3 novembre 2018

LE COIN DE LA CONJONCTURE du 3 novembre 2018

L’Europe face au risque de marginalisation

L’Europe a surmonté le terrible choc de la Seconde Guerre mondiale malgré une partition en deux blocs de son territoire. La compétition américano-soviétique a contribué sans nul doute à accélérer le redressement du vieux continent, du moins dans sa partie occidentale. Le Plan Marshall et la mise en place d’institution de coopération, l’Union Européenne de Paiement, la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier puis la Communauté Économique Européenne ont contribué à un essor sans précédent permettant de combler en partie l’écart de développement avec les États-Unis. La réunification du continent entre 1989 et 1991 après la chute du Mur de Berlin eut pu être à l’origine d’un nouvel élan. Or, l’Europe semble être alors sortie de l’histoire. L’Europe, berceau des grandes découvertes à la base des révolutions industrielles du XIXe et du XXe siècles, donne l’impression d’avoir épuisé son capital d’innovation. Les nouveaux domaines de croissance que sont le digital, les énergies renouvelables sont monopolisés par les firmes américaines et asiatiques. L’Europe se contente d’être un grand centre de consommation et en oublie d’être un lieu de production. De plus en plus contesté par le nationalisme et le populisme, l’esprit des pères fondateurs de la construction européenne ne porte plus.

L’Europe est aujourd’hui dépendante des États-Unis sur le plan militaire. Les dépenses militaires de l’Union européenne sont anormalement faibles au regard de l’influence et du passé des États qui la composent. Les pays de la zone euro consacrent en 2018 moins de 2 % de leur PIB à leur défense contre plus de 4 % pour la Russie, plus de 3 % pour les États-Unis et plus de 2 % pour la Chine. Depuis la chute du mur de Berlin, l’Europe a réduit son effort. La crise de 2008 a accentué cette tendance. Les dépenses d’investissement (équipement, renouvellement du matériel, capacités de projection) ont été réduites drastiquement. Une partie non négligeable de l’effort de défense européen est assumée par les États-Unis. Or, que ce soit sous Barack Obama ou sous Donald Trump de manière plus véhémente, l’administration américaine demande de plus en plus que les États européens prennent en charge le financement de leur défense.

Au niveau technologique, la zone euro a décroché par rapport aux États-Unis mais aussi par rapport aux puissances asiatiques. Ce retard s’illustre notamment en étudiant le stock de robots en proportion de l’emploi manufacturier. Le taux était, en 2018, de 6 % en Corée du Sud, de 3 % au Japon, de 2,2 % aux États-Unis et de 1,8 % en zone euro.

 

Depuis 2002, les investissements dans les techniques de l’information et de la communication progressent moins vite au sein de la zone euro que dans les autres grandes puissances économiques et leur niveau y est inférieur. Ainsi, de 2002 à 2017, aux États-Unis, le poids des investissements dans les TIC est passé de 0,6 à 2 % du PIB, de 0,8 à 1,1 % du PIB au Japon quand en zone euro, il ne s’élevait, en 2017, qu’à 1,1 % contre 0,7 % en 2002.

La zone euro se caractérise également par la faiblesse de la taille du secteur des nouvelles technologies tant en ce qui concerne la valeur ajoutée que l’emploi.

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Source : OCDE

Aux États-Unis comme au Japon, la crise de 2008 a entraîné un recul de l’emploi dans le secteur des nouvelles technologies de l’information et de la communication. En Europe, ce secteur occupe moins de 2,5 % des actifs contre 3,4 % aux États-Unis et 2,9 % au Japon. Les derniers résultats aux États-Unis semblent prouver une stagnation des effectifs.

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Source : OCDE

 

Les entreprises européennes peinent à se développer dans le secteur des TIC du fait de l’absence d’un marché unifié des capitaux. La barrière des langues et le maintien de spécificités sur chacun des marchés nationaux constituent autant de freins bloquant l’essor des start-up. L’Europe est également pénalisée par les défaillances de son système éducatif. Celui des États-Unis n’est guère plus performant mais l’enseignement supérieur continue à recruter les meilleurs éléments à l’échelle mondiale.

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Source : OCDE

Les résultats du Programme pour l’Évaluation Internationale des Compétences des adultes (PIAAC) qui évalue les compétences des adultes sont assez mauvais pour les principaux pays de la zone euro.

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Source : OCDE

 

L’effort de recherche est jugé trop faible en Europe pour lui permettre de concurrencer les États-Unis, le Japon ou la Corée du Sud. En partant de très loin, la Chine a réussi à doubler son effort de recherche en 14 ans. Le gouvernement chinois s’est fixé comme objectif de faire jeu égal avec les Américains sur les secteurs de pointe d’ici 2050.

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Source : OCDE

Au niveau des dépôts de brevets, l’Europe recule et est distancée très nettement par le Japon. La Chine demeure un acteur marginal en la matière mais progresse rapidement Du fait de l’importance de sa population, l’indicateur du nombre de brevets par habitant la dessert.

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Source : OCDE

 

La Commission européenne a placé la recherche, l’innovation et la formation au cœur de ses priorités au sein de son Agenda 2020. Mais, elle dispose de peu de moyens pour assurer la réorientation de l’économie des différents États. En outre, elle est contrainte de répartir ses moyens d’action sur l’ensemble des États membres, ce qui entraîne un saupoudrage financier. Une plus grande coordination des politiques nationales et une harmonisation des pratiques fiscales et l’émergence d’un véritable espace financier de la zone euro seraient à même de favoriser le développement des entreprises de pointe en Europe.

Matières premières, toujours plus

À en croire le dernier rapport de l’OCDE sur les matières premières, il faut investir dans ce domaine. En effet, leur utilisation devrait doubler à l’échelle mondiale d’ici 2060. L’augmentation du niveau de vie d’un nombre croissant d’individus, le développement rapide de certains États, en particulier en Afrique, s’accompagneront d’un besoin croissant de matières premières et énergétiques, ce qui exercera sur l’environnement une pression deux fois plus forte qu’aujourd’hui.

Selon l’OCDE, l’utilisation mondiale de matières premières se montera à 167 gigatonnes en 2060, contre 90 gigatonnes actuellement. Pour réaliser sa simulation, les équipes de l’OCDE ont retenu une population de 10 milliards d’habitants avec un revenu annuel moyen de 40 000 dollars.

Sans modification systémique, l’accroissement prévu de l’extraction et du traitement de matières premières telles que la biomasse, les combustibles fossiles, les métaux et les minerais non métalliques accentuera le réchauffement climatique et conduira à une aggravation notoire de la pollution de l’air, de l’eau et des sols. Malgré tout, l’OCDE estime que la diminution progressive des activités manufacturières au profit des activités de services et l’amélioration permanente de l’efficience de l’industrie devraient permettre une moindre consommation de ressources par unité de PIB.

Consommation des matières premières en gigatonnes

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Source : OCDE

En masse, les produits minéraux non métalliques comme le sable, les graviers, le calcaire et les roches concassées représentent plus de la moitié de la totalité des matières utilisées aujourd’hui. Le secteur du recyclage, qui représente un dixième du poids du secteur minier dans le PIB, devrait gagner en compétitivité et se développer, mais il demeurera, dans les prochaines années, nettement plus faible que les activités d’extraction de matières premières. L’impact sur l’environnement mondial de l’extraction et de la production de sept métaux (fer, aluminium, cuivre, zinc, plomb, nickel et manganèse) et de matériaux de construction (béton, sable et graviers) sera important dans des domaines comme l’acidification, la pollution de l’air et de l’eau, le changement climatique, la demande d’énergie, la santé humaine et la toxicité de l’eau et des sols. À l’intérieur de ce groupe de métaux et de produits minéraux, le cuivre et le nickel ont tendance à afficher les impacts environnementaux par kilo les plus significatifs, tandis que le fer, l’acier et le béton ont les impacts les plus importants en termes absolus en raison des volumes utilisés. En l’absence de nouvelles mesures de réduction, l’ensemble des émissions imputables à la gestion des matières passera, selon le rapport, de 28 à 50 gigatonnes d’équivalent CO2 d’ici à 2060.

Si le risque de pénurie est à relativiser, même sur le sable ou les métaux rares, le coût de production et d’extraction peut connaître une forte augmentation. Par ailleurs, des pays comme la Chine ou la Russie disposeront de la capacité de peser sur la croissance mondiale du fait de leur poids dans la production ou l’extraction.