les prestations chômage sont moitié moindres en Allemagne : 1,1 % du PIB contre 2,0 % en France (rapporté au nombre de chômeurs, le montant est en revanche proche). Elles ont également profondément affecté le fonctionnement du marché du travail allemand et permis de réduire le chômage structurel en incitant au retour à l’emploi.
La France aime la pierre qui lui rend mal
En matière de dépenses pour le logement (hors prestations sociales), les dépenses publiques des deux pays ont connu des trajectoires inverses. Les aides à l’investissement et les subventions destinées aux constructeurs (notamment pour la construction HLM), se sont développées en France à partir du milieu des années 2000 et représentent 0,4 point de PIB en 2014. En Allemagne, les subventions au logement privé qui représentaient environ 0,6 point PIB au début des années 2000 ont été supprimées progressivement à partir de 2006.
Les dépenses publiques de logement comprennent des prestations individuelles versées par la sécurité sociale (fonction protection sociale), qui sont plus élevées en France qu’en Allemagne (respectivement1,0 % du PIB contre 0,5 % en Allemagne). Il faut, de plus ajouter qu’en France, le secteur du bâtiment bénéficie d’autres avantages non inclus dans la dépense publique (exonérations de taxes, TVA réduite, avantages de taux, etc.). Au total l’aide publique dédiée au logement s’élève en France à 1,9 % du PIB en 2014 (Comptes du logement) pour une efficacité souvent mise en question par la Cour des Comptes. Cette politique entraîne, par rapport à l’ Allemagne, un surcroît de dépenses publiques d’un point de PIB.
Les deux pays divergent en matière de finances publiques depuis une dizaine d’années. L’augmentation des effectifs de la fonction publique, surtout territoriale, la croissance des dépenses de protection sociale et un fort interventionnisme afin d’atténuer les stigmates de la crise expliquent la progression des dépenses publiques en France. Le surcroit de croissance, le retour au plein emploi et les réformes engagées par Gerhard Schröder dans les années 2000 ont, du côté allemand, permis de réduire le poids des dépenses publiques.
La France pourrait diminuer le poids de ses dépenses publiques en repensant son système de retraite et en réformant l’assurance maladie. L’amélioration du taux d’emploi des plus de 60 ans devrait constituer une priorité afin de limiter les dépenses retraite et accroître les recettes publiques. Une refonte de la gestion des collectivités locales semble également nécessaire au regard de l’augmentation de leurs dépenses depuis vingt ans.