Le Coin de la conjoncture du 12 août 2017
L’Allemagne, de l’excédent commercial aux élections législatives
Une nouvelle fois, les résultats du commerce extérieur allemand sont en hausse. Au mois de juin, notre voisin a dégagé un excédent de 21,2 milliards d’euros, selon l’institut statistique Destatis. Sur le même mois, la France a connu un déficit de 4,7 milliards d’euros selon les chiffres des Douane.
L’appréciation de l’euro a peu d’incidence sur les résultats extérieurs de l’Allemagne en raison de la relative insensibilité de ses exportations aux variations de prix. Le résultat de 2017 de la balance commercial devrait être proche de celui de 2016 dont le solde avait été positif de 252,9 milliards d’euros.
Notre voisin est accusé par ses partenaires de ne pas suffisamment investir et de ne pas favoriser la consommation. Face à la montée des protestations notamment américaines, plusieurs responsables allemands défendent le bienfondé de leur modèle économique. Dans une tribune publiée le 25 juillet dans le quotidien Handelsblatt, l’ancien directeur de l’Institut de recherche économique de l’université de Munich (IFO) considère que les Etats-Unis et les pays du sud de l’Europe sont à l’origine des excédents allemands » en appliquant des politiques budgétaires et monétaires laxistes favorisant l’achat de produits allemands ».
L’Allemagne dispose d’une forte tradition industrielle. Ses entreprises ancrées au cœur des Länder bénéficient du soutien actif des pouvoirs publics et peuvent compter sur l’appui d’un secteur bancaire décentralisé. Depuis 70 ans, le modèle de développement est resté identique. Une monnaie forte permet de réduire le coût des importations, matières premières, énergie et biens intermédiaires, tout en renchérissant la valeur des exportations, ces dernières portant le label « deutsche qualität ». Plusieurs études ont prouvé que les importateurs placent en tête de leurs choix les biens industriels allemands. Si, pour des raisons de prix ou de disponibilité, ils ne peuvent pas les acquérir, ils mettent en concurrence les produits en provenance des autres pays, France, Italie, Espagne, Chine, etc. Les produits américains et japonais peuvent sur certains créneaux résister dans le haut de gamme aux produits allemands. La France comme l’Italie conservent quelques niches industrielles mais elles sont de plus en plus rares.
Le Fonds monétaire international (FMI), la Commission européenne et l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) demandent à l’Allemagne de relancer tant l’investissement et la consommation pour renforcer la reprise européenne et diminuer l’imposant excédent commercial. Le Président de la République, Emmanuel Macron, a également réclamé un geste de l’Allemagne. Le 13 juillet dernier, il a déclaré que Berlin « doit accompagner une relance de l’investissement public et privé en Europe ».
En Allemagne, le débat est relancé dans le contexte de la campagne pour le renouvellement du Bundestag prévu le 24 septembre prochain. Martin Schulz, le candidat du Parti social-démocrate (SPD) à la chancellerie, estime que les excédents allemands ont atteint un tel niveau qu’il convient désormais de fixer « un montant minimum pour les investissements ». Selon lui, la situation du pays permet en effet de mettre en œuvre une telle politique sans mettre en question le « frein constitutionnel à la dette » inscrit dans la Loi fondamentale à la fin du premier mandat d’Angela Merkel, en 2009, et qui limite le déficit structurel de l’Etat fédéral à 0,35 % du produit intérieur brut (PIB). Martin Schulz est, selon les derniers sondages, largement devancé par Angela Merkel. Selon une enquête Emnid publiée le 5 août dernier, le SPD n’est crédité que de 23 % des intentions de vote, quinze points derrière la CDU. La désignation de Martin Schultz avait conduit au début à une réduction de l’écart. Depuis « l’effet Schultz » s’est évanoui. Au printemps, les défaites du SPD en Sarre, au Schleswig-Holstein eten Rhénanie-du-Nord-Westphalie, ont contribué à son recul au niveau national. La défection d’une élue écologiste au sein de la majorité SPD-Grünen en Basse Saxe a également affaibli le SPD. Cette dernière a décidé de rallier la CDU. Son départ entraîne la perte de la majorité au sein du parlement régional. Une nouvelle élection a été ainsi rendue obligatoire. Elle est programmée le 15 octobre prochain. La crise politique en Basse-Saxe y est d’autant plus mal vécue que ce Land est important pour le SPD. De nombreux dirigeants du parti sont originaires. Gerhard Schröder en a été, par ailleurs, dans le passé le dirigeant. Les responsables de Basse-Saxe doivent, par ailleurs, gérer un nouveau scandale lié à Volkswagen. Les responsables de l’entreprise auraient édulcoré un discours du Ministre Président de Basse Saxe, Stephan Weil, prononcé devant l’assemblée régionale après le début du « dieselgate » afin de minimiser leurs responsabilités. Cette affaire est d’autant plus gênante que le Land de Basse-Saxe est actionnaire à 20 % de Volkswagen. Si Stephan Weil a qualifié ces accusations de «totalement infondées », il avoue néanmoins avoir transmis son discours à Volkswagen mais seulement pour des raisons juridiques.
Cette affaire conforte les positions d’Angela Merkel qui se pose comme le chef de file de l’Europe vertueuse. Elle met en avant son bilan, plein emploi, excédent budgétaire et excédent commercial. Les polémiques liées à l’arrivée de plus d’un million de migrants semblent s’estomper. Elle s’est engagée à réduire les impôts en 2018 afin de relancer la consommation. En ce qui concerne l’investissement, elle rappelle que leur montant est passé de 24,9 milliards d’euros en 2014 à 36,4 milliards d’euros cette année. Elle admet que ces crédits sont mal consommés en raison de lourdeurs bureaucratiques et du manque de moyens des collectivités locales, qui n’ont pas les compétences de gérer l’argent mis à leur disposition par l’Etat fédéral. A ce sujet, la CDU a inscrit dans son programme une « loi favorisant l’accélération » des investissements dans le domaine des infrastructures et du numérique ». L’opinion publique allemande demande une modernisation des infrastructures. Selon un sondage de l’institut Civey publié mi-juillet, 86 % des Allemands estiment, en effet, que l’Etat investit trop peu.
La France toujours fâchée avec son commerce extérieur
Depuis plus de 14 ans, la France accumule des déficits commerciaux. Ses parts de marchés tant au niveau international qu’au niveau européen se réduisent. Ses exportations de biens manufacturés ne représentent que 3,1 % de l’ensemble des exportations mondiale en 2015 contre 5 % en 2004. La France reste néanmoins depuis 2004 le cinquième exportateur mondial, derrière l’Allemagne, les États-Unis, la Chine et le Japon, se classant en 2015 juste devant la Corée du Sud et le Royaume-Uni.
Si tous les pays avancés ont perdu des parts de marché en raison de la montée en puissance des pays émergents dont la Chine, le recul de la France est un des plus importants. Entre 2000 et 2015, les parts de marché à l’exportation des pays avancés sont passés de 69,2 % à 54,9 %, au profit des économies émergentes. Si les exportations françaises avaient évolué comme celles de l’ensemble des pays avancés, leurs parts de marché seraient passées de 5,1 % en 2000 à 4,0 % en 2015 et non à 3,1 %.
La baisse des parts de marché sur longue période s’expliquent avant tout par un manque de compétitivité et un mauvais positionnement des produits. Parmi les pays avancés, la France a été l’un des plus touchés par le décollage des pays émergents dont les produits sont en concurrence directe. Ses coûts de production élevés ne permettent pas de rivaliser avec ceux des pays d’Asie ou d’Europe orientale. La légère amélioration des performances à l’exportation entre 2010 et 2015 est liée à une meilleure maîtrise des coûts salariaux et à la dépréciation de l’euro. La moindre fragmentation des chaînes de valeur ajoutées du commerce extérieur français n’explique qu’une faible partie des mauvaises performances à l’exportation.
Quelques points clefs
du déficit commercial français |
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1974 | déficit de -2,6 milliards d’euros |
1982 | déficit de -14,3 milliards d’euros |
1997 | excédent de +23,1 milliards d’euros |
2008 | déficit de -56,2 milliards d’euros |
2011 | déficit de -74,5 milliards d’euros |
2016 | déficit de -48,3 milliards d’euros |
Depuis 2014, les pouvoirs publics ont mis en œuvre des politiques plus axées sur l’offre. L’instauration du Crédit d’Impôt pour la Compétitivité et l’Emploi (CICE) et le déploiement du pacte de responsabilité avaient comme objectifs la restauration du taux de marge des entreprises et l’amélioration de notre balance commerciale. Les derniers résultats communiqués au mois d’août sont inquiétants. Le déficit commercial a, en effet, atteint 4,7 milliards d’euros au mois de juin le portant sur 12 mois à 59,8 milliards d’euros contre 50 milliards d’euros sur la même période en 2016. Pour le seul premier semestre 2017, le déficit commercial s’élève à 34,4 milliards d’euros en détérioration de 8,1 milliards d’euros par rapport au semestre précédent.
Sur ce premier semestre, les importations ont progressé de 4,4 % contre 3,1 % au second semestre 2016. Cette augmentation des importations est liée à des achats plus importants de produits industriels, notamment des biens intermédiaires, auxquels s’ajoute la vive croissance des approvisionnements énergétiques en raison du relèvement du prix du pétrole. La France n’arrive pas à maintenir un rythme de progression pour les exportations. Leur hausse n’a été que de 1,3 % sur les six premiers mois de l’année ; elle avait été de 2 % au second semestre 2016. Les ventes de produits manufacturés augmentent quasiment pour tous les secteurs, à l’exception de l’aéronautique, en contrecoup des niveaux exceptionnels atteints fin 2016. Au premier semestre 2017, la reprise des importations depuis les pays de l’Union européenne s’accélère (+5,6 %, après +1,6 %), en particulier depuis le Royaume-Uni. Elles progressent également depuis la plupart des autres pays européens (automobiles et chimie), à l’exception de l’Allemagne. Les importations en provenance des pays tiers décélèrent (+2,5 %, après +5,7 %).
Les exportations vers l’Union européenne progressent à un rythme modéré (+0,9 %, après +1,1 %). Elles accélèrent vers l’Italie et la Belgique, tandis qu’elles refluent nettement vers l’Allemagne. Les exportations vers les pays tiers restent dynamiques (+2,7 %, après +3,3 %). Les ventes augmentent nettement vers l’Asie, soutenues en particulier par la reprise des importations chinoises en 2017. Les exportations croissent légèrement vers l’Afrique et l’Europe hors UE, tandis qu’elles reculent vers les pays émergents d’Amérique (Mexique, Brésil, Argentine) et les pays du Proche et Moyen-Orient.
La dégradation du solde commercial en 2017 s’explique donc par un élargissement du déficit manufacturier et un alourdissement de la facture énergétique. Le solde agricole reste négatif en raison de la mauvaise récolte céréalière au cours de la campagne 2016/2017. L’amélioration du pouvoir d’achat des Français conduit à une augmentation de la consommation. Cette dernière amène un accroissement des achats de biens industriels importés.