7 avril 2018

Le Coin de la Conjoncture du 7 avril 2018

 

Le producteur peut-il reprendre le pouvoir ?

Les trente dernières années ont été favorables aux consommateurs qui ont pu accéder à un volume croissant de produits et de services à moindres coûts. La mondialisation est avant tout celle du consommateur. En effet, les mêmes biens sont désormais accessibles aux quatre coins de la planète. Ainsi, à New-York, à Paris, à Londres, à Berlin, à Shanghai, à Tokyo, à Dubaï, les mêmes grandes enseignent occupent les centres-villes. Dans les supermarchés, des produits standardisés sont accessibles.

Le consommateur a bénéficié tant de la libéralisation du commerce internationale que du développement des nouvelles techniques de l’information et de la communication. Les grandes marques communiquent à l’échelle mondiale en temps réel. Jusque dans les années 80, les lancements des produits étaient échelonnés dans le temps. Il n’était pas rare que des produits ne soient réservés qu’à certains pays. Ainsi, les touristes étrangers allant aux États-Unis ou au Japon achetaient de nombreux biens technologiques qui n’étaient pas vendus dans leur pays d’origine. Le passage à la douane était alors toujours un moment un peu difficile. Aujourd’hui, les produits d’Apple sont vendus en ligne et accessible à tous. Internet a également accru la concurrence en générant de nouveaux modes de distribution. La vente en ligne s’est imposée aux côtés des commerces de détail et des grandes surfaces. Les plateformes collaboratives ont permis à tout un chacun de passer en un clic de consommateur à producteur. Le digital avec ses coûts marginaux nuls ou quasi nuls a contribué à révolutionner les rapports entre les consommateurs et les producteurs. Le « gratuit » a envahi des pans entiers de l’activité, la musique, les encyclopédies, l’information.

L’émergence des pays d’Asie a profondément modifié les rapports de force entre producteurs et consommateurs. En disposant de capacités de productions importantes et en bénéficiant de faibles coûts de main d’œuvre, les entreprises chinoises ont pesé sur les prix des produits industriels. Les importations des pays de l’OCDE en provenance des produits émergents (hors Russie et hors OPEP) sont passées de 2 à 7 % du PIB de 1993 à 2017. La balance commerciale qui était équilibrée en 1993 est devenue déficitaire de plus de 2 % du PIB en 2017. Le coût salarial entre ces pays et les pays de l’OCDE est dans un rapport d’un à deux.

Les gouvernements ont favorisé le consommateur en libéralisant le commerce international dans le cadre du GATT puis de l’Organisation Mondiale du Commerce. La création du marché unique européen s’inscrit également dans ce processus. La mise en œuvre de la monnaie unique européenne en supprimant le risque de change a également été favorable aux consommateurs. L’indice de réglementation des biens calculé par l’OCDE est en recul net de 1998 à 2013 au sein de la zone euro (baisse de 50 %) et au Japon (baisse de 40 %). Aux États-Unis et au Royaume-Uni, le processus de libéralisation est intervenu plus tôt dans les années 80.

La mondialisation a amené une diminution des prix pour de nombreux manufacturés, pour et pour le textile. Les services n’échappent pas à la règle avec la pression à la baisse, par exemple, des prix des abonnement à Internet. Le consommateur a bénéficié de baisse de prix sensibles en matière de vêtements, de biens électro-ménagers, au niveau des transports.

La réduction des taux d’intérêt a également réduit les charges d’emprunt supportées par les ménages. Ces derniers en ont profité pour renégocier leurs prêts immobiliers. De nombreux particuliers ont ainsi amélioré leur pouvoir d’achat de plusieurs milliers d’euros. Logiquement, un emprunt est un contrat liant un établissement bancaire avec une personne morale ou physique courant sur une durée déterminée. La renégociation du prêt en change les règles avant son terme, ce qui démontre que le consommateur peut imposer, en partie, sa loi sur le producteur.

La priorité donnée au consommateur individuel s’exprime également par la remise en cause de la mutualisation en matière de protection sociale et par la segmentation des marchés. En protection sociale, la remise en cause des clauses de désignation (Une clause de désignation est une disposition prévue dans un accord de branche en vertu de laquelle les entreprises relevant de la convention collective concernée doivent retenir l’organisme d’assurance retenue pour la gestion des couvertures prévoyance, santé, retraite, etc.) s’inscrit dans une logique individualiste. La couverture sociale par branche professionnelle permettait de rassembler petites et grandes entreprises, certaines ayant des salariés âgés et d’autres dont l’âge moyen du personnel est moins élevé. En donnant la possibilité à chaque entreprise de choisir son assureur, les forts, les biens portants gagnent en liberté et peut être en coûts mais au détriment des entreprises dont le niveau de risques est plus élevé.

Le primat du consommateur est également manifeste en matière d’assurance de personne. Ainsi, la possibilité de changer d’assureur emprunteur vise à diminuer les prix mais de manière assez inégale, les clients en bonne santé physique et financière l’emportant sur les autres. De même, au nom de la portabilité, la faculté de changer d’assureur pour les produits retraite au moment de leur liquidation en rente que le Gouvernement entend inscrire dans la loi PACTE obéit à la même logique consumériste individualiste.

La préférence donnée au consommateur s’est-elle effectuée au détriment du producteur ou du moins de celui qui n’arrive pas à avoir la masse critique pour s’internationaliser ? Depuis une vingtaine d’années, à l’exception des entreprises américaines et asiatiques de la haute technologie, peu d’entreprises de taille moyenne parviennent à s’internationaliser. Cette préférence pour le consommateur aurait pesé sur les capacités d’investissement dans le secteur industriel où la concurrence a conduit à d’importantes baisses des prix. Au sein des pays de l’OCDE, l’emploi industriel a reculé en 25 ans de 20 à 40 %.

Cette préférence donnée au consommateur a également des incidences sur les modalités d’attribution des gains de pouvoir d’achat. Ầ la différence des 30 Glorieuses, les gains de pouvoirs d’achat sont désormais le résultat de la baisse des prix des biens et non la conséquence des augmentations de salaire. Ce changement de paradigme est mal appréhendé par la population.

La montée des populismes au sein des pays avancés avec notamment la politique économique et commerciale de Donald Trump marque-t-elle une rupture par rapport à ce mouvement favorable aux consommateurs ou une simple inflexion ? Nul n’imagine une démondialisation synonyme à un retour à la situation qui prévalait au début des années 80. L’économie s’est structurée depuis trente ans sur l’éclatement des chaines de production, sur une interdépendance économique des différentes zones économiques. Le processus de mondialisation est certainement arrivé à son terme. Il peut y avoir du fait de l’augmentation des salaires au sein des pays émergents des délocalisations au sein de pays ayant des coûts de main d’œuvre plus faibles, voire même des relocalisations en occident accompagnées d’une automatisation poussée de la production. Le défi à relever n’est pas celui de la mondialisation mais celui de la digitalisation. En effet, elle pourrait si elle ne s’accompagne pas d’un repositionnement d’une part non négligeable de la main d’œuvre, par la disparition de nombreux « producteurs ». Pour des penseurs de gauche mais aussi libéraux comme Laurent Alexandre ou Gaspard Koenig, l’instauration d’un revenu universel marquerait la victoire définitive du consommateur sur le producteur.

 

L’Europe, plaque tournante commerciale

Le Commerce international est dominé par trois ensembles : l’Union européenne, les États-Unis et la Chine. Ces trois ensembles réalisent de nombreux échanges croisés. La Chine qui est le 1er exportateur mondial joue un rôle central. Malgré tout, l’Europe demeure la principale place commerciale mondiale avec plus de 500 millions d’habitants au pouvoir d’achat élevé. Les échanges commerciaux sont importants autant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la zone. Les chiffres des balances commerciales de 2017 soulignent la force de l’intégration des États membres au sein de l’Union et expliquent toute la difficulté d’une sortie.

En 2017, les États-Unis demeurent le 1er partenaire commercial pour l’Union européenne, avec 631 milliards d’euros d’échanges (soit 16,9 % du total du commerce de biens de l’UE). Ils devancent la Chine (573 milliards d’euros d’échanges, soit 15,3 %). Loin derrière figure la Suisse (261 milliards d’euros, soit 7,0 %). Au regard de la taille et de la population de ce pays, ce montant est néanmoins très important. La  Russie, malgré les embargos arrivent en 4e position avec 231 milliards d’euros, soit 6,2 % des échanges. Les 5e et 6e positions sont occupées par la Turquie (154 milliards d’euros, soit 4,1 %) et le Japon (129 milliards d’euros, soit 3,5 % des échanges).

Après avoir enregistré une baisse significative et quasi-continue jusqu’en 2011, la part des États-Unis dans le total des échanges de biens de l’Union a augmenté pour atteindre près de 18 % en 2015 et en 2016, avant de diminuer à nouveau légèrement en 2017. L’appréciation de l’euro et le léger ralentissement de l’économie américaine peuvent expliquer cette évolution.

La part de la Chine a, quant à elle, quasiment triplé depuis 2000, passant de 5,5 % à 15,3 % en 2017.

Le poids de la Russie dans le total des échanges de biens de l’UE a diminué depuis 2012, passant de près de 10 % à environ 6 % en 2016, avant d’augmenter légèrement en 2017. Les embargos liés à la crise en Ukraine et à l’annexion de la Crimée expliquent cette contraction. Il est à noter que les États-Unis ont maintenu voire légèrement accru leurs parts de marchés en Russie durant la même période.

Pour sa part, La part du Japon a diminué de plus de la moitié depuis 2000, passant de 7,5 % en 2000 à 3,5 % en 2017. Le Japon est de plus en plus concurrencé par la Chine et la Corée du Sud pour les biens électroniques et informatiques.

En 2017, les machines et matériels de transport, les autres articles manufacturés ainsi que les produits chimiques ont constitué les principales catégories de produits échangés par l’Union avec le reste du monde.

Pour un très grand nombre de pays européens, le premier partenaire commercial est membre de l’Union. En règle générale, il s’agit de l’Allemagne. Ainsi, la République tchèque réalise 33 % de ses exportations vers l’Allemagne, pour l’Autriche29 %, pour la Hongrie 28 % et la Pologne 27 %.   En revanche, pour l’Allemagne tout comme pour le Royaume-Uni et l’Irlande, les États-Unis sont les premiers partenaires. Pour Chypre, ce rôle est assuré par la Libye ; pour la Lituanie, il s’agit de la Russie.

Les pays exportant le plus au sein de l’Union européenne sont la Slovaquie (86 % de ses exportations réalisées au sein de l’Union), le Luxembourg et la République tchèque (84 % chacun) et la Hongrie (81 %). À l’autre extrémité de l’échelle, Chypre (37 %) et le Royaume-Uni (48 %) étaient les seuls États membres à avoir exporté davantage de marchandises vers des pays tiers qu’au sein de l’Union européenne.

En 2017, les 28 États membres de l’UE ont importé au total pour 5 131 milliards d’euros de biens, dont 3 276 milliards d’euros (soit 64 %) en provenance d’un autre État membre de l’Union (commerce intra-UE). Plus des trois-quarts des importations de biens provenaient d’un autre État membre de l’Union au Luxembourg (83 %), en Estonie (81 %), en Slovaquie (80 %), en Lettonie (79 %), en République tchèque et en Croatie (78 % chacune), en Autriche (77 % ainsi qu’au Portugal, en Hongrie et en Roumanie (76% chacun). En revanche, les Pays-Bas (46%) étaient le seul État membre dont moins de la moitié des importations était originaire de l’Union, notamment en raison de « l’effet de Rotterdam »

Comme pour les exportations, pour chacun des Etats membres, le principal partenaire pour les importations de biens en 2017 a été un autre membre de l’Union européenne, à l’exception de la Lituanie, pour laquelle la Russie a été le principal pays d’origine des marchandises importées, et des Pays-Bas (Chine). Dans sept États membres, plus de 25 % des importations de biens provenaient en 2017 d’un seul pays partenaire: Autriche (42  % des importations de biens provenant d’Allemagne), Luxembourg (32 % de Belgique), Portugal (32 % d’Espagne), République tchèque (30 % d’Allemagne), et Irlande (29 % du Royaume-Uni). Dans l’ensemble, l’Allemagne était l’une des trois premières origines des marchandises importées pour tous les États membres de l’Union, à l’exception de l’Irlande et de Chypre. En ce qui concerne les échanges avec les pays tiers, le principal pays d’origine des biens importés dans l’Union en 2017 est resté la Chine (20 % de l’ensemble des importations extra-UE), suivie des États-Unis (14 %) et de la Russie (8 %).

Les machines et les matériels de transport ont continué de jouer un rôle majeur dans le commerce de biens de l’Union avec le reste du monde, représentant 42 % du total des exportations extra-UE et 32 % des importations. Les autres articles manufacturés (23 % des exportations extra-UE et 26 % des importations extra-UE) ainsi que les produits chimiques (18 % des exportations extra-UE et 10 % des importations extra-UE) ont également joué un rôle important dans le commerce de marchandises de l’UE en 2017. Les combustibles minéraux n’ont quant à eux constitué qu’une faible proportion des exportations extra-UE (5 %), mais ont compté pour 18 % des importations.