Le Coin de la conjoncture du 30 septembre 2017
Inflation, demain sera-t-il un autre monde ? (lire en pdf pour avoir les graphes)
Depuis le milieu de l’année 2016, le retour autour de 2 % du taux d’inflation sous-jacente (taux d’inflation excluant les éléments les plus volatils comme l’énergie ou l’alimentation) est attendu.
Si l’inflation est en augmentation au Royaume-Uni en raison de la dépréciation de la livre sterling et également aux États-Unis de manière modérée, les prix restent sages dans les autres pays de l’OCDE. Les faibles revalorisations salariales empêchent l’enclenchement d’un cycle inflationniste. Les salaires augmentent peu même dans les pays en situation de plein emploi, que ce soit en Allemagne ou aux États-Unis.
Les prix des biens et des services divergent. Si les produits manufacturés sont toujours orientés à la baisse, en revanche, les services commencent, au niveau de l’OCDE, à augmenter. Du fait de capacités de production inutilisées et de la vive concurrence, les prix des produits industriels ont tendance à baisser d’autant plus si le progrès technique est pris en compte. Ainsi, un IPhone 8 vaut plus cher que l’IPhone 7 mais en prenant en compte les améliorations techniques, la majoration de tarif est moindre. Le développement de nouveaux réseaux de concurrence pèse également sur les prix.
L’immobilier contribue dans plusieurs pays à l’inflation. Les prix des logements sont en augmentation aux États-Unis comme en Europe continentale. Aux États-Unis, les loyers sont orientés à la hausse mais cela n’est pas le cas en France. Au niveau de l’OCDE, les prix des services à la personne et les transports ont tendance à progresser. En Europe, les prix des loisirs sont orientés également à la hausse tout comme ceux des télécommunications.
Est-ce que cette situation est amenée à se maintenir en 2018 et 2019 ?
L’énergie pourrait connaître une forte hausse de ses prix en raison de la croissance de la demande mondiale. En raison d’un sous-investissement à l’œuvre depuis deux ans, le cours du pétrole pourrait augmenter assez fortement à partir de 2019. En effet, la consommation a tendance à augmenter plus vite que la production mondiale. Les stocks qui atteignent des sommets historiques pourraient revenir, d’ici la fin de 2010, à leur niveau moyen de longue tendance. Les experts du secteur pétrolier estiment que la demande mondiale de pétrole devrait augmenter de plus de 1,5 million de barils par jour chaque année quand la production de pétrole y compris le pétrole de schiste ne progresserait que de 800 000 à 900 000 barils par jour. Ce scénario pourrait être mis à mal en cas de progression rapide de la production de pétrole alternatif (schiste, bitumineux) et du retour plus important que prévu sur le marché de la Libye, de l’Iran ou de l’Irak. Par ailleurs, le Nigéria ou le Venezuela pourraient accroître leur production.
L’évolution de la masse salariale pourrait favoriser l’augmentation des prix. Le nombre d’États en situation de plein emploi devrait s’accroître d’ici à la fin 2018. Des tensions salariales devraient, de ce fait, apparaître. Le vieillissement de la population favorisera la hausse des prix. Il entraînera des pénuries de main d’œuvre. Par ailleurs, les seniors sont consommateurs de services à la personne (santé, services de proximité) qui sont par nature les plus inflationnistes. En revanche, le vieillissement diminue la tension sur les biens d’équipement, sur les biens électroménagers, etc. La crainte dans l’avenir peut conduire les ménages à épargner plus abondamment, ce qui réduit d’autant la consommation et limite les pressions inflationnistes.
L’immobilier constitue une autre inconnue. Après avoir enregistré des fortes hausses ces dernières années, la logique voudrait qu’une stabilisation intervienne afin notamment de mettre un terme à la baisse de la rentabilité de ce type d’actifs. Une éventuelle hausse des taux d’intérêt pourrait provoquer un retournement des marchés. Par ailleurs, le vieillissement de la population conduit logiquement à une baisse des prix de l’immobilier par réduction de la demande de biens.
Deux blocs s’affrontent donc : d’un côté un bloc déflationniste alimenté par le digital et l’évolution des comportements de dépenses des ménages ; de l’autre, un bloc inflationniste avec le prix de l’énergie, les services et l’emploi. Pour le moment, l’avantage est nettement en faveur des forces déflationnistes. Au Japon, ces forces sont à l’œuvre depuis 20 ans. Or ce pays a été confronté, avant ceux de l’Europe, au défi du vieillissement.
La difficile équation de l’immobilier
Les Français considèrent que leur pouvoir d’achat a tendance, sur moyenne période, à se contracter. Pour autant, à la différence de plusieurs de nos partenaires, les salaires ont continué à augmenter depuis la crise et le taux d’inflation est faible voire très faible. Les prélèvements obligatoires ont certes augmenté mais moins vite que le pouvoir d’achat. Si l’appréciation des Français sur leurs revenus est négative, cela est dû en grande partie à l’augmentation des dépenses pré-engagées et en premier lieu des dépenses de logement.
De 1980 à 2017, le salaire réel a augmenté de 40 %. Mais le prix de l’immobilier a sur la même période plus que doublé. Les loyers ont connu une progression moindre, + 17 % depuis 1990. Il convient de souligner que les loyers sont orientés à la baisse depuis 2014 avec une contraction de 3 points. De ce fait, le ratio salaire nominal par rapport au prix des maisons est passé de 100 à 70 de 1980 à 2017 avec une augmentation de 10 points depuis 2008. La Grande Récession n’a pas entraîné une diminution des salaires pour les actifs ayant un emploi mais a marqué un coup d’arrêt dans la forte augmentation des prix des logements. Néanmoins, depuis 2016, ces prix sont en forte progression à Paris et dans certaines grandes métropoles.
En accaparant un quart des revenus des ménages, voire plus de 30 % pour les jeunes actifs, l’immobilier a contribué au développement du sentiment de pauvreté. Les dépenses liées au logement comprennent le remboursement des emprunts, les intérêts payés, les loyers, les charges, les dépenses de chauffage et d’électricité et les impôts locaux ainsi que les assurances. Les ménages ont néanmoins pu bénéficier de la forte baisse des taux d’intérêt qui sont passés en moyenne de 17,5 à 1 % de 1980 à 2016 avec évidemment en parallèle une forte diminution de l’inflation. Sur plus courte période, ils ont perdu 3 points de 2008 à 2016.
Les prix de l’immobilier sont jugés par de nombreux experts trop élevés. La nécessité de leur stabilisation est admise par tous. A moyen terme, le vieillissement pourrait peser sur ces prix mais d’ici là, l’adoption de mesures visant à augmenter le foncier disponible est préconisée.