Le Coin de la Conjoncture du 7 octobre 2017 – Prévisions de croissance France-Finances Publiques – Banques centrales
Les banques centrales ont-elles toujours la vista ?
Depuis la crise financière, les banques centrales sont à la manœuvre. Elles ont contribué à éviter la dégénérescence de l’économie mondiale en 2008/2009. En recourant à des politiques monétaires dites non conventionnelles, elles ont empêché sans nul doute l’enclenchement de spirales déflationnistes. En Europe, la BCE a certainement évité une implosion de la zone euro en participant au sauvetage de la Grèce et en abaissant tardivement mais efficacement ses taux directeurs. Avec la reprise économique, avec l’assainissement en cours des finances publiques en Europe, le retour à la normale en matière monétaire est tout à la fois attendu et craint.
Aux États-Unis, après la fin des rachats d’actifs et l’engagement d’un processus de relèvement des taux directeurs, la FED devrait prochainement investir le terrain de la réduction de la taille de son bilan. De son côté, la BCE devrait sortir du Quantitative Easing pendant l’année 2018 et relever ses taux en 2019.
Ce scénario devrait contribuer à une hausse des taux d’intérêt à long terme. Une telle progression est souhaitable afin d’obtenir une pente plus forte des taux. L’intervention massive des banques centrales a aplati la courbe des taux, cela signifie que les écarts entre taux à court terme et taux à long terme sont faibles. Cet aplatissement a été jugé nécessaire afin d’obtenir une baisse forte des taux en vue d’une reprise du crédit. Par ailleurs, les banques centrales ont, par leur politique, allégé le coût de l’endettement pour les États. L’aplatissement a pris tout son relief, en juillet 2016, quand le taux de l’obligation d’État français à 10 ans est tombé à 0,2 %, soit seulement 0,6 point de plus que le taux de l’Euribor à 3 mois. Une telle situation était anormale car elle reposait sur des hypothèses d’inflation nulle ou presque et sur des espoirs de croissance inexistants. En rendant complexe le système de refinancement des institutions financières, le maintien de taux bas et surtout l’absence de pente dans la courbe des taux ont été jugés comme dangereux. Une banque se rémunère en transformant de l’argent liquide en ressources longues. Si l’écart de taux est minime, ses marges se contractent ce qui la conduit à réduire son exposition aux risques.
Les établissements financiers européens pourraient profiter d’un calendrier favorable. Le relèvement des taux longs qui obéissent à des considérations multiples interviendrait avec celui des taux directeurs de la BCE prévu en 2019. Les taux longs devraient, en Europe, remonter par alignement sur les taux américains. Par ailleurs, la reprise économique devrait favoriser leur hausse. En effet, avec la fin des rachats d’actifs de la part de la BCE, les États seront contraints de mieux rémunérer les investisseurs d’autant plus que la demande de financement aura tendance à augmenter avec la croissance. L’augmentation de la croissance potentielle et le retour de l’inflation autour de 2 % pourraient contribuer également à cette hausse des taux. En termes réels, c’est-à-dire, une fois l’inflation déduite, cette dernière resterait néanmoins modeste. Aux États-Unis, la pente resterait plus plate qu’en Europe en raison du relèvement des taux directeurs par la Banque centrale.
Dans tous les cas, les taux d’intérêt à long terme doivent rester inférieurs au taux d’intérêt moyen des portefeuilles obligataires afin de ne pas mettre en moins-values en capital la totalité des dits portefeuilles des investisseurs institutionnels. Les différents experts du marché considèrent que les taux devraient respecter cette règle durant les 18 prochains mois. Le taux de l’obligation à 10 ans des États-Unis devrait avoisiner les 3 % fin 2018 contre 2,4 % actuellement. Pour la zone euro, la progression pourrait se situer entre 0,6 et 0,8 point par rapport au taux actuel (0,7 % pour la France à fin septembre 2017).
Le pilotage de la politique monétaire devrait se poursuivre dans les prochains mois. La réduction des tensions financières en Grèce comme en Italie devrait faciliter la gestion de la BCE. Les investisseurs semblent aujourd’hui peu anticiper une hausse des taux, soit par myopie, soit par crainte d’une future crise financière.
L’INSEE toujours en mode positif
Dans sa note de conjoncture du mois d’octobre, l’INSEE estime que la croissance française devrait être de 0,5 % tant au 3e trimestre qu’au dernier trimestre de l’année 2017. Sa prévision repose notamment sur l’évolution du climat des affaires qui après être resté stable entre octobre 2015 et novembre 2016, s’est élevé depuis pour atteindre en septembre 2017 son plus haut niveau depuis début 2011. Dans l’industrie, il s’établit même à son plus haut niveau depuis dix ans.
L’industrie profiterait de la vivacité de la demande extérieure et le secteur de la construction bénéficierait de la forte hausse de la demande de logements des ménages. La production agricole, malgré la sécheresse et les dégâts subis par les vignes au printemps, devrait s’accroître par rapport à 2016. Pour mémoire, l’année 2016 avait été marquée par des conditions météorologiques exceptionnellement mauvaises. Le secteur des servies bénéficie, de son côté, du retour des touristes (transports, hôtellerie, restauration).
Au total, le PIB accélèrerait à +1,8 %, après trois années de faible croissance. Un tel résultat serait le meilleur depuis 2011 (2,1 %).
Emploi, une décélération attendue des créations d’emploi
Certains avaient espéré que la France puisse enregistrer 300 000 créations d’emploi. Si, ce rythme semblait atteignable après les résultats du premier semestre, il apparaît que les perspectives se sont tassées depuis le début de l’été. Sur les six premiers mois de l’année, 121 000 emplois marchands ont été créés. Au second semestre, 86 000 créations de postes sont espérées. Ce ralentissement serait occasionné par l’effet défavorable de la suppression de la prime à l’emploi. Au total, l’économie française générerait 208 000 emplois marchands en 2017, après 221 000 en 2016. De son côté, l’emploi non marchand devrait diminuer du fait de la réduction des emplois aidés. L’emploi diminuerait au cours du second semestre de 46 000 après avoir augmenté de 29 000 au premier semestre. L’emploi total ralentirait ainsi nettement au second semestre avec 41 000 créations nettes après +154 000 au premier semestre. De ce fait, sur l’année, l’emploi serait juste en-dessous des 200 000 créations nettes.
Au deuxième trimestre 2017, le taux de chômage s’est établi à 9,5 % (taux qui diffère de celui d’Eurostat qui est de 9,8 %), en recul de 0,5 point sur un an. Au second semestre, la hausse attendue de l’emploi serait légèrement supérieure à la hausse de la population active, si bien que le taux de chômage baisserait à nouveau à 9,4 % en fin d’année.
Une inflation toujours en-dessous des 2 %
Après s’être relevée en début d’année du fait de la hausse des prix du pétrole, l’augmentation des prix est revenue nettement en-dessous de l’objectif des 2 % fixé par la BCE. En septembre, l’inflation a atteint +1,0 % sur un an. Elle est néanmoins nettement supérieure à son niveau de septembre 2016 (+0,4 %). Mais, l’inflation sous-jacente (taux d’inflation calculé en ne retenant pas les biens soumis à de fortes variations comme l’énergie) est à peine plus élevée qu’un an plus tôt. Selon l’Insee, l’inflation resterait stable autour de +1,0 %. L’institut statistique espère que la composante sous-jacente s’élève à +0,8 % en décembre, contre +0,5 % à l’été.
Un pouvoir d’achat en progression
Le pouvoir d’achat est attendu en hausse de 1,6 % en 2017 contre +1,8 % en 2016. En 2017, les salaires nominaux par tête accélèreraient dans le secteur marchand (+1,9 % après +1,2 %) en raison du regain d’inflation et de la baisse du chômage. Ils augmenteraient plus franchement dans la fonction publique, du fait des hausses du point d’indice et des mesures statutaires prévues en loi de finances. Au total, les revenus d’activité s’accélèreraient en 2017, compensant en partie l’effet de la hausse de l’inflation sur les gains de pouvoir d’achat.
Les ménages plus fourmis que cigales
En 2017, la consommation ralentirait plus nettement que le pouvoir d’achat. Au troisième trimestre, la consommation des ménages, tirée par les achats de textile et de biens d’équipement du logement, accélérerait (+0,5 % après +0,3 %), avant de ralentir au quatrième trimestre (+0,3 %). Sur l’ensemble de l’année, la consommation n’augmenterait que de 1,1 % contre +2,1 % en 2016. L’année dernière, la consommation avait bénéficié de l’organisation du championnat d’Europe de Football (achats de billets) et du changement de standard de diffusion télévisuelle,
Le boom des investissements des ménages
Depuis 2016, les ménages entendent profiter des faibles taux d’intérêt pour acquérir des biens immobiliers. Sur l’année, l’investissement des ménages devrait progresser de 5 % ce qui constitue un record depuis 2006.
Les entreprises se modernisent
L’investissement des entreprises devrait enregistrer une hausse de 3,9 % après une progression de 3,4 % en 2016. La fin du dispositif de suramortissement, le 15 avril dernier, a conduit à un ralentissement passager de l’investissement (+1,0 % au 2e trimestre après +2,1 % au 1er). Du fait de l’obsolescence de nombreux équipements et de goulots d’étranglement dans certains secteurs, l’investissement des entreprises devrait rester dynamique dans les prochains mois.
Le commerce extérieur, toujours le point faible
La progression de la consommation des ménages et de l’investissement des entreprises provoque une détérioration du solde commercial de la France avec une augmentation assez rapide des importations. De leur côté, au premier semestre, les exportations françaises n’ont que faiblement progressé relativement à la hausse de la demande mondiale. L’INSEE table sur un rattrapage partiel d’ici la fin de l’année.
Grâce à l’accélération des exportations, le commerce extérieur pèserait beaucoup moins sur la croissance en 2017 (–0,3 point) qu’en 2016 (–0,8 point). Cependant, le solde des échanges en produits manufacturés continuerait de se creuser, au plus bas depuis 2011.
Selon l’INSEE, le prix du pétrole devrait se stabiliser autour de 58 dollars le baril d’ici la fin de l’année. L’institut prévoit le maintien de la croissance au sein de la zone euro et la poursuite de l’accélération des échanges mondiaux. Néanmoins, il constate que la croissance des pays émergents est plus contrastée que dans le passé.
La France en finira-t-elle avec la procédure de déficit excessif ?
Depuis 2009, la France fait l’objet d’une procédure de déficit excessif de la part de la Commission de Bruxelles. Au sein de la zone euro, un seul autre État est soumis à cette même procédure, l’Espagne.
Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prohibe les déficits et les dettes excessifs. Selon le pacte de stabilité et de croissance adopté en 1997, le déficit public est censé être inférieur à 3 % du PIB et la dette publique à 60 %. A défaut de respecter ces critères dits de Maastricht, les États sont susceptibles d’être soumis à une procédure pour déficits excessifs. Après l’éclatement du scandale de la dette grecque, en 2011, le pacte de stabilité a été réformé avec l’introduction du « six pack », un ensemble de cinq règlements et une directive. Du fait de la crise de 2009, le critère relatif aux dettes publiques a été modifié. C’est la réduction qui est prise en compte. Elle doit être d’au moins un 20ème en moyenne sur trois ans de la fraction dépassant 60 % du PIB. Pour les pays en situation de déficits excessifs comme la France, le respect du critère de dette est apprécié jusqu’en 2020 selon la progression du solde structurel, lequel devant évoluer de manière positive. Par ailleurs, le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union européenne a posé le principe de l’équilibre budgétaire. L’équilibre est considéré comme atteint si le déficit structurel est inférieur à 0,5 % du PIB pour les États dont la dette dépasse 60 % du PIB et 1 point pour les autres.
Les États membres doivent déterminer un objectif de moyen terme (OMT) défini en termes de solde structurel compris entre l’excédent et -0,5 % du PIB. Les gouvernements doivent établir une trajectoire d’ajustement afin de fixer les modalités d’atteinte de l’objectif. Les États qui ne respectent pas la trajectoire sont censés réaliser des économies budgétaires à du concurrence.
La France, depuis l’instauration officielle de l’euro, en 1999, a été plus d’une année sur deux soumis à la procédure de déficit excessif. Elle l’a été de 2002 à 2004 puis l’est sans discontinuité depuis le 27 avril 2009. Le Conseil européen avait alors demandé à la France de corriger la situation avant la fin de l’année 2013. Le 21 juin 2013, ce délai a été reporté en 2015. Le 10 mars 2015, un nouveau report a été décidé, l’échéance étant fixé en 2017. La France devrait donc bénéficier d’un nouveau répit. La trajectoire proposée par les pouvoirs publics prévoit un respect des textes européens pour 2020.
Objectifs de finances publiques pour la France
2017 | 2018 | 2019 | 2020 | |
Trajectoire de solde public | -2,8 | -2,3 | -1,6 | -1,3 |
Trajectoire de déficit structurel | -1,0 | -0,5 | 0,0 | 0,0 |
Trajectoire d’ajustement structurel | 0,5 | 0,5 | 0,5 | 0,0 |
Trajectoire de dette publique | 96,0 | 95,9 | 94,7 | 93,1 |
En vertu de ces objectifs, le déficit de la France devait être inférieur à 3 % du PIB en 2017. L’équilibre structurel des comptes était prévu pour 2019 ce qui constituait une atténuation par rapport au programme retenu en 2015 (équilibre dès 2017). Logiquement, un État placé en procédure de déficit excessif est contraint de prendre les mesures nécessaires pour respecter la trajectoire fixée de concert avec les autorités européennes. En l’absence d’actions suivies d’effets, l’État est susceptible d’être sanctionné. Les amendes peuvent aller de 0,2 à 0,5 % du PIB.
Par recommandation du 22 mai 2017, la Commission de Bruxelles a enjoint la France à respecter, pour 2017, son engagement de déficit inférieur à 3 % du PIB. Elle a fait le constat que, sans nouvelle mesure, ce déficit pourrait atteindre, cette année, 3,2 % du PIB en 2017. Elle a demandé à la France de réduire ses dépenses publiques en 2017 comme en 2018. Elle a préconisé la diminution de l’impôt sur les sociétés et de dépenses fiscales. Elle a conseillé au Gouvernement de lier la hausse du SMIC aux gains éventuels de productivité, de faciliter l’accès au marché du travail, d’alléger les normes applicables, de favoriser la concurrence et d’éliminer les obstacles à l’activité des professions réglementées.
Entre la France et l’Europe, les négociations sont en cours pour faire valider la nouvelle trajectoire et pour obtenir la sortie de la procédure de déficit excessif. Le Gouvernement d’Edouard Philippe ne souhaite guère que la France soit le dernier État de la zone euro à être considéré en situation financière difficile. Certes, les derniers évènements en Espagne pourraient placer ce pays en difficulté mais, au regard de la croissance dont il bénéficie depuis trois ans et des mesures prises, il devrait néanmoins sortir de la procédure de déficit excessif.
Cette année, grâce à une croissance de 1,8 %, le déficit public français pourrait être de 2,7 /2,9 % du PIB. La diminution des prélèvements obligatoires prévue en 2018 sera mise en avant tout comme la réforme du droit du travail.
La Commission de Bruxelles reste attentive à la situation française. Elle est demeure inquiète face à l’évolution de la dette publique qui ne devrait diminuer qu’à partir de 2020, ce qui représente un décalage de 3 ans par rapport aux engagements pris. Malgré tout, le Commissaire européen aux affaires monétaires et financières, Pierre Moscovici, a déclaré mercredi 4 octobre qu’il avait de « très bons espoirs » que la France sorte de la procédure européenne de déficit excessif en 2018. Néanmoins, cette sortie nécessitera une négociation avec Bruxelles d’autant plus que Pierre Moscovici a jugé les efforts structurels programmés par le gouvernement trop faibles. L’éventuelle sortie pourrait intervenir au printemps 2018.
Le commissaire européen a souligné qu’une fois son déficit ramené sous la barre des 3 % du PIB, la France devrait poursuivre l’assainissement de ses finances publiques et qu’elle serait alors jugée sur ses efforts structurels. Les règles fixent un « rythme très important » de 0,6 point de PIB par an d’effort structurel pour les pays à dette publique élevée comme la France, soit beaucoup plus que les 0,1 point puis 0,3 à 0,4 point programmés par le gouvernement pour 2018 et le reste du quinquennat. Le Commissaire a admis qu’il y avait des possibilités de déroger à la marge à la trajectoire. Pour la France, la tolérance serait de 0,1 point.
La France pourrait donc neuf ans après y être entrée, sortir de la procédure de déficit excessif. Néanmoins, entre temps, la dette publique est passée de 68 à 97 % du PIB, soit une augmentation de presque 30 points. La réduction du déficit suppose l’obtention d’un excédent primaire durant de nombreuses années. La France restera donc, dans les prochaines années, très dépendante de l’évolution des taux d’intérêt et de la croissance. Une augmentation d’un point des taux d’intérêt, en réel, conduit, en effet, à une augmentation du service de la dette de 10 milliards d’euros sur trois ans.