Le Coin des tendances du 8 septembre 2018
Viande, « je t’aime moi non plus »
La consommation de viande est en recul. En 12 ans, elle aurait baissé de 12 %. En 1996, la crise des vaches folles a créé une rupture. Les achats de viande s’étaient repliés de plus de 25 % durant le printemps de cette année-là. Elle met fin à une longue progression de la consommation amorcée au moment de la première révolution industrielle. Ainsi, la production de viande en France destinée à la consommation est passée de 20 kilogrammes équivalent carcasse par an et par habitant en 1788 à 25 kilogrammes en 1850, puis 40 kg au début du 19e siècle pour atteindre plus de 60 kg dans les années 60. Cette augmentation a été rendue possible par une réduction relative du prix de la viande, en particulier pour le porc et la volaille. Les prix de la viande de bœuf ont fluctué à la baisse et à la hausse durant cette période. Ainsi, entre 1950 et 1980, la viande de bœuf a connu une hausse de son prix de 20 % supérieur à l’indice des prix quand la viande de porc a baissé de 11 % et celle issue de la volaille de 46 %. Du fait de la progression du pouvoir d’achat des ménages de 1960 à 1980, la consommation de viande bovine a néanmoins progressé, en moyenne, de 1,6 % par an et par habitant.
L’augmentation de la consommation de viande suit dans tous les pays le développement économique. Plus chère à produire que les végétaux, la viande suppose l’existence d’une demande solvable. Les pays émergents vérifient cette loi. Les nouvelles classes moyennes privilégient la viande au détriment des aliments d’origine végétale. A contrario, dans les pays industrialisés, la consommation de viande est remise en cause tant pour des raisons de santé publique que pour des raisons écologiques. Avant même la survenue de la crise de la vache folle, une stagnation de la consommation était constatée en France. La crise a certainement accéléré le changement d’habitudes alimentaires. Les Français ont réduit la viande rouge au profit de la volaille et, de manière accessoire, du poisson. La consommation de la viande est également remise en cause par les modifications des rythmes de vie. Le nombre de repas pris à l’extérieur du domicile s’est accru fortement ces trente dernières années. Les plats à emporter, les salades, etc. comportent moins de viande que les plats faits à domicile. Ce constat ne concerne pas les jeunes générations qui achètent des burgers en quantité importante.
Près de la moitié de la population (47 %) considère que la consommation de viande est trop importante, 31 % pensent « qu’en produire est néfaste pour l’environnement », 25 % que manger de la viande « augmente le risque de certains cancers », et 23 % que c’est « un aliment qui apporte de mauvais nutriments » (trop gras, trop de protéines).
La consommation a reculé de 19 % au sein des catégories socioprofessionnelles supérieures (cadres et professions libérales). Les ouvriers ont également diminué leur consommation de 15 %. Ce recul peut s’expliquer par l’évolution des prix mais aussi par le fait qu’ils étaient les premiers consommateurs quand, dans les années 90, la baisse avait surtout concerné les cadres et professions libérales (-40 %).
Les 55-64 ans restent les principaux consommateurs de viande (bœuf, veau, agneau, etc.). Les plus jeunes se trouvent davantage dans le cadran des aliments modernes et sucrés, alors que les plus âgés restent fidèles aux aliments traditionnels et se différencient moins sur l’axe salé-sucré. En 2018, 35 % des Français déclarent avoir limité leur consommation de viande (source : enquête CAF 2018). Cette proportion est de 43 % chez les cadres et professions libérales. Selon une étude de 2016, 1 % de la population déclarait ne pas avoir mangé de la viande au cours d’une semaine contre 0,3 % en 2007. Ce 1,0 % peut correspondre à des individus qui sont soit végétariens soit « flexitariens ».
En 2016, les 18-24 ans sont les plus grands consommateurs de produits carnés (ingrédients carnés, charcuterie, volaille, viande de boucherie, etc.), à la fois en quantité et en nombre de prises sur une semaine. Cette prévalence tient à la part significative de produits transformés dans leur alimentation du fait d’une consommation plus importante de sandwichs, sodas, pizzas que de fruits et légumes.
La viande est de moins en moins consommée en directe. Ainsi, la part des produits carnés contenus dans les sandwichs, hamburgers, plats préparés, etc., représentait 25 % des actes de consommation de produits carnés en 2007 ; elle est passée à 30 % en 2016.
La Chine à la conquête du monde ?
Les dirigeants chinois s’enorgueillissent du fait que leur pays, à la différence des autres grandes puissances économiques, n’a jamais eu d’ambitions coloniales ou impériales ; Ils soulignent que la Chine se range parmi les victimes du XIXe et du XXe siècles. Cet argument est mis en avant dans le cadre de leurs relations avec les pays d’Afrique. Mais, avec son impressionnant développement économique, la Chine est accusée depuis quelques temps de vouloir imposer sa loi en Asie voire au-delà. Si certains soulignent que la culture chinoise qu’elle soit confucéenne, taoïste ou marxiste-léniniste n’incite pas à la création d’un nouvel ordre mondial, d’autres mettent en avant la montée en puissance d’un nationalisme chinois dont la nouvelle route de la soie serait le symbole.
Le Président chinois, Xi Jinping, a placé la construction de la nouvelle route de la soie « the Belt and Road Initiative (BRI) », l’initiative pour la ceinture et la route, parmi les priorités de son pays pour les prochaines années. Ce projet fait référence à la route de la soie qui est un faisceau de pistes reliant la Chine à l’Ouest de l’Europe, il y a plus de 2000 ans.
La nouvelle route en reprend l’esprit mais en l’adaptant au XXIe siècle avec un objectif économique et géostratégique. Elle vise à relier à la fois par terre, mer et air la Chine aux pays consommateurs de ses produits et aux pays qui fournissent matières premières, produits agricoles et énergie indispensables à son économie. La Chine entend contrôler un certain nombre de points névralgiques de ces futures routes : ports, aéroports, zones de fret, câbles de communication, autoroutes, électricité.
Ce projet a un objectif intérieur, assurer le développement de régions périphériques de la Chine en proie à des contestations religieuses ou politiques (Tibet, Xinjiang). Il vise également à assurer la maîtrise des routes commerciales et à ne pas être dépendant des États-Unis. En prévoyant de nombreux investissements au sein des pays concernés, la Chine entend aussi se constituer des alliés. Selon CNN, ce projet englobera 68 pays représentant 4,4 milliards d’habitants et 62 % du PIB mondial. Les routes européennes devraient traverser le Kazakhstan, la Russie, la Biélorussie, la Pologne, l’Allemagne, la France, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. Les cartes chinoises indiquent que ce projet ne se limite pas à l’Europe. Il englobe l’Afrique et le Moyen Orient. Depuis peu, les autorités évoquent également une route de la soie du Pacifique », une « route de la soie sur glace » qui traverse l’océan Arctique et une « route de la soie numérique » à travers le cyberespace. La Chine finance une partie des investissements nécessaires à la bonne réalisation des routes mais demande aussi aux États d’y participer. Elle facilite les emprunts via la Banque Asiatique d’Investissement. Cette initiative inquiète des pays comme l’Inde ou le Vietnam mais aussi les pays occidentaux. L’année dernière, le Secrétaire américain à la Défense, James Mattis, a déclaré que « aucun pays ne doit se mettre en position de dicter ». En janvier, Emmanuel Macron a averti que la BRI « ne peut pas être la voie d’une nouvelle hégémonie qui fera que les pays traversés deviendront des États vassaux ». Plusieurs États asiatiques ou d’Europe centrale craignent que l’activisme de la Chine soit lié au recul actuel des États-Unis. Les déclarations de XI Jinping au 29e Congrès du Parti communiste de 2017 renforcent cette défiance croissante. Il avait ainsi déclaré « la Chine qui deviendra, en 2020, une société prospère globale, poursuivra sa modernisation socialiste, pour devenir d’ici le milieu du siècle une puissance mondiale de premier plan. Elle aura alors à guider la communauté internationale ». Le Président Xi Jinping aime à mettre en avant « la solution chinoise » et « la nouvelle ère mondiale commence ». La Chine entend promouvoir un monde la coopération et de l’inclusion sous son autorité (concept de tianxia).
La Chine souhaite occuper toute la place dévolue à une grande puissance économique. À cette fin, le pays est de plus en plus présent à la fois dans le Pacifique mais aussi en Afrique avec notamment l’ouverture de bases militaires comme à Djibouti. Les dépenses militaires sont en forte hausse. Elles s’élèvent à plus de 215 milliards de dollars, ce qui permet à la Chine de disposer du deuxième budget militaire mondial derrière les États-Unis (611 milliards de dollars) et de devancer la Russie (69 milliards de dollar). Pour mémoire, le budget français est de 38 milliards de dollars (7e rang mondial).
La culture et les médias sont les deux autres terrains sur lesquels la Chine entend également accroître son influence. 100 millions de personnes au-delà des frontières chinoises apprenaient en 2015 le mandarin contre 30 millions en 2006. Cet essor est lié au déploiement à l’échelle mondiale des Instituts Confucius qui ont pour principale mission l’enseignement de la langue chinoise. 500 instituts ont été ainsi créés dans 140 pays en moins de 15 ans dont 17 en France. Le poids de son réseau est désormais identique à celui de l’Alliance française qui compte 800 centres dans 132 pays. Il est supérieur à ceux du Goethe Institut et du British Concil. Aux États-Unis, les Instituts Confucius ont été critiqués car ils sont accusés d’être des outils de propagande, voire d’espionnage. Plusieurs universités ont rompu leur partenariat avec les Instituts au nom de l’indépendance académique. Comme la Russie, la Chine a décidé de créer des réseaux d’information au sein des grands pays occidentaux ou émergents. Plus de 5 milliards de dollars sont consacrés chaque année à la constitution de ce réseau. Les agences de presse Xinhua (Chine Nouvelle) et CCTV (Télévision Centrale de Chine) disposent de plus de 170 bureaux à l’étranger. Des chaines de télévision en langues anglaise et française ont été créées. Des programmes en 46 langues sont diffusés. La Chine cible tout particulièrement l’Asie et l’Afrique.
Quarante ans après la décision de Deng Xia Ping de faire le pari de la libéralisation économique, la Chine est en voie de retrouver son rang de première puissance mondiale, trois siècles après l’avoir perdu. Une parenthèse occidentale est peut-être en train de se refermer. Dans le passé proche, le passage de témoin pour le titre de première puissance mondiale s’est effectué entre pays de même culture. Ce fut le cas entre le Royaume-Uni et les États-Unis. Avec la Chine, la situation est un peu différente. Ce pays n’est pas une démocratie. L’État et le parti communiste contrôlent puissamment la vie économique et la société civile. La cohabitation entre deux grandes puissances de nature différente, la Chine et les États-Unis, est-elle envisageable ou peut-elle dégénérer ? Les liens économiques et financiers sont-ils suffisamment forts pour empêcher une montée aux extrêmes ? Possible ! L’isolationnisme américain est-il un repli imposé par les circonstances ou un choix de long terme ? Est-il la manifestation d’un déclin ou un retour aux valeurs traditionnelles du pays ? En fonction de la réponse, la Chine aura plus ou moins de latitude pour élargir son influence. Elle pourrait néanmoins trouver sur sa route un autre grand pays d’Asie, l’Inde qui pourrait également prétendre au rang de 1ère puissance mondiale à la fin du siècle.